Doucement, mes yeux se ferment. Les secondes filent au ralentir dans cette maudite grotte. J’ai l’impression d’être écrasé depuis des heures… Pourtant, cela ne fait que cinq secondes au maximum. C’est fini pour moi. Moi qui voulais atteindre l’immortalité, me voilà morte avant même d’avoir pu sérieusement m’attaquer à mon objectif… Quel comble. Mourir face à la nature alors que je voulais la dominer… Je ne vois pas pire mort pour moi. Sans gloire, sans rien, juste écrasé par la nature dominante en ce monde. Oui, j’aurais préféré mourir sur le champ de bataille de la main d’un adversaire. Au moins dans ces conditions, la seule fautive aurait été moi et ma faiblesse. Mais que voulez-vous faire face à cette domination sans nom qu’est la nature elle-même ? C’est bien ce que je me demande.

Cependant, alors que je m’apprêtais à sombrer dans l’inconscience, je sens une présence non loin de moi, et avant que je n’aie le temps de réagir, le poids sur ma jambe disparaît. N’est-ce pas ma fin ? Rien qu’à cette idée, je me force à ouvrir grand les yeux. Ce n’est pas le temps de flancher ! Je tente alors désespérément de voir ce qui se passe, mais rien n’y fait, ma vue est floue. Je ne sens que des bras forts m’entouré, puis me soulever sans ménagement. Pendant quelques secondes, j’ai l’impression d’être tout simplement à cheval. Hormis la douleur qui me lance à chaque nouveau mouvement de la bête imaginaire, je me sens sereine. Comme apaisé par le fait de ne peut-être pas y rester. Cette foutue grotte n’aura finalement pas raison de moi.

Une fois ces quelques instants passés, je retombe violemment contre quelque chose de dur et de froid. C’est alors qu’une voix me parvient aux oreilles. Une voix qui me fait rapidement comprendre ce qu’il vient de se passer. Natsuki vient de me sauver la vie. Lui ne semble pas encore sûr de ma survie, alors que moi si. Je ne baisserais pas les bras. J’affronterais la mort une nouvelle fois. Jamais elle n’aurait le dessus sur moi ! Essayant de toutes mes forces, j’arrive à lui répondre par fragments.

- N-Ne t’inquiète… pas… Je ne compte pas... passer de l’autre… côté… tout de suite…

La fin de mon faible discours est suivie d’une gerbe de sang. Je ferais attention à ne pas trop ouvrir ma gueule car ça n’arrange pas les choses. Après un bref instant, Natsuki s’attèle à découper mes vêtements là où son mes blessures les plus graves. Mon épaule et ma jambe droite semblent être en très mauvais état du peu que j’arrive encore à ressentir. Mon sensei ne semble pas plus rassurer que moi, malgré le petit sourire réconfortant qu’il arbore. Comme il le dit si bien, le seul moyen de nous en sortir est de rentrer à Konoha et de foncer à l’hôpital.

Après un petit diagnostic sur mon état, Natsuki s’excuse pour ce qui s’est passé. Tout cela est insensé. À part nous sauver la vie je ne vois pas vraiment ce qu’il a fait de mal. S’il n’avait pas fait ça, on serait sûrement en train de se faire tuer par l’armée de large-oreille… C’est soit on tentait ça pour s’en sortir, soit on abandonnait et on mourrait contre les large-oreille qui était, entre nous soit dit, beaucoup trop nombreux. J’essaie alors de faire apparaître sur mon visage un semblant de sourire.

- Tu n’as pas à… t’excuser… Tu nous as sauvés… Rien ne peut t’être… reproché…

Il installe ensuite une couette sur mon corps meurtri et me fait un oreiller de fortune. Toutes ses petites attentions qui me montrent bien la bienveillance de mon sensei. Et au vu du matériel qu’il vient de prendre, j’ai vite fait de comprendre qu’il n’en a pas finis avec moi… Il va tenter de me rafistoler un minimum pour qu’on puisse rentrer à Konoha en vie. Il termine en me conseillant de dormir afin de ne pas trop ressentir la douleur. Je lève alors mon bras encore dans un état potable, avant de le poser délicatement contre mon cœur. Une larme s’échappe de mon œil valide.

- Si je ferme les yeux… J’ai peur de ne plus revoir ce monde… Je ne veux pas… mourir…

Le monde des morts, ce monde que je maudits, se trouve qu’à quelques pas de moi et je ne compte pas le rejoindre aujourd’hui.

C'était plus pénible que douloureux, plus bricolé que réellement efficace. Natsuki passa un bon moment à tenter de recoudre les entailles les plus profondes de ses blessures, afin que ses médicaments hémostatiques servent à quelque chose plutôt que simplement lui faire risquer de boucher tout son réseau vasculaire avec des caillots de sang. C'était assez loin de ressembler aux points de sutures que l'on pouvait observer dans les hôpitaux, et aussi probablement tout aussi loin d'être optimal, mais il s'en contentera. Il était bon pour se refaire tatouer aussi... Ses plaies avaient à terme cessé de saigner, il ne restait plus qu'à attendre pour lui que sa masse sanguine se reconstitue. Une affaire de jours, qu'il n'avait pas forcément : l'état de son amie nécessitait des soins qui ne pouvaient être reconduit trop longtemps.

« Si tu as peur de fermer les yeux, alors parle moi. Raconte-moi une histoire, n'importe laquelle. Les souvenirs dans lesquels tu te plonges parfois par exemple. » lui souffla-t-il alors qu'il peinait à recoudre une entaille dans son dos.

Si cela pouvait la rassurer de ne pas sombrer dans l'étreinte de Morphée, alors autant essayer de la distraire, d'amener son esprit à se concentrer sur autre chose que la douleur, celle qui pourtant nous rappelait que nous étions encore bien vivant. La psychologie jouait bien plus sur le bien-être du corps que l'on pouvait le penser.

La deuxième phase des soins fut moins délicate, mais pas forcément moins douloureuse : il était temps qu'il s'occupe de son équipière. Rien que de se mettre debout constitua un effort considérable pour lui, qui fut suivit d'un court répit nécessaire pour faire partir le filtre cotonneux qui altérait sa vision. Il s'intéressa davantage à son environnement proche, à la recherche de ce dont il pensait avoir besoin. Cela ne devrait pas être un problème. Posant alors ses yeux sur Natsumi, il lui afficha un maigre sourire.

« Je vais devoir récupérer quelques menues bricoles dans les environs. Je ne compte pas te demander de m'attendre ici, mais si tu as le moindre soucis, hurle autant que tu le peux pour que j'arrive Ou utilise la télépathie si tu t'en sens capable. Je ne devrais normalement pas trop m'éloigner. »

La jeune femme était faible, il se doutait qu'elle était à peine capable de parler, alors d'appeler à l'aide, c'était peu certain... Mais elle ne devait pas risquer grand chose ici. La grotte était condamnée derrière eux, la seule menace pouvait venir des prédateurs comme les loups. Il marcha alors d'un pas lent et traversa le plateau rocailleux sur lequel ils étaient pour atteindre une partie à peine plus boisée. Il n'avait pas besoin de beaucoup : quelques bâtons assez solides, éventuellement de la lierre s'il était chanceux. Lorsqu'il en revint à Natsumi, avec seulement quelques branches épaisses, il se demanda qu'est-ce qu'il faisait avec ça, alors qu'il pourra aisément faire mieux demain. En attendant peut-être ?

« Je vais essayer d'immobiliser ta jambe et ton bras, pour que tu ne les bouges pas par mégarde, même si j'avoue que tu auras du mal à le faire. C'est plus par sécurité qu'autre chose, je vais faire les attelles assez souples. Demain tu auras droit à quelque chose de plus efficace, quand j'aurai récupéré un peu. »

Il s'efforça avec sa seule corde de faire tenir l'ensemble de ses deux bricolages, avec un succès relatif : les attelles gênaient le mouvement pour rappeler à Natsumi de ne pas en faire, mais rien de plus. N'importe comment, plus n'était pas nécessaire : il lui faisait déjà assez mal comme ça en la mobilisant, alors si c'était pour changer le tout en plus demain, à quoi bon ?

« Nous allons devoir encore passer une nuit sur le délicat matelas qu'est la roche et la terre. J'imagine que tu n'es plus à une près maintenant. Au moins celle-ci se fera sous le couvert des étoiles et d'un ciel que nous n'avons plus vu depuis longtemps. Profitons qu'il fait encore à peu près beau en ce début de printemps. »

Dans l'après-midi, Natsuki fit de son mieux pour assister son amie dans ce qu'elle avait besoin, que ce soit pour l'hydrater en petites quantités ou la redresser et prendre le repas du soir. L'une des dernières fois qu'ils mangeront de ces rations à emporter dont il commencerait probablement à saturer si son sens du goût était redevenu optimal. Dans la nuit, il assura l'entretien du feu, aussi susceptible de leur procurer de la chaleur et d'éloigner les bêtes que de leur amener des ennuies. Pour autant, la chance se montra de leur côté, et personne ne vint les accoster avant le levé du jour. Dans son demi-sommeil, le Nara tatoué pu récupérer tout de même un minimum, assez pour ce qu'il s'apprêtait à faire.

« Rentrer d'une traite à Konoha me paraît difficilement envisageable, d'autant plus qu'aucun de nous deux n'est véritablement en état. Je te propose de déjà retourner à Kashiwa, qui n'est pas trop loin, afin de que tu puisses bénéficier de soins dignes de ce nom pour commencer. Quant au reste, je verrai pour louer une voiture, ce sera moins éprouvant pour nous de se faire tirer par des chevaux. » expliqua-t-il à Natsumi alors qu'il lui modelait à l'aide de l'art du Dôton deux '' plâtres '' aussi lourds qu'efficaces.

Mieux valait qu'elle reste couchée avec ça. Il lui expliqua brièvement son plan, mais ne comptait de toute façon pas entendre son refus : il était temps d'y aller. Enchainant les mudras et la création, il fit émerger du sol sous elle un brancard de pierres munit de quatre poignées, mais qui évoquait davantage un cercueil sans couvercle. Pas forcément de bon goût pour celle qui se trouvait devant, encore fallait-il qu'elle puisse voir quoi que ce soit. Après avoir fait partager à Natsumi sa place avec le reste de leurs affaires et récoltes du voyage souterrain, il fit appel à quatre clones qui empoignèrent aussitôt l'étrange civière pour s'envoler. Ils ne furent pas de trop pour le court déplacement, qui se résuma à moins d'une heure. Natsuki aurait pu participer, mais soulever une charge pareille serait revenu à faire éclater toutes ses plaies où la peau commençait à peine le processus de guérison.

Leur arrivée à Kashiwa n'attira pas trop l'attention, Natsuki préférant adopter la voie terrestre pour les derniers mètres à franchir. Leur état ne passa pas inaperçu bien sûr, et suffisamment pour que le fait que c'était une famille de quintuplée ne soit pas relevé. Moyennant finance, Le Nara tatoué pu offrir à Natusmi et lui-même une nouvelle fois une chambre à l'auberge, et les soins de quelqu'un un peu plus calé que lui en médecine, le dernier point n'étant pas très difficile...

« Nous sommes presque au bout. Ne me lâche pas maintenant, je n'aurai personne à inscrire sur la liste de mon équipe sinon. » lui sourit-il avec complicité une fois qu'elle fut installée dans le lit de sa chambre, un vrai avec un matelas et un sommier !

Il pressa sa main valide d'un geste réconfortant, puis il la laissa aux bons soins de celle qui avait répondu à sa demande comme étant guérisseuse. Lui aussi avait besoin de récupérer dans sa propre chambre, en attendant que l'on vienne s'occuper de ses propres '' souvenirs '' de mission.

Il réfléchira au retour à Konoha plus tard...

La voix de Natsuki me berce, m’apaise. Il comprend ce que j’endure, il sait à quel point j’ai peur de la mort. C’est la seule et unique chose qui peut me pousser à faire les pires atrocité. La mort… Rien que d’y penser j’en ai peur. Heureusement, le Nara me propose une alternative qui me fera oublier mes peurs. Pour ne pas sombrer dans le sommeil dont je ne suis pas sûr de me réveiller, il me propose de lui raconter une histoire. Il pointe même l’histoire sur les souvenirs dans lesquelles je me plonge de temps en temps. Je ne cherche pas plus longtemps à comprendre. D’une voix rauque, j’essaie d’articuler le plus possible. Il faut que je me concentre sur mon récit.

- Mes souvenirs… Ceux dans lesquelles je me plonge… ne sont généralement pas les miens. Il y a longtemps… une kirijin du nom d’Aoji… m’a transmis des souvenirs. Des souvenirs… de ses voyages…

Malgré la douleur qui me lance à la gorge, je continue sans trop me préoccuper de ce que Natsuki est en train de faire. La douleur montre bien que je suis encore en vie.

- Mon préféré… est celui où je me retrouve… au pays de l’eau. Sur une plage… magnifique. Même si ce n’est qu’une illusion… je peux ressentir… le sable fin glisser… sur mon corps. L’eau claire… rafraichir mon corps…

Même si mes pensées vont en direction de mon récit et du pays de l’eau, je ne peux balayer aussi facilement la peur qui me ronge. Délicatement, une larme glisse sur mon visage.

- J’aimerais tellement… voir ça pour de vrai…

J’espère sincèrement cela. Si je veux devenir immortelle, ce n’est pas que pour n’avoir plus peur de la mort. C’est aussi pour pouvoir voir les merveilles de la nature pour toujours. Voir dame nature faire évoluer son œuvre sous mes yeux.

Mon court récit terminé, mon sensei m’annonce qu’il doit aller chercher quelques matériaux non loin d’ici. Malgré son maigre sourire, il me dit de crier si jamais quelque chose ne va pas, ou alors d’utiliser la télépathie. Pas sûr que j’arrive à utiliser convenablement mon chakra dans cet état. Heureusement, il ne s’absente pas très longtemps. Les bras chargés de branche il m’explique ce qu’il compte faire avec ça. Des attelle de fortune en attendant que nous trouvions un véritable médecin.

Après s’être improvisé médecin, Natsuki m’annonce que nous allions passer encore une nuit loin d’un lit bien chaud. Comme il le dit, nous ne sommes plus à une prêt.

- Espérons que j’arrive à fermer les yeux…

Pendant le reste de la journée et soirée, mon sensei s’occupa de moi. Il me donne de l’eau quand je le lui en demande et prend bien soin de me redresser pour que je puisse manger. Au fur et à mesure que les rayons déclinent, ma peur s’en va. Je sens mon esprit reposé et prêt à affronter la nuit sans sombrer dans le monde des morts. C’est donc sans peur, que je m’endors comme une enfant, sous le regard attentif de son grand frère protecteur.

Au réveil, tous mes membres semblent encore plus engourdis que la veille. Cependant, je suis de meilleures formes et arrive presque à parler normalement.

- Tu as raison, rentrons d’abord à Kashiwa…

Immédiatement, le Nara modélise deux plâtres de pierre autour de mon épaule et mon bras. Voilà qui sera beaucoup plus efficace que les attèles de la veille. Il continue dans le Doton en créant une sorte de charrette afin de transporter l’invalide que je suis. Je l’entends créer plusieurs clones, mais ne le vois pas. Les parois de sa caravane de fortune me bouchent la vue. Nous partons donc en direction de Kashiwa, une grimace de douleur peignant mon visage à chaque secousse.

Après moins d’une heure de route, nous arrivons aux environs du village. Pour ne pas trop attirer l’attention, nous avons terminé notre route à pied. Enfin, c’était surtout les clones de Natsuki qui me portait vu l’état de ma jambe. Nous prenons ensuite une chambre dans la même auberge que la dernière fois. Quel plaisir de retrouver un véritable lit ! J’ai l’impression de revivre, rien qu’au contact des draps. Le Nara lui adressa un dernier geste réconfortant ainsi qu’une dernière remarque. Un grand sourire sincère sur mon visage terreux, je lui réponds amicalement.

- Ne t’inquiète pas.

Il me laisse ensuite entre les mains d’une jeune fille aux cheveux blonds. Elle paraît à peine plus âgée que moi et serait pourtant capable de me guérir.

- Bonjour, je m’appelle Suwa. Je viens m’occuper de vous après la requête de votre ami. Mon ninjutsu médical devrait vous soulager.
- Merci beaucoup…

Sans attendre plus longtemps, la jeune femme plaqua ses mains sur mon épaule. Fermant alors ses yeux, une aura bleutée jaillit de ses mains. À ce moment précis, je ressens un soulagement intense et profond. Comme si on me passait un baume miracle sur mon épaule meurtrie. Voilà donc la puissance du ninjutsu médical. Après une dizaine de minutes passées sur mon épaule, elle enchaîne sur ma jambe, me faisant ressentir le même bien être.

- Votre épaule devrait finir de guérir naturellement dans les prochains jours. Par contre pour votre jambe… Elle est pas mal amochée. Votre retour chez vous se fera avec des béquilles et des semaines de rééducation vous attendent.
- Je m’en doutais un peu… Je vous remercie sincèrement Suwa, vous m’avez beaucoup aidé.
- C’était un plaisir. Si mon pouvoir peut sauver des vies, je n’en suis que plus heureuse. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, d'autres blessé m’attendent.
- Encore merci…

Une fois la jeune femme partie, le Nara fait une nouvelle fois irruption dans la pièce. Je m’occupe alors de lui expliquer la suite des évènements, au cas où il ne les aurait pas devinés.

- La guérisseuse m’a quelque peu remise sur pied. Je devrais être en mesure de me déplacer en béquille selon elle. J’aimerais quand même qu’on prenne cette journée pour se reposer… si bien sûr ça ne te dérange pas. Tu as toi aussi besoin de repos à mon avis. Nous n’aurons qu’à prendre la route en direction de konoha demain.

Cette mission va enfin prendre fin… Pas sans conséquence d’ailleurs.

Étalé sur le ventre, Natsuki sommeillait sur son lit, le premier en plus de deux semaines. Non pas qu'il en ressentait cruellement le besoin, loin de là, mais il commençait à fatiguer. Ou plus exactement, il l'était toujours. Avec ses blessure bricolées et la quantité de sang perdu la veille, cette mission entamait sérieusement ses forces. Heureusement, elle touchait à sa fin. Natsumi et lui n'avaient plus qu'à rentrer à Konoha avec leur récoltes d'échantillons et de notes. Mais avant, un peu de repos ne sera pas volé, leurs commanditaires n'étant probablement pas à une journée près. Ces derniers avaient faillit ne rien avoir du tout d'ailleurs... Quelqu'un frappa à la porte, ce qui tira le Nara tatoué de sa torpeur. C'était la guérisseuse qu'il avait trouvé pour eux, répondant au nom de Suwa. Elle ne correspondait pas vraiment aux stéréotypes de son rôle sur le plan physique, et encore moins sur le plan médical lorsqu'elle commença ses soins. Sans même la voir dans son dos, Natsuki reconnu immédiatement l'énergie curative qui circula dans son organisme dès qu'elle le toucha. Du ninjutsu médical... C'était un art que l'on apprenait pas par hasard tant il était difficile à maîtriser, et qui ne courait pas les rues, encore moins dans la nature. Qui était cette femme ? Une nukenin, une déserteuse, ou une kunoïchi en mission ? Il savait qu'il existait de rares hôpitaux de compagne dans certains pays qui employait des shinobis sans affiliation, mais maintenant, même si la guerre touchait à sa fin... Dans son état, le Nara tatoué ne pouvait s'empêcher de rester sur ses gardes.

N'importe comment, il eu droit à un traitement bien plus en règles. Suwa s'effraya parfois de certains de ses points de sutures, et vu dans quelles conditions il les avait cousu, il y avait de quoi. Elle alterna donc entre médecine énergétique et traditionnelle en fonction de ce qui était le plus approprié. Elle n'avait pas l'air particulièrement décontenancé devant les blessures que son patient portait, aussi il supposa qu'il n'était pas le premier shinobi à lui passer sous les doigts – ou la première victime fortuite de la dernière guerre. Elle passa près d'une heure à le soigner, puis s'en alla une fois sa tâche fini et sa note réglée. Cette mission allait lui couter plus chère qu'elle ne lui rapportera. Déjà qu'il était parti juste avec un minimum au cas où, il était bon pour rentrer les poches vides, mais la tête pleine de souvenirs... bons et moins bons.

Il renonça à ré-enfiler son haut, lequel n'était plus qu'une loque sale et imbibé de sang – il avait bien vécu celui-ci -, mais comme il voulait encore voir comment se sentait Natsumi, celle-ci dû se contenter d'un Natsuki métamorphosé en lui-même, mais avec un visage et un ensemble de vêtements propres.

« C'est prévu, ne t'inquiète pas. » confirma-t-il après que la jeune femme lui ai résumé son état. « Tu n'es pas encore guérie, loin de là. Suwa t'a peut-être soigné, mais ce n'est pas de la magie, ton corps a encore besoin de temps pour se rétablir. Alors profite de cette journée pour te reposer si ne veux pas que le travail de cette guérisseuse soit inutile. Nous verrons demain voire après demain comment rentrer à Konoha, ce n'est pas le plus pressant. Je te ferai apporter le repas en chambre. »

Natsuki ne resta pas beaucoup plus longtemps avec son amie. Il s'était assuré de son état, et avait bien vu que moralement elle tenait le coup aussi : inutile de s'attarder davantage et de différer son repos bien mérité. Elle devait avoir hâte de profiter de la literie sans personne pour la déranger. Dans les rues de Kashiwa, il trouva la boutique où Natsumi s'était très probablement procurée les parchemins d'avant le voyage dans l'outre-terre. La guerre avait dû être très profitable pour le gérant. Il y fit quelques affaires en se soulageant du matériel qu'il avait amené depuis Konoha, mais pas utilisé, notamment son stock de kunaïs. Avec l'argent gagné ainsi, il pu acheter des vêtements de la région en bons états, un ensemble pour lui et un autre pour son équipière. Ils étaient plus fonctionnels qu'esthétiques, mais après le temps qu'ils avaient chacun passé dans les leurs, cela leur fera le plus grand bien que de se changer.

Il les déposa chez la jeune femme au retour, puis profita lui-même de son propre lit dans la chambre à côté. D'abord dormir un bon tour ou deux d'horloge, puis aviser comment rentrer. La location d'une voiture à chevaux était dans ses moyens, il verra donc avec Natsumi si elle se sentait capable de prendre la route ainsi demain, ou si elle préférait attendre un peu plus.

Ce n'est pas comme s'il allait leur arriver quelque chose encore.

Toujours aussi inquiet à ce que je vois… il n’a pas vraiment tort. Suwa ne m’a pas remise totalement sur pied, sinon ça serait clairement de la magie, pas du ninjutsu médical. Au moins nous sommes d’accord sur le fait de prendre cette journée afin de se reposer. Nous avons tous les deux besoin d’une bonne nuit de sommeil, qu’importe le rapport que l’on doit rendre. Déjà qu’on a failli y laisser notre peau, alors qu’ils ne viennent pas râler par rapport au temps qu’on a mis pour rentrer. Le plus important, c’est que l’on rentre sain et sauf.

C’est sur ses bonnes paroles que Natsuki quitte ma chambre. Pendant une dizaine de minutes, je ne bouge pas d’un pouce. Je fixe le plafond en me demandant si mes blessures ne sont pas trop graves pour guérir complètement un jour. Qui sait ? Peut-être même que ma vie de kunoichi s’arrêtera là. Non. Il ne faut pas que je pense négativement. Voir positif… Je vais bientôt retourner au village et revoir ma famille. Je vais avoir des semaines de repos où je ne pourrais pas faire de mission. Heureusement, c’est mon corps qui est blessé, pas mon esprit. Je vais profiter de ces semaines de repos pour améliorer mes techniques Yamanaka. Ainsi, je reviendrai plus forte. Oui, je vais faire ça.

Après plusieurs dizaines de minutes, Natsuki vient déposer dans ma chambre des vêtements neufs. Comment les a-t-il achetés ? Excellente question que je ne manquerais pas de lui poser demain. Actuellement, je n’ai pas envie de le retenir plus longtemps ici. Il doit avoir envie de dormir et moi de même. Voilà pourquoi je lui dis juste un petit.

- Merci.

Quelques minutes après qu’il ait quitté ma chambre, je m’endors avec une facilité déconcertante. La pression est retombée, accompagnée de l’adrénaline. Toute la fatigue accumulée s’abat sur mon petit corps et mon esprit. Pas étonnant que je m’endorme à poing fermé en moins d’une seconde. Je me laisse donc bercer par les bras de Morphée.

Quatre heures du matin. Voilà l’heure à laquelle je me suis réveillé, plus par dépit qu’autre chose. Pleine de sueur, je me suis réveillé en sursaut suite à un mauvais cauchemar. Une vision d’horreur s’est emparée de mon sommeil… Les longues-oreilles ont surgi dans mon esprit. Ces bêtes n’ont pas fini de me hanter pour mes prochaines nuits. Il m’a fallu près d’une heure pour me calmer et retrouver le sommeil. Espérons qu’il ne soit pas une nouvelle fois perturbé.

Quelle heure est-il ? Je ne sais pas et je m’en fous un peu. Je me suis réveillé avec une pêche monstrueuse. Comme si cette nuit de sommeil était LA chose qui me fallait. En plus, j'ai trouvé une béquille au pied de mon lit à mon réveil. Je suppose que Suwa l’a déposée avant de partir, alors que j’étais déjà dans un profond sommeil. Il faudrait que je lui rende la monnaie de sa pièce un jour… vu tout ce qu’elle a fait pour nous. Enfin bref, je me suis servi de cette magnifique béquille pour aller prendre une douche bien chaude.

Comme je le pensais, même avec une béquille, mes blessures me font assez mal quand je marche. Qu’importe, j’ai l’impression de pouvoir soulever une montagne ce matin ! Voilà donc le pouvoir d’une nuit de sommeil réparateur. Suite à ma douche, j’ai enfilé les vêtements que m’a donnés la veille Natsuki. Bon, ils sont un peu trop grands mais bon… C’est déjà laaaargement mieux que mes autres fringues qui vont tout simplement finir dans la poubelle de ma chambre.

Je rassemble alors mes affaires et quitte ma chambre à l’aide de ma béquille. Seulement quelques pas après, je me retrouve face à la chambre de mon sensei. Je frappe afin de manifester ma présence. Puis je m’exclame à haute voix.

- Natsuki ! Toujours pas levé ? Je suis motivé à rentrer à Konoha le plus tôt possible là ! Prête à ramper jusqu’au village s'il le faut !

Bien évidemment, j’ai dit ça sur le ton de la rigolade. Si ma bonne humeur peut déteindre sur Natsuki, je ne dis pas non !

Quelqu'un frappa à la porte. Natsuki ouvrit brusquement les yeux, dont le premier réflexe fut de les porter vers la montre murale. Il était déjà si tard ? La voix de Natsumi perça sans problème la mince protection auditive que constituait la porte en bois depuis derrière laquelle elle l'attendait. Débordante de vie comme d'habitude, la nuit lui avait été visiblement profitable. Piètre exemple que faisait le Nara en comparaison. Ce n'était pas dans ses habitudes d'être ainsi au saut du lit. Même s'il pouvait blâmer les deux dernières semaines d'exploration, ses blessures et sa métamorphose qui l'avait épuisé, il ne le fera pas. Au moins sa tête tournait déjà moins, et il se sentait globalement en meilleure forme. Mais malgré son état de fatigue avancée de la veille et son sommeil profond, cela ne l'avait préservé en rien des horreurs qui le hantaient chaque nuit. Sa literie en témoignait encore, trempée de sueurs froides comme chaque matin. Il hésitait à en parler à Iji : peut-être que ses cauchemars avaient un sens, mais la dernière fois que le Yamanaka avait tenté de pénétrer son esprit, il avait manqué de le tuer...

Passons. Il pivota vers la position assise, puis gagna l'entrée de sa chambre. Il avait peut-être parlé un peu trop vite, concernant son état : sa tête le lança légèrement. Il trouva la poignée, mais ne l'abaissa que pour entrouvrir légèrement la porte derrière laquelle il se dissimula.

« Désolé Natsumi, je ne suis pas encore prêt. Va m'attendre en bas, je te rejoints dès que j'ai fini. »

Déclaration succincte qui précéda la fermeture de ladite porte susmentionnée. Il était temps qu'il se prépare en effet, si Natsumi se sentait en capacité de rentrer. Lui se portait globalement mieux qu'elle il pensait, aussi il n'avait pas de raison de s'attarder ici. Il prit enfin sa douche, dont il ne s'était pas senti le courage de passer sous le jet d'eau la veille, et cela lui fit le plus grand bien. Il pu enfin se débarrasser de toute cette crasse accumulée, et laver un peu ses plaies. La fatigue s'égouttait hors de lui, emportée par le ruissellement de l'eau chaude sur sa peau. C'était bête pour les pansements que lui avait fait Suwa la veille, mais il était capable de les refaire, aussi c'est sans remord qu'il traina un peu dans la cabine. Comme quoi, se sentir propre et frais jouait grandement dans la balance de la forme : Natsuki se sentait déjà un peu plus d'attaque. Il s'habilla avec ce qu'il avait trouvé hier, à savoir des vêtements assez amples avec large capuche et aux couleurs dont le rouge ocre et le brun dominaient principalement. Encore une poignée de minutes, et ses affaires étaient rassemblées, pour le peu qu'il en avait déballé. Il retrouva attablée son équipière au rez de chaussée, avec qui il prit son repas.

« Pour quelqu'un qui n'était même pas capable de marcher la veille et qui peinait à aligner deux phrases, je te trouve bien en forme aujourd'hui. » sourit-il en guise de bonjour. « Content de voir que tes blessures n'ont pas entamé ton moral. Hier matin encore tu faisais peine à voir, et maintenant à te regarde l'on dirait que rien n'est arrivé à ton sourire. Un enthousiasme à toute épreuve est une excellente qualité, pourvu qu'elle ne te pousse pas à surestimer tes compétences. »

Il avisa alors la béquille sur le côté de la table.

« Comment cela se passe pour tes déplacements ? Tu arrives à marcher sans trop de problèmes ou cela t'es pénible ? »

Dans le deuxième cas, c'était plus simple pour elle qu'il se charge lui de la location de la voiture, et qu'elle ne le rejoigne qu'ensuite une fois, une fois que les chevaux seront harnachés et prêts à partir. C'est d'ailleurs ce qu'il fit une fois son assiette terminée – et qui équivalait pour son palais à de l'Ambroisie en comparaison à deux semaines de rations de moins en moins fraîches. Il s'occupa des détails avec le conducteur, régla la note, chargea les bagages puis accompagna Natsumi qu'il aida à monter si besoin à l'intérieur. Ainsi ils quittèrent Kashiwa, pour prendre la direction de Konoha, un trajet prévu en deux étapes. Ne restait plus au duo de shinobis qu'à profiter du paysage et de la route cahoteuse. Ni l'un ni l'autre n'empêcha cependant Natsuki de se reposer encore un peu. Au soir, ils s'arrêtèrent pour la nuit dans une ville de passage, puis reprirent la route dès le milieu de la matinée.

« Si tu préfères aller directement à l'hôpital... » commença-t-il alors qu'ils franchissaient tous deux les Grandes Portes du Village de la Feuille au terme de leur voyage. « … je peux me charger de faire le rapport de mission et apporter ce que nous avons récolté sous terre pour que ce soit expédié au plus tôt. Cela va être aussi l'occasion pour moi de rendre officiel mon projet : il est grand temps je crois de créer mon équipe shinobi. Que penses-tu de Matsudaï pour le nom ? » hasarda-t-il sur l'instant en se passant une main sur le menton et la moitié de la joue. « Enfin, si la proposition te tente toujours après cette mission. »

En acceptant, Natsumi deviendra la première membre d'un nouvel objectif qu'il s'était lancé, suivit de près par un autre jeune homme à qui il avait fait l'offre il y a quelques mois, et qu'il lui suffisait de contacter à nouveau. Ce ne sera qu'une question de temps avant qu'il la complète entièrement, et se retrouve dans les chaussures de son précédent formateur. A la différence que lui ne comptait échouer dans son rôle comme l'avait fait son mentor. Non pas par défi, mais parce qu'il croyait sincèrement qu'il était temps pour lui d'apporter quelque chose de plus à l'Arbre qu'était Konoha, et aux Bourgeons qui fleurissaient sur ses branches.

Ne pas seulement rendre ses élèves forts , mais aussi responsables.

Après quelques secondes, la porte de la chambre s’entre ouvre légèrement. D'une voix pas complètement réveillée, mon sensei s’excuse de ne pas être encore prêt. Ahlala, je rigolais hein. Notre mission arrive à son terme, alors il peut très bien rester au lit un petit peu. M’enfin bon, sous les recommandations du retardataire, je descends doucement les escaliers qui mène au rez-de-chaussée. Pas moins de cinq minutes me sont nécessaires pour arriver en bas. Que voulez-vous, je n’ai jamais eu de béquille alors c’est assez complexe. Encore heureux que je n’en ai besoin que d’une seule.

Une fois arrivé à destination, je prends la direction de la salle où plusieurs personnes sont déjà en train de manger. Je m’assieds donc à une table et attend patiemment que mon sensei arrive. Il a beau être à la bourre par rapport à moi, ce n’est pas une raison suffisante pour commencer à manger sans lui. Bizarrement, je remarque que beaucoup de personnes me fixent ou parlent de moi sans aucune discrétion. Tous se demandent ce que je me suis fait… pourquoi une jeune fille aussi blessé se trouve dans cette auberge. Seulement, je mets rapidement fin à tout ça avec une exclamation toute simple.

- La vie de kunoichi vous connaissez ?

Voilà qui arrête toute question à mon sujet. Bah oui, être une Shinobi explique tout, sans aucune exception. Je reste donc tranquille, jusqu’à ce que Natsuki débarque, plein de fraîcheur et de vigueur. Nous commençons donc à manger en parlant de tout et de rien. Seulement, il commence la conversation avec une remarque sur mon état moral et psychologique. Il est vrai que je suis l’exact opposé d’hier… mais il y a une bonne raison à cela. Hier, je n’étais pas sûr de revenir à Konoha, ou du moins pas vivante. Maintenant, j’en suis sûr et j’ai enfin capté que notre mission est une réussite. Disons que je n’ai plus vraiment de raison de ne pas être de bonne humeur.

- Hier, notre retour à Konoha n’était pas certain. Enfin… si, mais je n’étais pas sûr de revenir là-bas… vivante. Cette nuit de sommeil m’a fait comprendre que je suis hors de danger et que notre mission est une réussite. Donc au final, on a le droit à un Happy end en ce qui concerne cette mission !

Et il peut parler ! Lui aussi à l’air de meilleure humeur qu’hier ! Sûrement pour les mêmes raisons que moi d’ailleurs. Cette nuit était vraiment ce qu’il nous fallait en fait. Comme quoi, dormir peut-être utile en mission…

- Je peux me déplacer mais ça me fait mal à chaque pas. Rien de bien grave mais si je peux éviter de me déplacer je ne dis pas non. Surtout que je suis assez lente du coup…

Après notre repas, Natsuki s’occupe d’aller louer une voiture et de mettre les bagages dedans. Bref, moi je reste là, devant l’auberge, à l’attendre à cause de mon épaule et ma jambe. Une vraie handicapée ! Une fois tout cela de fait, Natsuki m’aide à monter à bord et nous nous mettons immédiatement en route pour Konoha. Pendant le trajet, nous échangeons quelques paroles, mais nous passons le plus clair de notre temps à admirer le paysage. Natsuki, lui, en profite même pour se reposer encore un peu. Le pauvre, vu tout ce qu’il a fait pendant cette mission, ça ne m’étonne pas trop qu’il dorme autant. La fatigue finit toujours par nous rattraper.

Cependant, notre voyage étant particulièrement long, nous nous devons de faire une escale dans un village. Rien de bien exceptionnel. On a mangé, puis dormit chacun dans son coin. Le lendemain matin, nous reprenons la route sans attendre. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que nous franchissons les grandes portes du village. Bizarrement, j’ai l’impression d’être partie pendant une éternité. Ce sentiment d’être en sécurité est si… agréable. Rentrer au village est vraiment la chose que je désirais le plus pendant ces derniers jours.

- Inutile d’être deux pour faire le rapport je pense, je vais donc prendre la direction de l’hôpital de mon côté.

Mais alors que je m’apprêtais à prendre la route, armé de ma magnifique béquille, Natsuki ajoute quelque chose.

- Bien sûr que je veux encore être dans ton équipe ! Après tout, tu m’as sauvé la vie.

Sans me retourner, je pars en direction de l’hôpital. Seulement, après n’avoir fait que deux pas, je m’exclame tout haut sans pour autant me retourner. Ma voix trahit cependant une joie immense.

- Matsudaï… C’est parfait comme nom.

Il ne me reste plus qu’à m’éclipser, avec la vitesse d’un escargot, et en boitant comme une mort vivante.