Tout se résumer parfois à un rien. C’était ce que se disait la fille à la démarche lente à travers les rues éclairées d’un soleil doux au cœur même de Kumo. Le chemin était un peu sinueux et comme il faisait beau, encombré. Parfois on la bousculait un peu et c’était dans l’indifférence la plus totale que de ses courts pas elle gravissait l’écart des pavés jusqu’à sa destination finale. Et la finalité semblait bel et bien un mot parfaitement bien choisi, mais elle ne le savait pas encore. Parfois quelques instants, son menton se relevait, parce qu’en définitive être aveuglée par la lumière trop agressive de l’astre du jour avait un côté agréable, ses milliers de points multicolores qui venaient ainsi égayer son univers.
Un monde à part des fois, oui c’était exactement ça et c’était dans cette futilité que la Pousse se ravissait au grand damne de ses deux locataires, enfin, plus une que l’autre en fait, Noe n’en avait rien à faire, la seule chose qui le faisait vibrer et s’animer était l’adrénaline. Eon préférait les jeux d’esprits et les discussions profondes et Neo elle, se perdait parfait avec tous leurs sentiments si différents, sa tête en devenait souvent douloureuse quand elle s’éloignait des directives, mais c’était un mal nécessaire, un pour l’arbre, la ruche… Son berceau dont elle avait plus que pour seul souvenir les fables de l’ancêtre qui la parasitait.

Sa mémoire se mettait au travail d’ailleurs à chaque qu’ils, enfin qu’elle passait par là, le chemin qui surplombait l’académie. Son regard balayait l’horizon de la ville en contrebas et en réalité, la fille n’en connaissait pas grand-chose, à croire que de toutes ses pierres, seules celles qui abritaient les jeunes pousses des « Autres » avaient leur importance. Beaucoup de chose lui échappaient encore et d’un haussement d’épaules pour chasser sa propre incompréhension, elle se débarrassait également des doutes sur le fondement de sa présence ici. Dans sa main roulait un parchemin à travers ses doigts avec une belle dextérité, il était un lancé de dés dans sa quête, une convocation officielle par un « Senseï ». Cela voulait-il dire que les « Autres » la considéraient enfin comme une des leurs ?...

Plusieurs sentiments se bousculaient à sa porte à chaque pas, d’un côté la satisfaction d’être acceptée, un sourire en coin un peu niais pouvait en témoigner, mais d’un autre côté, la voix de ses origines ne pouvaient que lui rappelait le dégout à se rabaisser à eux. Ce n’était qu’une façade après tout ? Neo en doutait parfois, mais elle avait après à enfermer ces derniers et son intimité dans une bulle hors d’atteinte du trio. Un moyen de ne pas étouffer… En dix années derrière, les seules qu’elle arrivait plus ou moins à se souvenir, ils ne l’avaient jamais quitté. Jamais. Pas une seule fois.

C’était d’ailleurs un peu trop perdu dans son monde que la kunoichi dépassait son lieu de rendez-vous et ce n’était qu’à nouveau quand le soleil venait aveugler son œil le plus clair, que la réalité la rattraper. Son demi-tour se faisait dans une rotation digne d’une ballerine et un rictus digne de carnassier s’étirait quand ses yeux bicolores se plissaient. Sa pirouette s’arrêtait pile poil dans l’axe en face d’une silhouette qu’elle avait vu, sans la voir, dépasser, sans le vouloir. Un air de déjà vu dans la scène, sauf que dans le scénario original, il n’était pas question de rencontrer qui que ce soir, le but du jeu était son inverse, à savoir éviter les « Autres » pour sauver sa peau.

-Sumimasen Sempaï !

Finissait ainsi par s’échapper de sa bouche tandis que sa main semblait saluer dans le vide quand ses paupières découvraient ses pupilles à nouveau. Personne ? Son regard examinait la zone avec un étonnement certain, après tout ça ne serait pas la première fois qu’elle confondrait ses songes et la réalité. Sous le grand arbre aux feuilles chantant l’humeur du vent son attention se figeait, il n’y avait personne, mais comme une ombre massive au manteau dansant arrivait à se dessiner dans son esprit. Comme la première fois qu’on lui avait offert une attention unique. Le sourire se fanait et se faisait timide quand ses propres cheveux suivaient le ballet presque silencieux de la scène que personne ne semblait à même de remarquer. Peut-être que secrètement c’était l’espérance de retrouver ces journées-là qui l’avaient hanté à l’annonce d’un petit papier.

C’était ridicule, mais les battements de son cœur menaçaient de trahir l’émotion si jalousement conservée pour elle-même tout ce temps. Elle soufflait lentement en patientant calmement, un jeu familier maintenant. La grande Horloge n’approchait toujours pas l’heure du rendez-vous de toute façon, qu’il n’y est personne n’avait donc rien d’anormal. Un revers de poignée et son ombrelle se déployait au dessus de sa tête annonçant le début du premier acte, chaque jour et chaque rencontre n'était ainsi que la suite de sa divine comédie, une dont elle était simple actrice, soumise aux caprices du metteur en scène...