Le village connaissait un nouveau jour ensoleillé. il ne faisait pas aussi chaud que les autres jours, peut-être était-ce du à cette nuit particulièrement venteuse, qui sait ? Enfin. Comme chaque jour, les ninjas vaquaient à leurs affaires et moi aussi. Aujourd'hui je me rendais à l'hôpital. Cela faisait quelques jours que Kioshi était revenu du front, une nouvelle rencontre avec le Furyou à l'origine de son handicap. Je m'attendais à le voir assoupi et si ce n'était pas le cas, dans son état "habituel". Je n'étais pas sûre de vouloir découvrir ce qui avait pu lui arriver lors de ce dernier affrontement, perdre d'autres sens ? Perdes d'autres souvenirs ? Enfin... J'arrivai maintenant à l'hôpital, j'en arpentais les couloirs jusqu'à cette chambre que j'avais déjà trop vue.

Chaque chambre que je dépassais abritait un ninja revenant d'un nouvel affrontement avec ces ninjas, ou monstres dont on ne savait rien ou presque. L'état de certains d'entre eux était assez critique, mais au ne semblait avoir été mortellement touché. J'avais remarqué que plusieurs de ces créatures à forme humaine préféraient s'amuser, si l'on put dire ça, à jouer avec l'esprit de leurs adversaires plutôt que de simplement les tuer. Kioshi en était l'exemple. Enfin, cela n'empêchait pas les autres de tuer; purement et simplement. Je me souvenais de mon combat contre le cyborg qui ne cherchait qu'une chose : nous abattre. Nous lui avion tenu tête, et nous nous en sortîmes vivants par un miracle que je n'avais pas compris...

La porte se dressa devant moi, déjà. Je pris une inspiration pour reprendre mes esprits et tenter d'effacer des appréhensions que même un kage pouvait avoir. J'avais déjà préparé un petit papier, que j'allais poser sur la table de chevet avec tous les autres, sur lequel était inscrit : "Aujourd'hui, il fait beau... Tu me manques". Je la poussai et mes yeux se posèrent directement sur lui. Il était réveillé, c'était déjà une bonne chose, une bonne surprise. J'approchai de son lit tout en déposant le mot, et pris un autre morceau de parchemin. Je griffonnai quelques mots pour lui demander comment il se sentait. Cela faisait une semaine que je venais jour après jour pour m'assurer qu'il aille bien, alors l'entendre de sa propre bouche.

Je m'asseyais au bout de son lit en l'observant, la main gauche posée sur le drap couvrant ses jambes; et tentai de déceler un quelconque changement. Je m’aperçus qu'il semblait plus joyeux qu'auparavant. Il demeurait pourtant silencieux... Se souvenait il toujours de qui j'étais ? Avait il à nouveau tout oublié ? Ou alors... Se souvenait-il de "tout" ? J'espérais qu'il se souvenait au moins des liens que nous avions dû retisser, à défaut de recouvrer la totalité de sa mémoire. En tout cas, sa réaction me laissait penser que je n'étais pas une inconnue à cet instant, à ses yeux. Attendant une quelconque manifestation de son état mental, je lui adressai un fin sourire, exprimant ma joie, entre autre.

Bien sûr, avant de venir ici, je fis savoir au personnel médical qu'il était préférable que personne d'autre ne vienne. C'était un instant privé, privilégié, que je ne voulais partager avec personne, comme chaque jour précédent celui-ci.

Mes espoirs furent récompensés lorsque je me rendis compte que le jeune homme que j'avais remarqué, ce jour de grand soleil -y a t il un jour sans soleil dans ce pays ?- à l'Oasis, ne souffrait plus des maux qui l'eurent une première fois conduit ici. L'expression du recouvrement de sa mémoire se fit de la façon la plus simple et la plus humaine. Un baiser ni trop long ni trop court. D'abord surprise, je le laissai. Ces gestes m'avaient manqué, terriblement. Je fus prise néanmoins d'un doute, mais l'émotion partagé durant cet intense échange le fit disparaitre, d'autant plus que quelques secondes après il parla.

J'étais maintenant rassurée. Il se souvenait véritablement. Son contact m'avait manqué, la plupart des choses qui faisait de lui Kioshi m'avait manqué à vrai dire. Cette autre personne, bien que toujours la même, ne pouvait partager les mêmes sentiments, il pouvait les comprendre au mieux, mais rien de plus. Je me souvenais de cet entrainement où j'avais hésité, intérieurement, à partager ce que je ressentais vraiment. Mais maintenant... Je retrouvais là celui que je connaissais, l'homme aux questions. Ce qu'il disait avait le don de me faire sourire. Certes ce n'était pas forcément très drôle, bien que ce n'était pas non triste... Non, c'était... Heureux.

"Je ne suis jamais partie... durant tout ce temps... C'est ta mémoire... Enfin, tu sais."

Je n'avais prévu d'aller nulle durant les prochaines années, une seule chose pourrait le faire quitter ce village, une chose que personne, ou presque ne peut affronter : la mort. Mais ce n'était pas le bon moment pour en parler, et surtout je ne le voulais pas. Je savais qu'aux bonnes choses il y avait toujours un revers, et je connaissais déjà le mien. J'évitais d'y penser, oubliai lorsque que cela ressurgissait... Enfin, je vivais l'instant présent sans trop penser, pour le moment, au futur qui viendrait bien vite. Je songeais maintenant à la suite de cette journée qui venait de si bien commencer, c'était une pointe de clarté dans un monde bien obscur.

"Je n'ai pas compté les jours, mais tu es ici depuis trop longtemps. Tu m'as vraiment manqué, Kioshi."

Je venais de réaliser que cela faisait maintenant depuis un long moment que le Yamada n'avait pas entendu ma voix. D'ailleurs c'était peut être aussi la première fois que je parlais avec autant d'émotions dans la voix, une image qui ne me ressemblait pas. En ce moment, quelle image collait le mieux à ma peau ? J'en n'avais moi même aucune idée... Néanmoins les sentiments qui m'habitaient n'étaient feints, ni surfaits, ni manipulés. Cette longue période de solitude me permit d'entrevoir l'étendue de l'amour qu'un Habashi pouvait éprouver à l'égard d'une personne, l'amour que je pouvais éprouver.

Tout dans ma vie semblait s'arranger ces derniers temps, le retour de mon frère, le retour de Kioshi; si bien que je parvenais par moment à en oublier ce qui nous entourait, furyous, unité, guerres... Enfin, je le serrai dans mes bras soudainement et je reposai ma tête sur son épaule, et susurrai quelques mots à son oreille.

"La prochaine fois, je serai là... à deux, il ne nous arrivera rien..."

J'en oubliais aussi ma place dans le village...

L'incompréhension de Kioshi ne m'étonna pas, mes paroles avaient été vagues. Je me devais d'éclaircir ce point et lui ôter ses doutes. Il devait certainement penser qu'à la longue je l'aurais abandonné ou quelque chose dans le genre. Mais non. Je ne pouvais nier que notre situation était inconfortable et que les obstacles à surmonter étaient tous plus grands les uns que les autres. Heureusement, finalement, que ce furyou avait décidé de lever son sort.

"Voir souffrir celui que j'aime, voilà ce que je n'aurais pu continuer de faire. Je ne me serai jamais arrêtée de t'apporter mon aide, mon soutien...

Pour ça. Le Yamada ne se doutait pas du nombre de choses pour lesquelles je m'en voulais. Mais il était vrai que cette marque indélébile que je lui avais laissé restait l'une des pires. Tout ce que j'avais fait pas le passé, il n'en restait aucune trace, nulle part. Il était la seule preuve, vivante, de ce que j'avais été un temps. Oui, je m'en voulais de m'être égarée, d'avoir renié mes liens d'amitié, et d'avoir voulu devenir aussi froide que la pierre, insensible.

Oui.

Un gâteau apporté par l'infirmière trônait maintenant devant nous. Je restai dubitative un moment, puis repensai à la saison que nous traversions : l'hiver. J'étais née à une période froide de l'année, certainement dans les quelques jours qui précédaient ou qui suivaient, je n'aurais su dire. C'était donc un gâteau d'anniversaire. J'avais entendu parler de cette tradition, célébrer les jours de naissance. Je n'avais jamais fêté mon anniversaire, ni même qui que ce soit d'ailleurs.

Les Habashi avaient d'autres traditions, d'autres coutumes. En fait, si on y regardait de plus prés; on aurait pu dire que le clan Habashi était une sorte de secte un peu coupée du monde et vivant en quasi totale autarcie, presque oui.

On dira plutôt que c'est... par là. Quand il fait moins chaud.

Souriais-je. Je ne pouvais pas décemment décider du jour de ma naissance, même si je ne le connaissais pas; c'était pour moi comme contre nature. Enfin, je ne m'arrêtais pas à ça. En fait c'était même plutôt bien de ne définir un jour précis. Ainsi la surprise serait toujours totale. Car il s'agissait du genre de surprise que j'appréciais, évidemment.

Je rigolai à sa remarque sur les éventuelles raisons de mon absence. Nous n'avions pas besoin d'aller aussi loin. Un simple fait pouvait tout justifier.

Enfin... Je n'ai qu'à dire que je suis la Kazekage, sinon, non ? Ou que... j'étais occupée sur un sujet plus intéressant...

Sur ses dernières paroles, je ressenti un frisson. Les moments qu'il évoquait m'avaient, à moi aussi, réellement plus. La chaleur qu'il partagea avec moi, la caresse de sa main; ne firent qu’amplifier cette sensation que j'éprouvais, hérissant chaque centimètre carré de ma peau. Je posai ma main sur la sienne et du bout du doigt vins déposer une de cette chantilly sur le coin de sa lèvre. Lentement, je rapprochai mes lèvres et avant de l'embrasser, léchai la noix de crème qui attendait là, patiemment.

Front à front, je susurrai quelque chose

Tu vas te rendre compte... à quel point je peux être... maléfique."

Ajoutais-je avant de lui donner un nouveau baiser.