La sérénité troublait en un instant, grognement du loup à mes pieds subitement tous ses poils hérissés, tous ses crocs dévoilés alors que je buvais dans le silence mon thé à peine réveillé, quoi encore ? Comme si je n'avais pas eu mon lot de misères à mon retour. Ma tasse retrouvait le comptoir et toujours pieds nus je me dirigeais vers la porte pour l'ouvrir un air mauvais...

Un fascié qui ne durait pas longtemps, non même il mourait aussitôt horrifié. Ce loup là ensanglanté je le connaissais, mais que faisait-il là sur un autre, entouré par une meute même, une au regard braqué sur moi et Nectus en arrière qui lançait un hurlement comme un cri de guerre. Que se passait-il ? Mon regard cherchait le Samidare, nul part. Pas le temps d'ouvrir la bouche néanmoins.

~ C'est elle, elle a la même odeur que sur ses vêtements...

Marmonnait une voix roque aux autres, fières et arrogants qui me fixait de haut, comme peu convaincu par ce que ma vision leur offrait et le loup porteur laissait tomber le dénommé Shogi à mes pieds. Qu'attendaient-ils de moi ? Pas des soins j'osai espérer avant de comprendre que si, quel malheur. Tout sauf dans mes compétences, alors que j'arrachais mon manteau près de l'entrée pour envelopper la bête dedans, pas le temps de réfléchir, l'information n'avait fait qu'un tour dans ma tête. Une clone et le manteau en brancard, je m'avançai dans le jardin en me tournant vers la seule personne que je pensai capable de m'aider, mon frère.

~ Qu'est-ce qui se passe ?! Où est Teichiro, pourquoi êtes vous là ?!

Mais aucune des bêtes ne voulaient me répondre, silencieuses, amères, pourquoi ? Je ne le savais pas, mais le chemin me paru une éternité et combien même j'avais insisté, rien à faire, tous s'en fichait. Je les sentais comme blessés dans leur orgueil et quand je grognai une ultime fois pour qu'on me répond tout en entamant les escaliers qui me menaient vers Rei, le plus princier d'entre eux se décidait à une réponse...

~ On nous l'a ordonné.

Teichiro, qui d'autre pour le faire, mais si ils étaient là, il était encore au pays et je comprenais que son départ pour Suna avait dû se faire contrarier, chat noir que j'étais, à peine rentrée et des soucis à nouveau qui se rajoutaient alors que je frappais avec violence sur la porte d'entrée de Rei. Laissant filtrer une petite voix face à mon impuissance et si il n'était pas là ? La bête allait mourir? Pourquoi cette idée m'était si insupportable...

~ Rei ! Ouvre moi ! Dépêche toi !

Je ne comprenais rien à l'histoire, triste que j'annonce mon retour à mon frère de cette façon...

Les journées les plus banales en apparence ne pourraient-elles être en réalité que l’augure de grands changements ?

Ce matin-là, rien ne semblait présager qu’un bouleversement si important viendrait se présenter à Rei. Un réveil somme tout banal lui aussi, la chaleureuse caresse d’un soleil d’été et ses puissant rayons qui baignèrent la pièce d’un éclat immaculé. Ses yeux s’ouvrirent délicatement, éblouis par la toute-puissance de l’astre des cieux. Ni cauchemar, ni souffrance ne vint ponctuer le commencement de sa journée, seules quelques douleurs encore présentes vinrent lui tenir compagnie. En rien comparable avec ce qu’il avait pour habitude de vivre, il aperçut petit à petit ce que signifiait réellement « vivre ». Vivre sans se soucier à l’idée d’un lendemain incertain, une douleur au ventre saisissant tel un rappel inexorable à la réalité.

Sur son corps résidait encore les traces de son combat passé, durant la libération des membres de son clan des griffes de l’alliance Kumo-Konoha. Il eût d’ailleurs la surprise d’apprendre la défaite de la deuxième équipe d’intervention composée de Gekei Nodoka et Kaguya Shio, alors que le Samui avait pu avoir un aperçu de la puissance de ce dernier lors d’un combat d’entrainement. La puissance de leurs ennemis devait être redoutable pour causer leur défaite et les informations que la jeune femme lui avait données à propos d’eux restaient gravées dans sa mémoire. Car son objectif était un jour pouvoir protéger ceux lui étant chers, tel que sa sœur et Nodoka, volonté qu’il lui était impossible de réaliser en ce temps.

Il leva le drap qui reposait sur sa chair, marqué par les brulures infligés par son adversaire lors de son combat. Puis se dirigea vers son frigidaire. Comme tous les matins, il engloutit une quantité non négligeable de nourriture puis se prépara afin d’accueillir ses hôtes. Non pas des Hommes comme l’on pouvait s’y attendre mais des loups, ceux de sa meutes, 3 représentants dont un qu’il avait lui-même choisi parmi la quarantaine de ses membres. Il devait discuter avec eux de l’histoire de celle-ci, et du futur qu’il envisageait de créer. Un futur qu’il voulait brillant, impérieux. Mais alors qu’il finissait les préparatifs, Rei entendit un brouhaha provenir de sa porte. Une voix féminine apeurée en jaillissait, une voix qui lui rappelait bien des souvenirs. Fronçant les sourcils sous ce mauvais augure se présentant, il accourut afin de répondre à l’appel que lui lançait son amie.

« Qu’est-ce que… »

Lorsqu’il ouvrit la porte, le jeune homme découvrit une Ao’ apeurée, différente de ses habitudes. Derrière elle ne se tenait quatre loups, plus un dernier baignant dans le sang de son pelage porté par l’un des quatre autres. Sans même attendre de réponse, il dit aux bêtes de poser le blessé dans sa salle d’entrée, puis il observa la plaie. Celle-ci s’étendait sur toute la longueur de l’animal. Plusieurs côtes semblaient brisées et la raison pour laquelle les viscères n’étaient pas sortis du ventre de l’animal n’était autre que la position dont ils l’avaient amené ici, la plaie collée contre le dos de son porteur. Rei fit un rapide mudra puis inséra sa main dans le l’abdomen sans prendre plus de précautions, avant tout il devait stopper l’hémorragie ou ce serait la fin pour Shogi, ensuite il lui faudrait recoudre les parois intestinales tranchées, résorber les hématomes, calcifié les os brisés et bien d’autres choses encore. Alors qu’il se concentrait sur son acte chirurgical, il fixa sa sœur d’un regard plein de sens, Rei demandait des explications.

Il était là, heureusement et c'était avec un certain soulagement que je le découvrais soignant d'office la bête sans poser de question, du moins d'interrogation orale... Ses yeux étaient parlant, mais il était concentré, la meute quant à elle s'était invité à l'intérieur, silencieuse elle observait, se jetait des regards. Moi? Dans une chemise qui n'était même pas mienne et pieds nus, je me découvrais une étrange allure dans le reflet d'une vitre de cette maison, désolée, mais je n'avais pas prévu cette suite là pour mon réveil frais de quelques minutes encore...

~ Ils ne l'ont emené dans cet état et ne semble pas vouloir me répondre quand je leur parle, probablement, parce que je n'ai aucun lien avec eux... Mais je n'y peux rien si le Samidare me les a envoyé.

Les canidés me lançaient un regard en même temps, comme d'un commun accord, celui à la voix roque s'exprimait à nouveau.

~ Mais qui es-tu femelle?

Je glignais des yeux, ne le savaient-ils donc pas? C'était un peu vexant, encore que après tout...

~ La disciple du Samidare... Enfin, je crois...

Mon sourcil s'arquait et le loup tournait son attention vers mon frère, mais avec moins d'amertume dans la voix...

~ Et toi l'homme aux mains guérisseuses, qui es-tu?

Mon fascié affichait un air contrarié, tant de question sans réponse dès lors, je m'accroupissais près de Rei pour l'observer faire, il était si talentueux pour préserver la vie, moi tant pour la détruire, opposé et similaire, son visage était reposé. Même en ce moment où il était dérangé dans son quotidien, je pouvais percevoir avec soulagement qu'il allait bien, enfin mieux. Même pas il se demandait comment je savais où le trouver à mon retour, si il avait su toutes les infos que j'avais accumulées, enfin ce n'était pas le moment non plus, mais le revoir m'avait fait reprendre du poil de la bête si on peut dire. Mon attention à nouveau se plaça sur le loup, celui qui semblait mener le groupe.

~ Où est le Samidare, qu'est-il arrivé à Shogi? Que se passe-t-il...?
~ Je ne sais pas, je ne peux seulement montrer où je l'ai vu pour la dernière fois et dire avec qui il était, mais je doute que ça te parle.

La bête ancienne sembla méditer en s’asseyant près de son compagnon blessé et son air fermé signifia qu'avec moi elle ne voulait plus converser, alors ne me restait qu'une chose à faire en observant notre médecin et son blessé...

~ Il va s'en sortir? Je devrais y aller tu penses?

La réponse qu’il eût, bien qu’il l’attende, ne lui convint pas. Une réponse ne lui apportant aucun élément quant à la tournure des événements et les raisons d’un tel massacre. Les quatre autres loups constituants l’escorte du patient ne répondait pas à ses questions, n’ayant aucun lien avec la jeune femme. Cependant, pour que le Samidare les envoie vers Ao’ avait toute une signification. De nombreuses choses semblaient s’être passées depuis leur retour, des éléments dont Rei n’avait pas connaissances. La meute demanda à la Kaguya son identité, question à laquelle elle répondit en se désignant comme étant l’élève du Sennin. Plus la discussion avançait, moins Kenshi n’arrivait à lier les éléments à sa disposition. Un des loups tourna alors son regard en direction du médecin, lui demandant de décliner son identité.

« Samui Rei. »

Non loin de lui l’idée de montrer son mécontentement, sa réponse sèche trahissait sa concentration. Afin de ne pas aggraver le cas de l’animal, se dressant déjà devant les portes de la mort, il ne prit pas la peine d’égarer plus son esprit de son objectif. Le jeune homme aurait tout le temps de trouver ses réponses lorsqu’il serait parvenu à soigner Shogi afin de stabiliser son état. Aoji’ semblait elle aussi au dépourvue devant une telle situation, comme le montrait son visage contrarié. S’accroupissant afin de mieux observer l’opération, elle observa un court temps son ami.

Bien qu’ayant longuement étudié les arts médicaux, Rei ne connaissait que peu l’anatomie des animaux. Heureusement pour lui, il l’avait longuement étudié avant de choisir son Kuchiyose, sachant pertinemment à quel point sa capacité pouvait être précieuse. Tandis que la majorité des ninjas savaient mieux que quiconque ôter la vie de leur victime, seule une partie infime d’entre eux pouvait la préserver. Le jeune homme en faisait partie, cultivant cet atout à sa juste valeur. Palpant les organes de ses mains, il commença par analyser plus précisément l’envergure du travail. Pour recoudre les artères il lui faudrait du fil médical, d’aiguilles et de compresse afin d’éponger le sang. Ensuite seulement il pourrait se concentrer sur la reconstitution des tissus, ne possédant pas encore les techniques nécessaires pour ce faire sans tous ces artefacts.

Pendant ce temps, Aoji’ questionna les quatre protagonistes sur la position du Samidare. Rei comprit qu’il tenait entre ses mains la vie d’un dénommé Shogi, une belle puissante à n’en pas douter. Sans prendre la peine de répondre à ses interrogations, l’une des bêtes vint se placer près du corps de son ami, le regard fermé.

« Il va s'en sortir? Je devrais y aller tu penses? »

Avant même de lui répondre, Rei se leva puis ouvrit un à un les tiroirs de sa cuisine. Il y prit des aiguilles, du fil de couture, puis se dirigeant vers la salle de bain il se saisit de quelques serviettes avant de revenir vers le blessé.

« Nettoie moi ça avec ton Katon. »

Dit-il tout en lui tendant les aiguilles qu’il venait de prendre. Rei prit l’une des serviettes puis la plaça sur la plaie de l’animal, afin d’absorber le sang qui en jaillissait continuellement. Lorsque la jeune femme eût fini de stériliser les épines de métal, il leur attacha un morceau de fil puis commença à recoudre les principales artères. Une fois fini, ponctuant ses passages par nombre d’étanchements, il parvint à stopper les principales hémorragies, en prenant soin de se servir de l’une de ses techniques pour cautériser les vaisseaux sanguins plus petits. Rei plaça alors ses mains sur le corps de Shogi puis activa sa technique de régénération.

« Maintenant oui. »

Dit-il en lançant un regard à sa sœur. Le Samui tourna alors la tête en direction des loups, prenant un fasciés agacé.

« Mais ne comptez pas sur moi pour rester ainsi les bras croisés à soigner un loup pour une raison que je ne connais pas. Je veux une explication. »

La bête était sauvée, j'étais soulagée, pourtant je ne l'avais vu qu'une fois, je ne saurais pas expliquer ça, mais qu'importe, Rei m'avait presque ordonner de l’assister et j'avais obéis sans résister. Le katon pour stériliser ses instruments marrant comme concept dans d'autres circonstances, mon humeur là n'était pas à la fête et lui non plus, il voulait des réponses. Mais les loups semblaient plus réceptifs au Samui qu'à moi, je comprenais pourquoi, décidément, on avait beaucoup de chose à se raconter lui et moi, par où commencer...

~ Un des possesseurs du pacte des loups alors. Le Samidare se bat contre son frère, face à la tribu des scorpions, c'est tout ce que nous savons, car avant de pouvoir y prendre part, il nous a renvoyé vers elle pour Shogi que tu viens de soigner. Ton élève à toi aussi?

Mon sourcil s'arquait et mon air se faisait mauvais, ça allait bien oui! Un haussement d'épaules et je me relevais en me dirigeant vers la chambre du Samui, ouvrant la porte sans vergogne, non pas sans le gratifier de ma mauvaise foi...

~ Nodoka dort encore? Elle a des affaires ici, j'aurai besoin de me changer, on ne peut pas sortir comme ça, on attirerait encore plus l'attention !

Le loup me laissait un regard étrange, avant de me snober à nouveau.

~ Au moins tu pourras nous renvoyer chez nous si ça tourne mal pour Teichiro.
~ Comment ça tourner mal?

La bête ne me répondait pas et l'air mauvaise agacée, j'entrais dans la pièce pour ouvrir l'armoire, quelle déception alors, je confisquais alors les affaires du Samui avant de partir vers sa salle d'eau en prime. Cela aurait été mieux si Chaton était là. Aussi je laissais finir le médecin avant de réapparaitre avec une meilleur tenue, à nouveau penchée vers le loup...

~ Il va reprendre conscience? Bref, il faut aller là bas.

Les loups se contemplaient un moment avant de tous se tourner vers l'homme plus sage à leurs yeux, le grisé demandait alors...

~ Toujours comme ça?... Comment elle peut être la disciple du maître?
~ Mauvaise blague...
~ La ferme sac à puces ! Rei, peut-être que tu devrais regarder ça avant qu'on y aille, surtout si on doit se battre.
~De mieux en mieux...

Juste un geste pour lever la chemise et montrer la plaie brûlée et pas très belle que je trainais depuis la mission larcin... Désolée mon frère de l'avoir cachée...

A la vue de Rei, celui qui semblait être le chef de la meute reconnu tout de suite le détenteur de son pacte. Aussi il lui répondit sans attendre à ses interrogations, lui expliquant que son maître menait un combat contre son frère, face à la tribu des scorpions. Le loup n’avait en sa possession aucune autre information, une bien maigre récompense pour le Samui. Ao’, agacé de plus bel par la situation se dirigea vers la chambre de Rei ouvrit la porte en la faisant claquer.

« Nodoka dort encore? Elle a des affaires ici, j'aurai besoin de me changer, on ne peut pas sortir comme ça, on attirerait encore plus l'attention ! »

Le jeune homme ne savait pas quoi penser, devait-il être surpris qu’elle soit au courant de quelque chose, ou au contraire blasé. Une chose été sure, cela se payerait comme l’indiquer le froncement de sourcil que venait d’adopter le propriétaire des lieux. Rei n’aimait pas être espionné, encore moins par la personne qu’il considérait comme sa sœur. Le loup la snoba à nouveau afin de se tourner vers son camarade, lui demandant de les ramener chez eux si jamais il arrivait malheur au Samidare, question à laquelle il répondit positivement par un hochement de tête. L’ignorance de la bête à son égard n’avait pour conséquence que d’énerver encore plus la jeune femme. Se dirigeant dans la pièce afin de se revêtir d’habits plus adéquats.

Pendant ce temps, Rei put continuer ses soins, les tissus de son patient se régénérant petit à petit alors que sa technique était active. Bientôt il pourrait retrouver l’intégralité de ses organes, ainsi que la capacité de se déplacer. Cependant il lui faudrait du temps pour retrouver sa force d’entant, l’Iroujutsu de Rei avait ses limites. Sortant de la salle de bain, la Kaguya dit à Rei qui lui répondit les yeux plissés.

« Il va reprendre conscience? Bref, il faut aller là-bas. »

« Il va reprendre connaissance. »

Mais avant même qu’il puisse continuer, il observa les loups se contempler puis se tourner vers Rei, lui demandant si le caractère désagréable qu’elle affichait était habituel.

« Oui, elle est toujours comme ça. »

« La ferme sac à puces ! Rei, peut-être que tu devrais regarder ça avant qu'on y aille, surtout si on doit se battre. »

Ouvrant la chemise qu’elle avait empruntée à Rei, elle laissa apparaître une plaie béante en plein milieu de son ventre. Les chairs semblaient avoir été cautérisées sans le moindre égard pour toutes les règles de bienveillance. Une œuvre d’art digne de la jeune femme à n’en pas douter. Poussant un long soupir devant tant d’obstination le médecin ôta les mains du corps de l’animal qu’il venait de soigner, puis se rapprochant de la Kaguya puis s’agenouilla devant elle. Il apposa ses mains sur son ventre puis commença à régénérer ses tissus afin de faire disparaître cette hideuse cicatrice de son corps.

« Ça fait bien trop longtemps qu’on ne s’est pas vu. Et tu n’as toujours pas changé, toujours aussi stupide pour te bruler la peau afin d’arrêter les saignements alors que tu aurais du tout de suite venir me voir. Avec mon sceau, la seule explication possible est que tu t’es fait ça durant notre mission. Tu me l’as donc caché. Mais encore je peux comprendre, je te connais bien. Par contre que tu m’aies fait suivre d’une manière ou d’une autre, ça…. »

Son regard se fit peiné, bien qu’il ait voulu exprimer de la colère, il ressentait plus une profonde lassitude de la situation. Lorsqu’il eut fini de rendre sa forme originelle à la peau de Ao’, il caressa sa surface avant de se relever puis fixer ses compagnons de voyage.

« Allons-y, nous vous suivons. »

Pourquoi est-ce qu'il me regardait comme ça? Comme déçu. Pas ma faute, même si ça m'arrangeait au fond, mais il ne fallait pas qu'il oublie...

~ Mes anciens confrères du Misuto me rapportent tout, plus fort qu'eux, ils adorent les commérages, je te les présenterai et tu auras des retours équivalents si tu veux. N'empêche que, j'étais étrangement contente en l'apprenant, mais je suppose que ça ne me regardait pas. Pardonne moi.

Ma main se posait sur le haut de son crâne pour offrir une caresse à ses cheveux, je voulais le taquiner simplement, j'oublais que Rei n'était pas friand de ces jeux-là, encore sensible, pas sûr même qu'il est bien tout encaissé de cette histoire... n'empêche, plus fort que moi...

~ Tu as apprécié au moins? Vu son état en sortant, elle en est resté retournée ça c'est sûr !

Le tout dit avec une certaine fierté, en fait, l'heure était grave et je ne voulais pas y penser, il en faisait les frais, toujours comme ça quand je voulais fuir la réalité, il fallait un jour grandir, je le savais bien, mais ce n'était pas pour aujourd'hui il me semblait bien... Le Samui suggéra alors de partir et personne ne semblait contester, le loup à la voix roque ouvrit la marche et mes pas accompagnaient ceux de Rei. Ma tête se baissa au milieu du trajet où j'avais été silencieuse, je ne savais pas dans quoi on mettrait les pieds et même si mon humeur avait semblé légère, mon coeur était lourd, un besoin soudain de le vider.

~ J'ai tué Tenzö à Konoha, enlacé tendrement, murmurer que je l'aimais et l'instant d'avant, mon os avait traversé son coeur.J'y ai été pour prendre sa vie, à ne pas en douter, mais le pire...

Les majestueux animaux s'étaient retournés en entendant ça, comme interpelé, ils connaissaient peut-être le Kaguya, ou c'était mes mots qui les avaient troublés. Je vidais mon sac sans ménagement à mon frère, sans crainte d'être jugé, car quoi qu'il dise, je savais, qu'il serait sincère lui...

~ Je lui ai donné la chance de m'emporter avec lui et il ne l'a pas prise.

Mon regard se tournait vers le bleu familier du Samui, mon frère...

~ Tu crois qu'il serait parti avec la même affection si il avait su que bien avant d'être veuve, je le trompais déjà dans les bras de celui qui l'a évincé, banni jusqu'à sa mort. Je le fais encore.

Mes yeux le lâchaient pour regarder l'horizon alors que les bêtes avaient grognés à certains moments. Je ne voulais pas y lire sa réaction, lâcheté encore.

~ Quel genre de femme est ta soeur Rei? Tu me voyais ainsi? Tu me vois toujours pareil?

Les loups se stoppaient, comme si cette réponse serait importante, pourquoi lui avoir dit tout ça maintenant? Parce que il y avait un danger et que toutes les personnes au monde, Rei était celui que je ne voulais jamais tromper. Un timide sourire naissait alors et mes yeux retrouvaient les siens. Il était la seule personne au monde avec qui je parlais avec sincérité.

Ao’ expliqua à Rei que ses confrères du Misuto lui avaient rapporté l’information, elle lui proposa même de les présenter afin qu’il puisse bénéficier des mêmes retours. Une proposition simple en apparence, riche en sens, de la plus haute importance quand il s’agissait de décider. Faire partie du Misuto, s’investir pour le village, accepter de s’engager dans des missions dangereuses, parfois même capitales, sacrifier sa vie pour une cause. Abandonné toute forme de vie privée en acceptant de porter un sceau à jamais gravé sur soi. Les bénéfices pouvaient être grands, mais les sacrifices également. Lui qui était dans une période indécise, ne sachant pas où aller une fois la lumière retrouvée se retrouvait confronté à des choix importants et ce n’était pas le premier. Une invitation au conseil des Samuis suivit de celle pour intégrer les forces spéciales. Mais l’heure n’était pas aux réflexions, il fallait agir. Ao’ caressa ses cheveux d’un geste empli de tendresse, suivit de paroles.

« Nous n’avons rien fait, je l’ai juste embrassé. »

La situation était tout sauf appropriée, mais là reposait justement l’explication d’une telle conversation. La jeune femme semblait dérangée par la situation, elle tenait en estime le Samidare, restait à savoir à quel point. Etait-ce simplement de l’amitié, un respect d’élève à maître, ou plus… Rei le découvrirait bien assez tôt, la voir dans cet état avait tout pour lui déplaire et l’énerver. Il aurait aimé pouvoir prétendre que personne ne ferait de mal à la princesse des fleurs, un aspect de sa personne qui l’énervait. Trop faible pour prétendre protéger ceux lui qui lui était cher, c’était lui qu’on protégeait, depuis toujours.

Le Loup qui semblait être le chef de meute ouvrit la marche après la demande de Rei. Ils sortirent de chez lui, laissant reposer Shogi sur le canapé de son salon, seul. Il n’y avait pas de temps à perdre, son était maintenant stabilisé, d’autres priorités importaient plus. Les pas de la Kaguya fermèrent la marche tandis qu’ils se mirent en route vers ce qui semblait être la côte de l’archipel principal. Après plusieurs dizaines de minutes de courses effrénées, Aoji’ brisa le silence qui s’était instauré. D’une voix tremblante, chargée de tristesse, la jeune femme lui raconta qu’elle avait tué Tenzo à Konoha. Son mari, ancien Mizukage, membre de son clan. Elle lui avait proposé de venir avec lui, mais il avait refusé. Déchirant le cœur de son homme à l’aide de l’un de ses os, ses derniers mots furent des paroles d’amour. Une mort honorable, digne d’un homme. Mais le pire restait qu’elle le trompait avec un autre. Seul l’actuel Mizukage pouvait être responsable de son évincement, pour des raisons qui lui échappait.

Le regard de la Kaguya se fit fuyant, les grognements augmentèrent d’intensité alors que leur course se poursuivait. Elle souhaitait savoir ce qu’il pensait d’elle, pouvait-il seulement lui porter le même regard une fois la vérité entre ses mains. Les loups se stoppèrent leur avancée, comme dans l’attente d’une réponse du jeune homme. Ils n’avaient que pour seul maître le Samidare, mais si jamais celui-ci disparaissait, ce serait Rei qui reprendrait sa place. Ils le savaient bien. Devant leur réaction agressive envers l’âme blessée, attendant une réaction du Samui, celui-ci le leur rendit par un regard empli de colère. Ses poings se fermèrent tandis qu’il les somma de taire leurs protestations. Se retournant afin d’observer Aoji’, il caressa sa joue d’un geste tendre, arborant un visage décontracté, aimant.

« Ma sœur est celle que j’ai toujours connue. Impulsive, immature, magnifique. Quoi que tu fasses je te regarderai toujours de la même manière. La seule chose qui me ferait changer d’avis, ce serait que tu me trahisses. En serais-tu capable ? »

Sa question ne laissait pas la place au mensonge, il ne le pardonnerait pas.

« Tu sais Ao’, on fait tous des erreurs, tout le temps. Le principal ce n’est pas d’échouer, mais d’un jour réussir afin d’être fier de ce que l’on est. Es-tu fier de ce que tu es maintenant ? Tu obtiens ce que tu désires, mais à quel prix. Tuer ton mari, un homme qui t’aimais plus que tous, vendre ton corps au responsable de son meurtre. »

Il se rapprocha d’elle puis la serra contre lui, posant sa tête contre son épaule.

« Qu’est-ce que tu désires au fond ? Tu as toujours agis sans réfléchir. Et je ne te parle pas de tes décisions, vers où veux tu te diriger ? Quelle personne veux-tu devenir ? Quel est ton but ? Penses-tu, dans quelques années, pouvoir te regarder fièrement dans un miroir ? Je serai toujours là pour toi, tu le sais. Et tu seras toujours Aoji’, la seule personne que je considère comme sa sœur. Je t’aime et tu le sais. »

Renforçant son étreinte, il laissa transparaître un soupir.

« Quand vas-tu te décider à réfléchir aux conséquences de tes actes ? Ce n’est pas moi que tu dois craindre, ni mon jugement. C’est celui que tu te portes maintenant et que tu te porteras plus tard. C’est la seule chose qui doit t’importer, car moi je ne partirai pas. »

Le trahir ? Certain que je ne le voulais pas, mais ne pas être capable de ça. Je ne voulais pas le promettre, car je ne pouvais le garantir, je ne voulais pas lui mentir, je n'avais pas voulu trahir les autres non plus. Pourtant je l'avais fait et alors qu'il avait son air si doux sur le visage, le mien en affichait un de plus en plus triste, il devrait me réconforter pourtant...

~ Je ne sais pas, mais je ne veux pas ça c'est sûr, tant d'autre chose que je ne désirais pas pourtant...

Presser contre lui, je m'agrippais aussi fort, le seul qui ne jouait jamais, qui ne me mentait, dont les mots valaient légions d'arguments, une simple affirmation de sa part et je ne savais pas pourquoi, je la prenais toujours pour argent comptant. Un repère d'une confiance aveugle et il était vrai que je ne réfléchissais pas souvent, j'avais horreur de ça, trop compliqué, trop de pression qui venait s'ajoute, trop de vérités que je ne voulais pas assumer. Ce n'était jamais que retarder l’inévitable, je le savais bien, pourtant, j'aurais simplement voulu rester là, dans ses bras, à écouter sa voix et ne pas me soucier du reste.... La vie ne serait jamais aussi simple que ça malheureusement.

Sa tête et son souffle chaud n'enlevait rien à la froideur de ses affirmations, bien qu'il concluait le tout avec un magnifique chaleur, des mots qu'on ne disait pas souvent, mais qui sonnaient toujours en véritable écho avec le Samui. Tricheur... C'était là son talent pour me rassurer, m'expliquer ou me gronder avec douceur, commencer par le piquant douloureux qui cassait la carapace avant de m'entourer de sa tendresse pour que je ne me sente pas mise à nue, que je reste en sécurité pour ne pas me fermer. Le talent de mon frère n'avait pas d'égal, probablement qu'il n'en aurait jamais, je me sentais chanceuse en le serrant plus fort et une seule chose était sûre...

~ Je veux que tu restes fier de ta sœur, pas que tu fasses impasse sur mes tares parce que tu m'aimes. Je veux être aussi sage que toi. Je n'ai pas de but, pas d'objectif et le reflet dans le miroir, je ne me souviens même plus de la dernière fois où je l'ai regardé... Il n'a jamais eu d'intérêt.

Il serrait plus fort et moi aussi, le sourire au milieu des larmes, apaisée en un instant, la leçon commençait à se faire entendre, tant de réfléchir à mes actes... ? Tant de réfléchir tout court, grandir, assumer, réparer... Autant de choses épuisantes qui ne me tentaient pas, parce que je ne savais pas par où commencer.

~ Et si je ne sais pas faire ça... ? Qu'est-ce que je dois faire Rei, simple mauvaise foi tu crois ?

Exactement ça même alors que je m'écartais de ses bras sans prêter attention à l'assistance de canidé. Un mouvement pour essuyer mes joues avant d'attraper la main de mon frère et le tirer, impulsive hein... On ne se refait pas.

~ Dépêchons-nous Rei, je ne veux pas que cet homme meurt encore...

L'élan des pas reprenait et à nouveau je me perdais dans le bleu intense de ses yeux, qu'est-ce que je ferais sans lui... Tout commençait à devenir limpide, ce que je voulais moi, pas ce que voulaient les autres de moi c'est ça ? Il était temps de faire le tri alors, pas de ce qu'il me fallait avoir, mais de ce que j'avais vraiment besoin d'avoir, oublier les caprices d'enfants d'un moment pour voir le long terme. Mais dans cette vision je n'avais aucune idée, néanmoins un objectif que je me rappelais, depuis que je l'avais rencontré, un seul, comment avais-je pu l'oublier. Je voulais le rattraper et bien qu'il est chuté à un moment dans la vie, le voilà qui me remettait une longueur d'avance. Sacré Rei.

~ Hey Samui, n'oublie pas, tu dois apprendre à te servir de tes poings aussi bien que moi et moi je dois apprendre à me servir de ma tête aussi bien que toi !

Sourire, comme un bond de quelques années en arrière. Je choisissais toujours bien mes moments !

Comme à son habitude, Rei ne donnerait pas les mots que sa sœur aurait tant désiré en cet instant. L’important n’était pas de lui faire plaisir, de la rassurer à un moment donné. Ce que le jeune homme désirait, c’était pérennisé son futur, lui assurer un bonheur de vivre, qu’importait les épreuves à passer, à deux, rien n’était impossible. Et même si pour cela il devait se faire détester, ou l’attrister encore plus, le Samui ne lui mentirait pas. Pouvait-il seulement se trahir lui-même ?

Resserrant ses bras contre le corps de Rei, Ao’ lui expliqua qu’elle voulait qu’il puisse rester fier d’elle. La regarder dans les yeux le regard haut, en parler en ressentant une fierté d’être son plus proche ami. Sans pour autant masquer la réalité à travers une vision biaisée par ses sentiments. La jeune femme voulait être aussi mature que lui, posée, réfléchie. Mais était-ce seulement possible alors qu’elle ne possédait même pas de raisons d’avancer ? Alors qu’elle-même n’avait pas regardé l’image qu’elle renvoyait d’un miroir depuis aussi loin qu’elle puisse s’en souvenir ? Aoji’ ne savait pas se comportait ainsi, elle ne l’avait jamais fait. La voir brisée ainsi peinait énormément Rei, mais il ne pouvait céder à ses propres sentiments. Le Samui devait se montrer fort, pour elle.

S’écartant des bras du jeune homme, elle lui fit part de sa volonté d’empêcher la mort d’un autre de ses êtres chers. S’éloignant de ses bras, elle lui rappela leur promesse d’antan. Lui devait apprendre à se servir de sa force, tandis que la jeune femme s’occuperait d’apprendre à utiliser son cerveau.

« Comme pour apprendre à se servir de ses muscles, il faut s’entrainer sans relâche pour apprendre à réfléchir. Le cerveau au même niveau que le reste est un muscle. Moi non plus je ne savais pas comment faire, mais j’ai essayé. J’ai observé les retours, j’ai corrigé mes façons d’agir et j’y suis parvenu tout en continuant chaque jour à en apprendre. Tout comme je m’entrainer avec toi, je suis là pour t’aider, ne l’oublie pas. »

Rei se tourna vers les loups, puis leur fit signe de reprendre la marche. La compagnie se trouvait sur une grande route menant à la côte, puis au bout de quelques minutes ils quittèrent le sentier afin de traverser la forêt luxuriante qui peuplait l’île. Les deux kirijins se rapprochaient du Samidare et le Samui, sans pour autant le montrer, ressentait une anxiété grandissante au fur et à mesures que le dénouement arrivait.