Je patientais sagement dans ma chambre, attaché de tout part. Il fallait avouer que j’avais littéralement eu un trou noir lorsque l’on m’avait mis dans un hôpital pour un rapide « check up ». Il semblerait que j’ai complètement déliré, et je m’étais pris à certains personnels médicaux. Heureusement, on avait mis mon comportement sur le compte d’une intense fatigue, de la fièvre et également dû à une captivité d’une très longue durée.

- Monjara Shinji, l’actuelle chef du clan va venir … vous parler, annonça une personne attribuée à ma garde.

Il semblerait qu’ils ont trouvé l’idée de m’assigner à résidence bien plus pertinence que de m’assigner dans une chambre d’hôpital. Un Monjara apte à se démembrer – et à donc à s’échapper par x et y manière – était sacrément complexe à retenir, à moins de l’enfermer dans une capsule ou dans une cellule sous terre et exiguë.

Soudain, la porte de la chambre militaire attribuée s’ouvrit. Je tendis mon cou que je pouvais pour voir le nouvel arrivant. Clairement un Monjara au vu de la pâleur de la figure et aussi … d’un point de vue faciès. On se ressemblait, globalement, au sein d’un clan. Ne cherchez pas trop la raison, et surtout ne vous penchez pas trop sur l’arbre généalogique. Je me rappelle avoir eu un petit malaise lorsque j’avais fait une petite étude par curiosité sur les clans en général. La consanguinité favorisait la transmission des pouvoirs. Enfin, dans le cas d’un Monjara, on avait davantage une jolie petite pépine, on était ainsi moins consanguin. En théorie.

- Salut.

J’attendais ensuite. J’observais d’une façon bien neutre. Je cherchais à reconnaître le visage. Il me disait quelque chose, ce gars si bien habillé. D’ailleurs, je venais de me souvenir que c’était une coutume chez les Monjara d’être sur le 36.

- Ma mission a clairement échoué.

Je disais l’évidence, mais je disais malgré tout. J’avais comme mission d’infiltrer un groupuscule, et pour une raison inconnue, ces types avaient deviné nos identités et nos mouvements. On avait été débusqué par ces hommes. Certains tués, certains vendus, certains enfermés et torturés …

- Je n’ai rien dit. M’enfin … Je doute que ça a de l’importance.

Le temps avait passé. Beaucoup passé. Je ne reconnaissais plus les gardes à l’entrée, je ne reconnaissais plus les bâtiments, je ne reconnaissais plus mon cousin, je ne reconnaissais pas plus mon visage dans la glace. Le gars plutôt beau gosse et en excellente forme avait laissé place à un type malingre, aussi pâle qu’un cadavre, avec un air tantôt de jouvenceaux, tantôt de jeune adulte. Il ne semblait pas avoir eu le temps de vieillir, concrètement.

D’ailleurs, on avait également recouvert tout miroir. J’avais apparemment encore du mal avec mon reflet.

Comme à mon habitude depuis maintenant de nombreuses semaines, j’étais dans mon bureau de bras gauche et ministre, remuant toute la paperasse qui s’était accumulé depuis mon départ de Kumo pour effectuer une mission avec Hakushi Yui. J’avais assisté à la métamorphose d’une jeune femme. Lors de notre première rencontre, elle était certes, timide, mais présentait déjà le potentiel d’une vrai kunoichi. Maintenant, elle m’a clairement montré qu’elle c’est s’affirmé en tant que ninja et n’a pas peur de prendre des décisions et d’agir en conséquence. Malgré une mission rude, elel avait su se montrer à la hauteur et c’était là, le principal. Même si j’étais heureux d’avoir pu aider l’Hakushi dans son évolution, il faut bien avouer que la montagne de papier me faisait soupirer. Mes fonctions au sein de Kumo me transformait en un simple bureaucrate isolé, alors que ma fonction première et d’aller vers les gens pour discuter. Je me sentais parfois comme prisonnier dans mon propre bureau, mais après tout, c’est pour le bien de Kumo.

Néanmoins, un élément vint rompre ce silence monacal qui était perturbé que par le bruit d’un crayon sur du fin papier. En effet, un messager frappa à ma porte pour m’alerter d’une nouvelle réjouissante. Cela faisait maintenant des années qu’Otenba avait envoyé quelques Monjara expérimentés sur une mission dangereuse. Leur but était d’infiltrer un groupuscule nuisible. Depuis tout ce temps, nous n’étions plus en contact avec notre groupe d’intervention et nous imaginions le pire. J’avais étudié les quelques rapports concernant cette mission lors de ma nomination en tant que chef. Alors que cette histoire semblait enfouie profondément, un homme a resurgit. Monjara Reimei. Illustre Jônin de la foudre. On m’a indiqué qu’il était actuellement à l’hôpital de Kumo. J’indiquai, sans attendre, que je voulais le voir au plus vite. Il me fallait terminer un dossier et j’irai à sa rencontre.

Une heure s’était écoulé et j’étais en chemin pour l’hôpital. Pour ne pas prendre encore plus de retard sur mon travail, j’avais laissé un clone dans mon bureau pour qu’il s’occupe de tout cela. Il était de mon devoir, en tant que chef des Monjara de me déplacer en personne. Très vite, on me conduisit à sa chambre lorsque je pénétrais le dispensaire. Le personnel médical me suivit lorsque j’entrai dans la chambre du Jônin. J’observai alors un homme mince, fragile qui avait perdu de sa robustesse d’antan. La mine basse, la peau blanche, Reimei n’était pas dans un bon état. Il me salua froidement.

« Mes hommages Reimei. Content de te voir vivant et de retours parmi les tiens. Docteur, pouvez-vous tout de suite enlever ces sangles ? J’aimerais discuter seul à seul avec mon confrère et de préférences, en tant qu’homme libre ! »

Le médecin s’exécuta, retirant alors les différentes sangles et indiqua à son personnel de sortir de la pièce. Je me trouvai donc debout face à une pale silhouette qui m’indiqua, brut de décoffrage, que sa mission avait échoué. Il ajouta, dans la foulée, qu’il n’avait rien révélé. J’écoutai alors ses paroles tout en réfléchissant. Les sangles n’étaient pas là pour rien. Le Monjara avait sans doute du mal à revenir à une vie de Kumojin. Sa mission a dû être bien plus éprouvante que je ne l’imaginais.

« Le principal est que tu sois encore en vie. Je ne peux imaginer ce que tu as vécu, mais maintenant, tu es de nouveau chez toi. Néanmoins, désolé de remuer le couteau dans la plaie, mais j’aimerais que tu me décrives ce qu’il s’est passé lors de ta mission. Cela fait très longtemps que nous ne recevions plus de rapport de votre groupe et je préfère que nous parlions de ça maintenant pour ne plus avoir à en parler par la suite. »

« Libre ! Je suis libre Meirei ! » souria béatement, voire stupidement, le Monjara. Il se releva sans tarder pour s’étirer, et aller ouvrir les fenêtres – toutes – sans tarder. Il n’appréciait pas ces vitres : pourquoi mettre ce verre entre lui, et le monde « libre » ? Pourquoi s’enfermerait-il, encore ? Dès ce jour, plus jamais il ne finira entre quatre murs. O grand jamais.

Ajoutons à cela qu’il s’accrochait aux lèvres de ce Shinji avec … fascination. Ne voyez pas là une quelconque tentative de séduction, ou un quelconque début de « bromance ». Ce n’était là qu’un « homme » enfermé depuis une dizaine d’années, avec pour seul compagnon de cellule une souris. Il n’avait plus « vu » ou « entendu » parler autre que lui ces dernières années. Depuis sa libération, c’est la première chose qu’il faisait : fixer les lèvres, suivre les sons, et comprendre la synchronisation entre le mouvement des lèvres, le son et les mots. A une époque, il savait lire sur les lèvres ! Qu’il était frustrant de voir qu’il s’était rouillé.

Il ne répondit pas immédiatement, continuant à fixer étrangement Shinji. Finalement – et enfin –, Reimei percuta que c’était à lui de parler. Il se racla longuement la gorge – révélant inconsciemment qu’il réalisa tout cela plus par plaisir de s’entendre et d’interagir que par nécessité.

- J’ai déjà connu une cellule avant cette mission, se contenta de répondre avec neutralité Reimei. Ce n’était pas plus difficile. Il faisait juste plus noir.

Effectivement, on « sentait » bien que ces multiples enfermements aient porté des « fruits » : Reimei semblait hors d’atteinte de la moindre pression psychologique, même physique. Ses yeux dans les vagues qui n’exprimaient aucune émotion, ce cœur qui continuait à battre avec nonchalance, le corps vrillait par des cicatrices et fils implantés par force et douleurs et le manque de tout geste ou tic nerveux confirmaient l’observation faite.

- La mission était d’infiltrer un groupe criminel. Nous avions à disposition toutes les informations sur leur code, leur façon de faire ainsi que leur planque. Tout était bon pour infiltrer une base, comprendre leur but, et les arrêter. Tout avait été planifié avec minutie. La veille de notre infiltration, le groupuscule nous a débusqué, et nous a enfermés.

Qu’était-il arrivé aux autres ? Il ne savait pas. Etait-il triste ? Extrêmement. Le montrait-il ? Absolument pas. Il était un véritable morceau de marbre. La torture, la séquestration, la privation … Tout l’avait forgé.

- Je ne sais pas ce qui est arrivé à mes coéquipiers, finit-il son rapport.

Malgré, ne faisait-il pas un tantinet pitié ? Comment un génie de sa génération avait pu finir dans une telle condition ? Quelque chose clochait dans l’histoire, ou plutôt révélait la faille même du plan. Monjara Shinji le remarquera-t-il ?