Il y eut tellement de raisons à cette rencontre que la jeune femme ne savait même pas par quoi commencer, ou plutôt par laquelle. Quoique la première justification était plutôt simple et sans détour : la plupart des gradés du Shûkai se devaient de former de jeunes recrues, encore pour la plupart indécises quant à leur section au sein de l’Alliance. C’était un peu ironique qu’on eut pensé à Samui Emi, elle qui n’avait toujours pas choisi la sienne, mais les choses étaient là, et notamment la réputation notable de celle que l’on surnommait depuis quelques temps déjà comme la Roche de Glace.

La deuxième, cela pouvait dont être ce rapprochement fait entre ces deux rangs. Que ce soit le maître ou l’élève, ces deux personnes allaient avoir le point commun d’être indécises. Ensuite, le sexe féminin, pourquoi pas. La visite et la connaissance du village de Kiri. Les quelques pays déjà visités par Okami ou encore ses dons en sensorialité. La jeune femme qui se pouvait être la future élève de la Samui avait des qualités que cette dernière avait su repérer. Car c’était bien un choix qu’Emi avait fait.

Elle n’avait jamais été très enthousiaste à l’idée de diriger des troupes, ni même une petite équipe. C’était un des aspects qui lui avaient fait comprendre qu’elle n’était pas une grande combattante et qu’elle ne le serait probablement jamais. Le combat était d’ailleurs plus une obligation aléatoire pour elle. De tout temps elle avait préféré l’espionnage, le dialogue, l’information au pur combat. Mais c’était parfois nécessaire. En réalité elle se représentait comme maître d’un équilibre que peu de shinobis ont : choisir la meilleure combinaison ou le meilleur enchaînement d’étapes pour arriver au succès d’une mission. Plutôt que foncer dans le combat, l’assassinat, la politique ou autre il lui a toujours paru préférable de faire un peu de tout ça, de réfléchir avant d’agir… Mais avant toute chose, c’était une femme de caractère.

« Garde tes politesses cul-cul pour toi, j’sais pas si t’es au courant mais t’es mon ainée de quelques années, ça me met mal à l’aise. Enfin, moi c’est Emi, enchantée ! »

Elle posa ses pupilles bleues sur les yeux de la jeune femme, d’une beauté certaine mais plus mystérieuse que celle que pouvait avoir la Samui. Si elle était plus classieuse et plus froide, Okami paraissait plus sombre et chaud. Mais la beauté était là, et cela formait un nouveau point commun entre les jeunes femmes.

« Bon, autant te prévenir, j’ai jamais pris d’élèves. D’ailleurs, je suis pas restée longtemps à Kiri. Ca se trouve la dernière de nous deux à y être allée c’est toi. »

Pour elle, le moment pouvait être enclin à la discussion. Oui, pourquoi faire un entraînement ou rechercher une mission tout de suite ? Il fallait creuser, et voir si les profils pouvaient se compléter ou du moins s’accompagner au sein d’une équipe. Même si pour l’instant, il s’agissait plus d’un duo, ce qui n’était pas forcément pour déplaire à Emi qui claqua soudainement des doigts. Un homme en caleçon arriva la salle. De la taille et de la carrure d’un frigidaire, ce gros gaillard avait tout de ridicule en sous-vêtements, sous son air intimidé.

« Fred, va nous chercher à boire.
─ Qu’est-ce que vous désirez ?
─ Pour moi un petit saké, et pour toi.. ? »

Ils attendirent la réponse de la jeune Okami. Puis le dénommé Fred s’éclipsa aussitôt sa consigne désignée. Samui Emi se devait d’expliquer la situation quelque peu étrange à sa probable élève.

« Lui c’est Fred, un mendiant qui m’a mis une main aux fesses quand j’étais en chemin pour le Shozaichi. Résultat, il a eu trois claques, un emploi mais également un peu de… ridicule. C’est un peu mon esclave maintenant, ça lui apprendra ! »

Elle ne put s’empêcher de rire.

La jeune Okami sourit. Lorsqu'elle repensa à ce nom, la blonde pensa à sa signification. Comment ou plutôt pourquoi s’appeler comme un Ours ? Il y avait là des choses intéressantes à trouver, car un nom n’était jamais donné au hasard. Et si jamais c’était la jeune femme qui l’avait choisi, c’était encore plus lourd de sens. C’était peut-être lié aux dons sensoriels que l’apprentie possédait. Mais un ours n’était pas un animal réputé pour être très orienté vers le camouflage, et il était loin d’avoir le meilleur odorat de la faune. Est-ce qu’Okami avait une sorte de côté bestial ? La curiosité avait pris d’assaut la Roche de Glace. Et elle ne s’en plaignait pas car c’était quelque-chose d’assez rare.

Le fameux Fred ne tarda pas à revenir avec les boissons, toujours vêtu du modeste accoutrement qu’était un simple caleçon. Cette masse de muscle avait beau être imposante, elle n’en restait pas moins des plus ridicules, et Emi était presque sûre que jamais elle ne s’en lasserait. Une façon jugée « amère » de se venger selon la disciple, qui heureusement avait compris qu’elle pouvait tutoyer celle qui – malgré le fait que ce soit son maître à présent – avait quelques années de moins. Elle fit un geste à Fred, qui s’avança avec les verres. Tout en bougeant machinalement sa main droite, de petits glaçons virent tomber dans le verre d’eau d’Okami, qu’elle reçut juste après.

« J’ai jamais été une kunoïchi des plus strictes. Comme tu peux le voir, j’ai mon caractère et j’ai assez de mal à être dirigée. Mais par-dessus tout… J’aspire à penser qu’il y a autre chose que le combat pour résoudre les problèmes. »

Elle s’interrompit avec une gorgée de saké. Elle avait pris un tout petit verre car il ne fallait pas abuser par politesse, car il fallait bien plus qu’un grand verre de saké pour faire perdre le contrôle à la jeune blonde. Elle tenait bien l’alcool.

« Samui Mahan, le Shodaime Mizukage, m’a très rapidement envoyée ici, à Tsuchi no Kuni pour aider à la pacification du territoire. Cela ne fait que quelques temps que la guerre civile est terminée mais au vu des nombreuses années vécues ici, je suis autant une enfant de l’Eau que de la Terre.
─ Excusez-moi madame, y a-t-il encore quelque-chose que je peux faire pour vous ?
─ Non c’est bon Fred, tu peux disposer pour la journée.
─ Bien, merci. »

Elle se décida à finir avec une deuxième gorgée sa petite collation pendant que le majordome se retirait. Puis elle reposa doucement son verra.

« Bref tout ça pour dire que lorsque l’Alliance a été créée et vu ce qu’il s’est passé à Kiri, je n’avais pas trop le choix. »

Ce n’était pas un sujet des plus gais, mais il fallait bien passer par là pour répondre à Okami. Et pour ne pas oublier.

S’associer au Shûkai était assurément une variable différente trouvée pour apporter l’équilibre que rejoindre un village shinobi. Depuis leur création, ces derniers n’avaient fait que semer la haine et la guerre. Le sentiment, quel qu’il soit, apportait à la fois le bonheur et le conflit. La paix réelle n’existait pas et n’existerait jamais, mais se cantonner à un « strict minimum » était tellement envisageable, et ce tellement facilement. La dame blonde était persuadée de cela, et elle le ressentait avec l’expérience d’un réel vécu. Elle qui avait passé du temps au village caché de Kiri, qui avait voyagé et qui s’était battu pour mettre un terme à la guerre civile de Tsuchi no Kuni. C’était en connaissance de cause qu’elle pensait, et qu’elle agissait, en plus de ne pas réellement avoir eu le choix.

Malheureusement, ce n’était actuellement pas le Shûkai qui avait éveillé les consciences et l’importance pour les villages shinobis de ne pas se quereller entre eux. C’était cette armée de Furyous qui avait eu cet impact tant inespéré, mais à côté de ça, ils avaient détruit tout un pays et avaient semé le chaos dans les esprits. Ce qu’ils avaient fait était impardonnable.

« C’est vrai que les shinobis ne pardonneront jamais aux Furyous. A mon avis, on est pas au bout de nos surprises… »

Elle plongea son regard ailleurs, mais revint s’intéresser à la jeune femme, un sourire aux lèvres. Ce n’était pas le moment de se laisser abattre, sûrement pas.

« Mais bon, tu m’plais bien. C’est décidé : nous formerons un duo à partir de maintenant ! Il s'appellera Howaitōrufu, le Loup Blanc. »

Elle se leva, étira ses bras après avoir posé son verre, puis regarda à nouveau la jeune Okami. A partir de ce moment, elle était sa partenaire.

« Rendez-vous demain à neuf heures du matin, on commencera par s’entraîner, ça roule ? »

Un tandem, voilà une bonne idée. Les duos étaient importants et surtout pleins de potentiel. En effet, une équipe était difficile à rassembler et à maintenir dans le sens collectif et productif du terme, mais deux personnes voire trois ensemble, c’était bien plus facile. Et les ressemblances vécues entre les deux femmes s’assembleraient sûrement bien avec leurs différences combatives.