« Shin shin to. Shin shin to. Ano ame ka ? »

La femme avançait sur la route pluvieuse qui menait à la capitale. Mais rien n’y faisait, il restait trop de choses, trop de monde, trop de pluie. Le temps ne lui faisait pas défaut : des mois déjà prenait-elle pour émettre ses souhaits et ses attentes. Elle n’avait plus pour seul but qu’une chose : l’anéantissement d’un être. Elle cherchait, encore et encore, sans jamais trouver ce qui lui manquait.

La pluie courait tels les pleurs des temps passés. Le pays n’avait plus rien de son emblématique pouvoir. Non, rien. Mais ce n’était pas là l’objet de son désir : elle tentait toute autre chose. Il ne fut rien d’autre, devant elle, qu’une voie infinie, sans aucune limite que celle qu’elle lui donna : le corps de cet homme, tranché au fil de son épée. Le corps de cet homme, que nul ne put plus animer.

Son esprit était clair, et son sabre était net. Jamais la lame ne s’était émoussée. Jamais son âme ne s’était effondrée. Certes, si son mental, parfois, fut faible, jamais n’avait-elle ployé le genou devant quelque effort que ce soit. Elle avait progressé, grandi, évolué, et elle marchait sur la dernière voie avant la sienne. Une noble mais terrible voie : la vengeance.

Le ciel jamais ne cessait son air grisonnant lorsque sa présence se faisait. Du moins lui semblait-il. Il ne lui fallait pas grand-chose pour la faire envier la vie de rêve qui s’en trouverait après devant elle. Oui, que peut-on espérer de pire qu’une vie de recherche et de haine, de colère, de soif d’une revanche inassouvie ? A ses yeux, quoi que ce soit lui serait meilleur, et tout lui tendait les bras, sauf une chose : la mort.

Elle se sentait forte, dans ce corps. Un corps qu’elle avait travaillé durant de longues années. Un corps qui lui semblait plus juste et plus affirmé que nul autre, plus digne de confiance qu’aucune entité vivante. Il ne lui restait plus rien sinon elle-même et son sabre. Ce sabre dont elle avait choisi un destin plus serein après leur triste forfait, aussi lui avait-elle donné le nom de Haruken, la lame de printemps. Son nom lui offrait plus glorieux ouvrage que leur prochain but.

Mais alors que ses pensées ne l’enfouissaient que plus encore dans les méandres de ses songes, sans que la pluie ne cesse, le vent tomba. Ses instincts la prirent d’alerte, et son regard s’affûta, pareil à sa lame, qui fut gardée dans son fourreau pour l’instant.

Vint alors celui qu’elle avait senti : un unique homme, vêtu de voir et portant l’épée. Qu’on n’eût prévenu, sûrement, sans quoi il s’en serait tenu à la distance, préférant quelque arc ou arquebuse. Mais non, son destin le poussait à prendre la lame.

Sans sourciller, et d’un mouvement, le sabre traça sa course et rejoignit le foyer, ne laissant derrière lui que le retour d’un vent d’Automne, la ligne rouge d’un sang frais, et le corps d’un inconnu. Seul, sur son front, donnait signe de son identité : le symbole d’un souverain de ces terres, l’unique bâton dans les roues de ce chariot qui avançait vers son unique but présent. Oui, cet homme fut Shinobi, et retourna-t-il à présent à la terre de son cher Empire, car nul n’arrêtait la marche de la jeune femme, qui courait à présent jusqu’à la terre de sa proie.

« Shin shin to. Shin shin to. Omaewa shinda. »