Le manoir des Ketsueki se dressait fièrement devant-moi. J’avais l’impression de ne pas m’y être rendu depuis des lustres, mais cela ne me dérangeai guère. Ces murs renfermaient de nombreux souvenirs que je préférais oublier. Je n’avais jamais été très à l’aise dans cette bâtisse même du temps où je m’y rendais fréquemment pour rendre visite à Yami. Aujourd’hui les lieux étaient bien plus occupés qu’à l’époque. Même si ses nouveaux résidents se révélaient aussi tordue que tout le reste. Entre ses félidés décharnés tirés d’outre tombes et ses nombreuses chauve-souris ornant la voûte, on pouvait difficilement trouver le manoir accueillant. L’idée d’entrer à l’intérieur ne me réjouissait guère. D’autant plus que nous étions de nuits ce qui me donnait d’autant plus l’impression d’être une voleuse s’introduisant dans une noble demeure pour en dérober richesse et secret. Parvenue devant la porte je frappais le loquet de cette dernière. Un bruit sourd s’éleva dans la nuit, se répercutant avec écho jusque dans les confins de la bâtisse.

J’attendis durant de longues secondes qui me parurent interminable. Je n’attendis aucun bruit de pas, il ne semblait y avoir personne. Seulement cela n’empêcha pas la porte de s’ouvrir d’elle-même, comme si elle était tirée par une force invisible. Comme je m’y attendais il n’y avait personne derrière, tout du moins en première vu. Un simple effort pour amplifier mes sens me permit de desceller la présence de Méphisto qui se plaisait encore une fois à effrayer les visiteurs. En tout cas cela ne prenait pas sur moi, ou, cela ne prenait plus. Après tout ce qui nous était arrivé, nous pourrions dire que nous étions en quelque sorte devenue intime. En effet une partie de lui se trouvait dans ma tête même si son influence avait considérablement depuis ma métamorphose.

-Bien essayé mon chaton, mais je suis désormais en mesure de te voir. Dis-je tout en suivant sa silhouette invisible du regard. Je pouvais presque voir son éternel sourire carnassier sur son visage.

Le félidé tourna la têt vers-moi tout en maintenant son camouflage actif. De mon côté je franchissais le seuil de la porte pour entrer. Le grand hall était sobrement éclairé si ce ne fut l’imposant lustre de fer suspendu au plafond.

-Tu ne trouveras pas de réponses ici. Elles sont ailleurs, issu d’un passé ayant ressurgit dans le but de rejoindre le présent, mais elles restent hors de portée des personne tournée vers l’avenir.

Comme toujours je ne comprenais un traitre mot de ce qu’il disait.

-Je suis simplement venu quérir un peu de lecture. Et il me semble que votre bibliothèque fourmille d’ouvrage plus ancien et fascinant les uns que les autres.

-Une histoire écrite dans le sang…

J’eus un demi-sourire.

-J’imagine que Yami n’est pas là. Dans ce cas tache de la prévenir de ma venue. Je ne tiens nullement à gêner davantage.

J’avais conscience que je n’avais rien à faire ici d’autant plus à une heure si tardives. Je n’étais pas chez-moi et j’allais tout de même entrer en l’absence des maîtres de maison. Que l’on ma tienne rigueur ou pas je m’en moquai bien. La raison de ma présence ici n’était mu que par le désir d’aider ces derniers. Ce faisant je longeai les longs tapis de velours à pas de chat jusqu’à parvenir dans la grande bibliothèque qui était totalement plongée dans le noir. Je ne pris pas la peine de mettre en route l’éclairage, les quelques brides de lumières provenant du hall suffisaient à aiguiser ma vision nocturne. J’étais dès lors à même de lire à travers l’obscurité. Ma main se glissant entre deux étagères pour se saisir d’un premier ouvrage qui serait le premier à tomber sous le fil de ma lecture. Sur la couverture était gravé en lettre dorée « l’Ode au crépuscule ». Je pris la peine de me déchausser afin de m’asseoir confortablement en tailleur dans le fauteuil en face. J’ouvris le bouquin à la première page et commençait à parcourir les lignes. Les heures défilèrent la pile d’ouvrage commença à s’entasser à mes pieds. J’ignorai quel heure il était. Il me semblait pourtant que les tintements de l’horloge avaient annoncé quatre heures.

Parvenue à la moitié de douzième livre, mon attention fut subitement attirée par la présence d’un individu avançant dans ma direction. Elle n’était pas encore entrée dans la pièce, mais je savais déjà qu’il s’agissait de Ketsueki La, la calamiteuse protégée de Yami. Je ne savais pas grand-chose à son sujet si ce ne fut que je devais lui être également redevable pour ce qui s’était passé à Yuki et qu’elle avait causée de nombreux tords à ma meilleur amie ainsi qu’à notre Kazekage.

-Excusez-moi La. Je me suis permise d’entrée parce que Méphisto ma ouvert. Comment allez-vous depuis la dernière fois ? Dis-je simplement sans avoir encore posé le regard sur elle.

Elle n'avait plus de langue. J'imaginai donc que cela n'allait pas fort. Elle tirait une expression cadavérique. La mauvaise humeur était de mise. Sans que je comprenne pourquoi elle s'installa prêt de moi pour siroter son verre et fumer sa cigarette. Yami ne s'était pas montrée des plus commodes avec elle. La sentence donné avait été digne d'une Ketsueki, même si on pouvait dire qu'elle sentirait plutôt bien comparé à d'autres buveur de sang puni par leur semblable. Dans certains livre que j'avais pu lire il fut question à plusieurs reprises de châtiment exercé sur des Ketsueki traite par leur confrères. Ce n'était pas beau à imaginer.

Une chance que Yami ne soit bien plus douce que les autres membres de sa famille, auquel cas La n'aurait pas perdue que sa langue. Ce genre de méthode me dégoûtait et je me serais certainement opposé à cela si tout n'avait pas déjà été tenté pour essayer de refréner les caprices de la jeune femme à mes côtés. Au grand mot les grands remèdes comme on disait. Il ne s'agissait pas de mon clan, je n'avais donc aucunement à interférer dans ce genre d'affaire, cela aurait été mal venu, bien que je ne pouvais m'empêcher d'éprouver un élan de pitié pour la demoiselle. Je n'aurai su dire pourquoi...

-Avez-vous des nouvelles de Yami ? Comment va-t-elle ?

Je ne me rendais compte trop tard que c'était la chose à ne absolument pas dire. Déjà que la communication risquait d'être assez complexe entre nous deux et que son flegmatisme naturelle cassait l’ambiance. Gardant dès lors le silence, ne sachant trop ce qu'elle attendait de moi, je ne trouvais rien de mieux à faire que de me replonger dans ma lecture. A la base j'étais bien ici pour cela, donc autant terminer ce que j'avais commencé. Et puis, non, elle ne semblait vraiment pas disposée à dialoguer...

Incapable d'articuler la moindre parole La me servit sa réponse par écrit. Je m'étonnai de sa maladresse avec les mots. N'avait-elle donc eut aucune éducation ? Il était vrai que j'ignorai bien des choses à son sujet, pourtant j'avais pus voir tout ce qui s'était passé durant les illusions de Chura. L'histoire de chacun, de ses doutes, de ses peurs ainsi que la façon dont ils étaient parvenu à surpasser leurs démons. J'étais moi-même passé par là avant de m'éveiller à ma nouvelle condition. Ainsi je ne n'était pas sans ignorer ce qu'étais jadis la jeune fille en face de moi et je me demandai malgré tout comme elle avait put perdre autant en prestige. Une certaine forme d'empathie n’acquis envers celle qui s'efforçait de continuer à communiquer malgré sa langue coupée.

-C'est toujours compliqué avec Yami... Dis-je dans un soupir.

Évidemment je n'étais pas en reste. De nous deux j'étais certainement celle qui causait le plus de problème à autrui. Hors, mon visage devint limpide lorsqu'elle m'annonça qu'elle allait bientôt guérir de sa maladie. Je ne savais pas si La avait pu le remarquer au vu de l’obscurité de la pièce, mais cette révélation soudaine me saisi de vertige.

-Vous voulez dire... Le rituel... ?

J'avais l'impression d'être une âme juvénile virant de l’œil à la vu de la moindre goutte de sang. L'imaginé je ne sais où pour y faire je ne sais quoi afin d'en ressortir guéri mais transformé me mettait au plus mal. J'avais peur de ce que j'allais retrouver à son retour, j'avais peur de la perdre pour la énième fois. Prise d'un mal soudain, j'appuyai ma tête contre le plat de ma main. Celle si m'était devenue soudainement trop lourde. Tandis que je me remettais de mes émotions la suite des écrits vinrent à moi. Elle pensait que j'avais changé Yami et que j'étais également capable d'en faire de même pour elle. J'eus un sourire noir.

-Non pas vraiment... Ce n'est pas moi qui l'ai changé, mais tout le village dans son ensemble...

Ma main appuyée sur mon visage glissa le long de ma joue, renvoyant par l'occasion quelques mèches de cheveux en arrière

-Si vous voulez devenir meilleur commencez par accepter le monde qui vous entoure. Avant d'envisager un quelconque avenir essayer d'abord de vivre le plus simplement du monde. Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire...

Assise sur le fauteuil, je renvoyai mes genoux vers-moi afin de m'en servir comme accoudoir.

-Je ne voudrais pas mettre un frein à vos bonnes aspirations, mais Yami risque certainement de redevenir comme avant. Si vous décidez de rester à ses côtés ce sera plus difficile que jamais pour vous. A vous de décidez ce que vous aurez à faire. Moi je resterai ici...

Parce qu'elle était une amie et même si l'envie de la tuer me traverserait plus d'une fois je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour la ramener. Et ce fameux pouvoir j'étais justement parvenu à l'acquérir à Yuki.

La nuit tournait autour de nous dans sa farandole funeste. J'avais l'impression que les nombreux fantôme des morts condamnés entre ses murs s'amusaient à présent à danser dans la pièce. Évidemment tout ceci sortait de mon esprit torturé. Il ne pouvait en être autrement. Seulement il m'était impossible de me sentir à mon aise entre ces murs. Pendant ce temps La continuait d'écrire sur son calepin, comme si de rien n'était semblant savoir que j'étais en mesure de lire le contenu de ses lignes au milieu de cette pénombre.

-Le monde change sans cesse. Il ne sera jamais celui que vous avez connu hier. Vous devez apprendre à vous adapter sans quoi vous finirez par disparaître.

Il s'agissait en quelque sorte de la philosophie des Saibogu inhérente à notre science en perpétuelle évolution.

-Non le monde n'a pas besoin de vous. Tout comme il n'a pas besoin de moi. Il tournait avant nous et continuera de le faire bien après. Si vous voulez exister il vous faudra y faire votre propre place. A vous de voir celle que vous choisirez, mais sachez qu'ici sommes prêts à vous aider à l'avoir si vous vous en donnez les moyens.

A Suna nous n'étions pas fait de monstruosité mais de justice. Les innocents n'étaient pas condamné impunément et l'effort était récompensé à qui de droit.

-Malgré vos nombreuses erreurs votre cas n'est pas définitif. Il vous est encore possible de vous rattraper. A vous de voir ce que vous choisirez. Dites-vous simplement que vous n'êtes ni la première ni la dernière a agir ainsi. Nul ne vous reconnaîtra en tant que tel. Alors soit vous décidez d'aller au plus mal ce qui finira pas signer votre arrêt de mort, soit vous choisissez de changer de voie pour marquer d'une tout autre façon l'esprit des gens afin de recevoir quelque chose en retour.

J'étais dur dans mes paroles, mais je restai réaliste. Si cela n'avait tenu qu'à moi elle aurait passé l'année toute entière en prison si ce n'était davantage. Je n'avais aucunement de temps à perdre avec les renégats. J'étais du genre à anticiper sur l'avenir en anéantissant les problèmes à la source avant qu'ils ne prennent de l'ampleur.

-J'ai énormément donné de ma personnes pour ceux qui mes chers. J'ai beaucoup sacrifié et perdu, mais c'est ce qui ma permis de forger des liens forts. C'est pour cette raison que tous sont venu à mon secours à Yuki. Et j'aurais fait exactement la même chose pour chacun d'entre eux. Parce que nous sommes ainsi, avant d'être des proches ou des amis, nous sommes en quelque sorte une famille.

Cette pensée fit naître un sourire énigmatique sur le bord de mes lèvres.

-Je ne vous aides pas. J'aide mon village. Si vous combattez à mes côtés vous contribuerez à protéger ce qui mes chers. Tout simplement...

Mon regard d'ambre se perdit dans le sien. Ces deux perles vermeilles me rappelèrent étrangement ceux de ma Ketsueki bien aimée. Je ne l'imaginai pas si émotionnelle tandis qu'une larme venait couler le long de sa joue. Et moi j'attrapais son poignet pour dégager sa main de mon menton, restant, au demeurant, passablement décontracté malgré la gravité de la scène. Mon sourire persistant, ni moqueur, ni joyeux ne faisait qu'accentuer cette impression.

-Jusqu'où je suis prêt à aller ? J'eus un petit gloussement ironique, puis relevai le bas de mon t-shirt pour dévoiler cette longue cicatrice qui partait de sous mon nombril pour disparaître vers bon bas ventre. Et ce n'est rien comparé à tout ce que j'ai donné jusqu'à présent.

Je lisais le restant de sa note tandis qu'elle s'inclinait pour quémander mon aide.

-Détrompez-vous Ketsueki La, c'est plutôt elle qui me doit tant. Mais soit. Je commence à me faire à cette vie de décadence. Nous ramènerons Yami et ce par tous les moyens.

A ces mots je refermais brusquement un des livres que je venais d'attraper. Mon unique pupille prit sa forme reptilien et sembla luire à la lueur du faible éclairage venant du couloir.

Le souvenir d'un passage mettait brusquement revenu en tête. Ou plus précisément une ligne.

Un cœur battant pour tous...