Deux mois s’étaient écoulés depuis mon jugement. Étant un Aizuyake, il n’était pas surprenant de savoir que la justice Konohajin s’était exécutée avec une efficacité et vitesse rare. Cela faisait trois mois que Seitô était mort, assassiné par la main d’Aburame Miko. Trois mois que j’avais perdu celui que j’aimais, et la douleur me semblaient aussi vive que l’instant suivant cette annonce par Kôhei.

Je soupirais, observant l’extérieur sombre. Il devait être proche de onze heures du soir, d’après l’emplacement de la Lune. Qu’était-il advenu du jeune Shinobi ayant reçu les enseignements du Sabakyô ? Je l’ignorais. Tout ce que je pouvais savoir, c’était qu’il me semblait légèrement dangereux de laisser en liberté, sans guide spirituel, un Ninja avec un tel potentiel et un tel enseignement. Et un tel désir de vengeance.

N’avais-je pas moi aussi, envie de faire payer Miko ? Elle qui avait tout détruit en un instant ? Une partie de moi entretenait ce désir de vengeance. Cet amer goût de trahison traînant dans ma bouche, et en travers de la gorge. Mais ce désir était atténué par la connaissance d’un fait important : Seitô projetait de quitter le Shôraizen une fois ce dernier mis en place.

Parce qu’il était un criminel aux yeux du monde, et que l’organisation se devait d’avoir un certain visage pour obtenir l’appui des membres de la Nation. Et qu’il était difficile de faire confiance à quelqu’un qui portait la réputation d’être un assassin sans cœur. Et bien qu’il incarnait l’idéal même d’un leader militaire, Seitô n’était pas aussi bon sur le plan diplomatique.

Poussant un énième soupir, le souffle chaud de ma pensée s’écrasa sur la vitre, laissant de la clairvoyance de la ville, qu’un voile blanc presque opaque. Et c’était ainsi que le Monde allait voir mon Amour perdu : tel un criminel sans-cœur. Je n’avais plus qu’à espérer que les personnes proches de lui se souviennent à quel point il était protecteur avec les siens, malgré ce masque de fer qui le séparait du monde.

Mais que faire aujourd’hui, maintenant que tout ce que nous avions construit c’était effondré ? Rester ? Pourquoi ? Pour qui ? Dans quel but ? Il n’y avait aucune réponse qui m’allait. Ce n’était pas en restant un Shinobi de Konoha que j’allais pouvoir porter la mémoire de Seitô et ses idéaux. Car oui, si officiellement, j’avais abandonné la cause, officieusement, j’étais encore un Aizuyake du Shôraizen. Mais j’avais analysé une énième fois la situation et avais compris que la méthode que nous avions utilisée n’était pas la bonne. Et aujourd’hui, j’allais agir seul.

Sortant du Quartier Yamanaka, je me dirigeais rapidement jusqu’à la tour de l’Hokage. Observant l’édifice dans l’ombre, j’utilisais mes arts sensoriels afin de prendre l’apparence d’un autre pour me diriger jusqu’aux archives secrètes, normalement accessibles uniquement aux Anbu et à l’Hokage, ou certains Jônin avec une autorisation particulière. L’unique raison de ma réussite résidait dans le fait que j’avais travaillé, vécu et longé ces couloirs un nombre incalculable de fois. Et qu’il m’était possible d’utiliser mes pouvoirs de Yamanaka couplé à mes arts sensoriels afin d’entrer dans la pièce et dans ressortir sans éveiller de soupçons.

Je passais la porte avec la mention « Bureau du Hokage – Section Archive et Document Secrets » dans un silence de mort. Sans perdre un instant, je me dirigeais vers l’index afin de prendre connaissance du numéro du dossier. Et quelques instants plus tard, je récupérais les dossiers intéressants avant de les ouvrir et d’en prendre connaissance.

Yamanaka Natsumi. Criminelle de rang A, voir S. Déserteur du village de la Feuille. À libéré Météora, et est responsable de l’extermination du clan Yamanaka. Diminution des effectifs du clan rattaché au village : 90% après l’utilisation d’un Kinjutsu ayant pour but de rendre immortel. Elle est supposée avoir acquis l’immortalité au moment des faits.

Le détail psychologique de Yamanaka Natsumi est disponible dans le document annexe ci-dessous. Les détails sur le Kinjutsu sont, quant à eux, disponibles dans le registre approprié.

D’après les rapports des traques, la Nukenin se dirigeait vers l’ouest après avoir commis son crime. Arrivant à Kawa no Kuni, nous avons perdu sa trace au sein de la Mégalopole. La désertion subite de Sabakyô Seitô obligeant l’abandon de la surveillance, la cible est actuellement introuvable.

J’entendis soudainement la porte derrière moi s’ouvrir, et un chakra tout aussi puissant que familier s’arrêter au pas de la porte. Nul doute que je savais de qui il s’agissait, et qu’elle devait savoir qui j’étais aussi.

« Malgré toutes les précautions que j’ai prises, j’ai l’impression que vous avez toujours un coup d’avance. Nul doute que vous méritez votre titre de Hokage, Aburame Miko. »

Ma main posée sur l’étagère en face de moi, je me retournais doucement, affichant un sourire amical, contrastant avec le ton froid et neutre de ma voix. Le vouvoiement n’étant ici plus un signe de prise de distance que de respect pour mon ex-soeur du Shôraizen.

« Me voilà, dans les Archives recensant toutes les informations sensibles que Konoha possède. Kinjutsu y comprit. Et vous voilà, à me surprendre en train de fouiller illégalement. Quelle justice comptez-vous appliquer cette fois à un de vos anciens frères d’Arme Miko ? »

Quelle justice comptait-elle appliquer ? Peut-être s’attendait-il à un traitement de faveur étant donné leur appartenance commune à l’organisation qui avait causé bien des soucis à Konoha.

La mort tout simplement, étant donné que le pardon vous a déjà été accordé par le passé, Hiriko.

Ahlala. Quel humour. Les rôles étaient à présent redistribués. Un temps son supérieur, il était désormais sous son autorité, et à l’image des autres anciens membres du Shoraizen il était encore en période probatoire.

Je m’étonne que vous preniez de tels risques si peu de temps après votre retour au village. J’aurais pensé qu’après votre reddition, vous auriez fait profil bas plus longtemps afin d’être un modèle d’intégration pour vos anciens membres.

Qu’Hiriko soit reconnu ennemi public et cible à abattre prouverait la faille du procès qui l’avait innocenté et décrédibiliserait tous ceux auxquels s’étaient soumis ces hommes et femmes qui tâchaient de reprendre leurs anciennes vies. Même si les Konohajins avaient été sceptiques dans leur ensemble, des familles s’étaient recomposées et même si les conflits subsistaient encore, la rancœur allait diminuante. Seul le clan Hyô restait particulièrement virulent et méprisant vis-à-vis des anciens déserteurs.

D’un côté il était facile de les comprendre : le chef actuel, un individu acariâtre, avait vu son fils partir et emmener avec lui les trois-quarts de son clan, apportant ainsi honte et déshonneur sur l’ensemble des Hyô Konohajins qui avaient fui leur quartier désert jusqu’à ce que le clan Gekei le reprenne. Un embarras qui subsistait encore. Elle avait conversé avec ce Masaru. Dédaigneux au possible, il s’était vanté de l’instauration d’une branche secondaire composée des anciens nukenins dans le seul but de les rabaisser, et avait campé sur ses positions. Elle le savait, elle aurait à veiller au grain avec cet homme aux commandes, mais ne pouvait qu’attendre que le temps passe et que les plaies se cicatrisent.

Mais éclairez-moi, quels fichiers vous intéressaient tant que ça pour valoir la peine de discréditer votre bonne foi ?

Toujours dans l’encadrement de la pièce, elle attendait ses réponses.

Le pardon. C’était un mot qui sonnait étrange pour l’homme qu’étais devenu Hiriko. Une chose qui lui semblait bien étrange dans ce monde… Lui avait-on accordé ? Ce n’était pas réellement ce qu’il pouvait ressentir, non. Il était devenu un être rongé par la culpabilité : celle de n’avoir ni pu sauver ses parents, son petit frère, son premier amour et ni-même le second malgré son intelligence et sa perspicacité.

Main sur l’étagère, le presque trentenaire fixait la femme qui avait atteint son titre par le sang, comme la plupart des Ninjas de ce monde. Être un modèle d’intégration ? Hiriko lâcha un léger soupir, avant de reprendre juste derrière celle qui était désormais sa supérieure hiérarchique. Officiellement, tout du moins.

« Vous qui avez tué un homme qui avait pourtant placé sa confiance en vous, vous n’avez donc pas pensé aux conséquences que cela pouvait engendrer ? Seitô était un leader d’un idéal, c’est certain. Mais c’était aussi quelqu’un qui avait réussi là où aucun n’avait réussi : réunir une grande majorité de Shinobis d’horizons très différents. Travaillant ensemble pour réussir un même objectif. Vous pouvez le voir comme un être monstrueux, mais il a sacrifié bien plus que n’importe qui pour voir un jour ce monde changer. Ses méthodes n’étaient peut-être pas les plus acceptables, mais il était prêt à tout pour ce village. Quitte à devenir un ennemi et à voir son nom et celui de son clan salis à jamais. »

Il laissa le silence prendre le dessus, avant de le rompre aussitôt.

« Maintenant qu’il n’est plus là. Que son héritage a disparu dans les personnes d’Hyô Matawa et Hyô Kôhei. Que le Shôraizen n’existe plus que dans les mémoires. Maintenant qu’il n’y a plus personne pour reprendre son idéal, et que le mal est fait. Pensez-vous sincèrement que je trouverais le pardon dans votre jugement ? Peut-être que tous pensent que mes crimes sont pardonnés, mais je ne peux voir mon repentir dans un bout de papier. »

Sa main se déplaça sur l’étagère, avant qu’il ne récupère un rouleau contenant le sceau de son clan : les Yamanaka.

« De nombreuses techniques et secrets de Konoha sur différents Kinjutsu sont présents dans la plupart de ses rouleaux. Je vais m’en servir, et détruire cette paria qui m’a enlevé ma famille. Je vais mettre fin à l’existence de Yamanaka Natsumi. Et ainsi, je gagnerai mon propre pardon. »

Je m’avançais vers elle, en lui tendant le rouleau correspondant.

« A l’intérieur se trouve les informations concernant la technique que cette femme a utilisée lors de cette fameuse nuit. Nous effectuons tous des choix dans notre vie. Voici le mien. Quel est le vôtre ? »