Après le passage d’Hasaki, j’avais fait convoquer quelqu’un qu’il me paraissait nécessaire d’appeler. La lettre aux kumojin était partie, dans deux jours, tous les Jonins et Chuunins de Kumo devraient être revenus à Kumo, où qu’ils se trouvent, sauf cas de force majeure (missions d’infiltrations et autres missions). J’attendais une grande assemblée où je pourrais à nouveau revoir chacun d’entre eux. Même si je ne les connaissais pas tous, même si je ne les fréquentais pas tous, le fait d’avoir duré dans le système comme on dit, le fait d’avoir été membre du satoru, d’avoir eu accès à bon nombre d’information m’avait permis d’en savoir plus sur eux. D’ailleurs, dès ma nomination au poste de Raikage, je m’étais empressé à relire tous les documents et rapports me permettant de maîtriser parfaitement la situation militaire de Kumo ainsi que de Kaminari no Kuni. Je n’avais pas encore terminé d’ailleurs. Et en repensant aux nombreux autres dossiers importants qu’il me restait à éplucher, j’en devinais le nombre d’heure de de sommeil en moins que j’allais de toutes façons devoir supporter.

Mon regard se posait sur les lignes du rapport concernant la Genin que j’avais sous les yeux. Son histoire relevait du drame. Une sombre affaire de bain de sang clanique comme on en entendait assez régulièrement. Cette kunoichi, à peine l’âge de la maturité, s’était déjà vu confier les rênes de son clan dépérissant. Un clan mineur rallié à Kaminari no Kuni. Comme elle, j’imaginais le nombre de difficultés auxquelles elle aurait à faire face, auxquelles elle faisait déjà face d’ailleurs malgré son jeune âge… Je tournais la page sur laquelle était écrit noir sur blanc des appréciations positives du Yondaime sur une mission d’importance qui lui avait été confiée. Je continuais à tourner les pages du rapport que j’avais déjà lu deux fois à vrai dire. J’en survolais les lignes pensant à la décision que j’avais déjà prise et que j’aurais prise si j’avais été à ce poste au retour de cette mission…

Le temps avait passé. Il ne me fallait plus attendre que quelques minutes avant de l’entendre toquer à la porte. Normalement... La ponctualité est affaire de ninja qui se respecte et qui respecte ses collègues et autres supérieurs. Je ne doutais pas qu’elle serait ponctuelle, sauf empêchement. Mais, sait-on jamais. Mieux valait laisser une marge supplémentaire à l’inconnu, ou à la chance. C’est selon. Je m’adossais à mon siège tandis que mon regard se portait sur le parchemin que j’avais fini d’écrire et de signer. Une décision ayant effet sur l’avenir d’une personne qui me semblait fort prometteuse…

En y repensant, quelle serait sa réaction en entrant dans ce bureau où elle croirait trouver le Yondaime Karasu Tsumei ? La nouvelle n’était pas encore tombée. Rien n’avait filtré. Ceux qui étaient au courant du changement n’étaient autres que les conseillers du Daimyo, les membres du Satoru, Monjara Otenba et Seki Hasaki. Je n’étais pas sorti du palais depuis mon arrivée il y a deux jours de cela, mis à part cette fois où j’avais mené Hasaki au village Seki. Mais j’étais en uniforme de Jonin...

Sous peu les choses allaient s’accélérer. Sous peu, Kumo allait devoir agir et je devrais faire les bon choix afin que tous puissent en bénéficier. Il fallait que je m'en donne les moyens, et j'avais déjà imaginé comment j'allais me donner ces moyens. J’avais déjà mes idées. Et l’une d’entre elle commençait avec cette personne. Il me sembla qu’on frappait à la porte…

« Entrez je vous prie. »

Je croisais les doigts de mes deux mains en attendant de voir s'il s'agissait bien de la personne que j'attendais : Tsukiyo Koémi.

Je regardais entrer trois personnes dans le bureau. Koémi, que j’attendais, s’était arrêtée sur le pas de la porte. Stupéfaite tandis que les deux autres, eux, s’étaient dans leur grande marque de respect envers la personne du Raikage, à peine redressées, pour me regarder dans les yeux. Je riais intérieurement de la scène. Un rare moment amusant, depuis que j’étais nommé remplaçant de Tsumei. Même si je n’avais pas esquissé le moindre sourire, même si l’expression de mon regard, toujours neutre, n’avait pas changé une seconde, je trouvais que c’était déjà ça de fait de pris. Une éclaircie dans la grisaille de contexte de deuil. La seconde après la toute première fois que j'avais ri dans ce bureau -rit de moi-même il faut le souligner.

Sans que ce soit l'effet recherché, je m’étais levé, laissant voir à Koémi, que je savais être une personne douée de bonne capacités d’analyses, que mon code vestimentaire avait changé et que malheureusement, si j’en étais là, c’est que le Yondaime était au mieux disparu, au pire, décédé. J’avais déjà évalué à 90% que c’était la seconde option qui était valable.

Mes pas m’avaient mené jusqu’à la kunoichi. Je l’invitais à entrer dans la pièce, créant deux clones de chakra qui se chargèrent de déposer les lourdes caisses que Koémi avait apporté, près du siège sur lequel je l’invitais à prendre place. Les clones avaient disparu. Nous laissant seuls, la kunoichi et moi. Je sentais la petite abasourdie. C’était normal… Le contraire m’aurait étonné. Peut-être même, déplu… Je m’avançais vers le buffet sur la droite de mon bureau. Au-dessus de celui-ci, se trouvait une carafe d’eau. Je sortais des tiroirs un verre que je portais à la Genin. Je lui remettais entre les mains et lui proposais de l’eau. Je n’avais que cela à offrir pour le moment, n’ayant pas pu investir, tel que le conseillait Hasaki, dans du thé. Je lui servais de l’eau et lui conseillait d’en boire et de reprendre ses esprits. En allant reposer la carafe, je lui répondais alors que j'avais encore le dos tourné :

« Malheureusement Koémi, c’est bien moi qui t’ai convoqué… Le Yondaime est disparu… J’ai des chances de croire qu’il est même décédé. Depuis environs dix jours au moins... Peut-être plus... Le Daimyo m’a nommé Godaime ne souhaitant pas affaiblir Kumo en laissant notre village sans chef. »

J'étais entre temps revenu à côté de mon siège. Je me rasseyais. Elle n’avait probablement pas été contactée par Atsu' du Satoru. Elle ne savait donc pas pour la réunion à venir. Normal, elle n’y était pas conviée.

« J’ai des choses plutôt importantes te concernant, au-delà cette bien mauvaise nouvelle qu’est la disparition du Yondaime. Mais… Je vois que tu as répondu à la convocation du Raikage non pas en tant que Genin, mais en tant que Chef de clan. Fort bien ! »

Je faisais un signe de la main vers elle. Paume ouverte, comme une invite à en dire plus si elle le souhaitait. Pour mieux lui faire comprendre que j’étais toutes ouïes, je concluais :

« Je n’ose te demander comment tu te portes. La dernière personne à qui j’ai posé cette question ne l’a pas très bien pris je crois… » Je baissais les yeux comme perdu dans mes pensées, puis je le reportais aussitôt sur la Genin tout en poursuivant avec un sourire que je voulais apaisant : « « il faut croire que rien ne fonctionne normalement actuellement… »

Je me taisais et la regardais comme un père regarderait sa fille aînée. J’étais certes jeune, mais j’avais vécu malgré mon jeune âge tant d’aventures, tant d’expérience, que l’on pouvait, je crois, me prendre fort bien me prendre pour plus âgé que je ne l’étais. La valeur n’attend pas le nombre d’années… Je pressentais qu’il y avait de grandes chances que ce dicton soit applicable à Tsukiyo Koémi. N’était-elle pas déjà chef de son clan malgré son jeune âge ?

J’observais Koémi. J’avais remarqué qu’elle avait été vraiment peiné. Une larme avait perlé sur son beau visage innocent (quoi ? N’allez pas croire n’importe quoi, Zenno pense en mode pater. Pas d’exagérations). Une seule larme, amplement suffisant pour un shinobi. Perdre un guide, un maître, pour ceux qui avaient réellement pu saisir l’apport de Tsumei, n’est pas une chose aisée. Cependant, par égard pour lui, je ne sais pourquoi, j’avais le sentiment qu’il ne fallait en faire trop. Nous devions rapidement essayer d’en savoir plus sur les circonstances d’une mort que je tenais de plus en plus à la certitude. Je souriais lorsqu’elle m’appelait Ken et qu’elle faisait référence à notre dernière mission et à mes modestes capacités. Faiblement, je lui répondais avec le même sourire que je voulais apaisant :

« C’est vrai… »

Rapidement Koémi s’était totalement ressaisie. À présent, le Chef de clan qu’elle était me faisait part de la contribution du clan au village de Kumo. Sans la quitter du regard, je l’écoutais parler. La situation économique de Kumo et de Kaminari n’était pas si mauvaise que cela. Cependant, toute contribution, généreuse ou pas,ne pouvait être refusée. Du moins, tant que le prestige de Kumo et du pays de la Foudre n’était pas en jeu. Il y a des cadeaux qui sont insultants… Chose que je ne saurais tolérer. En l’état, Koémi proposait quelque chose que je trouvais tout à fait honorable dans la démarche. Je tenais à le lui faire savoir.

« J’apprécie la contribution du clan Tsukiyo. Au nom du Daimyo de la Foudre je te remercie pour le geste… Et ceux de ton clan ? Du moins, ceux qui te restent encore fidèle ? »

Je savais qu’elle n’avait pas terminé, je la laissais poursuivre. Je recueillais les informations compilées par le clan Tsukiyo depuis des générations. Elle me les avaient remises. À nouveau un geste d’une grande portée, d’une grande importance. Mon regard devenait plus étincelant. J’aimais recueillir des informations sur tout. Je l’avoue. Cependant, ce qui faisait grandir mon intérêt pour la Cheftaine du clan Tsukiyo, c’était la loyauté dont elle faisait montre envers Kumo.

Après les informations, venaient un présent que je comprenais être d’une grande valeur sentimentale pour Koémi : les sabres de son frère. Je stoppais tout geste alors qu’elle tendait le présent vers moi. Devais-je les prendre ? Pourquoi faisait-elle pareil cadeau à l’Ombre de Kumo ? Je me posais des questions… Fort heureusement, Koémi avait-du ressentir ma gêne, elle réussissait le tour de passe-passe de me sortir une petite blague. Je riais avec elle puis, après avoir repris mon sérieux, je réagissais :

« Je ne pense pas mériter pareil présent… Mais je veux bien être le gardien Uchigatana Gin Tsubasa jusqu’à ce que tu trouves la personne digne de les porter… »

Je lui faisais un clin d’œil entendu. Dans mon esprit, la chose était claire. Je garderai cette arme, jusqu’à ce qu'elle se sente prête à la porter. Après tout, qui d’autre qu’elle pouvait être digne de porter les armes du précédent Chef du clan Tsukiyo ?

Nous en étions arrivés à la partie où les échanges devaient à nouveau être menés par moi. N’était-ce pas moi qui l’avait convoqué après tout ? Je posais ma main sur le parchemin qui était posé sur la table, à ma droite. Je savais exactement ce qui était écrit dedans. Mot par mot, lettre par lettre. Il s’agissait d’un acte d'importance. Surtout pour elle... Une décision que j’avais prise et que cet entretien avec Koémi venait de conforter. Je poussais le parchemin frappé du sceau du Raikage vers elle. En le dépliant elle pourrait en lire tout le contenu. Quant à moi… Je me levais de mon siège et marchais vers la fenêtre donnant sur le village.

L’automne arrivait, s’il n’était pas déjà là, signant au passage la mort de l’hiver et de la transition vers un nouvel an. Comme une aube nouvelle que j’espérais fructueuse pour Kumo, Kaminari et tous les shinobis du village. Je savais que nous allions tous devoir passer par de terribles expériences, mais nous devions nous en sortir à chaque fois. C’était obligé. Dans cette perspective, tel que me l’avait conseillé le Yondaime, je devais mettre chacun à sa place… Sans la regarder –je lui montrais le dos- je m’adressais à Koémi :

« Koémi… Sais-tu la différence entre un Chuunin et un Genin ? »

Je me tournais à moitié vers elle, lui montrant mon profil. Mon regard venait de se poser sur la kunoichi. Un petit sourire en coin. Non… Ce n’était pas un cadeau… La chose est amplement méritée.