Le vent se lève.

Un souffle d’une puissance modérée. La mélodie de la rafale d’air perce les tympans du jeune homme, debout, sur l’apex d’un mont. Seul le fouet de son survêtement d’ébène, au gré du zéphyr, accompagne cette pénible litanie. En altitude, l’oxygène est plus rare et le vent y est plus querelleur. Pourquoi donc attendre en un lieu si désagréable ? La raison est face à la chimère : au bord d’une falaise à pique, son regard d’océan et de sang éperdu observait distraitement le couché de l’étoile, entamant sa chute exactement à l’arrière de la plus récente capitale Shinobi. Un crépuscule orangé, joint avec des teintes d’incarnat. Un panorama splendide, digne d’être peint sur un grand tableau par le plus grand des artistes. Il enregistra cette image dans sa mémoire eidétique pour la comparer un jour avec d’autres vues comme celle-ci.

Setsuna ferma les paupières et respira à plein poumon l’air en haute altitude. De l’oxygène pur et froid. Les saisons ne veulent rien dire une fois des centaines de mètres dans le ciel. La température chute considérablement. Encore heureux que la localisation actuelle soit au pays de la Terre et non à Yuki no Kuni.

Debout, sans esquisser le moindre geste, il attendait patiemment l’arrivée incertaine de son compagnon d’antan. Il aurait bel et bien pu rencontrer Kakeshuou dans son bureau. Néanmoins, l’endroit qu’a choisi l’escrimeur aux Doubles Lames est plus propice et efficient pour ce qu’il entrevoit. Le Yuuki ne souhaite pas parler au nouveau leader de l’Alliance, ni à l’ancien Kirijin qu’était l’Ancien, mais bien au personnage qu’est le Samui. Seul à seul, à l’abri des oreilles indiscrètes, comme le dirait si bien Onpu. Il n’a malheureusement pas les compétences requises pour supprimer le son environnant tel que le ferait le Rokudaime Hokage de ce jour, c’est pour ça qu’il doit sortir sa cible de son terrier.

Les heures passèrent, la tombée de la nuit approche à grands pas. La quiétude fut brisée par la détection d’une source d’énergie non inconnue par le sixième sens du Sabreur. Un sourire peu visible se dessina sur le recoin de ses lèvres. Ça l’aurait été une véritable plaie d’entendre jusqu’à l’aube pour aboutir à rien, au final. Il semblerait que l’Ancien soit intéressé par les propos d’un ancien camarade. Sans se presser, l’intéressé se dirige vers ladite montagne et l’escalade, comme un vrai Shinobi.

L’invité surgit. Heureux ou énervé par une demande si précoce, l’Homonculus n’y prêta pas attention pour le moment. Il ouvrit les yeux, ses prunelles de glace et de feu fixant le soleil disparaissant à l’horizon.

• « Liez vos ambitions aux miennes, et nous obtiendrons ce que nous désirons le plus : vengeance, victoire. Et renaissance. »

Il rompit ce silence et débuta la conversation avec cette tirade, qui est en fait une citation du vieil homme lui-même. Ce sont les mots qu’il a utilisé pour tenter de gagner Setsuna dans ses forces dès sa libération de la prison de glace. Les derniers rayons commencèrent à lui échapper, mais lui ne se dépêcha pas. Il laissa le temps au vétéran de se remémorer de l’événement – en espérant que sa mémoire ne se dégénère pas à son âge. Le Stigmate émergea de son mutisme après quelques secondes.

• Est-ce la renaissance ?

Une allusion au changement politique qu’a entreprit l’Alliance dernièrement. À ses côtés n’est plus le Capitaine de la Justice, mais bien l’Empereur du Shûkai. Bien qu’il comprenne sa pensée à travers ses actions, le dernier Chef des Épéistes souhaite entendre de la bouche de cet homme sa vision. Le soleil disparu complètement de l’horizon, laissant place aux douces ténèbres de la nuit. Le scarifié tourna finalement la tête vers son ancien comparse. L’un de ceux qu’il pouvait fièrement affirmé qu’il était de la patrie, de la famille.

Le Capitaine de l’Ôda – ou plutôt, le nouvel Empereur du monde Shinobi – s’empressa de répondre à la question de son ancien comparse. « Renaissance » n’est pas le terme exact, selon lui, mais le Shûkai s’engage effectivement sur une nouvelle voie. Il commenta que l’Empire débute sur de frêles bases, un doute qui avait déjà germé dans l’esprit du spadassin des ténèbres. Uniquement en voyant le bercail de l’Alliance – ancienne Alliance des pays neutre serait une meilleure désignation désormais – l’on peut supposer que la tension doit être élevée. La capitale vient de subir une toute récente attaque lors de l’assaut sur la tristement célèbre Îlot, ses infrastructures sont endommagés et le moral de la population n’est point positive. Cela, plus le récent changement drastique de politique, d’un Triumvirat aux nominations démocratiques à un système impérial oublié depuis les temps anciens, ne fait qu’hausser les risques de conflits d’idéologies au sein de la cité. Cependant, ces éléments n’abattent pas l’Ancien pour autant. Il assura le jouvenceau qu’il consacra toute sa volonté pour établir ce nouveau royaume, qu’il soit stable et opérationnel. Ce n’est pas la motivation qui manque à ce vieil homme. Pourtant, une question reste sans réponse. Pour plus tard.

Un échange visuel. Les prunelles sanglantes du Samui plongées dans les profondes perles d’océan et de braise de l’Homonculus. Chacun de ces individus évaluent son opposant. L’un cherche à savoir le pourquoi de la présence de son camarade d’antan, alors que l’autre évalue, tout simplement. Il cherche à savoir. Quoi, au juste ? Un truc en particulier parmi tant d’autres. Si on demandait au dernier Chef des Épéistes la raison de sa venue sur ces terres, il n’y aurait pas de réponse concrète à offrir. C’est pour cette raison que l’évaluation de Kakeshuou n’apportera que le néant et est inutile.

Suite à ce silence, le vétéran le brisa en commentant que ses propos ont dû avoir un certain effet sur sa conscience pour qu’il retienne mot pour mot sa proposition. Pourtant, ce n’est pas le cas, cet homme est dans le tort. Sa mémoire a été conçue pour être photographique, c’est pour cette raison qu’il s’est souvenu avec une si grande précision les paroles de son acolyte de l’époque. À vrai dire, ni le Shûkai ni ce Samui n’ont occupé l’esprit du Martyr lors de ces derniers mois. Il y avait une plus grande menace à gérer, après tout. Profitant de la citation, l’homme étendit de nouveau sa proposition au Kirijin. Lorsque l’information s’enregistra et se décoda dans l’encéphale de l’Épéiste Noir, ce dernier ne sourcilla pas. Il soutient toujours le regard de celui qui s’est auto-proclamé Empereur. Le souffle, toujours aussi tenace, fit virevolter les vêtements des protagonistes selon son gré, dévoilant un bras gauche manquant au Samui en face que perçut l’adolescent à la crinière argentée du coin de son champ de vision.

Puis, il brisa le contact. Il tourna les talons et s’enfonça lentement dans la direction opposée de la falaise, obscurée par l’absence de lumière. Alors qu’il s’éloignait, sa voix s’exprima clairement jusqu’aux tympans de son invité.

• Lorsque je suis revenu en ce monde, j’avais deux objectifs en tête. Le premier fut de découvrir la vérité sur les Furyous… C’est ce que j’ai fait.

Un mystère décelé par sa propre main. Il avait toutes les cartes nécessaires pour émettre une hypothèse qui s’avéra exacte. Une énigme résolue par lui seul. Volontairement, il ne continua pas sa lancée. Ce n’était pas la peine de dévoiler son second but, l'évoquer n'avait pour but que d'évoquer sa curiosité. La chimère sait bien que, d’une manière ou d’une autre, il allait l’accomplir s’il rejoint l’Ancien dans sa conquête. Ce but rlève plus de l’utopie que de la réalité, mais en observant l’humain depuis si longtemps, il a appris qu’il n’y a aucun mal à pourchasser ses rêves. Même ceux les plus farfelues. Cependant, est-ce que ça allait être aussi simple que cela ?

Suite à avoir parcouru une dizaine de mètre, un écart amplement suffisant, le scarifié fit de nouveau volte-face, en direction de Kakeshuou cette fois-ci. Bien que son visage soit toujours de marbre et solennel, son regard scintille de résolution.

• Si tu veux que je serve sous ton commandement; si tu veux que j’abandonne mes ambitions et ma fierté pour me soumettre à tes droits féodaux à la lettre, alors tu dois prouver ta valeur. Tu dois te montrer digne de mon épée, de mon honneur, de ma loyauté.

En tant qu’Épéiste, l’un doit se prouver digne de devenir le maître du chevalier. Il ne s’agit pas d’une question de puissance. Non, ce n’est pas le cas. Ce n’est qu’en croisant les armes avec Samui Kakeshuou qu’il découvrira si cet individu est méritant de son respect et de son courage.

• Moi, Yuuki Setsuna, dernier Chef des Épéistes de la Nation du Brouillard, te défi à un duel.

Il ne comprenait pas. Les prunelles écarlates du nouvel Empereur dévisagent le dernier Épéiste. La confusion se lit si bien, comme sur des mots écrits au plomb sur une feuille blanche vierge. L’Homonculus ne s’attendait pas à ce qu’un homme tel que lui comprenne les propos qu’il vient tout juste d’énoncer. Les expressions telles que la fierté, l’honneur et la dignité sont des termes insignifiants pour un Shinobi, être qui s’imprègne dans l’ombre pour abattre ses ennemis. Même pour Setsuna, ces mots étaient vide de sens jusqu’à tout récemment, alors qu’il fit la triste réalisation qu’il n’a jamais été un véritable Épéiste, au juste sens du titre. Le commun des mortels ne pourrait totalement comprendre ce que recherche l’adolescent au regard de glace et de sang via cet affrontement. Si ce n’est pas la puissance du Samui qu’il tente de mesurer ou encore de tester ses prouesses au combat, alors quel est l’utilité de ce combat ? Qu’entend le Stigmate par la « valeur », lui qui dit ça, par-dessus tout, alors qu’il n’est même pas humain ? Ce sont des interrogations qui occupent l’esprit du vétéran. Soit il trouvera une réponse par lui-même lors de cet échange ou bien tout sera expliqué à la fin. Mais pour l’heure, il est temps de croiser les armes.

Les hostilités et provocations de côté, l’énergie de Kakeshuou implosa, imposant sa puissance sur l’apex de cette montagne. Tandis que le chakra du ténébreux spadassin se gonflait, mais de manière plus contrôlé contrairement à celui de son opposant qui se dégage dans tous les sens. Décidément, même s’il ne comprenait pas les raisons derrière ce défi, il l’acceptait avec grande joie. Alors que le Yuuki lui a dit que s’il réussit à le soumettre, il lui obéira au doigt et à l’œil, il ne voulait guère rater la chance d’avoir à ses côtés un puissant allié. L’Épéiste Noir qui répond aux ordres de l’Empereur Kakeshuou, c’est une image dévastatrice ainsi que redoutable. C’est un risque à prendre.

Délicatement, le Kirijin se positionna, son buste perpendiculaire à son opposant. Le vieillard lui criait de ne pas hésiter à le frapper si tel est son souhait. Il est prêt à lui prouver non seulement sa « valeur », mais également ses « convictions ». Ce n’est nul ce que cherche le jouvenceau, mais soit. Il allait répondre à son appel et ouvrir ce bal comme il se doit. Pendant un moment, seule la brise accompagnait ce silence et cette bataille de regard. Pas un seul mouvement, une harmonie parfaite. Puis, un mouvement brusque. Une jambe devant l’autre, une course à une vitesse surprenante. D’un geste vif, son bras droit fendit l’air alors que six mètres séparaient les deux individus. Il avait projeté des Shurikens pour occuper le Shûkajin, l’empêcher de former des jutsus alors qu’il s’approchait dangereusement. Puis, il retira finalement Kuragiri de son fourreau. Nul besoin d’utiliser ses deux sabres pour le moment.

Alors qu’il est tout prêt, le Samui s’étant occupé des projectiles certainement sans mal, il concentra son énergie dans la plante de ses pieds. Il bondit et ses membres dégagèrent un léger souffle de vent quasi imperceptible. Ce mouvement de force n’a pour but que d’accélérer son mouvement. Dans un combat impliquant un échange au corps à corps, la vitesse est un facteur important. La simple attaque linéaire telle que vient d’effectuer Setsuna peut s’avérer mortelle si elle porte fruit. Le scarifié visa le milieu de son abdomen. Si le quinquagénaire ne réagit pas à temps, il allait se faire empaler dès le début du combat.

Ses perles d’océan et de feu croisèrent ceux de l’Empereur. Bien que la force ne soit pas ce qu’il cherche à jauger, cela ne signifie pas qu’il allait nécessairement y aller doucement avec cet homme. Et son regard, terne et profond, le faisait bien comprendre.

Spoiler:

Tel un félin, l’Ancien a réussi à esquiver remarquablement l’offensive lancée par son opposant. Une attaque ordinaire jumelée d’un léger excès de vélocité. Sous la rafale de projectiles, il n’a su ériger une quelconque défense à temps, donc il ne lui restait qu’une seule solution pour échapper à la blessure certaine, c’est-à-dire se déplacer. À l’aide d’une rapidité égale à celle du scarifié, le Shûkajin fuit en effectuant un saut en arrière. La lame noire rata sa cible, à savoir l’abdomen du quidam, fendant le vide et ne scindant que l’oxygène présent dans l’air. Dès le début du combat, le nouvel Empereur est aux aguets. Ses sens sont acérés. Non, il y a une autre explication pourquoi il a su prévenir le pire. L’homme âgé a ressenti le chakra de l’Homonculus se concentrer dans son propre corps, lui offrant ainsi un avantage de vitesse. C’est ainsi qu’il a pu anticiper l’action du dernier Chef des Épéistes et agir pour le précéder. Il n’y a pas d’autres hypothèses solides pour expliquer ce phénomène. D’autant plus que le jouvenceau remarque que le niveau d’énergie du Samui chute continuellement. Ce dernier est un senseur, aucun doute possible.

Avec cette information certaine sous la main, il est désormais clair pour le Stigmate qu’une attaque surprise sera une perte de temps et surtout en vain. De toute façon, il avait écarté ce stratagème dès qu’il s’était résolu de rencontrer l’ancien Capitaine. C’est un affrontement direct, sans supercherie. Son but n’est pas d’abattre Kakeshuou, mais bel et bien de le tester. Un duel que le quinquagénaire percevait certainement comme inutile, il a avoué plus tôt de ne pas comprendre la mentalité de son ancien comparse. Puisque le Yuuki n’est guère un être de dialogue, c’est en croisant les armes qu’il allait comprendre son adversaire. La posture, la gestuelle offensive, la force employée dans les assauts, les stratégies appliquées, le regard sous le feu du combat. Le langage du corps ne ment point alors que la langue des hommes est vile et abjecte.

Malgré que son assaut initial n’ait porté fruit, il avait complété son objectif auxiliaire. Un adepte du combat rapproché cherche toujours à se rapprocher de son antagoniste. La pointe de Kuragiri est passée à quelques centimètres du ventre du vieillard, démontrant à quel point le manieur des Doubles Lames est en zone de confort. Puisqu’il avait bondit pour porter son attaque, son pied droit retomba sur le sol, stoppant nette sa course. En règle générale, il aurait poursuivi le fuyard. Toutefois, Kakeshuou fut celui le mieux positionné pour répliquer et posa pieds fermes sur la terre, voulant réceptionner son agresseur. Lui possédait également un sabre. Anodin comme n’importe qu’elle arme, rien d’exceptionnel en apparence. Les deux lames se rencontrèrent, créant ainsi un vrombissement métallique. Puis, le handicapé força les deux épées vers le sol, les logeant ainsi dans le sol.

Le Kirijin voit où veut venir l’Empereur. C’est une stratégie audacieuse et efficace. Les deux armes enfoncées dans la terre, le Samui tenta finalement d’attraper le poignet droit de l’Épéiste Noir. Il veut lui faire une prise pour l’obliger à lâcher son arme. En effet, l’Homonculus aurait bien du mal à combattre sans sa précieuse épée des ténèbres. Il possède un second sabre en cas de pépin, Seishin, mais il ne comptait l’utiliser. Néanmoins, le sombre spadassin a été confronté à ce genre d’assaut une multitude de fois dans sa piètre existence. D’autant plus qu’il est un expert au combat corps à corps. Ses réflexes sont supérieurs à ceux d’un humain lambda. De plus, Setsuna n’est pas humain, il possède un organisme plus puissant… La stratégie de Kakeshuou va aboutir à rien.

Son bras se retira brusquement au dernier instant, les doigts de l’Empereur lui effleurèrent le poignet. Certes, il avait abandonné son épée de légende, mais il la regagnera rapidement et sous peu. À sa grande surprise, l’Ancien persista à porter un coup à l’escrimeur. Il tenta de le plaquer d’un coup d’épaule, certainement pour lui faire gagner de la distance. N’est-il guère à l’aise avec un Sabreur en face de lui ? Il doit juger que ses capacités dans ce domaine soient inférieures et tenter d’élaborer une nouvelle méthode d’attaque pour venir à bout de l’adolescent à la crinière d’argent. Cependant, son coup ne frappera que l’air à son tour. En s’abaissant et en faisant un tour sur lui-même, le Martyr se glissa sur le côté gauche du Samui, là où il n’a plus de bras, un angle mort en quelque sorte. Dans le même mouvement, il attrapa la fusée de son sabre et le déracina furtivement du sol, laissant l’épée de Kakeshuou seule. Alors qu’il esquivait, il vit du coin de l’œil le Samui s’abaisser à nouveau. Il n’allait pourtant pas s’échapper de la prochaine attaque de l’Épéiste Noir.

Il leva son pied et chercha à frapper le vieil homme sous le menton avec le talon, le faisant valser quelques mètres plus loin. En frappant, il vit pourquoi le manchot s’était abaissé : il a créé une surface de glace. Idéale pour créer des techniques Hyôton et faire perdre l’équilibre aux non habitués. Le Samui utilise pour la première fois son pouvoir héréditaire. Dans le but de supprimer cet avantage, Setsuna va répondre avec l’extrême opposé de la glace : la lave. Un geyser allait percuter l’Empereur alors qu’il plane toujours dans les airs et, par la même occasion, faire fondre la glace environnante d’une pluie de magma. Avec une présence d'une haute température sur le terrain et des restants de lave par ici et par là, il ne sera plus possible pour l'opposant de recréer une surface de glace.

Si le vieillard a un œil analytique, il verrait que son opposant n’a pas encore fait usage de son bras gauche. Il serait bien plus agile en l’usant. Pourquoi ? Parce que son adversaire n’a pas de bras gauche lui non plus. Ce combat doit être fait sur un même pied d’égalité.

Spoiler:

Passant sous la garde du Kamui, le talon heurta de plein fouet le menton du concerné. Officiellement, c’est Setsuna qui porta les premiers dégâts dans ce combat. Certes, non un coup puissant, mais il faut bien commencer à gratter la surface ainsi. Prendre avantage de l’angle mort d’un individu est une stratégie basique et elle est plus efficace si l’angle mort en question obstrue le champ de vision de l’adversaire. Dans ce cas-ci, il concerne la motricité d’un manchot, mais qu’importe, il s’agit d’une méthode simple et efficace. Certains pourraient critiquer cette approche alors que l’Homonculus dit vouloir un combat honorable. Si l’opposant ne s’abaisse pas à utiliser de supercherie et d’affronter directement la chimère, alors pour cette dernière, il s’agit d’un duel respectable usant des pleines capacités et des faiblesses naturelles des combattants.

La force du coup décolla de quelques mètres en arrière la cible. L’Ancien toucha le sol de ses pieds et, sans grande surprise, effectua un bond rapide pour gagner de la distance. Si ce n’était toujours pas confirmé, en voici la preuve flagrante et indiscutable : Kakeshuou possède un sixième sens affiné. Sans quoi, comment aurait-il pu prévoir le jet de magma provenant des profondeurs de la Terre ? Il échappa à de violentes brûlures, voire même une calcination de la peau si ce n’est pas une désintégration complète de l’épiderme. Toutefois, l’un des objectifs fut complété : grâce à la précipitation de lave et de la hausse drastique de la température, le sol glacé changea d’état, devenant mouillé. L’homme perd son avantage, un avantage que le Yuuki juge nuisible à son combat où il met en jeu son honneur et sa fierté d’Épéiste. Le sol de glace est en soit un artifice, un avantage du terrain pour prendre le dessus sur le scarifié. Puisque le sol est immédiatement anéanti, il n’en fera aucun commentaire. Tant que le manipulateur de glace ne retente pas un tel affront.

Alors que le Chevalier Noir analysait d’un coup d’œil rapide ses horizons, le Samui effectua quelques signes incantatoires. Une volée d'hirondelles se matérialisèrent depuis le néant et se jetèrent sur le Sabreur. Une salve offensive qu'arrêta sans problème le super soldat, en faisant tournoyer sa sombre épée. Les formes animales se fracassèrent sur le bouclier improvisé, tombant en morceaux sur terre. Puis, une silhouette de glace se forma à ses côtés, puis prit la forme et les couleurs de l’invocateur. Un clone. L’utilisation des répliques est-elle considérée comme un artifice ? Oui, ce l’est. Les doubles sont des appuis non négligeables qui peuvent aisément changer la donne d’un affrontement. Un support tel quel est interdit dans ce combat. Il semblerait que le Kirijin ait sous-estimé l’habilité du nouvel Empereur à comprendre les valeurs mises en jeu dans ce combat. Peut-être qu’elles ne représentent rien pour ce dernier, tout comme ces termes lui étaient inconnu et vide de sens à l’époque. Prenait-il ce duel au sérieux ? L’apparition d’une brume en témoigne la réponse négative à cette interrogation.

Un instant, la tête du Stigmate flanchait vers l’avant. Ses franges argentées cachent son regard hétérochromique, quoi que la brune frisquette accomplisse déjà cette tâche. Malgré ses mots au début de la rencontre, le quinquagénaire préférait mettre fin à ce combat le plus vite possible, utilisant des moyens digne d’un lâche. La voix du jouvenceau retentit à travers le brouillard, neutre, bien qu’au fond, il dissimule une certaine déception.

• Tu as dit que tu me montrerais tes convictions… Tout ce que je perçois, ce sont les méthodes basses d’un couard.

Rare est Setsuna qui prend le temps d’articuler quelques mots sous le feu de la guerre. Uniquement pour cette seconde, il se permit l’utilisation de son bras gauche. Vivement, il vint chercher dans sa poche un Kunai et le balança d’un mouvement vertical de sa senestre vers le clone. À travers ce nuage ? Cette brume n’est pas assez épaisse pour venir au bout des rétines de l’Épéiste Noir. À cette distance, il n’est possible que de voir les silhouettes du véritable ennemi et de son faux et en notant leurs positions précédentes, le clone est facilement identifiable. D’autant plus qu’un projectile banal ne dégage aucune énergie. À moins de ressentir les vibrations dans l’air ou autre moyen, personne ne peut anticiper cette attaque.

• Ne m’insulte pas, Kakeshuou.

Sa grippe se referma sur la poignée de Kuragiri. Allait-il continuer à user de supercheries médiocres ou bien allait-il enfin combattre légalement, comme il l’a fait à la toute première phase du combat ? Quoi qu’il en soit, le manieur des Doubles Lames sera en mesure de s’adapter facilement à la situation. C’est le vieillard qui a le pouvoir de changer les règles du jeu, mais qu’il ne s’en plaigne point s’il en décide ainsi.

Spoiler:

Le son du Kunai pénétrant dans la glace se fit entendre à travers le brouillard. Le projectile n’a su être perçu ou anticipé, il a donc touché sa cible de plein fouet. Comme prévu. Toutefois, un silence perdura suite à cet impact. Ses perles d’océan et de braise continuèrent d’examiner les deux silhouettes au loin. Celui de gauche – soit la réplique – ne fit qu’un simple mouvement, comme pour enlever quelque chose sur lui puis le balancer au sol. Le tintement retentit jusqu’aux tympans de l’Homonculus. Le Kunai a bel et bien atteint sa cible, elle ne s’est pas défendu. S’il n’a pas disparu suite à ce heurt, alors il s’agit d’un clone supérieur à la normale. Les doubles dits banaux s’évanouissent suite au moindre choc susceptible de leur faire mal. Celui-ci est différent, de meilleure qualité. Il en faudra légèrement plus pour se débarrasser de ce gêneur.

Suite après avoir analysé cet élément important, sa vision améliorée perçut des mouvements discrets des silhouettes. L’une – soit l’original – fit divers mouvements de ses mains. Non, pas de signes incantatoires. Plutôt des directives muettes. Malgré la capacité de télépathie entre l’original et la copie ? Ou bien qu’un clone élémentaire ne permette pas cette possibilité. Par ces gestes, Kakeshuou venait de démontrer qu’il n’a strictement rien à faire des principes de l’Épéiste Noir. Il préfère la voie de l’assassin plutôt que celle de l’honneur. Soit. Les sens de la chimère s’aiguisèrent, il se positionna en garde, Kuragiri première vers l’avant. De ce fait, il se prépare à toute éventualité qui puisse le déstabiliser pour ensuite lui porter un traître coup. L’offensive n’arrivera pas de l’avant, voilà une certitude.

Mouvement minimal de la part des opposants. L’original bougea, mais sans grand déplacement notable. Puis, à un moment, grâce à son champ de vision supérieur, Setsuna perçut un point d’ombre, petit et se rapprochant dangereusement. Un projectile, en réponse à ce qu’a fait l’Homonculus un instant plus tôt. Certes, à l’aide de cette brume, aucun senseur normal ne peut sentir une arme anodine telle quelle arriver. Néanmoins, ses yeux transcendent ceux du commun des mortels. Une telle tactique ne fonctionnera pas sur lui. Il se prépara à simplement bloquer le Kunai. Brusquement, une explosion survint à mi-chemin. Le spadassin des ténèbres resta de marbre, son regard dur et infaillible. En soit, l’explosion est une bonne chose : elle soufflera en grande partie la brune, dévoilant enfin les combattants à la lumière de la lune. Cependant, bien qu’éphémère, tout Shinobi – même les plus inexpérimentés – connaissent la nature d’un tel écran de fumé. Impossible que l’Ancien espère berner l’ancien Chef des glorieux Épéistes ainsi, une autre supercherie se joue en ce moment même.

Pieds ancrés dans le sol, préparé pour toute éventualité, il reste à l’affût. Alors, un homme émergea de la sombre suie. Kakeshuou lui-même. L’original ou le clone, au choix. Il fusait tête première sur le Yuuki. Étrange, trop étrange. Une attaque frontale telle que celle-ci a peu de chance de réussite. À coup sûr, pour prendre un tel risque, il ne s’agit pas du véritable Empereur. La meilleure approche dans ce cas est la destruction immédiate du clone. Dans le but d’avoir un certain temps pour composer trois mudras, l’adolescent bondit vers l’arrière. Pourtant, la copie implosa en multiples aiguilles de glace avant qu’il puisse répliquer. Les Senbons firent mouche, ne touchant point leur cible. Une diversion, simple et classique, pas du tout impressionnant. Comme anticipé.

Si Kakeshuou croit que cela est suffisant pour venir à bout de son adversaire, alors il se trompe abondamment. Semble-t-il oublié que le Sabreur possède également un certain talent dans le domaine de la sensorialité ? Tout ce temps, il savait où se dirigeait le Kamui. Le surprendre dans son angle mort comme un lâche. Le jouvenceau à la crinière d’argent tourna les talons et vit son assaillant, prêt à lui porter quelques coups de poing. C’est cependant avec aise que le Kirijin esquiva le coup à la cuisse et le double assaut à ses abdominaux. La salve d’attaque ne se termina cependant pas là. L’Empereur dégaina un second sabre et visa l’épaule de Setsuna. Un coup que bloqua sans difficulté ce dernier à l’aide de sa propre épée. Plus précisément, il n’y avait aucune force dans ce coup. Les sabres restèrent en contact, mais aucun des protagonistes ne poursuivit l’enchaînement. L’escrimeur comprit que cela signifiait la fin de l’affrontement.

Kakeshuou entreprit la conversation, revenant sur les précédents propos de son ancien camarade. Plus que son monologue perdurait, plus le sombre guerrier voyait sa personne du passé en l’Ancien. Ou plutôt, il voyait une partie de lui, autrefois dominante. Le Shinobi agit dans l’ombre pour mener à bien sa mission, tel que lui-même l’a fait pendant des années à Kiri. Cependant, cela a changé. Il a appris des valeurs primordiales à la vie. D’un faible coup, il dégagea sobrement la lame de son opposant et articula lentement, mais clairement ces mots.

• J’ai n’ai jamais été un Ninja. Seulement une machine que l’on peut programmer et utiliser.

Cela a cependant changé lorsqu'il eut des hommes sous son commandement. Qui donc peut contrôler la machine si elle est elle-même au top de la hiérarchie ? Une évolution forcée. Il jeta un œil à son interlocuteur avant de rengainer son arme. Plus besoin de croiser le fer. Cette révélation peut s’avérer choquante ou révélatrice pour le Samui. Lui qui ne parle jamais de son passé s’est permis d’y faire référence. Juste pour cette fois-ci.

• Je comprends néanmoins tes paroles. La base fondamentale du Shinobi. J’ai eu tort de te mesurer en pensant que tu comprendrais mes principes – les principes d’un Épéiste. Tu n’as aucune fierté dans tes aptitudes. Tu ne penses qu’à mettre hors d’état de nuire, peu importe le procédé utilisé. Un assassin de l’ombre. Voilà la différence entre nous.

Ceci n’est pas une critique. Plutôt un constat. Le ton employé n'est aucunement offensant.

• En mon sens, tes approches sont lâches. Selon ta définition, le Shinobi n’est qu’un rapace. En mon titre d’Épéiste, ce combat fut une insulte à mon honneur. Toutefois, tu as prouvé ton point ainsi que ta conviction. Dur comme le Fer et ardente comme le Feu. Car je crois objectivement en l’efficience de ton approche pour instaurer l’Ordre, je m’adapterai de nouveau à ce credo.

Il recula d’un pas, son corps légèrement sur le côté face à l’Empereur. Le souffle de Zéphyr reprit de plus belle, virevoltant la crinière blafarde de l’Homonculus. Il attrapa sa capuche d’ébène et couvrit sa tête. L’Épéiste Noir marqua ce geste par ces dernières paroles.

• Aide-moi à reconstruire Kiri. En paiement, j’agirai pour le bien de l'Empire. Je deviendrai ton Ombre.

Spoiler:

Suite à toutes ces critiques sur la Voie du Shinobi, revoir l’ancienne Brume Sanglante renaître de ses cendres n’est-il pas en un sens ironique ? Pour le quinquagénaire, il n’y a aucun doute que cette puisse paraître surprenante – dans ce sens uniquement. Toutefois, il y a une raison cohérente derrière cette décision, aussi contradictoire qu’elle puisse être avec les valeurs du dernier Chef du Légendaire Septuor. Alors que l’Homonculus n’avait plus un seul endroit où se réfugier, égaré dans les méandres de ce bas monde; alors qu’il avait perdu ce qui lui était le plus précieux par la main d’un monstre, désormais orphelin et le dernier spécimen vivant de son espèce maudite, un individu lui a tendu la main. Samui Mahan, la toute première Ombre de l’Eau. Il lui a parlé de son projet, construire un village qui peut assurer la stabilité au sein de l’État et la défense du territoire ainsi que prêter support aux pays environnants. Une intention honorable, un rêve respectable. Sans vraiment y réfléchir, à la recherche d’un quelconque but, le jeune jouvenceau, âgé de douze hivers, a accepté de suivre le futur Mizukage à la crinière glacée. Toutefois, c’est grâce à la patrie du Brouillard qu’il a su surmonter – ou plutôt maîtrisé – en quelque sorte son passé et ses tourments. Reconstruire Kiri est un simple acte de rédemption envers le défunt camarade qui l’a tiré hors des profondes ténèbres de la souffrance.

Kakeshuou n’est pas néanmoins dans l’obligation de connaître la raison derrière cette étrange décision, contraire aux idéaux du Yuuki. Un jour, peut-être que cette interrogation sera répondue. Pour le moment, il n’a qu’à tirer sa propre hypothèse sur la question – s’il désire y porter le moindre intérêt.

De retour sur le moment présent, laissons les justifications de côté. L’Ancien réagit aux propos de son collège d’antan. Comme anticipé, le vieillard a des vues sur l’archipel, Mizu no Kuni. En tant qu’ancien soldat au service de cette nation et plusieurs dizaines d’années passées sur ces terres, il est peu probable qu’il décide d’ignorer cette partie du monde. D’autant plus qu’une partie des forces de l’Alliance désormais transformée en Empire étaient des Kirijins. Le sentiment de patriotisme envers la capitale de la Brume est toujours aussi persistant. Tant mieux si les préparatifs pour remettre le village sur pied sont déjà en cours, quoi que l’identité de celui en charge de ce projet attise la rare curiosité de l’Épéiste. Patience, chaque chose en son temps. En outre, il a déjà une idée tant qu’à la personne responsable de ce dessein.

Malgré le serment que vient d’étendre la chimère à l’Empereur, ce dernier ne sera pas facilement convaincu uniquement grâce à quelques belles paroles. Le Rônin est fort conscient qu’il y aura une condition à remplir avant de se compter parmi les rangs de son interlocuteur. Et il ne tourna pas autour du pot. Pour assurer un avenir à la nouvelle puissance Impériale, celle-ci partant sur de frêles bases; pour garantir son pouvoir absolu sur les territoires des pays mineurs, des mesures drastiques doivent être employées. L’assassinat d’un Seigneur, maître d’un État au grand complet. Le Sombre Spadassin resta totalement amorphe face à cette révélation. En vérité, le Samui agit exactement comme il l’avait prédit. Un homme en soif de pouvoir politique cherchera toujours à éliminer les opposants qui puissent lui causer du tort dans un futur proche ou lointain.

La mission a donc été énoncée : Setsuna se chargera de supprimer le Daimyô de Tori no Kuni, assisté par un individu dont l’identité n’a toujours pas été déclinée, mais ce sera lui qui se verra confier la tâche de rebâtir Kiri. Par la même occasion, alors que le briefing semblait toucher à sa fin, le Samui invita son acolyte à la cérémonie d’intronisation du nouvel Empire qui se tiendra exactement dans sept jours. Connaître ses convictions et les objectifs de cette nouvelle puissance. Un discours d’un dirigeant n’est rien d’autre que de la propagande, une image à dresser pour une communauté, tel un drapeau que l’on hisse sur une hampe. Ce n’est pas en écoutant un long monologue que le Yuuki sera forcément fixé sur les véritables intentions de son nouveau supérieur, mais soit. Il accepta la poignée de main de Kakeshuou : un accord vient d’être conclu.

• Bien. Je vais à présent exécuter mes ordres. Nous nous verrons dans une semaine.

Il tourna les talons et entreprit une marche confiante vers le rebord du plateau, se situant, rappelons-le, sur le pinacle d’une montagne. Manteau d’ébène fouettant au gré du vent, capuche sur la tête, une fois rendu sur la falaise, l’Épéiste Noir effectua un saut-suicide dans le vide, disparaissant dans l’obscurité de la nuit.

Ce soir de pleine lune marque une mutation importante et inopinée. D’une machine organique ne faisant répondre qu’aux divers ordres concédés à un Épéiste d’honneur et de fierté, le voilà à présent métamorphosé en un être modelé par l’ombre pour mieux répondre aux exigences quémandées. Un harceleur de la nuit. Un être de sang et de silence.

Un assassin.