Il était une fois. Ça laisse rêveur comme présage. Alors commençons ainsi. Il était une fois, une belle princesse. Non, non, ça ne colle pas. Ça ne va pas du tout. Ce n’est pas une princesse. Recommençons. Il était une fois, une jeune femme aux yeux rouges. Certains l’appelaient Flocon Rouge. Cette fille, c’est Yuka. Une demoiselle jeune, fraîche et pimpante. Aux joues roses et au sourire d’enfant. Ça fait rêver, hein ? Alors quoi, maintenant, il faut parler d’une horrible péripétie, d’une histoire à dormir debout et, enfin, de l’arrivée d’un magnifique Prince Charmant ? Quand on regarde, c’est possible … Oui, c’est même plus que plausible. Yuka a connu une épreuve horrible et, après ça, a rencontré son Prince Charmant. Un homme à l’œil envoûtant, aux sourires surprenants, aux baisers aussi doux que des caresses … Une merveille, une vraie merveille. Yuka a tout pour être heureuse, tout. Un cocon chaleureux, dans un monde de brutes. Que demande le peuple ? Des jeux. Encore, toujours plus de jeux.

Yuka dépose alors un furtif baiser sur les lèvres de son aimé, habillée pour partir dans une randonnée des plus drôles dans la montagne, et sort. Elle y va seule, accompagnée de sa chère luge. Pour une fois, Yoru ne la suivra pas car, encore une fois, il est pris. Occupé par cette paperasse qui semble ne jamais vouloir le lâcher. Ce n’est pas grave, ils se retrouveront ce soir, et tout ira mieux. De toute façon, ça n’allait pas mal de base, alors il n’y a rien à changer. La brune brandit son arme fatale et s’élance dans une course folle jusqu’au plus haut mont. Aaaaaah, le bonheur se lit sur ses lèvres. Elle est transportée par une véritable euphorie qui ne manque pas de se manifester. Ses « Bonjour ! » sont beaucoup plus enjoués que d’habitude, sa démarche est sautillante. Bref, c’est l’hiver. Ça fait un an qu’ils se sont retrouvés, maintenant. C’est la joie. La folie. Et que Dieu vous pénisse. Hymen.

Arrivée tout en haut de la montagne, un grand sourire complètement dément naît sur ses lèvres. Ça va être dingue. Elle va peut-être mourir en faisant ça. Mais au moins, au moins, elle crèvera heureuse. Heureuse d’avoir vécu jusque-là. Dommage, quand on pense que certains meurent pendant l’orgasme. Yuka penche la tête. Orgasme. Mourir. Aucun lien. Bref.

Elle s’élance.

Un grand cri retentit au travers de la montagne et une tache rougeâtre file à la vitesse de la lumière sur la grande pente de la montagne. Fiouuuuuuuuuuuuu~ ! Plus rapide que l’éclair, allant plus vite que la musique, la jeune femme dévale, dévale, dévale, sans jamais pouvoir s’arrêter. Elle fait des rochers des tremplins, des arbres des poteaux à slalom, bref, cet endroit est fait pour jouer et tout oublier. Le peuple a parlé, la reine exécute. Alors elle fonce, fonce, tout en hurlant à s’en briser les cordes vocales, partagée entre la peur et la folie furieuse. C’est drôle, c’est bon pour l’adrénaline. Son cœur bat la chamade, il tabasse sa poitrine sans vouloir s’arrêter. C’est bon, c’est enivrant. Elle ne veut plus mourir.

Alors elle tourne, aussi vite que possible, prenant un virage qui mène plus bas et lui permettra peut-être de freiner. Mais ça ne marche pas, aucun endroit ne le lui donnera cette chance. Yuka fonce, fonce, file comme un éclair et … C’est le drame.

— ATTENTION !!, crie-t-elle à … aux … inconnu … inconnus ? Pas d’problème, elle n’a rien vu et continue !

Sa course l’amène à embarquer l’énergumène pour ne pas le faucher ni le tuer, et elle continue de foncer, jusqu’à manquer de heurter un mur. Heureusement pour elle, tirer sur les ficelles n’a pas été difficile. Au moins la luge s’est arrêtée et personne n’est cassé. C’est déjà une première bonne nouvelle. Enfin, presque.

Yuka se relève et se tourne face à … euh … Deux personnes ? What ? Bon, tant pis.

— Pardon, je pensais vraiment pas trouver quelqu’un ici !

Ses joues sont rouges, le sang est monté jusqu’à sa tête. Son sourire est plus grand qu’une banane et monte plus haut que ses oreilles. Ouaip, c’est un bon présage.

— J’m’appelle Yuka ! Et toi … Euh … Vous ! Qui êtes-vous ? Je ne vous ai jamais vus par ici ! J’espère que je ne vous ai pas trop fait peur, haha …

Ils sont deux. Ou plutôt ils ne sont qu’un. Yuka ne sait pas trop quoi dire à leur propos, finalement. Ils ressemblent à deux êtres mélangés en un. Sur son enveloppe somatique dépasse une tête. Donc il y a deux têtes. Donc deux cerveaux. Donc, deux personnes. Bein ouais, à partir du moment où quelqu’un a quelque chose dans le bocal, c’est un être à part entière. Donc on va dire qu’ils sont deux. Dans un seul corps. Phénomène étrange, mais amusant. Ils sortent du lot, c’est certain. La brune hoche la tête, distraite par toutes ces pensées. Ces deux corps en un … Non. Ces deux têtes en un corps portent le nom de Nigaikan. Au moins, ça fait un nom pour deux, pas de complication. Ce qui est plutôt pas mal. Mais les deux êtres n’ont pas l’air totalement synchrones, à en voir leur comportement. La maladresse est leur lot, et, même si cela semble particulièrement amusant, la femme du groupe n’a pas l’air de supporter ça. Mais leur lien paraît extrêmement solide – non, pas parce qu’ils ne font qu’un – alors la brune ne sait plus trop quoi penser. De l’amour vache, sûrement. Oui, de l’amour vache. Ça leur va comme un gant ! Un sourire naît sur les lèvres de la demoiselle.

— Enchantée de vous rencontrer, tous les deux !

Yuka regarde sa luge, regarde les deux êtres. Non, non, pas de deuxième tour. Ce n’est pas le moment de les traumatiser. Bon, d’accord, pas encore. Mais juste pas encore, hein. Sinon cette rencontre perdrait tout son sens. Ç’a commencé avec une luge, dans une jolie chute libre, ça finira de la même manière. Ou pas, mais ça reste à voir. Tout le monde se le demande, finalement. Mais la réponse ne tardera pas à venir. La kunoichi se débrouille toujours pour obtenir ce qu’elle veut. Une balade en luge, par cette jolie journée, ne se refuse donc pas. Mais bref. Pour l’instant, l’important est d’en savoir plus sur Nigaikan. Comme …

— M’bon, ma question va peut-être vous surprendre, mais qui est qui, dans votre duo ? Parce que je vois deux têtes, mais à part vous appeler tous les deux Nigaikan, je ne peux pas faire grand chose. Avouez que c’est un peu gênant, surtout si je veux m’adresser à l’un d’entre vous en particulier.

Elle détourne le regard et réfléchit deux secondes à sa connerie. Secondes avant l’impact : 3, 2 … 1 …

— M’oui, certes, si je veux parler à l’un, je parlerai tout de même à l’autre mais … m’enfin je sais pas, ça me paraît plus intéressant de savoir qui vous êtes tous les deux, vu que vous n’êtes pas qu’un corps avec deux têtes !

Et voilà comment exposer une thèse sans le vouloir. Enfin. Ce n’est pas le moment de jouer au serpent qui se mord la queue en expliquant le pourquoi du comment. Le fait est qu’il existe deux personnes, et que ces deux personnes méritent autant d’intérêt l’une que l’autre. Allez, pour leur faire comprendre, une autre couche de beurre sur la tartine. Miam, ça va tomber sur les hanches tout ça.

— D’ailleurs, je ne vous ai jamais vus par ici, vous venez d’arriver dans notre jolie contrée ?

Yuka ne s’attendait surtout pas à croiser des gens dans la montagne à un tel moment. Surtout pas en pleine folie. Meurtrière ? Un peu quand même, ils auraient pu s’envoler loin, loin, loin … Pour attraper les étoiles ! Naaaan, elle est quand même douée, la Mitsuharu. Elle sait ce qu’elle fait. Tuer un passant en pleine course, ce n’est pas dans ses projets. Un ou plusieurs, d’ailleurs. Par contre, s’il s’agit d’animaux … Quoique non. Mais ! Là n’est pas le sujet.

— Si c’est le cas, j’espère ne pas vous avoir traumatisés ! Tous les kirijins ne sont pas comme moi, rassurez-vous. Je suis juste un peu, eum … Timbrée ? Ça doit être ça. Certaines personnes le disent.

Bah bien sûr. Encore plus ridicule, ça n’existe pas.
Quand on a commencé à creuser, de toute façon, on ne s’arrête jamais. Eh bien oui, l’or n’est jamais loin, après tout.

Leur histoire est plutôt attendrissante, au final. Ils sont liés l’un à l’autre, étant de véritables jumeaux, finalement. Ils ne font qu’un, se trouvent dans le même corps, et vivent ensemble en permanence. Si Gekirin, la sœur aînée, semble extrêmement cassante et n’hésite pas à écraser son frère en le condamnant sempiternellement, il n’empêche qu’elle a l’air très soucieuse, plus protectrice qu’elle ne le laisse croire au premier abord. Quant au cadet, Reisei, il fait beaucoup plus vite confiance. C’est certainement une chance pour la brune, qui adore tout particulièrement nouer des contacts avec les gens. Un sourire naît sur ses lèvres, et elle pose ses petites fesses sur une pierre. Leur passé, quoique légèrement inconnu tout de même, est touchant. Ils se sont retrouvés là, sans savoir pourquoi ni comment, mais sont au courant de l’alliance entre les Jinjmenju et Kiri. Ils peuvent surprendre, dégoûter, repousser, lorsqu’on les regarde. Après tout, si on se base sur un critère universel, ces deux-là ne sont pas normaux. Néanmoins, c’est ce qui fait leur charme, aux yeux de Yuka. Sur ses lèvres se dessine un petit sourire, et elle finit par s’exprimer, après un court instant à réfléchir.

— J’en ai croisé, des personnes surprenantes. Oh, oui, j’en ai croisé beaucoup. Mais j’avoue que vous restez les plus originaux de tous, tous les deux. Bizarrement, je ne me sens pas menacée, ni par toi Gekirin, et encore moins par toi, Reisei. En tous les cas, rassurez-vous, je ne suis pas de ceux qui agissent pour faire du mal. Bien au contraire. Et puis. Des gens aussi intéressants, avec une telle différence, ça n’apparaît pas tous les jours !

Elle se met à rire. Un petit rire cristallin. Rire d’enfant. Ses joues rosissent doucement, tandis qu’elle se reprend, pour ne pas les mettre mal à l’aise. Il est désormais temps d’ouvrir son petit cœur, puisque les jumeaux l’ont fait. Bon, au moins, Yuka n’est pas contrainte à déballer toute sa vie, ce qui est déjà une bonne chose. Ce sera juste un échange, bien que tout ne sera pas dit. La censure est de rigueur, même s’il s’agit de deux personnes certainement adorables. De tels secrets ne se dévoilent pas à tout le monde.

— Eh bien, je suis issue d’une famille de Sabreurs qui a décidé d’aider à la construction du village suite à la grande guerre. En bref, Kiri est mon berceau, j’y ai toujours vécu. Ma petite famille, aujourd’hui réduite à moi seule, m’a légué un de ces fameux sabres à pouvoirs. Certains en ont qui se liquéfient, d’autres en maîtrisent un électrique, c’est tellement varié … Le mien s’appelle Suishô, comme le cristal, qui est l’élément qui le constitue. Avec, je peux faire énormément de choses, finalement. C’est la fierté de mon clan, et j’en suis l’héritière.

Fierté, fierté. En voilà un mot qui sonne faux à ses oreilles. Cependant, elle ne peut pas tout dire. Pas encore. Ils ne sont pas encore assez connus pour que le portail s’ouvre et que la vérité se déverse à grands flots sur eux. De ce fait, Yuka ne doit pas s’attarder, et continuer sur cette lancée. Comme ça, il n’y aura pas d’indiscrétion. Ou alors, ce sera involontaire, et … Comment leur en vouloir ? Ah, sa gentillesse finira par la tuer, à force …

— Si vous ne m’avez jamais croisée, c’est tout à fait normal, à vrai dire. Mes responsabilités au sein du village prennent tout mon temps. Je suis Jônin, ici. Du coup, je cours souvent à droite et à gauche, et quand j’ai le temps, je me repose, ce qui ne fait jamais de mal à personne. À la base, j’adore vagabonder, je ne suis jamais chez moi. Mais avec le temps et les grades qui changent, deviennent plus intéressants, forcément, on finit vite par perdre nos habitudes !

Aaaah, la vie de Jônin … Encore une fois, c’est un peu un mensonge, quand on regarde bien. Mais cette fois, il est nécessaire. Et il ne leur nuira pas. Tant que cela ne leur fait pas de mal, d’ailleurs, c’est parfait. Ce serait le comble que de leur causer du trouble, après tout. Surtout qu’ils viennent d’arriver. Néanmoins ! Yuka a des questions. Beaucoup de questions. Ce qui peut paraître mauvais, mais qui revêt cet aspect seulement en apparence.

— Mmmh … J’avoue que ma question va être un peu déplacée, et je m’en excuse mais … Pouvez-vous m’en dire plus à propos de votre pouvoir ? J’avoue qu’il m’intrigue tout particulièrement ! Enfin, si vous le voulez, bien évidemment !

Eh bien oui, libre-arbitre, libre-arbitre. Toujours un peu plus.