La pluie avait effacée toute trace de la tragédie qu'elle avait découverte quelques jours plus tôt. Le sol gorgé d'eau ne contenait plus aucune empreinte, le sang coagulé avait été dissous et réabsorbé par la terre. Seules les flèches encore plantées dans le sol et dans le bois pouvaient témoigner de la scène macabre qui s'était déroulée auparavant. Ironie du sort, ou miracle de la vie, la nature semblait en fête tout autour d'elle, comme si le passé ne devait pas être soulevé. Le piaillement des oiseaux après la pluie qui venait de s'abattre, de petits animaux se faufilaient entre les herbes et provoquaient de petits bruissements ; tous sonnait comme une ode à la joie et au renouveau. Si Ori n'avait pas trouvé le cadavre aussi vite les charognards l'auraient sûrement fait disparaître et le sort tragique du gamin n'aurait jamais été connu. On aurait pu supposer qu'il avait été kidnappé ou assassiné, laissant ses parents dans un doute éternel. Les charognards n'auraient laisser que quelques os broyés tout au plus. Trop peu pour que n'importe quel ninja retrouve une trace. Ce monde est cruel et tellement parfait . Il se base sur un cycle de renaissance et de chaîne alimentaire. Chaque maillon redoute un prédateur différent. Et aujourd'hui ce serait elle la prédatrice et le meurtrier de l'enfant la proie.
La fillette se mis à la recherche d'indice avec une ardeur frôlant la frénésie furieuse, fouillant minutieusement le terrain, mètre par mètre. Mais en vain. La pluie avait parfaitement exécutée son travail. Il ne restait absolument rien. Elle ne possédait ni ne trouvait aucun indice mis à part ces deux misérables flèches. Ori s'interdisait de renoncer même si l'envie de rentrer chez elle et tout oublier la taraudait fortement. Techniquement parlant sa mission était une réussite. Elle avait retrouvée l'enfant et l'avait reconduit dans sa famille. Hélas les enseignements de l'Ange étaient clairs. Elle ne devait pas laisser ce crime impunie. La fillette décrocha la flèche plantée dans le pin et la rangea dans la sacoche qui battait à la taille. Peut-être qu'un habitant reconnaîtrait l’empennage du projectile. Mais elle ne se faisait guère d'illusions. Le bois et la plume se trouvaient de partout dans le marché et n'importe qui pouvait créer une flèche avec un minimum de doigté. La gamine laissa échapper un soupir. L'opération vengeresse s'annonçait vraiment mal. Elle s'assit sur un tronc d'arbre non loin de là et essaya d’emboîter les différentes pièces du puzzle qui se présentait à elle. D'un coté un enfant abattu d'une flèche pour essayer de garder un secret, de l'autre un meurtrier qui n'avait laissé aucune trace mis à part ses deux flèches. Ori avait sommairement essayer de reconstituer la trajectoire empruntée par le projectile mortel afin de retrouver l'endroit où le tir avait été décoché mais il ne menait nul part. Une énigme tout simplement insoluble. La fillette se décida à retourner en ville afin d'interroger les passants sur l'empennage des flèches lorsqu'un craquement suspect attira son attention. Elle s'immobilisa dans une posture défensive prête à disparaître dans un tourbillon de fumée si le besoin s'en faisait sentir. Le rythme de son cœur augmenta sensiblement tandis qu'une décharge d'adrénaline lui hérissait les cheveux dans le cou. Le temps se mis à ralentir et ses sens fouillaient la zone environnante. Les secondes défilaient mais rien ne semblait vouloir se passer. Tout était calme. Pourtant quelque chose ne semblait pas tourner en rond. Mais quoi ? Elle concentra à nouveau ses sens sur l’environnement. La réponse lui vint vite : le silence. La forêt vivait dans le bruit constant du cycle de la vie et la aucun son ne lui parvenait. Pas le moindre bruit, comme si la vie avait cessé tout autour d'elle. Un sifflement strident l'interrompit dans ses interrogations. Plus par automatisme qu'autre chose elle se jeta à terre, évitant de peu une flèche qui se ficha dans un tronc non loin de la. De toute évidence sa proie avait entrepris de la tuer...
La fillette composa rapidement quelques signes de la main et érigea une barrière de cristal tout autour d'elle. Tant qu'elle se protégeait à l’intérieur de sa bulle aucun projectile ne pouvait l'atteindre. Du moins c'est ce qu'elle pensait. Un second trait siffla et vint se planter dans son bras, comme si la protection n'avait jamais pas de consistance. Une douleur fulgurante lui traversa le corps et lui arracha des larmes. Aie D'un signe de main Ori rompit la barrière et se mit à courir comme une dératée en bondissant de manière totalement aléatoire. Elle entendait régulièrement un sifflement caractéristique suivi d'un bruit mat. De toute évidence l'archer ne maîtrisait pas encore parfaitement son art. Un nouvel impact retenti non loin d'elle. De toute évidence il s'améliorait nettement au fil du temps, la contraignant à jouer son dernier atout. Elle composa une série de signe complexe et s'immobilisa. Le sifflement tant redouté ne fut pas long a venir. La flèche venait sur sa gauche. Un arbre de cristal surgit des mains de la gamine et se dirigea vers la zone d'où l'archer avait du tirer. Deux hurlements éclatèrent. Le premier de la petite fille qui venait de recevoir un autre trait dans l'épaule et le second venait des bois. Ori se dirigea aussitôt vers son agresseur, malgré la douleur qui menaçait de la faire défaillir. Au bout des ramifications de son œuvre de cristal, épinglée comme un papillon, se tenait la mère de l'enfant. La folie donnait à ses yeux une teinte presque irréelle. Elle parlait sans discontinuer, prononçant des phrases incohérentes.
- Les esprits me poursuivent ! Il doivent tuer ! Il doivent tuer ! Pardonne moi mais je dois en finir. La légende est vrai. Nous devons tous mourir ! Nous devons tous...
Un pic de cristal se planta dans son crâne et l'interrompit dans son monologue. Sa bouche continua pourtant à prononcer des mots silencieux, et enfin elle se figea dans un rictus macabre. Peu importe les raisons de tuer. Seule la loi de l'Ange domine ici bas. Le meurtrier connaît le même sort que la victime.