Une semaine déjà que Luka avait "fêté" son anniversaire. Une semaine qu'elle avait raconté le même blabla stupide au vendeur de ramens du coin, qui l'avait une fois de plus écouté. Et il compatissait, simplement. Elle se sentait sale, honteuse. Incapable d'accomplir cette vengeance qu'elle ruminait, de faire fuir cette frustration qui lui bouffait le creux du ventre depuis toutes ces années. Ce qu'elle redoutait le plus, c'était que l'enfoiré qu'elle voulait massacrer de ses propres mains ne vienne à mourir et qu'elle reste dans l'ignorance. Qu'on lui vole ce geste qui ferait partir ce poids énorme de ses épaules. Elle avait pourtant tout tenté pour dégager cette gêne de son esprit. En passant du travail acharné au sommeil prolongé jusqu'à l'abus d'alcool, mais rien à faire. En plus de ça, elle se sentait vraiment devenir molle et inutile. Tout ce qu'elle avait appris lors de ses longues années au sein de Kiri, l'expérience de shinobi qu'elle avait acquise au cours de sa vie, et surtout pendant les batailles, s'envolait, pour laisser place à une existence vide de banale civile un peu marginale. C'est clair que les femmes de Senun n'avaient rien à envier à la petite blonde. Elle n'avait pas de travail fixe, pas d'homme fixe non plus, sa voix était détruite par la cigarette et l'alcool n'arrangeait en rien sa déprime constante. Ni même les nuits qu'elle passait chez de parfait inconnu. Elle se détruisait à petit feu, abandonnant peu à peu le but qu'elle s'était fixé. Elle en avait presque oublié le visage de ses parents qu'elle aimait pourtant énormément. Elle s'enfonçait jour après jour dans une brume épaisse qui allait finir par l'engloutir entièrement. Mais pas aujourd'hui.

Elle s'était levée avec la tête vide. Pour une fois depuis le début de la semaine, la jeune femme avait juste bien dormi. Elle ne se sentait pas bien à proprement parler mais elle ne se sentait pas mal non plus. Juste vide. Elle n'avait rien à faire aujourd'hui, pas de petit boulot, juste du temps pour elle. Les femmes du village pouvaient bien lâcher leurs commérages si ça les amusait, Luka n'avait pas besoin de travailler. Elle dépensait tellement peu d'argent qu'elle commençait à avoir de jolies économies et se permettait alors quelques jours de congés. Du coup... L'heure du réveil ? Midi. Pas étonnant qu'elle ne se sente pas mal. Reposée, sans contrainte, elle allait juste manger un morceau et... Et quoi ? Un petit coup d'oeil par la fenêtre pour se rendre compte du temps. Quelques nuages mais un joli soleil malgré la période. Après une courte réflexion, elle n'avait pas faim ni l'envie de se forcer à avaler quelque chose. Elle opta donc pour un bain chaud dans l'espèce de source chaude intégrée à la maison qu'elle louait, et alla s'habiller. Elle passa son après midi affalée sur une chaise longue, en plein milieu du balcon, à fumer clope sur clope et à regarder le ciel, les habitants passant dans les rues et la mer. Les bateaux de pêche allaient et venaient sous les ordres des différents capitaines et la vie semblait filer sous le nez de Luka comme un vieux film passé en vitesse rapide. Mais elle appréciait ça, voir les gosses courir, les gens s'activer, les cris de joie et les marchands tenter de vendre leur poisson. C'était plein de vie et c'était ce dont elle avait eu besoin pour combler ce vide qu'elle avait eu en se levant.

Elle finit par quitter sa chaise longue pour rejoindre son lit, sous lequel était caché un sac qu'elle récupéra. Elle le posa sur la couverture et l'ouvrit, regardant ce qu'il contenait. Son bandeau frontale, quelques armes aussi, des parchemins... Un léger sourire s'afficha sur ses lèvres et elle glissa un kunaï à la ceinture de son pantalon. Rien de plus. Elle quitta sa petite maison et sortit du village, l'esprit tranquille. Elle ne savait pas pourquoi elle était dans cet état, mais elle se sentait étrangement bien. Elle longea le bord de mer dans un silence presque religieux et finit par s'installer dans le sable, en tailleur. Ses yeux bleus défièrent l'océan qui devenait peu à peu orange à cause du coucher de soleil, avant de se fermer. Le bruit des vagues, des mouettes, du vent avait quelque chose d'apaisant. Elle tendit ses jambes devant elle, s'allongea sur le sable en bougeant légèrement ses doigts sur celui-ci pour profiter de la chaleur journalière qui y était encore inscrit, et activa sa détection de chakra. Elle voulait juste être certaine qu'elle ne serait pas dérangée... Mais le léger sourire qui flottait sur ses lèvres s'effaça d'une traite. Elle ne s'attendait pas, mais alors vraiment pas, à ressentir une source de chakra en approche. Pas aussi vite, pas aussi proche alors qu'elle se sentait si bien. Ouvrant les yeux, elle se redressa rapidement pour regarder derrrière elle. Il n'y avait encore personne, mais c'était bourré de chakra et ça se rapprochait. Le point rassurant, c'est que c'était à une allure normale. Ce qui n'empêche pas la jeune femme de posa la main sur le manche de son kunaï une fois qu'elle fut levée. Aucun des villageois de Senun n'avait de chakra aussi intense, c'était forcément un ninja. Rapidement, le cerveau de la blonde procéda par élimination. Kumo ? Impossible, pourquoi viendraient-ils s'en prendre à une nana qui se laissait vivre dans une ville portuaire sans importance ? Kiri ? Le ninja était seul. Un vagabond ? C'était la solution la plus probable et la moins dangereuse. Et elle était complètement à côté de la plaque.

Ce voyage lui paraissait parfois interminable, tant il avait parcouru une grande partie du globe en seulement quelques semaines. Il était en train d’accomplir une véritable boucle autour du monde, ayant eu pour point de départ son pays natal, celui de Mizu, avant de passer par d’autres terres qu’il n’avait, jusque-là, jamais foulé de ses pieds ! Nami, le Pays de la Vague, était maintenant marqué de son passage sanglant, lorsqu’il assassina les parents de l’un de ses camarades. Hi, le grand Pays du Feu qui accueille en son sein le premier village de l’Histoire, Konoha, avait été traversé discrètement. Kawa, le Pays des rivières, dans lequel le ninja masqué découvrit l’existence de la Mégalopole, un lieu dans lequel l’ivresse des jeux d’argent et de l’alcool régnait en maître et où réside cette mystérieuse et redoutable femme surnommée la « Grande Grue ». Son périple l’emmena ensuite à visiter d’autres pays comme Ki, Ame et Taki, avant de remettre les pieds sur deux terres entachées par de désagréables souvenirs…

Tout d’abord, il dut traverser les forêts moroses du Pays du Fer et la vue du paysage ne pouvait empêcher sa mémoire de faire ressortir quelques évènements du passé. C’était en ces lieux qu’il vit sa petite expédition virée au cauchemar lorsqu’il fut défait par un samouraï bercé d’illusion. Un homme qui croyait profondément en l’instauration d’une ère de paix, armé d’innombrable sabre et portant le nom de Katsuo Takusanken. La perte de cet affrontement le contraint ensuite à rester dans les geôles de Kumo pendant plusieurs mois ! Aujourd’hui encore, le membre du Youhei no Sekai n’avait pas remit la main sur cet être. Une perte de temps que seule la vengeance pourra rattraper…
A présent, il se voyait parcourir les vastes contrées du Pays de la Foudre, des lieux qu’on lui avait pourtant interdit de fouler à nouveau. Seulement, Kurasa n’était pas fou, il se montrait bien plus discret qu’à l’accoutumer, en tombant son fidèle sugegasa et en enfilant par-dessus sa tenue une nouvelle cape noire accompagnée d’une capuche.

Tentant de rester le plus secret et silencieux possible, il s’offrit même le luxe de s’arrêter au sommet du Mont Fûjin et observa ce puissant village plongé dans les Nuages. Les rafales soufflaient si fort que sa longue cape était prête à s’enfuir jusqu’au bout du monde, sa capuche se retira même, laissant sa chevelure noire voler au gré du vent. Le tout ne demandait qu’à partir, mais les yeux rouges sang du shinobi, eux, voyaient bien plus loin…
Quel genre de sentiment traversait Tenbatsu Kurasa à ce moment-là ? Très simplement, cela pouvait se résumer à de la haine ! La rancœur d’avoir passé de si long moment enfermé dans une cage ! D’avoir été traité comme du bétail par les forces Kumojins ! D’avoir été obligé de trahir ses camarades ! Au moins, il avait eut l’occasion d’allonger sa liste de cibles…
À cet instant, il ne pouvait qu’espérer que les nombreuses rencontres qu’il fit pendant ce voyage allaient lui permettre de réaliser sa grande ambition ! Kyu Goren, Aedran, Yoru, la Grande Grue et bien d’autres personnages encore sur lesquels il pensait pouvoir compter. En tous les cas, ses deux premières cibles étaient clairement définies. Retrouver la trace de Katsuo Takusanken et l’éliminer et anéantir le village de Kumo !

Faire preuve de patience, voilà ce qu’il se forçait à se répéter. Tout viendra en temps et en heure et pour le moment, il n’avait qu’une chose à faire : revenir à Mizu no Kuni. Il avait encore quelques importantes rencontres à y faire. Il renfila donc sa capuche et se dirigea en toute logique vers le village portuaire de Senun, là où il avait été emmené lors de sa libération, dans l’espoir de trouver un bateau prêt à naviguer vers l’archipel embrumé. Mais arrivé près de la plage, rien n’allait se dérouler comme prévu…
Il avançait toujours de son même pas lent, prenant le temps d’observer les alentours afin d’être certain que personne ne l’avait repéré. Seulement, une fois arrivé sur le bord de mer, il fut surpris de voir une jeune femme, debout, prête à dégainer d’une seconde à l’autre le kunai qu’elle portait à sa ceinture. Si elle était déjà en position de combat, c’est qu’elle avait ressenti le chakra qui émanait de Kurasa, cela faisait donc d’elle une kunoichi. De Kumo ? Vu son attirail, cela l’étonnerait beaucoup !
Mais l’expérience du ninja masqué lui dictait de se montrer prudent et bien qu’il continuât d’avancer en direction de cette inconnue, il se tenait prêt à se battre…

« Je vais être direct. Es-tu une shinobi de Kumo ? Si oui, tu devrais profiter des derniers instants qu’il te reste à vivre. Si non, j’ai besoin d’un bateau en partance pour Mizu no Kuni au plus vite. »

Pas un bruit mise à part le flot de l'océan qui s'agitait sous le vent naissant de la soirée. Et pourtant Luka faisait attention au moindre bruit qui l'entourait. Concentrée sur la personne qui s'approchait, n'importe qui pourrait arriver d'ailleurs et la prendre en embuscade. C'était de la paranoïa totale, mais elle n'avait pas d'autre moyen de réfléchir. Elle ne pensait pas les kirijin assez fous pour venir la chercher directement en terre ennemie, mais sait-on jamais. Avec tout ce qui se passait dans le monde, qui, aujourd'hui, pouvait encore se vanter de pouvoir prévoir les réactions de telle ou telle personne ? De tel ou tel pays. Après tout, les chercheurs de tête en quête de gloire et d'argent n'étaient pas si rares, et si Luka ne représentait pas un danger réel, elle restait une nukenin. Un statut bien bien discriminatoire lorsqu'on savait comment elle l'était devenue. Elle se considérait donc plus comme une réfugiée politique clandestine que comme une traîtresse à proprement parler. C'était Kiri qui avait commencé, elle avait sa conscience pour elle. En attendant, pas moyen de se reposer tranquillement dans ce foutu monde. Pour une fois que la douleur lui foutait la paix, qu'elle se sentait vide et calme, qu'elle pouvait prendre cinq minutes pour se reposer au bord de l'eau, il fallait qu'un invité surprise se pointe et gâche tout. Elle ne bougea donc pas, attentive à ce qui allait se présenter devant elle. Et c'était un homme... Assez grand, dissimulé derrière une demi-tonne de vêtements et dont les yeux étaient d'un rouge surprenant. Soit il venait d'une famille dont les gènes était on ne peut plus tordus, soit il fumait un peu trop. Elle se relaxa légèrement lorsqu'il prit la parole, haussant un sourcil sous ses mots un peu... Violents ? En trois secondes, elle venait de se faire un résumé de la vie de l'homme. Comme quoi, parler trop vite n'apporte rien. Statistiquement, et au vue de ce qu'il venait de révéler en à peine une phrase, il y avait 95% de chance pour qu'il soit un nukenin, et logiquement il y en avait 25 pour qu'il soit de Kumo, mais vu qu'il menaçait de la tuer alors qu'il venait à peine de la rencontrer elle ajouta 10% de plus. Mais elle pouvait se tromper...

La jeune femme retira lentement sa main de son kunaï pour finalement croiser les bras d'un air nonchalant, le regardant de bas en haut comme pour l'examiner. Elle laissa donc un petit rire s'échapper de ses lèvres, court mais significatif de ce que les menaces suivi de la requête de l'homme pouvaient bien lui faire. Autrement dit, rien. "Eh... Quand on a quelque chose à demander à quelqu'un, on le menace pas avant, sinon ça marche pas." répondit-elle de sa voix profondément cassée. Elle n'avait pas répondu à l'interrogation de l'homme concernant sa provenance provincale, et elle ne comptait pas le faire. Ce n'était pas ses affaires après tout. Elle semblait d'une nonchalance profonde et totalement blasée de cette arrivée qui venait de briser sa sieste. Mais elle était soulagée, au fond, que ce type ne soit pas là pour elle. Elle laissa ses fesses retomber dans le sable, ses mains atterrissant derrière son dos pour qu'elle ne s'étale pas par terre. Dans un petit soupire elle fit un geste de la main vers l'océan. "T'as l'impression de voir un bateau ou un port dans le coin ?" Son autre main fit le même geste mais en direction de Senun, la faisant ainsi volontairement s'étaler dans le sable, sur le dos, puisqu'elle n'avait plus d'appuie et ne comptait pas se servir des muscles de son ventre. Plus jem'enfoutiste, tu meurs. Pas une seule seconde elle n'avait été effrayée ou impressionnée par l'inconnu débarqué de nulle part. Sauf lors de son arrivé bien sûr, mais une fois l'éventualité d'un homme de kiri effacée, il n'y avait plus rien à craindre. "Le port est par la haut. Mais personne ne t'aidera, c'est une ville de pêche, à part des barques à poissons y a rien et les pêcheurs en ont besoin tous les jours." ajouta-t-elle. Ses yeux se promenaient sur le ciel oranger, mais la curiosité était pleine de frustration et elle ne put s'empêcher de la laisser prendre le dessus sur sa motivation à rester discrète. "Qu'est-ce que tu veux aller foutre dans ce pays ?" demanda-t-elle en abandonnant enfin le ciel pour poser ses yeux bleus sur l'inconnu. Elle se redressa, reprenant appuie sur ses mains. Elle avait posé une question, elle voulait réellement la réponse, et elle avait conscience qu'à paraître trop amorphe, trop nonchalante, elle prenait le risque de le voir partir sans qu'il ne réponde. Elle se redressa pour ne pas perdre son équilibre puisqu'elle retira ses mains du sable pour les frotter légèrement entre elles et venir ses frotter le visage ensuite.

A travers ses nombreux voyages et les multiples aventures qu’il vécut, le ninja masqué put déduire que deux types de personnes se détachaient de la masse populaire de ce monde. Il y avait d’un côté, ceux qui s’écrasaient et, de l’autre, ceux qui n’hésitaient pas à montrer leur caractère quelle que soit la situation. Le plus souvent, ceux qui faisaient preuve d’un tempérament bien marqué étaient des ninjas ! La kunoichi qui se trouvait en face de lui ne faisait visiblement pas exception à la règle.
Il se doutait bien que celle-ci était shinobi, ou l’avait été par le passé, car très peu de civil se baladait avec un kunai et était capable de ressentir le chakra d’autrui. Seulement, il ne s’attendait pas à une réaction aussi nonchalante de sa part ! Tout de même, il venait de la menacer de la tuer si jamais elle s’avérait appartenir au village de Kumo ! Elle avait beau ne pas en faire partie et, par conséquent, se sentir à l’abri de la moindre offensive ou être certaine de sa force, elle pourrait quand même rester sur ses gardes. Venant de la part d’un ninja, ce comportement n’était pas vraiment conseillé !

D’ailleurs, même en restant sur ses gardes, elle risquait quelque chose en restant sur place. Il fallait parfois être assez malin pour savoir quand déguerpir ! Jauger la puissance de l’adversaire, savoir quelle était sa place dans ce monde. C’était une chose que le membre du Youhei no Sekai n’avait pas fait lorsqu’il s’était retrouvé face au samouraï blond, Katsuo Takusanken, mais à l’époque, il fut bien trop emporté par son aversion contre les croyants de la paix… Tant pis, il avait, aujourd’hui, appris de ses erreurs et était revenu de son emprisonnement plus renforcé que jamais !

C’est donc en relâchant l’emprise de son kunai, en croisant les bras et en dévisageant clairement Kurasa que cette jeune fille lui répondit. Et comme si son attitude n’était pas assez étrange, voilà qu’elle lui donnait des leçons de bonne manière ! Vivaient-ils vraiment dans le même monde ? Ou peut-être était-ce l’expérience de leur passé qui les dissociait ?
Après tout, le mercenaire s’était vu obligé de voyager seul, à travers le Pays de l’Eau alors que ce dernier était déchiré par les affrontements entre clans, avec sa mère pendant une longue période. C’est à cette époque qu’il vit les premières horreurs qu’était capable de commettre l’être humain. Puis, quelques années plus tard, il revit la même expérience, mais cette fois-ci, il était réduit à l’état d’orphelin. Alors les bonnes manières, il comprit rapidement qu’elles n’allaient pas lui être utile et que seule l'expression de sa force était nécessaire. Mais qu’importe ! Tout ceci n’était que des souvenirs que l’homme aux yeux rouges avait profondément enfouis.

Il se contenta alors de simplement garder le silence, attendant la réponse de son interlocutrice et observant ses moindres faits et gestes. Il voyait ainsi la jeune et frêle blonde balancer ses bras pour ponctuer ses mots, s’étalant dans le sable comme si de rien était, avant d’enfin se redresser pour venir le fixer de ses yeux bleus. Comme s’il avait besoin d’une confirmation, elle démontrait une fois de plus sa certitude sur le fait qu’elle ne craignait rien. Mais plus important que son physique fragile ou que sa conduite non-conventionnelle, c’était ses propos qui intéressaient Kurasa.
Effectivement, il n’y avait pas le moindre signe de bateau dans le coin et si la kunoichi disait vrai, les barques à poissons du port de Senun n’allaient pas non plus lui être utiles. Il avait besoin d’une embarcation capable d’affronter les mers qui le mènerait jusqu’à l’archipel qu’on appelait Mizu no kuni. Pourtant, il était certain d’avoir été emmené dans ce coin lors de sa libération !

« De l’aide ? Je crois que tu devines mal comment je procède. J’ai rarement vu de simples pêcheurs refuser ma demande lorsque mon arme venait se coller contre leur cou… »

Tiens, tiens ! Voilà que son interlocutrice se montrait curieuse. Un vilain défaut dont le mercenaire se rendait également coupable. Qu’est-ce qu’il allait « foutre » dans ce pays ? Pouvait-il vraiment en parler ? Oui. Après tout, ce n’était pas elle qui allait mettre à mal ce projet. Bien, sans arrêter son inlassable marche, il prit la peine de lui répondre…

« Je vais y rencontrer quelqu’un, une personne dont l’importance fera un bond immense dans quelque temps. J’y vais pour l’aider à concrétiser un projet qui bouleversera la situation de Mizu : la renaissance du Village de la Brume, Kiri ! »

A quoi bon être sur ses gardes ? Luka avait posé la main sur son kunaï par pur réflexe mais si jamais le ninja se montrait un peu trop impulsif, elle n'aurait qu'à fuir, comme d'habitude. Elle n'avait qu'à prendre un peu de distance, masquer son chakra, et c'était réglé. En théorie... Elle n'aurait alors plus qu'à retourner au village pour rentrer chez elle. Il n'irait pas tuer chaque villageois jusqu'à la retrouver, sauf si c'était le dernier des psychopathes... Ce qui se confirma lorsqu'il précisa que bon, une bonne petite lame sous une gorge et généralement les gens ne vous faisaient pas chier bien longtemps. Là, par contre, ils allaient avoir un problème s'il agissait comme ça. La flemmarde ne le fut plus du tout. Fronçant les sourcils, elle se releva lentement et s'étira tout aussi lentement avant de prendre son kunaï, vraiment cette fois. Elle commença à le faire tourner entre ses doigts, en regardant l'inconnu face à elle. "Je crois qu'on va avoir un problème tous les deux, si tu t'en prends à des innocents. J'ai vraiment pas envie de mourir aujourd'hui mais j'aime pas trop les fouteurs de merde." lâcha-t-elle avec un sang-froid un peu bizarre pour se flemmardise. Elle aimait les personnes qui étaient dans ce village, autant les pêcheurs que les commères qui pouvaient raconter tout et n'importe quoi sur elle. Mais surtout elle adorait le patron du restaurant dans lequel elle allait souvent manger. Et s'en prendre à quelqu'un du village, c'était s'en prendre à elle. Bien que les villageois trouvent cette petite blonde un peu trop volage à leur goût, ils avaient bien compris que la recrudescence des voleurs et autres criminels en tout genre n'était pas due au hasard.

Elle aurait pu se montrer un peu plus agressive si la suite des explications de l'inconnu ne l'avait pas intrigué. Ce n'était pas un petit projet qu'il expliquait là quand même... Et ses yeux. Pourquoi lui étaient-ils aussi familiers ? La petite blonde resta silencieuse plusieurs secondes après qu'il ait terminé de parler... Puis elle tenta le tout pour le tout. Le chakra lui avait été familier aussi, et c'était de plus en plus troublant. Elle posa calmement son kunaï à terre et s'approcha, sans aucun signe d'agressivité ou de provocation. Il avait continué à s'approcher d'elle de toute façon, donc la distance qui les séparait n'était plus bien grande. Elle s'arrêta pile devant lui, sans aucune once de peur ou d'inquiétude. Juste un peu de curiosité et des traits doux mêlés à ses apaisants yeux bleus. Elle ne lui voulait pas de mal, elle avait posé son kunaï exprès pour dresser le drapeau blanc. L'azur de son regard restait planté dans ceux sanguinaires de l'inconnu qui le devenait de moins en moins à mesure qu'elle l'examinait. "Je te connais, toi..." dit-elle presque dans un murmure. Elle ne voyait pas grand chose mais la forme de ses yeux et leur couleur singulière lui faisaient toucher du bout du doigt un nom, sans pouvoir vraiment appuyer dessus pour autant. Frustrant. Mais elle n'abandonna pas. Elle observait son visage avec minutie, essayant d'imaginer ce qu'il pouvait bien y avoir derrière cette grosse écharpe, et finalement elle décida que sans elle, ça serait plus facile. Elle eut donc une hésitation en levant légèrement la main, mais elle finit par l'approcher de l'écharpe. Aucune agressivité, aucun geste provocateur, juste un regard presque doux, un joli visage sage et une lenteur dans le geste qui montrait qu'elle ne voulait pas se battre. Juste savoir qui il était. Et puis le nom lui vint à l'esprit : Kurasa. Mais elle le garda pour elle, voulant voir son visage pour le confirmer. S'il la laissait faire, évidemment.

Pour la première fois, les mots du ninja masqué provoquaient une réaction intéressante, donc autre que l’habituel manque d’énergie, chez la kunoichi. Était-ce l’évocation de la reconstruction du village de la Brume ? Il aurait cru, tant un tel événement pouvait chambouler l’échiquier politique à long terme, capable de raviver de vieux conflits avec un village, dont il était en train de fouler les terres en ce moment ! Mais il semblerait que non, puisque ceux-ci vinrent après. Non, ce fut plutôt la révélation de ses méthodes sanglantes et radicales qui provoqua chez l’inconnue un comportement enfin digne d’un shinobi !
Dans un premier temps, elle se releva sans dire un seul mot. L’heure n’était visiblement plus à la paresse. Finis, les poses nonchalantes dans le sable et le regard perdu dans l’horizon infini de l’océan. A présent, sa mine était sévère, et même ses gestes l’étaient tout autant, lorsque celle-ci attrapa une nouvelle fois son kunai, le faisant tournoyer à l’aide de ses doigts. Ce n’est que dans un second temps, lorsqu’elle commença à s’approcher du Nukenin, qu’elle fit entendre sa voix cassée…

C’était donc ça. Elle ne voulait pas que le mercenaire s’en prenne à des innocents et plus précisément aux habitants de ce village. La jeune blonde était prête à se battre contre une force inconnue juste pour les protéger, quitte à ce qu’elle en meurt ! Que pouvait bien se dire Tenbatsu Kurasa en voyant toute cette dévotion ? Lui qui s’empêchait aujourd’hui d’éprouver un quelconque attachement envers les autres, pas même ses alliés…
Bien sûr, il trouvait ce genre d’affection inutile, à la limite du ridicule. Seulement, il ne fallait pas se leurrer, il fut une époque où l’homme aux yeux rouge pouvait se laisser tomber dans le même piège. Aujourd’hui encore, il a du mal à contenir ses émotions lorsqu’il se retrouve face à un adversaire idéologique. Mais il le savait, le monde dans lequel ils vivaient ne laissait pas de place pour ce genre de sentiment ! C’était un point faible capable de mener n’importe qui vers les profonds abysses de la mort, quelle que soit sa puissance. La preuve en était que la jeune blonde se jetait face à un adversaire dont elle ne connaissait rien !

« Tu es prête à prendre de bien grands risques pour la vie de quelques pêcheurs… Seulement, celui qui laisse ses émotions prendre le dessus est bien souvent celui qui y laisse le plus de plumes. Je vais t’apprendre dans quel monde je vis ! »

Au moins, Kurasa avait quelque chose à en tirer de ce petit événement. Sans même le faire exprès, il s’adonnait à une activité qui lui plaisait et qui consistait en la diabolique attitude à desceller la violence contenue en chacun. Il était même parvenu à faire basculer Aedran dans la part sombre qui l’habitait grâce au seul pouvoir de ses mots. Et bien qu’elle soit une des personnes les plus flemmardes qu’il ait pu rencontrer, elle comportait encore en elle ce qui était la véritable essence de l’être humain, selon l’idéologie du ninja masqué. Il ne pouvait se demander, tout en esquissant un léger sourire derrière sa grosse écharpe, ce qu’il allait bien pouvoir en tirer cette fois-ci…
Et il se posait cette question alors que les deux personnages se rapprochaient de plus en plus dangereusement, déterminé à ne pas changer leur direction de marche. Plus la distance les séparant diminuait, plus le risque qu’un combat éclate augmentait. D’ailleurs, comme souvent dans ces cas-là, on pouvait se mettre à croire que tout l’environnement les observait et n’attendait que ça ! Cependant, l’ancien ninja de Kiri n’allait pas être au bout de ses surprises…

Ce fut une nouvelle réaction de la mystérieuse kunoichi qui donna un ton nouveau à cette hasardeuse rencontre. Tout à coup, elle posa son kunai dans le sable et tout en continuant son approche, elle commença à afficher un visage qui semblait demander à ce qu’un combat n’éclate pas. Cette attitude survenue au moment où Kurasa évoquait la « renaissance de Kiri », cela avait-il un lien ? De toute façon, si jamais il y avait un rapport, quel serait-il ? À cet instant, il n’avait aucun moyen d’en être certain, mais si elle avait eu ce geste pacifique, c’est probablement parce qu’elle était intéressée par ce projet ou qu’elle avait eu quelque chose à voir avec le village de la Brume du temps où il tenait fièrement debout. Il avait peut-être tout faux…
Il n’allait s’en rendre compte que lorsque la jeune fille se tenait juste devant lui, laissant ses yeux rouges affronter ceux, bleus, de son interlocutrice. Et sans dire un mot, si ce n’est ce murmure dont le membre du Youhei no Sekai n’avait pas réussi à en identifier les mots, elle approcha doucement sa main du visage. Que voulait-elle exactement ?! Peut-être était-ce ce qui traversait l’esprit du ninja…

Puis un claquement vint fendre l’air, lorsque Kurasa attrapa soudainement le poignet de l’inconnue ! Une limite avait été franchie alors que celle dont il ne connaissait pas encore le prénom avait approché sa main bien trop proche de son écharpe. C’était comme si elle voulait la lui retirer pour voir l’entièreté de son visage. Pourquoi donc ? Est-ce qu’elle le reconnaissait ? Il y avait très peu de chances, et pourtant ! Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de faire le lien avec sa déduction précédente par rapport au village de Kiri. Avait-il laissé quelqu’un en vie lors de sa désertion secrète ? Impossible, il était certain de n’avoir commis aucune erreur !
De toute manière, il était maintenant trop tard. Sans le savoir, le Nukenin avait exécuté un geste bien trop brusque, laissant ainsi son visage dévoilé l’espace de quelques secondes, et le katana qu’il venait de faire glisser de sa manche et qui tenait maintenant dans sa main n’allait rien y changer…

« Qu’est-ce que tu fais ?! »

Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas d'où venait cette mode pourrie de se la jouer "sans sentiments". A quoi bon se battre si au final plus rien dans la vie ne t'intéresse ? Finalement, ce genre de personne se contredit elle-même. Sans sentiments elle ne se battrait pas. Mais elle se bat donc elle a des sentiments, et elle espère quelque chose de meilleur que l'état actuel des choses. Un paradoxe à elle seule. Luka considérait donc l'homme comme un paradoxe en lui-même. Elle était du genre à garder pour elle ce qu'elle pensait, par flemme et parce qu'elle sait que les gens sont doués pour entendre mais pas pour écouter, mais pour cette fois elle allait faire une exception. C'est donc avec calme et confiance qu'elle répondit, sans perdre son sang froid. "Je ne prends pas des risques pour la vie de quelques pêcheurs, je prends des risques pour des gens qui m'ont accueillis et aidés. Et pour te gouverne, l'arrogance, l'agressivité et la condescendance dont tu fais preuve sont des émotions. Moi au moins, j'ai conscience des miennes." lâcha-t-elle avec indifférence. C'était lassant de voir tous ces gens qui désiraient cacher leurs sentiments comme des pierres précieuses. On est humain, c'est le propre de l'Homme de ressentir quelque chose, c'est ce qui le guide, ce qui l'aide, ce qui le pousse à faire des choix, il est impossible de faire sans, il y a toujours une émotion derrière un acte. Et il y avait forcément une émotion derrière les choix de cet homme. Mais peu importe. Cet inconnu semblait belliqueux et prêt à prendre la moindre occasion pour se battre, mais la petite blonde n'était pas de cet avis. Elle ne comptait pas montrer de quoi elle était capable, elle ne comptait pas prendre de risques inutiles, elle ne comptait pas se battre. Sauf s'il fallait défendre le village, mais l'homme semblait se foutre totalement de Senun, pour l'instant c'était Luka qui lui faisait face. Une Luka qui le déroutait, visiblement. Cela aurait pu amuser la jeune femme si elle n'avait pas été plongée dans ses pensées, dans sa mémoire, à la recherche des informations nécessaires pour retrouver l'identité de son inconnu. Et le nom lui sauta à l'esprit. Kurasa Tenbatsu. Ce nom, il lui tomba dessus lorsqu'il attrapa son poignet. La jeune femme ne fit aucun geste brusque, elle ne dit rien, elle se contenta de happer le morceau de visage dévoilé par le mouvement de l'écharpe. Mais cette réaction excessive en était presque ridicule. Elle eut un sourire au coin des lèvres, un peu moqueur mais pas bien méchant. "Eh bien quoi, je te fais si peur que ça ? Range ton katana, je vais pas te manger. Je croyais qu'on devait pas se laisser mener par nos sentiments ?" se moqua-t-elle gentiment. Elle ne le laissa pas répondre pour autant, reprenant aussitôt la parole. "Kurasa, Tenbatsu Kurasa, c'est bien ça ? C'est toi le type qui a déserté la guerre menée contre Kumo... Je me trompe ?" demanda-t-elle. Elle jouait au petit jeu dangereux du "je te connais mais pas toi". Elle savait que c'était risqué de lui chatouiller la joue avec la pointe du doute, mais après tout il l'avait bien cherché depuis qu'il était arrivé sur la plage. Il n'avait qu'à être un peu plus attentif aux personnes de Kiri, il aurait su qui elle était. En attendant, elle comptait bien profiter de cette avance qu'elle avait sur lui. "Qu'est-ce que tu veux faire à Kiri ? Y a plus rien pour nous dans ce pays..." dit-elle d'une voix un peu plus... Attristée ? Elle venait de révéler, volontairement, que oui, elle avait fait partie de Kiri mais que c'était fini depuis longtemps. Rien de plus.

Avoir conscience de ses émotions ? De ses sentiments ? Elle ne comprenait pas bien ce que voulait dire Kurasa lorsqu’il lui conseilla de ne pas faire quelque chose de stupide pour préserver la vie de quelques pêcheurs inutile. Évidemment qu’il avait aussi des émotions, seulement, il choisissait lesquels il voulait bien montrer et lesquels il se servait pour des situations comme celle-ci. L’affection, l’envie de protéger, le sens du sacrifice, ce genre de sentiment ne faisait pas partie du répertoire du ninja masqué. En revanche, la haine, la colère, l’agressivité, là, il y voyait un potentiel non-négligeable pour déployer toute la violence que contenait sa personne ! Le plus compliqué était de savoir comment gérer ce genre d’émotions pour qu’elle ne prenne pas le dessus, d’ailleurs, le même exemple reviendra toujours dans son esprit. Ce diable de combat contre Katsuo Takusanken !
Mais à quoi bon lui en faire part ? Le Nukenin en était arrivé à cette conclusion tout seul et la jeune fille devra suivre son propre chemin pour atteindre cette vérité. Il se contenta alors d’un simple claquement de langue en guise de réponse. Le plus intéressant était à venir…

Il y eut ce changement de comportement de la part de la kunoichi, cette délicate approche vers le ninja masqué et cette main qui se rapprochait doucement de son écharpe. Puis, ce claquement venu perturber le paisible bruit de la mer ! Les deux personnages confrontaient de nouveau leur regard avec une tension qui semblait fausse, aucun des deux n’ayant vraiment envie de se battre…
Pourquoi est-ce que la jeune blonde voulait tant que ça voir le visage de Kurasa ? Ou peut-être que la question ne devait pas se poser ainsi, peut-être qu’il fallait plutôt se demander pourquoi l’homme aux yeux rouge tenait tant à ce que son visage soit caché derrière cette grosse écharpe ? L’imagination et la curiosité des gens étaient forcément attirées par cet étrange inconnu qui se créait alors. Cependant, la confidence était bien souvent décevante. Pour le membre du Youhei no Sekai, c’était juste une manière de s’habiller qui conciliait bien avec le fait de cacher son identité de criminel, rien de plus…

De toutes les manières, la surprise allait venir de l’autre camp. Cette rencontre allait devenir plus qu’étonnante, vacillant à plusieurs reprises entre le début d’un affrontement à la simple discussion et basculant maintenant dans le chapitre des révélations. Non, la stupéfaction n’arriva pas par la petite provocation que lança la jeune fille au Nukenin, dont ce dernier n’eut même pas l’occasion de répondre, mais bien lorsque celle-ci lâcha de ses mots le nom et le prénom du ninja masqué !

*Mais… ! Comment ?*

L’étonnement, marqué par un froncement de sourcils et un regard un peu plus sévère que la seconde précédente, se faisait fort chez Kurasa, amenant par là même tout un tas d’interrogations dans son esprit. Est-ce qu’il avait déjà croisé cette personne ? Elle venait de parler de sa désertion, comment pourrait-elle le savoir et être restée en vie ? Avait-elle appartenu au village de Kiri avant que celui-ci ne tombe sous les coups des Furyous ? L’homme était un peu perdu, alors tout en rangeant son katana, il décida de prendre la parole à son tour…

« Je ne sais pas comment tu connais mon identité, mais le simple fait que tu sois encore en vie est un miracle. Oui, j’ai bien déserté Kiri, mais pas pendant la guerre ! Ce n’est que lors de la retraite des troupes que j’ai pris la décision de quitter le village…

D’où me connais-tu ? Et comment es-tu au courant de ma désertion ?! D’ailleurs, vu que tu connais mon identité, tu devrais me révéler la tienne… »

Il ne pouvait le savoir à l’avance, mais la première de ses interrogations allait trouver sa réponse dans la seconde qui suivait. Oui, grâce à cette simple phrase que lâcha son interlocutrice, lorsque celle-ci évoqua Kiri et le fait qu’il n’y avait plus rien pour « eux » là-bas. Alors comme ça elle était aussi un ancien shinobi du village de la Brume ? Curieuse coïncidence tout de même ! Cependant, cela n’expliquait pas comment elle pouvait savoir que Kurasa avait déserté le village après la guerre face à Kumo ! Quoi qu’il en soit, il avait un éclaircissement à fournir sur les raisons qui le poussent à rejoindre le Pays de l’Eau et plus précisément le lieu où se trouve Kiri, enfin ce qu’il en reste…

« Ne te l’ai-je pas déjà dit ? Je vais aider à la renaissance de Kiri !

Cela peut te paraître bizarre venant d’un homme qui a déserté le village pendant qu’il était encore sur pied, mais je ne peux pas te révéler mes motivations. J’ai un objectif à atteindre et concrétiser ce projet m’aidera sûrement à m’en approcher.

Toi qui es une ancienne shinobi de la Brume, ne voudrais-tu pas voir Kiri reconstruit plutôt que de rester dans ce village ? N’as-tu pas un but à atteindre ? »

Pour quelqu'un qui se targuait de cacher ses sentiments, et bla-bla-bla, cet homme était bien émotif. Il avait la réaction plutôt facile et nerveuse, que ça soit aux paroles comme aux gestes. En tout cas, s'en était presque jouissif de voir à quel point il était facile de l'intriguer. Son petit froncement de sourcil provoqua chez la jeune femme un sourire en coin largement révélateur de l'amusement que lui provoquaient les réactions de Kurasa. C'était comique, vraiment. Il semblait tellement sérieux et désireux de faire les choses carrés, et elle n'en avait tellement rien à foutre de tout... Les deux nukenin offraient un contraste plutôt amusant. Une ambiance encore un peu plus détendue - pour Luka - lorsque son interlocuteur se décida enfin à ranger son katana. Elle avait abandonné son kunaï derrière elle avant de s'approcher, en signe de paix, il aurait au moins pu se retenir de sortir son arme. Mais il l'avait rangé maintenant, alors il n'était plus question d'en parler. En revanche, il devenait arrogant, voir vexant. La jeune femme n'avait pas bougé, son poignet étant de toute façon toujours coincé par la prise ferme de l'homme qui lui faisait face. Elle était moins inquiète maintenant qu'elle savait qui il était. Non pas qu'elle doutait de ses compétences, au contraire, elle savait à quel point il était cruel et belliqueux, mais elle savait à quoi s'attendre. L'image floue qui s'était posée devant son visage, donc devant sa personnalité, s'était envolée, offrant une connaissance des risques. C'est tout ce qu'il fallait à Luka. Savoir quand la fermer et quand l'ouvrir. Et là, c'était précisément le moment de la fermer et de commencer à prendre cet inconnu, qui ne l'était plus, au sérieux. De toute façon le jeu allait trop loin.

Il posait trop de questions, il risquait de paniquer - façon de parler - d'un instant à l'autre et de décider qu'elle en savait trop, et Luka avait tout intérêt à rééquilibrer la balance. Que pouvait-elle bien lui cacher de toute façon ? Ils faisaient partie du même village, avaient tous les deux fuis pour des raisons qui leur étaient propres et avaient visiblement tous les deux des projets pour Kiri. Au final, il pourrait même commencer à avoir de l'intérêt pour elle. Enfin, tout dépendait de ce qu'il appelait "reconstruction". La jeune femme n'avait jamais voulu servir de pion à qui que ce soit et il était hors de question qu'elle donne sa vie à quelqu'un comme Kurasa. Il n'en valait pas la peine. D'un autre côté, il faut détruire pour mieux reconstruire. Elle était partagée. Elle retira son poignet de la main de Kurasa d'un geste ferme et alla ramasser son kunaï, qu'elle coinça dans la taille de son pantalon. Comment faire court et pratique ? En raconter assez pour susciter un intérêt assez grand qui puisse le convaincre que l'éliminer tout de suite - parce que bon, elle n'était pas sotte, elle comprenait bien le danger qu'il représentait - serait dommage, mais ne pas avoir à lui raconter sa vie non plus. La petite tête de Luka réfléchissait à toute vitesse. "Je m'appelle Luka. Kawauchi Luka. Mais je suppose que ça ne te dit rien, et tant mieux." expliqua-t-elle. Elle passa une main dans sa nuque, la frottant légèrement. "J'ai... Fais des choses, qui m'ont conduites en prison. Prison dans laquelle j'ai rencontré un homme qui ne savait pas tenir sa langue. Et vu qu'on était dans la même cellule, il s'en est donné à coeur joie pour parler de sa vie entière mais également de tout ce qu'il y a pu y avoir autour. Dont toi. Je te connaissais déjà d'avant, mais seulement de vue et de réputation. Disons qu'il a complété ce qu'il me manquait..." Elle glissa une mèche de cheveux derrière son oreille, en baissant un peu les yeux. Elle avait tellement à faire dans ce village... Elle s'était jurée de bouger un jour et de massacrer tous ceux qui lui avaient causé du tort. Elle releva donc les yeux vers Kurasa, l'air sérieux.

Défonçant d'un coup d'un seul le mur qu'elle avait dressé entre eux, elle décida de jouer le tout pour le tout. Il était sa chance. Elle l'avait attendu trop longtemps pour le laisser s'échapper et elle ne s'imaginait pas aller se plaindre une année de plus au propriétaire du restaurant devant un bol avant d'aller se bourrer la gueule pour terminer dans le lit d'un parfait inconnu. C'était une façon de s'autodétruire à défaut de ne pouvoir exterminer la frustration qui la rongeait, et elle comptait bien s'en débarrasser. "J'ai des choses à faire à Kiri qui peuvent entrer dans ton plan. Laisse moi t'accompagner et je te trouve un bateau dans la minute qui vient." Consciente que ça pouvait ne pas suffire, Luka n'hésita pas à lâcher le dernier argument qu'elle avait en stock, avec toujours un calme olympien. C'est à ce moment qu'elle se dévoila entièrement au nukenin, en pleine connaissance de cause. "En combat je vaux que dalle." Elle laissa une seconde pour le laisser digérer cette information et s'expliqua ensuite. "Mais je suis une sensorielle." Elle n'en ajouta pas plus. Il était assez intelligent pour savoir que tout ce qu'il perdait d'elle du côté offensif serait largement compensé par l'aspect défensif et de perception qu'elle pouvait lui apporter. Si jamais il décidait d'accepter de l'embarquer dans sa galère, évidemment. Elle avait bien vite effacé ses mauvais défauts lorsqu'elle avait sentit l'opportunité qu'il était. Mais il avait tout de même eu largement de quoi voir à quoi il aurait à faire : elle semblait nonchalante au possible, carrément effrontée, complètement insolente, et faisait volontairement fi de toute la menace qu'il représentait. D'un autre côté, elle était prête à se battre pour une bande de pêcheurs, donc pour une cause ou des personnes envers qui elle faisait preuve de reconnaissance ou en qui elle croyait, preuve de son intégrité. La petite blonde semblait être un méli-mélo à démêler mais, au moins, on ne pouvait pas dire qu'elle était fausse.

Tout à coup, la rencontre entre les deux ex shinobi du village de la Brume prit une tournure beaucoup plus sérieuse. La jeune fille jouait un jeu espiègle en indiquant au ninja masqué qu’elle le connaissait, mais qu’elle demeurait encore une parfaite inconnue pour lui. D’ailleurs, cette inconnue était aussi bien identitaire que psychologique, tant son interlocutrice arborait une flopée d’attitudes toutes aussi étranges les unes que les autres. Ainsi, sa gestuelle nonchalante, ses réponses taquines envers Kurasa et le léger sourire qu’elle laissait ostensiblement s’afficher sur son visage étaient autant d’éléments capables d’agacer l’homme aux yeux rouges !

Cependant, ce n’était pas encore suffisant pour lui arracher la vie, de toutes les manières ceux qui appartenaient autrefois à Kiri n’étaient plus alors personne ne pouvait lui reprocher sa désertion aujourd’hui. Que craignait-il exactement ? La divulgation de ce genre d’informations pouvait mettre un coup à sa réputation de ninja et rares sont ceux qui seraient prêts à accorder leur confiance à quelqu’un qui a trahi sa nation ! Il pensait évidemment à sa prochaine rencontre avec Shinda Michiki, celui qui allait vraisemblablement être en charge du village de Kiri lorsque celui-ci aura renaît de ses cendres. Il ne restait plus qu’au mercenaire d’espérer que ce futur partenaire partage la même vision du monde que Kyu Goren et lui…

Seulement, Kurasa devait s’empêcher de se projeter trop loin dans l’avenir et se concentrer sur la situation dans laquelle il se trouvait actuellement. Il venait de confirmer son identité et avait posé de multiples interrogations en retour. Les réponses se faisaient attendre avec une impatience rare, alors que les deux shinobis plongeaient leurs regards totalement différents l’un dans l’autre…
C’est alors que la jeune blonde se dégagea de l’emprise autour de son poignet, en le dégageant d’un mouvement sec de la main du Tenbatsu. Sans dire un mot, elle alla regagner le kunaï qu’elle avait précédemment laissé tomber volontairement et le rangea dans la pochette adéquate, elle semblait réfléchir. Peut-être était-elle en train de peser le pour et le contre de cette situation, de se demander ce qu’il fallait qu’elle réponde aux nombreuses questions qu’on venait de lui peser et savoir comment gérer son interlocuteur. Après tout, si elle le connaissait, il y avait aussi des chances pour qu’elle sache un peu quel genre d’homme il était, cruel et plutôt individualiste !

Puis le voile s’ôta sur l’identité de la kunoichi, ainsi que sur la raison de son dangereux savoir. Elle disait s’appeler Luka, de la famille Kawauchi, un nom ou un clan qui était effectivement étranger aux oreilles de l’homme masqué. Celui-ci, de nature asociale n’avait pas fait la rencontre de beaucoup de gens au village et se contentait simplement de remplir ses missions de la manière la plus concise possible, en espérant devenir plus fort par la suite. Le relationnel n’était pas vraiment son truc et il y avait donc que très peu de chances qu’il connaisse ou se souvienne de la fille qui se trouvait en face de lui. Cette dernière expliqua simplement qu’elle avait autrefois fait un séjour dans les geôles du village de la Brume et que c’est à cet endroit, de la bouche d’un autre prisonnier, qu’elle mit un nom sur l’apparence et la réputation de Kurasa. Elle n’était donc pas la personne qui l’avait vu quitter les troupes à la fin de la guerre contre Kumo, tant mieux pour elle…

Ce n’était pas tout, d’un doux mouvement, elle coinça une mèche de cheveux derrière son oreille, releva les yeux vers le Nukenin et reprit la parole, afin de répondre cette fois-ci à ce qui pouvait sembler comme une proposition d’alliance. Mais quelque chose avait changé, la petite réflexion dans laquelle elle s’était plongée pendant quelque secondes venait d’engendrer un regard sérieux sur son visage et Kurasa ne manqua pas de le remarquer ! Il le reconnaissait, c’était le même genre de regard que lui avait affiché Aedran à Mizu ou encore Suzurane Anita il y a quelques années de cela. Une motivation secrète se cachait derrière les yeux azur de Luka ! Puis les mots vinrent confirmer cette impression lorsqu’elle lui demanda de la laisser le rejoindre en direction de Mizu…
Il avait envie de lui répondre directement, mais les remarques concernant ses capacités en matière de combat n’étaient pas à reléguer au second plan non plus. C’était le genre d’informations qui étaient la bienvenue, car il pouvait se faire une image plus précise de « l’utilisation » du shinobi en cas de recrutement ! Pour le cas de la kunoichi, elle se disait inutile en combat direct, mais ayant malgré tout des capacités sensorielles…

*Je vois… Je n’ai encore jamais rencontré de ninja sensoriel, ou du moins, ils n’ont jamais fait preuve de ces talents devant moi. C’est donc pour cela qu’à mon arrivé, elle se trouvait déjà sur ses gardes… Intéressant comme capacité.*

« D’accord. Tu m’as l’air de dire la vérité.

Qu’est-ce que tu as fait exactement pour aller en prison ? De quoi est-ce que tu t’es rendue coupable pour mériter cette peine et en ressortir vivante ? Kiri n’était pas vraiment connu pour sa souplesse envers les criminels, un acte grave t’aurait certainement amené à la potence…

Je voudrais aussi savoir ce que tu comptes faire à Mizu, dans le nouveau Kiri. Qu’est-ce qui te pousses à m’accompagner ? Ta réponse déterminera mon choix, je n’ai besoin autour de moi que de shinobis sur lesquels je pourrais compter pour mon propre objectif. En retour, je te dirais quel est exactement mon but et mon nindô. »

C'est sûr que la petite blonde était la dernière personne en qui Kurasa devait se méfier. La seule importance qu'il avait pour elle était son rapprochement avec Kiri. Il était un combattant, elle non. Elle avait tout intérêt à le garder près d'elle, à l'accompagner et à suivre ses plans. Elle n'était pas obligée de lui tenir la jambe jusqu'au bout, après tout. Après avoir éliminé l'enfoiré qui lui avait gâché la vie, elle n'aurait qu'à récupérer ses parents et partir avec. C'était bien la seule chose que Kurasa pouvait craindre de Luka finalement, qu'elle déserte une nouvelle fois. Mais ça ne serait pas une grosse perte, sauf évidemment s'il prévoyait des plans qui l'impliquerait directement, mais elle en doutait. D'ailleurs, cette pensée lui fit repenser vaguement à ses parents. Le problème majeur ? Elle ne savait pas s'ils étaient encore en vie ou s'ils s'étaient fait exécuter. Si jamais les deux parents Kawauchi avaient subi la fuite de Luka, elle s'en voudrait éternellement. En fait, elle ne pourrait juste pas le supporter. Mais serait-elle assez courageuse pour mettre fin à ses jours elle même ? Bah, inutile de penser à ça. Il fallait espérer qu'ils soient toujours en vie. L'enfoiré n'avait aucune raison de les tuer, ça ne lui serait même pas utile, s'il voulait récupérer Luka il savait que ses parents étaient des carottes faciles. D'ailleurs, c'était plutôt louche qu'il n'ait toujours pas tenté de la faire revenir comme ça. D'où le fait qu'elle les pense peut-être morts... Elle retira rapidement ces pensées de sa tête. Ce n'était pas le moment, pour l'instant elle devait rester alerte et concentrée. Surtout que l'encapuchonné avait reprit la parole... Pour poser une multitude de questions indiscrètes et totalement déplacées. Luka se contenta de hausser un sourcil, l'air blasé, alors qu'il déblatérait toutes ses interrogations les unes après les autres. Un tri sélectif s'organisa alors dans la tête de la jolie blonde, qui réorganisait les questions de manière synthétique. Elle commençait à ressentir un manque de nicotine et ses cigarettes étaient restées à la maison.

Elle ignorait si c'était la présence du nukenin, le fait de savoir que sa vie allait enfin bouger, ou simplement les toxines de la clope, mais c'était de plus en plus désagréable et elle avait besoin de combler ce manque. "Je devrais être morte, mais la prison a pété une semaine avant mon exécution. J'ai juste..." Elle laissa échapper un petit rire nerveux en secouant légèrement la tête de gauche à droite, avant de lever légèrement les bras pour les laisser retomber. C'était tellement stupide. "Disons pour faire court que je me suis opposé à quelqu'un de plus riche et de beaucoup plus influant. De très influant... Les détails ne te regardent pas. Et mes parents sont toujours là haut. S'ils ne sont pas morts..." Elle croisa les bras, fixant Kurasa dans les yeux avec une certitude affirmée. Il avait fait l'erreur de s'interroger, de s'intéresser un petit peu au potentiel qu'elle pourrait lui apporter, et il semblait plutôt apte à accepter. C'est donc tout naturellement qu'elle "s'imposa" au voyage. "Alors je vais venir avec toi. Je vais t'aider à réaliser ton plan et je vais massacrer cette enflure. Tu me raconteras ta vie pendant le voyage, on a un bateau à réquisitionner, mes affaires à récupérer et des kilomètres d'eau à traverser. Et, bordel, il me faut une clope !" ajouta-t-elle en sortant du sable. Une rapide et potentielle explication du ravage de sa voix totalement brisée... Elle tapota légèrement ses fesses et ses jambes pour en retirer le sable qui aurait pu s'y glisser et jeta un coup d'oeil au soleil pour estimer l'heure. Les marins devaient être encore à quai à cette heure-ci. Ils trouveraient un bateau rapidement et le temps qu'elle prenne ce qui lui fallait, dans une demi-heure à tout casser ils seraient en mer.

Il était vrai que l’homme masqué venait de poser de nombreuses questions, donnant tout à coup à cette discussion une allure de mauvais interrogatoire, et si cela avait provoqué une réaction ennuyée chez Luka, c’était un procédé dont il était adepte. Il en avait fait de même avec Kyu Goren, avec Aedran et peut-être avec les quelques ninjas errants dont il put faire la rencontre lors de son voyage, à travers les différents pays de ce monde. Cependant, la kunoichi pouvait bien hausser un sourcil, voir même soupirer de devoir répondre à toutes ses interrogations, une preuve de bonne volonté de sa part était obligatoire pour que Kurasa daigne accepter de l’emmener jusqu’au Pays de l’Eau !
Si elle voulait accomplir cet objectif, encore secret à cet instant, elle ne pouvait se passer de l’aide et de l’influence que pourrait avoir le Nukenin dans le futur. Après tout, il allait rencontrer le futur chef du village de la Brume et une alliance entre eux pourrait permettre à Luka de mettre la main sur des informations cruciales ! C’est pourquoi ce dernier profitait du rapport de force en sa faveur et s’octroyait le droit de savoir le contenu exact de cette ambition qui la pousse à rejoindre Kiri ! Mais ce dont elle ne se doutait probablement pas, c’est que le ninja masqué aurait aussi besoin d’elle à l’avenir, ou du moins de ses capacités…

Ainsi, elle accepta à contre cœur de donner toutes les réponses qu’avaient réclamées le Tenbatsu quelques secondes auparavant, passant de la raison pour laquelle elle se trouvait encore en vie jusqu’à celle qui avait réduit son statut à celui d’une criminelle. Celui qui était encore considéré comme un mercenaire n’allait pas être déçu ! Décidément, ce monde de ninja, aussi extraordinaire et cruel soit-il, offrait à chacun la possibilité de raconter leur vie mouvementée et elles étaient rarement sans intérêt ! L’histoire de la jeune blonde n’en était qu’une énième preuve.
Écoutant chaque parole avec attention, Kurasa se fit un petit résumé afin d’omettre aucun détail. L’explosion de la prison lui avait permis de survivre ? Il y avait rarement eu d’incident aussi majeure à Kiri, si bien que ce genre d’accident n’arrivât qu’une seule fois et fût l’œuvre d’un groupe représentant une terrible menace à l’époque, les Furyous. Bien, mais pourquoi s’était-elle retrouvée en cage ? Elle s’était opposée à un homme plus riche et très influent. Intéressant. Il se pourrait même que ce fameux personnage ait entre ses mains la vie des parents de la jeune Kawauchi. Encore mieux ! Et cerise sur le gâteau, le but de la blonde était nourri que par la simple idée de se venger !

« Je comprends. »

L’histoire se répétait et une nouvelle fois les convictions de Tenbatsu Kurasa se renforçaient ! Peut-être que les yeux azur de sa future camarade ne pouvaient pas le voir, mais un sourire qui paraissait plus démoniaque que sympathique se dessina sur le visage de l’homme encapuchonné. Cette même violence qui l’animait, semblait vouloir ressortir chez tant d’autres personnes et la jeune femme était comprise dans cette masse. Tout comme Aedran, peut-être qu’il pourra, un jour, la faire sombrer dans les profondeurs de la brutalité et en faire un acolyte important !
C’était tout ce dont il avait besoin de savoir, et si l’affirmation dont avait ensuite fait preuve l’ancienne Kirijin paraissait un peu insolent, le ninja masqué ne prit même pas la peine de répondre. Le ton qu’elle avait employé et la détermination dans son regard étaient, tout deux, amplement suffisants pour que Kurasa accepte qu’elle l’accompagne sans même devoir dire un mot. Il se retourna alors, attendant de Luka qu’elle suive son pas en direction de leur prochaine destination…

Quelques heures passèrent. La nouvelle partenaire de Kurasa avait récupérée ses affaires et tout deux avaient embarqué sur un bateau qui fonçait tout droit vers le pays embrumé, Mizu. Les événements continuaient à avancer dans le bon sens pour le Nukenin et il fallait que cela continue ainsi. Malgré ses méthodes un peu rudes et son langage plutôt direct, il avait réussi à manœuvrer chacune de ses rencontres pour en tirer un net intérêt. L’honnêteté et sa capacité à tenir parole en étaient peut-être la clé. D’ailleurs, il avait une promesse à remplir vis-à-vis de la Kawauchi…
Alors lorsqu’elle le rejoint, une clope, pour laquelle elle aurait pu débuter une crise, à la bouche, il n’attendit pas plus pour tenir sa parole et lui dévoiler à son tour qu’elle était son objectif…

« Mes parents étaient des pacifistes. Ils étaient contre les affrontements et souhaitaient plus que tout qu’une alliance entre les clans se créent à Mizu. Mais, selon moi, leur façon de penser est ce qui les a rendus faible et c’est pourquoi aujourd’hui, ils croupissent six pieds sous terre. J’ai un deuxième problème avec cette idée de paix, elle n’est qu’un tissu de mensonges !

Les villages ninjas en sont la preuve. Ils luttent pour leurs propres intérêts et sont prêt à éliminer un clan, à rentrer en guerre ou à conquérir des territoires par la force, malgré ça, ils osent se présenter comme porteur de la Justice et de la Paix. Ils prouvent qu’en réalité, seule la loi du plus fort domine dans ce monde !

L’être humain est comme cela, il est enchaîné à un cycle éternel où la haine appelle à la violence qui engendre elle-même encore plus de violence. On ne pourra jamais en sortir alors le seul moyen de survivre est de vivre avec elle. C’est mon nindô et c’est comme cela que j’ai trouvé mon objectif.

Je souhaite éliminer les villages ninjas et tous ceux qui soutiennent cette idée de paix afin de faire chuter le système shinobi et laisser place à un nouveau monde ! »

Le voyage risquait d'être long. Ennuyeux... Brumeux. Luka avait donc répondu aux questions de l'inconnu, qui semblait satisfait puisqu'il décida de ne pas la tuer tout de suite. Elle l'entraîna donc en dehors de la plage pour rejoindre le village de pêcheur, sous les regards curieux des villageois. Les femmes reluquaient Kurasa avec crainte ou gourmandise, les hommes quant à eux se contentaient de jalousie ou de méfiance. Luka ne s'était jamais caché lorsqu'elle avait terminé dans les bras d'un parfait inconnu et ces derniers avaient, pour la plupart, souvent espéré plus qu'une simple relation d'une nuit. Alors voir la jolie blonde avec un homme on ne peut plus classe que de simple pêcheur, ça avait forcément de quoi faire jalouser. Mais cette envie s'extirpait aussi de l'allure et de la prestance de Kurasa. C'est sûr que camoufler derrière ses vêtements, de toute sa hauteur et avec ce regard dévastateur, les hommes du village avaient de quoi se sentir les inférieurs et les femmes pouvaient aisément sentir leurs hormones leur jouer des tours. Luka ne s'en formalisa pas, elle avait l'habitude des regards de commérage et des papotages mesquins. Elle alla donc jusqu'à chez elle, laissant Kurasa sur le pas de la porte, pour prendre quelques affaires. Ses précieuses cigarettes et quelques kunaïs qui lui restaient. Au final, elle n'avait pas grand chose. Elle jeta un dernier coup d'oeil à son appartement, soupirant légèrement. Elle commençait à s'y sentir comme chez elle, mine de rien, alors devoir quitter cet endroit donc elle était habituée... Elle alla fermer les volets et quitta l'appartement, allant déposer la clé sur le pas de la porte de la concierge.

La jeune femme entraîna ensuite Kurasa jusqu'aux docks, où étaient amarrés plusieurs bateaux, et lui demanda de l'attendre ici pendant qu'elle allait discuter avec un des marins. La première réaction de ce dernier fut de refuser mais la petite blonde n'allait pas abandonner comme ça. En trois secondes, ça allait être réglé. Elle s'approcha, commençant à jouer avec un bouton de la chemise du docker, un petit sourire innocent aux lèvres, alors qu'elle insistait, et rapidement les joues de l'homme s'empourprèrent. Il frotta légèrement sa nuque et finit par accepter, montrant une barque à la jeune femme. Luka lui offrit alors un grand sourire qui termina d'achever le pauvre homme qui s'en alla avant que sa tête n'explose de timidité. Une fois le dos tourné, le sourire de Luka s'évapora de ses lèvres d'un claquement de doigt. Séductrice et manipulatrice. Elle soupira quelque peu en secouant légèrement la tête de gauche à droite et fit signe à son compagnon de route de venir. C'était une espèce de barque, rien de plus, mais pour eux deux ça suffirait amplement. Une voile assez grande permettait de ne pas avoir besoin de ramer tant que le vent était présent et sur cette route, ce n'était pas un problème. Elle embarqua donc avec le nukenin et le laissa guider la barque. Après tout, elle ne savait pas où exactement il comptait débarquer. Et puis il l'avait voulu ce bâteau, alors qu'il se débrouille pour le guider. La jeune femme se contenta de mettre en place la voile, laissant l'encapuchonné la mener. Elle s'installa dans la barque et s'étira légèrement, laissant l'homme parler une fois qu'ils furent éloignés.

Elle écoutait attentivement ce qu'il disait, mais son visage démontrait de plus en plus de perplexité. Ce type était d'un paradoxe monstrueux. Il maudissait une façon de faire pour recopier cette même conduite, d'une manière un peu différente mais dont le but était exactement le même. Luka se garda bien de commenter ça, pourtant. Elle avait besoin de lui pour arriver à ses fins, pour évoluer, pour s'améliorer. Elle avait besoin de lui sûrement plus qu'il n'avait besoin d'elle. Il était primordiale qu'elle ne le vexe pas. S'il voulait se terrer dans ses illusions de domination du monde là où tant d'autres avaient échoué, c'était son problème. Elle ne comptait pas suivre ce projet jusqu'au bout de toute façon. Du moins c'est ce qui était prévu... Se taire et le laisser parler. Mais à sa dernière tirade, elle ne put s'en empêcher... Un premier rire s'échappa de ses lèvres, qu'elle masqua de sa main, mais rapidement un autre s'incrusta. Et elle partit dans un éclat de rire franc et spontané. Court mais sincère. Elle se calma rapidement et secoua légèrement la tête, soupirant légèrement. "Et donc, toi, pour te rebeller contre ce système si fatal et si faible, tu comptes l'imiter, en plus cruel, en pensant que tu feras mieux que tous ceux qui ont déjà essayé ?" Elle sourit en le regardant, d'un air presque tendre, avant de hausser les épaules. "Pourquoi pas, après tout ? Si t'as envie de croire au Père Noel je veux bien y croire avec toi, tant que j'ai ce que je veux au bout du compte." expliqua-t-elle. Elle sortit de nouveau une cigarette de son paquet pour la coincer entre ses lèvres et l'alluma. La brume devenait de plus en plus épaisse, dans quelques heures elle n'allait même plus pouvoir allumer la flamme de son briquet, alors tant qu'à faire autant en profiter maintenant.

L’homme masqué était en charge de guider la barque, que Luka était parvenu à arracher des docks d’un marin grâce à un jeu de charme dont seule la gente féminine en a le secret. Ils naviguaient tous les deux en direction du grand archipel qui constituait le pays de l’Eau, voyant le brouillard s’inviter petit à petit dans leur voyage, rendant la vue plus difficile à chaque instant. Cette gêne, inévitable lorsqu’on se dirige vers Mizu, avait de grandes chances d’allonger la durée de navigation, mais le duo ne pouvait se permettre de ralentir la cadence de leur croisière. Et dès qu’ils poseront un pied sur leur terre natale, ils devront se diriger le plus rapidement possible vers les ruines du village de la Brume. Cette précipitation n’était pas seulement due au fait qu’ils devaient rencontrer Shinda Michiki, mais aussi pour éviter un maximum d’éléments comme la présence du Shukai, celle de clan vivant dans le chaos de la violence, mais aussi celle de quelques mafias ayant profité de l’anarchie pour s’y installer. Le binôme devait aussi espérer que la mer ne s’agite pas pendant cette longue traversée, la jeune kunoichi était, en effet, parvenu à s’emparer d’une embarcation avec une aisance folle, ça ne la transformait pas pour autant en navire de guerre ! En somme, c’était une expédition qui pouvait vite s’avérer mouvementée dans le cas où la chance venait à échapper au mercenaire. Quoi qu’il en soit, toutes ses suppositions n’allaient pas empêcher la conversation de se poursuivre entre Kurasa et sa nouvelle camarade…

Ainsi, il mit en lumière, sans l’ombre d’une hésitation, la grande ambition qui animait sa vie de ninja, déclarant vouloir instaurer un nouveau monde en détruisant tout ce sur quoi repose le système shinobi, c’est-à-dire les villages ninjas, les Daimyos et ce prétexte qu’est l’idée de « paix » ! Kurasa passait le plus clair de son temps à regarder l’horizon vers lequel avançait la barque, espérant desceller dans peu de temps un début de terre qui signifierait leur arrivée à Mizu. Cependant, il se permit quand même, à la fin de son petit discours, de jeter un regard en direction de la Kawauchi, dont la réponse ne se fit pas attendre. Si elle affichait d’abord un visage désorienté, trouvant peut-être les propos compliqués à avaler étant donné que Kurasa avait déclaré vouloir aider à la renaissance de Kiri, elle ne tarda pas à partir dans un éclat de rire qui avait de quoi surprendre. Bien sûr, ce comportement avait interpellé le ninja masqué, qui ne se retint pas de laisser son regard braqué sur la kunoichi, attendant sa réponse avec une certaine impatience…

Comme ce fut le cas lors de leur rencontre sur la plage qui bordait le village de Senun, la jeune blonde adopta une attitude presque moqueuse envers l’homme encapuchonné. Elle reprenait son calme et livrait finalement sa réponse. Cette dernière indiquait clairement à Kurasa qu’elle ne croyait pas vraiment à la réussite de sa grande ambition, mais qu’elle était tout de même prête à le suivre si cela lui permettait d’accomplir son propre objectif de vengeance ! Seulement, il y avait un élément qu’elle ne semblait pas saisir et il résidait dans le terme d’ « imitation » qu’elle avait employée dans sa courte réplique. Non, il ne voulait pas imiter les villages, loin de là ! En effet, il allait aider le village de la Brume à renaître de ses cendres, il allait tout faire pour en devenir un membre important, peut-être qu’il arrivera un jour où il démarrera une guerre, mais son implication dans ce projet à surtout pour but de mettre la main sur des avantages non-négligeables dans sa quête. Il y avait une grande différence marquante, il n’allait pas utiliser du prétexte de la paix pour justifier ses actes !

« Tu arriveras à accomplir le but qui te pousse à m’accompagner. Mais je crois que tu ne me comprends pas bien…

Ce n’est pas le visage cruel des actes que commettent les villages que je condamne, la violence est, selon moi, l’essence de tout être humain. D’ailleurs, je n’ai jamais cru à ce système, ni à la paix depuis que mon père est mort à cause de cette idée...

Alors je ne souhaite pas faire comme les villages, je n’aurai pas besoin de prétexte dans ma violence, je continuerai à suivre mon nindô. Kiri ne sera qu’un outil qui me permettra d’accomplir mon objectif de bâtir un nouveau monde ! »

Luka n'aurait pas crû ça possible étant donner le statut et l'aspect mystérieux de Kurasa, mais celui-ci venait de se livrer. Très peu, certes, mais ça restait une ouverture et Luka appréciait le geste. Elle écouta ce qu'il avait à dire et n'adhéra franchement pas. Mais elle n'était pas là pour adhérer... Juste pour l'accompagner et remplir sa part de marché. Après, elle foutrait le camp. Du moins c'est ce qui était prévu à la base... Elle ne l'interrompit pas et son visage reprit lentement un air on ne peut plus sérieux et attentif. Finalement, cette homme était plutôt impressionnant. Il y avait de quoi... L'admirer. Il savait ce qu'il voulait faire, où il allait et comment obtenir tout ça. Contrairement à une Luka complètement perdue et désordonnée... "Ton père est mort pour la paix et moi j'ai failli mourir à cause de la cruauté des Hommes... Peut-être que je devrais me battre contre les gens comme toi ?" proposa-t-elle. Sa réponse n'attendait évidemment pas de question. Elle ne comptait pas se battre contre Kurasa, elle ne comptait même pas se battre tout court en fait. Elle n'avait pas envie d'une nouvelle guerre, la dernière à laquelle elle avait participé lui avait suffit pour le restant de sa vie. Elle voulait juste retrouver l'autre enfoiré pour lui faire bouffer le sol jusqu'à ce qu'il en crève, prendre ses parents et partir. Aussi loin possible de toutes ces guerres... Elle n'avait pas encore prit de décision sur un endroit spécifique mais elle se voyait bien aller sur une île neutre et sans aucun ninja, quitte à abandonner totalement ses "dons". Pour ce qu'ils suscitaient de toute façon... "Je comprends." répondit-elle simplement. Elle baissa quelques instants les yeux, semblant réfléchir, puis les releva finalement avec la ferme intention d'être aussi franche que lui. Elle lui avait fait un résumé très court sur la plage et elle comptait bien lui avouer maintenant ce qui l'avait conduite jusqu'ici. Surtout que ça allait à l'encontre de tout ce qui semblait animer Kurasa. Autant qu'il sache à qui il avait à faire... "Mon objectif ne va pas plus loin que la vengeance. Je veux récupérer mes parents et m'installer quelque part où je ne verrai plus aucun putain de ninja." Elle prit une inspiration pour soupirer et le regarda. "Je voudrais que tu saches à quoi t'attendre. Que tu saches qui est devant toi et qui t'accompagne. Que tu saches ce que je suis prête à faire malgré mon groupe. Que tu comprennes les risques..."

Ses yeux fixaient un morceau de bois du bateau alors que les images revenaient devant elle comme si c'était hier. Difficiles et cruelles. "On était en guerre. J'étais en équipe avec un homme, un ninja offensif. Et puis... Au bout d'un moment, on est tombé sur une équipe de gosses. Des gamins... Ils devaient avoir douze ans, à tout casser. Ils ont voulu protéger leur vie. Il m'a demandé de rester en retrait et je l'ai fais. J'étais persuadée qu'il allait juste les effrayer... Les faire déguerpir... Le premier gosse a volé jusqu'à une pierre, sa tête a prit en première et s'est mise à saigner. J'ai vu... J'ai vu la fille du groupe se précipiter vers lui et le dernier petit gars se jeter sur mon coéquipier. Le gosse... Il l'a massacré. Il l'a plaqué au sol comme si c'était juste..." Ses yeux s'étaient humidifiés mais gardaient une certaine emprise sur le morceau de bois qu'ils fixaient. "Juste rien. Il l'a plaqué au sol avec des fils de chakra. Il a sortit un kunaï et il a commencé à taillader le gosse, juste pour lui faire mal." Son visage laissa passer un rictus de haine. "Et l'autre taré qui riait sans s'arrêter..." Elle souffla doucement, comme si elle venait de libérer un poids de son coeur. Elle passa une main dans ses mèches blondes pour les rejeter en arrière et prit son courage à deux mains pour relever les yeux. "Alors j'ai juste... Je suis intervenue. J'ai récupéré le kunaï et je l'ai repoussé, pour m'interposer. Pour... Protéger ces gosses. Et quand je suis rentrée, il a tourné ça en "trahison, menaces envers un membre d'un clan plus influent, entrave à la bonne action d'une mission de guerre, manque de respect envers un aîné masculin, opposition à sa propre nation." Elle laissa échapper un léger rire nerveux et secoua un peu la tête. "Si c'était à refaire, je le referai. Je lui ai promis de le faire souffrir et de le tuer. Et je tiendrai ma parole." Elle planta ses yeux bleus dans ceux de Kurasa. "Si tu m'aides, je te suivrai."

L’information lâchée sur le paternel du ninja masqué était subtile, mais il avait tout de même une certaine importance ! C’était la toute première fois que Kurasa dévoilait une indication sur son passé, sur ce qui l’avait amené à être l’homme, rempli de violence et de désir sombre, qu’il est aujourd’hui. Même les membres du Youhei no Sekai n’avait pas eu le droit à un tel renseignement sur leur camarade. Dire quel était son nindô, son objectif et respecter la loi du silence imposé par l’organisation était tout ce qui comptait à leurs yeux. D’ailleurs, au sein de ce groupe de mercenaires mené par Yamanaka Hiro, personne ne semblait savoir grand-chose sur l’histoire de l’autre. C’était comme si chaque membre laissait leur background de côté afin de se consacrer pleinement à leur nouvelle vie et aux missions qui rythmaient cette dernière. Ou peut-être ne se montraient-ils tout simplement pas assez curieux les uns envers les autres ? Quelle que soit la réponse, l’ancien ninja de Kiri paraissait vouloir rester prisonnier de son passé pour continuer à voir la réalité de ce monde en face. Se rassurant alors sur la voie chaotique qu’il avait choisi d’emprunter…

Néanmoins, si ce détail sur la vie du Tenbatsu était censé se faire discrète, calé entre deux phrases expliquant sa grande ambition, elle fut suffisante pour capter l’attention de la jeune blonde. Oui, le père de l’homme aux yeux rouges était un fervent défenseur de la paix, tout comme fut sa mère, et son idiotie l’amena à la mort. Pour n’importe quel enfant ayant vécu à l’époque où la barbarie gangrénait tout l'archipel du pays de l’Eau, il était difficile de croire en des idées comme celle de la paix. Tous les aspects immondes des Hommes se dévoilaient aux yeux du monde. Tant de violence se déroulait sous leurs regards innocents ! Ils vivaient avec la mort au quotidien, les journées se teintant toujours un peu plus du sang rouge des cadavres tombés lors des guerres entre clans. C’était ça le vrai visage de l’être humain et, pour Kurasa, il apparut clair que c’était la seule manière de devenir plus fort afin de survivre ! La mésaventure qui emporta ensuite la vie de sa mère ne vint que confirmer sa nouvelle vision du monde. En somme, il n’était qu’une victime de plus de ce système shinobi et les échos faisant état de la création de deux villages ninjas ne changèrent rien. Le mal était déjà fait et prêt à étendre sa colère sur le reste du monde…

Toutefois, Luka avait son mot à dire maintenant que son nouvel allié venait, un tout petit peu, de se livrer. Adoptant comme à son habitude une attitude à la limite de la provocation, elle n’hésita pas à lancer au visage du Nukenin une question rhétorique affichant clairement leur différence de point de vue. Une réponse n’était pas attendu, alors le concerné continua silencieusement de mener la barque par delà cette mer, patientant que la Kawauchi reprenne la parole. Il avait bien fait.
Lorsqu’ils discutaient sur le bord de cette plage du village portuaire de Senun, il n’avait appris que peu de choses concernant l’emprisonnement de la jeune blonde. Tout son savoir résidait dans le fait que la kunoichi s’était opposée à la mauvaise personne, que cette dernière n’avait pas hésitée à user de son influence pour la faire condamner à mort et qu’elle était bien décidée à se venger ! Cette fois-ci, il apprit l’entièreté de l’histoire et elle fut très intéressante. C’était donc bien une femme de conviction qui se tenait devant lui, ayant des pensées radicalement opposées aux siennes ! Cependant, tout comme ce fut le cas pour Aedran, elle avait indéniablement un pied dans la violence. Elle voulait voir sa cible souffrir et le tuer de ses propres mains…

« Pourquoi n’es-tu pas allée au bout de ton action ? Pourquoi tu ne l’as pas tué pendant que tu en avais l’occasion ?

Au fond, je ne pense pas que nos idéaux soient réellement éloignées. Ma quête peut aussi ressembler à celle d’une vengeance, sauf qu’elle s’étend sur le système shinobi dans tout son être et sur cette idée mensongère qu’est la paix !

Tu as choisi de répondre à cet appel de violence, mais tu aurais pu le faire beaucoup plus tôt. La seule différence qui nous sépare est que j’ai choisi d’en faire mon nindô et de ne vivre que par elle.

Je t’aiderai à retrouver cet homme et à accomplir ton désir… »

C'était étrange. Nouveau. Non, pas nouveau... C'était juste oublié, quelque part au coin de la mémoire de Luka, et ça revenait progressivement et très timidement à la surface. Le soulagement, la liberté de dire ce qu'elle voulait, sans qu'on l'arrête, sans que ça la condamne, sans qu'elle n'ait peur. Sans qu'elle n'ait peur... C'était ça. Le regard de l'homme qui se tenait face à elle était neutre, calme et semblait purement simplement à l'écoute. A l'écoute... C'était une notion qu'elle avait presque rayé de son esprit. Au bout du compte, elle ne savait pas si elle aimait que Kurasa lui prouve que ce concept n'était pas totalement mort. C'est ce qui avait animé sa haine jusque là, sa rancœurs et son désir de vengeance. D'un autre côté... C'est avec cet homme, qui faisait renaître en elle la sensation d'être écoutée, qu'elle allait enfin pouvoir véritablement l’exécuter, sa vengeance. Donc au final, d'accord. Va pour le chamboulement de tout un état d'esprit qui avait mis des années à se forger pour finalement se solidifier dans la pierre de l'oubli. Pourtant, elle s'était montrée fermée aux propos de Kurasa et dors et déjà pessimiste quant à ses plans. Et lui s'était contenté de voir ça comme un rapprochement, d'accepter de l'aider. Elle était dépassée. Son esprit déraillait et ne comprenait pas ce qui se passait. Elle ne comprenait pas comment un être aussi véhément de la guerre pouvait avoir des paroles aussi douces et agréables. Alors un déclic se fit dans la tête de Luka. Cet homme, cet inconnu, n'était pas son ennemi. Il ne le deviendrait pas. Parce qu'ils avaient un but proches, parce qu'il était franc et honnête, parce qu'elle savait déjà à quoi s'attendre du peu qu'elle se souvenait de lui à l'époque du village. Parce qu'elle avait à la fois toutes les raisons mais également aucune d'avoir peur de lui. Parce qu'elle savait ce qui l'attendait. Un poids s'envola de ses épaules.

Pourquoi ne l'avait-elle donc pas tué à ce moment là ? Parce que malgré tout et bien qu'elle se montrait tout de même méfiante à l'idée de réunir tous les clans, à l'époque, et avant de déserter, elle avait une grande part de patriotisme en elle, de confiance en son village. Elle voulait aussi retrouver ses parents entiers, vivants. Elle voulait juste espérer que cette espèce d'alliance marche. Et pas une seule seconde elle ne s'était dit qu'elle était la seule à penser comme ça. "L'unification des clans avait pour moi une apparence harmonieuse. Un équilibre précaire et qui me laissait une grande appréhension, mais en lequel je voulais croire. On était tous unis dans une guerre commune, contre un ennemi commun. Et je ne pensais pas qu'ils auraient l'idée d'avoir un jugement pareil alors que chaque homme avait sa place dans toutes les batailles qui avaient lieu et qui allaient perdurer." Son regard se perdit sur la surface de l'eau, alors qu'un sourire, amer, s'installait sur ses lèvres. "J'ai eu la naïveté de croire en quelqu'un. Et je recommence aujourd'hui, avec toi. Je ne l'ai pas tué parce que je ne suis pas comme ça. Quand je l'ai menacé, il n'a pas bronché. Il s'est juste arrêté... Relevé... Et on est partit. Il aurait pu me tuer sur place, personne n'aurait rien dit, je ne suis personne. Mais à la place, il a préféré faire durer la chose et faire souffrir ma famille. Il a préféré prendre le temps de me torturer. Je ne l'ai pas tué parce que, à l'époque, je ne pensais pas que l'esprit d'un homme pouvait être à ce point souillé par le vice, la perversion et la cruauté." Elle s'arrêta quelques secondes avant de relever les yeux vers Kurasa. "Et toi ? A quel point ton esprit est-il corrompu ?" demanda-t-elle d'une voix neutre. Autrement dit, jusqu'où allait-il la faire souffrir. Pour elle, c'était presque une certitude que ça allait arriver.

Le temps semblait défilé à une vitesse folle grâce à cette conversation, entre l’homme aux yeux rouge et la jeune blonde, démarrée depuis la plage de Senun. À tel point qu’ils pouvaient tous deux constater que le ciel au-dessus de leurs têtes s’assombrissait, annonçant l’arrivée et de la nuit et d’une baisse des températures qui l’accompagnait naturellement. Avec elle, l’ambiance se calmait un peu et seul le doux bruit des vagues intervenait comme fond sonore à cette scène particulière. Plus aucun bateau de pêcheur ne traînait aux alentours. Du reste, il n’y avait que peu de place au doute quant à l’arrivée de l’hiver. Pourtant, cela ne semblait pas perturber Luka, qui était toujours en tenue légère, ni Kurasa qui continuait à ramer inlassablement vers l’archipel. Même ce brouillard, devenant de plus en plus épais avec les minutes ne se présentait pas comme un problème. Ce dernier savait où il se dirigeait, alors l’environnement austère autour de lui ne le dérangeait pas plus que ça. Après tout, c’était son pays natal ! D’ailleurs, cette atmosphère arrangeait presque les deux nouveaux camarades. Cette dernière donnait l’impression aux membres du binôme qu’ils pouvaient se confier l’un à l’autre, raconter leur passé et leurs diverses aventures qui font d’eux les ninjas qu’ils sont aujourd’hui, sans qu’aucune oreille indiscrète ne vienne semer la pagaille !

Cette situation était familière au ninja masqué. À chaque fois que le Tenbatsu s’apprêtait à nouer une alliance, le lieu et la méthode fut toujours teinté d’une certaine discrétion qui lui était bien utile pour approfondir ses connaissances sur ses potentiels alliés. Psychologiquement, être isolé et dans un endroit calme aidait étonnamment à la discussion et personne ne dérogea à la règle. Daisanji, Aedran, Ozaï, Goren et maintenant Luka. Tous subissaient les effets du calme et de l’écoute dont faisait preuve le Nukenin masqué, s’étant, comme à son habitude, transformé en un maître du silence. Était-ce le fruit d’un caractère curieux ? Ou était-ce rempli d’une malsaine intention, de vouloir aborder la discussion de la meilleure manière, afin qu’il puisse mieux enrôler son interlocuteur dans sa quête ? Si tel était le cas, cela pouvait passer pour une façon d’agir tout ce qu’il y a de plus vicieuse et manipulatrice. Non, que la kunoichi se rassure, l’intérêt qu’exprimait le mercenaire était sincère, du moment qu’il estimait que la personne en face de lui pouvait lui être utile dans sa grande ambition. Une nouvelle fois, il ouvra grandes ses oreilles, écoutant la Kawauchi s’expliquer sur sa décision ayant entrainé une douloureuse péripétie.

Elle commença d’abord par exprimer son ressenti vis-à-vis de l’alliance des clans il y a près de treize ans. Il était curieux de voir à quel point ce qui ressemblait à un heureux événement de l’Histoire, était perçu comme un malheur par un autre ! Oui, le rassemblement des clans fut une bonne nouvelle pour tout l'archipel et cela concordait avec l’épique affrontement que les habitants se sont livré face aux démons à trois queues, Sanbi. Mais pour l’ancien ninja de Kiri, cela concordait également avec le décès de sa mère… Sa vie fut emportée par un de ces nombreux raz-de-marée que le démon envoyait à chaque frappe. Kurasa demeura muet, comme toujours. Il estimait s’être déjà bien assez exposé comme ça et seul un événement marquant le pousserait à se dévoiler d’avantage. Quoi qu’il en soit Luka avait perçu cela comme un espoir en lequel elle avait accepté de croire, malgré ses quelques appréhensions. Cette dernière ne s’attendait certainement pas à tomber sur un homme aussi cruel que celui qu’elle définissait comme un enfoiré. Elle aura l’occasion de s’en venger…

Une question venait de lui être posée. À quel point est-ce que l’esprit du Nukenin était corrompu ? L’interrogation avait des allures surprenantes puisqu’elle venait de lui dire, quelques secondes auparavant, qu’elle avait choisi de croire en lui. La réplique du ninja masqué méritait réflexion…
Alors comme depuis le début de cet échange, le Tenbatsu laissait ses yeux fixés sur sa jolie interlocutrice. Il observait la moindre émotion s’inscrire sur son visage. Contrairement à lui, elle n’avait aucun mal à les laisser s’exprimer à ce moment précis. Est-ce qu’elle en était capable face à n’importe qui ? Ou était-ce uniquement parce qu’elle se retrouvait face à Kurasa ? Il n’en savait rien et la seconde option l’étonnerait franchement étant donné que les deux ninjas venaient tout juste de se rencontrer. Quoi qu’il en soit, il regardait le doux visage de la jeune femme, dont le regard était plongé en direction de l’eau. Elle paraissait frêle, mélancolique et pourtant, elle était bien prête à s’engager dans la voie de la violence en accomplissant sa vengeance. C’était presque comme si elle était prête à en mourir pour y arriver ! Il se devait de lui répondre…

« Autant que l’est le système shinobi. »

Le ton fut sec. Le regard sérieux. Il se montrait honnête une fois de plus. Oui, son esprit était corrompu. Oui, il était capable de commettre les pires crasses au monde. Coup bas, trahison, meurtre, complot et bien d’autres saletés dans le genre. D’ailleurs, peut-être que Luka le sentait et que c’était la raison même de sa question. Néanmoins, il ne fallait pas se méprendre sur son compte ! S’il savait qu’il allait devoir exécuter ce genre de tâches, Kurasa n’aimerait pas à avoir à le faire contre des personnes qu’il considère comme étant ses camarades, mais plutôt contre ses adversaires ! Son attitude était celle d’un solitaire, alors s’il s’alliait avec certains individus, c’est aussi parce qu’il avait de l’estime pour eux. Toutefois si jamais ceux-ci venaient à se présenter comme un obstacle… Il serait prêt à tout pour accomplir son désir de détruire le système et de mettre en place un nouveau monde dont il sera le Dieu !

Il l'avait écouté, ni plus ni moins. Il n'avait pas bronché, pas insulté ni moqué sa naïveté, il ne lui avait manqué de respect à aucun moment. Pas même ne serait-ce qu'une lueur quelconque dans son regard. Il avait juste écouté. Et sûrement enregistré et tout analysé, mais il n'en avait rien montré. Luka lui avait alors posé une question dont la réponse pouvait facilement se révéler être un piège. C'était une question à double tranchant. Ou il allait dans son sens - alors qu'elle avait parfaitement cerné la nature du personnage - et elle saurait qu'elle allait l'abandonner à la première occasion parce qu'il n'avait rien d'honnête et de confiant, ou il allait dans l'autre sens et il s'avouait être un homme dangereux dont elle devrait se méfier jours et nuits. La différence, si les deux options paraissaient tout aussi mauvaises l'une que l'autre, résidait simplement dans le fait que s'il était honnête, elle saurait à quoi s'attendre. Et c'est ce qu'il choisit d'être. Sèchement, avec un sérieux qu'elle commençait à avoir l'habitude de trouver chez lui, il lui répondit avec la même sincérité dont il faisait preuve depuis leur rencontre. Luka le regarda un moment, sans rien ajouter, puis un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Mince, presque imperceptible, sans aucune raison apparente. Qu'est-ce que la réponse ou l'attitude de l'homme qui menait la barque, au sens figuré comme au sens propre, avait pu avoir de si particuliers pour que ça fasse sourire la petite blonde ? Sa tête cogitait dur et les différents points d'ancrage qu'elle s'était "visualisée" dans son esprit s'effaçaient peu à peu, ne laissant plus qu'une petite liste de priorité et de précautions à prendre en compte. Au loin, alors que le courant et les muscles du Tenbatsu travaillaient toujours à faire avancer le bateau, une terre se rapprocha finalement avec l'élan majestueux d'une menace indescriptible. Luka aurait pu continuer, poser d'autres questions, fouiller un peu plus l'esprit du nukenin pour encore mieux se préparer à ce qui l'attendait. Mais, parfois, trop savoir ferme inutilement des portes qui auraient pu être de bonnes échappatoires. Et de toute façon elle n'avait plus envie d'ouvrir la bouche. Cela faisait bientôt 13 ans qu'elle n'avait plus aligné autant de mots en une même journée. Tout ce qu'elle venait de déballer là équivalait bien à une bonne semaine de parlotte avant que Kurasa ne vienne la chercher. Une autre perspective qui ne l'enchantait guère... Si elle voulait que l'homme la garde sous le coude, elle allait devoir arrêter de se montrer trop silencieuse. Le silence fait peur à beaucoup de monde parce qu'il est synonyme d'une intense réflexion, voir d'une hypocrisie glaciale. Elle ne savait pas comment Kurasa allait réagir si elle se mettait à garder le silence jours après jours, mais l'inquiéter et le rendre nerveux et méfiant était la dernière chose qu'elle voulait faire avec cette homme charismatique et dont le physique renvoyait sûrement l'image de capacités effrayantes. Elle détourna alors le regard de son interlocuteur, signe que la conversation était terminée pour elle, et se contenta d'admirer le paysage qui s'offrait à eux. Un calme éphémère dans un paysage comme figé dans le temps.