Les mains dans les poches de son pantalon, il évoluait avec nonchalance sur un chemin bien dégagé en direction de kawa no Kuni. Il avait traîné deux jours à Âme no Kuni et avait jugé qu’il était temps de partir. Il pourrait partir à la chasse d’une nouvelle mission mais il n’était pas d’humeur. On n’était pas encore en hiver qu’il était déjà de mauvais poil rien qu’en pensant à cette période glaciale qui avait le don de l’irriter. Pour cause, il avait horreur de cette saison qui lui était incompatible. Il craignait le froid mais détestait se couvrir, de ce fait, il faisait donc comme les ours polaires, il hibernait en hiver bien que le vagabond qu’il était détestait rester plus de deux jours à un même endroit; sauf s'il y trouvait des activités agréables à faire. Dans ce cas, il pouvait alors faire l’effort de squatter le lieu jusqu’à cinq jours voir une semaine tout au plus.

Tout en marchant, il réfléchissait à un endroit où il pourrait effectuer son hibernation pour la saison froide à venir mais aucun lieu particulier ne lui venait à l’esprit. Il allait surement faire comme durant les saisons passées, s’arrêter là où le froid le stopperait. Chose qui se produisait habituellement dès la première chute de neige. Avec un peu de chance, il tomberait peut-être dans une ville où il pourrait dénicher quelques jolies filles pour le réchauffer durant les nuits les plus froides. Le jeune Gogyou n’était pas le genre qu’on pourrait qualifier de «chaud lapin» mais comme tout homme de son âge en bonne santé, il avait besoin de faire la chose de temps en temps.
Il venait à peine de faire trois kilomètres à l’intérieur de Kawa no Kuni, depuis la frontière qui le séparait de Ame no Kuni, qu’il se retrouva face à une situation qui sollicitait son intervention. Il n’était certes pas obligé d’intervenir mais son devoir en tant que galant homme l’obligeait à passer à l’action. Enfin, la galanterie n’était certainement pas le bon mot pour justifier son intervention car même si la victime s’était présenté être un homme, il aurait tout de même volé au secours du miséreux. Donc, on pourrait dire qu’il avait tout simplement un bon cœur, ou bien certains le qualifieraient tout simplement d’idiot. Adjectif qualificatif dont il avait souvent droit d’ailleurs.

Ainsi donc, il se retrouvait face à un spectacle d’une princesse se faisant agresser par deux vilains porcs, situation plutôt classique en somme mais si pitoyable à ses yeux. Luciole, ainsi se surnommait celui qui allait endosser le rôle du preux chevalier, se contenta de regarder la scène de loin, gardant toujours les mains soigneusement dans ses poches et ne décida de s’approcher seulement lorsque la situation devenait critique pour la princesse. Il avait espéré que cette dernière s’en sortirait toute seule mais, malgré sa grande gueule, elle avait fini par se retrouver dans une situation qui jouait à son désavantage en tombant sur le cul telle une grosse cruche. Il s’était arrêté à deux mètres de la princesse et l’un de ses agresseurs qui s’était jeté sur elle tel un loup affamé sautant sur de la viande fraîche.

- Veuillez laisser cette Demoiselle tranquille ! Lança le jeune Gogyou t’un ton dur et déterminé.
- S'non quoi ? Répondit l’homme qui se prenait pour un animal ignoble tout en jetant un regard vers Kotetsu mais sans pour autant abandonner sa position.
- L'sse-nous tranquil’ S'non je te bute ! Intervint le second porc après s’être interposé entre Kotetsu et les deux affalés sur le sol. Il avait dégainé un poignard qu’il pointa en évidence vers le Gogyou qui fixa l’arme blanche d’un regard où on pouvait lire l’agacement.

Il n’aimait pas recourir à la violence et préférait donc raisonner avec la parole et n’utiliser les coups qu’en dernier recours mais il n’avait pas envie de perdre son temps avec ces deux porcs qui se prenaient pour des tigres. D’autant plus qu’il avait croisé assez d’espèce de ce genre pour savoir que ceux-ci ne lâcheraient pas l’affaire tant qu’ils ignoraient qu’ils se retrouvaient face à un être capable de les mettre hors d’état de nuire. Ce fut donc sans ajouter un mot de plus qu’il distribua un violent coup de genou dans le ventre de son agresseur puis profitant que celui-ci s’était plié en deux sous la douleur, il sortit enfin une main de sa poche pour l’achever avec un coup de coude dans la nuque. L’homme tomba lourdement sur le sol et il se décala légèrement sur le côté pour que celui-ci ne lui embrasse les pieds. Il logea de nouveau sa main droite dans sa niche en tissu alors que son compère n’était pas sorti de la sienne puis il fixa l’autre homme qui avait enfin décidé de se redresser. Celui-ci avait sorti une arme similaire à celle de son compagnon de route puis il se jeta sur le Gogyou qui, ayant clairement vu l’assaut, esquiva légèrement vers la gauche, bougeant juste le haut de son corps qui a été visé, puis il délogea de nouveau sa main droite pour attraper le bras de son assaillant. La main de Kotetsu vira ensuite petit à petit au rouge pour se transformer en braise(1) alors que le membre qu’elle tenait prisonnier commençait à fumer. L’homme poussa un cri de douleur et lâcha prise son arme. Il tenta de se libérer mais en vain. Luciole lança un regard mauvais vers l’homme dont le visage était défiguré par un rictus de douleur puis il le lâcha sans prévenir, ce qui eut pour effet de le faire tomber sur les fesses. Celui-ci posa ensuite sa main intacte sur le haut de son bras brûlé qu’il fixa les larmes aux yeux. Il semblait souffrir le martyre mais le jeune Gogyou l’ignora totalement. Il s’approcha de la jeune femme qui était restée sur le sol puis lui tendit sa main gauche, bien que sa main droite avait retrouvé son apparence normale, tout en se courbant légèrement pour l’aider à se relever

- Vous n’avez rien charmante Demoiselle ?

Description Technique:

Alors que le Gogyou aida la personne qu’il croyait fortement être une jeune femme à se relever, son regard se perdit naturellement au niveau de la poitrine de celle-ci et il eut les sourcils qui froncèrent discrètement face à la vision plus que plate qui s’offrait à ses yeux. Bien qu’il n’était pas un homme qu’on pourrait qualifier d’expert en femmes, lui dont le nombre de conquêtes se comptait avec les doigts d’une seule main malgré ses vingt quatre printemps, jamais encore il n’avait vu une femme pourvue de si peu de poitrine pour ne pas dire inexistante. Bien que la était une vision qui aurait pu décevoir bien des hommes amateurs de cette partie qui pouvait se révéler comme étant une arme fatale chez la gent féminine, Luciole resta fidèle à lui-même gardant cet air indifférent dont il était passé maître. En tant qu’homme digne de ce nom, il aimait les femmes mais il était du genre à regarder la beauté du visage plutôt que la taille de la poitrine. Une jeune fille plate mais au joli minois aurait plus de chance de le séduire qu’une femme à forte poitrine mais au visage dépourvu de finesse.

Fixant de son regard de loup endormi, qui lui conférait cet air mystérieux, la personne qu’il venait surement de sortir d’une merde certaine, alors que celui-ci s’affairait pour tenter de mettre de l’ordre dans ses vêtements tout en enlevant la saleté qui s’y était accrochée, Kotetsu eut les sourcils qui se froncèrent pour la seconde fois mais d’une façon plus évidente cette fois-ci, en entendant la voix de celle qu’il prenait toujours pour une fille. Si l’absence de poitrines n’avait éveillé aucun soupçon de la part du Gogyou sur l’identité du sexe de l'être qu’il venait de secourir, ce ne fut pas le cas du son de sa voix qui sonnait faussement à ses oreilles. Bien que celle-ci convenait à un être de sexe féminin, elle ne semblait pas pourtant naturelle mais plutôt travaillée. Il aurait pu demander directement au concerné la vérité sur son identité sexuelle mais d'une, il n’était pas du genre à poser des questions futiles et de deux, il jugeait n’avoir aucun droit à lui poser une telle question. Ainsi donc il préféra conserver le mystère intact. Après tout, ça lui avancera à quoi de connaître la vérité ?

- Ce n’est rien. Vous avez eu de la chance que je passais par là ! Lâcha le jeune Gogyou alors que la jeune femme le remerciait pour son acte qu’on pourrait qualifier de chevaleresque mais ô combien caricaturé. Appelez-moi donc Kotetsu ... Yuuki.

Comme à la coutume, il avait omis volontairement de donner son nom complet à cause de l’effet négatif que cela engendrait chez ceux qui détestaient un être jugé maudit qu’il était. Tout en continuant de la fixer, bien qu’elle s’était à moitié cachée derrière son éventail, il allait demander à la Demoiselle où elle se rendait et en endossant jusqu’au bout son rôle du parfait chevalier, il allait alors lui proposer de l’escorter jusqu’à sa destination mais elle lui donna la réponse sans même avoir eu à poser la question. Ainsi donc, elle était une vagabonde tout comme lui. Il avait du mal à le croire mais s’abstint de tout commentaire à dessus et se contenta juste de lancer d’un ton totalement indifférent qui lui était si coutumier :

- tout comme vous, je vagabonde au gré des vents et libre à vous de me suivre mais je vous préviens, je ne suis pas une très bonne compagnie !

N’ajoutant rien de plus, il fourra ses mains dans les poches puis reprit son chemin en direction de kawa no Kuni …