Spoiler:

Mes paupières étaient lourdes, j’éprouvai des difficultés à les entrouvrir. Je me souviens avoir voulu m’entraîner la veille, tard le soir. Très tard. Dans les alentours de vingt heures quoi. Et après… Bah j’ai dû m’endormir en m’entraînant. Depuis que la guerre s’était terminée, je me consacrais énormément plus à mon entraînement qu’avant. Au point de m’écrouler de fatigue et de passer une nuit entière à dormir en plein milieu d’un terrain d’entraînement, si ce n’est dire. Ce n’était pas confortable, j’étais habitué à dormir dehors, mais avec un minimum de confort quand même. Là c’était rocheux, à l’air libre, sans être couvert… Pas les meilleures conditions donc. Un petit coin, au pied d’un arbre et dans l’herbe, c’est cent fois mieux. Un lit encore plus j’imagine. Ce serait le bonheur.

Difficilement, je commençais à me lever. Voila maintenant que je constatais ce qui était arrivé, où je m’étais endormi donc. J’étais encore fatigué, et de plus mes blessures me faisaient encore mal. Néanmoins, je commençais à me dire que la douleur était un bon adversaire à combattre, en la surpassant je fournissais plus d’effort. Un jour elle quittera mon corps, et j’aurais gagné. Logique de gamin, cherchez pas. Avant de m’endormir, je travaillais surtout mon corps, avec quelques exercices physiques, et aussi des mises en pratique en affrontant mes propres cadavres. Ce n’était pas gagné, ils me battaient à chaque fois. Et encore, je n’ai pas fait appel à Kyo’ comme adversaire, il m’aurait tué.

Vous devez peut-être trouver la manière dont j’utilise mes cadavres bizarre, mais c’était les seuls adversaires que j’avais sous la main. Il faudra que je recommence, mais un peu plus tard. J’allais commencer par quelque chose d’autre. Un autre point qui me faisait défaut en combat : la sensorialité. Parce que bon, j’ai beau être très fort, quand il s’agissait de Taïjutsu, de Genjutsu, ou de Sensorialité c’est inutile de compter sur moi. Je n’y connais rien de rien. Maintenant, je vais vous montrer une nouvelle manière d’utiliser mes cadavres. J’en invoquai trois, puis je fermai les yeux. Ils allèrent ensuite se cacher. Oui vous avez bien compris. Je vais jouer à cache-cache. Mais avec des règles particulières. Je ne devais pas ouvrir les yeux, et ne pas me déplacer. Dès que je pense en avoir trouvé un, j’envoie un Kunai en sa direction, toujours sans regarder. Ils devaient donc être accessibles au lancer de Kunai, tout en étant un minimum cachés et éloignés.

Assis en tailleur sur le sol, je composai le mudra du tigre, et me concentrai pour détecter la présence de mes zombies, les trois kunais près de moi, posés au sol. Il fallait que je sois le plus détendu possible… Dur, ça ne me ressemble pas… Dans ma concentration, j’entendis une voix féminine. D’un sursaut, j’ouvris les yeux et vis la fille en question. Elle me demandait si j’essayais de devenir un ninja, ou si j’en étais déjà un. Avec mon âge, c’est normal de se poser la question. Ce qui est bien, c’est qu’on ne se méfie généralement pas assez de moi, or je suis redoutable. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis un Dieu, je tiens à mes chevilles. Seulement son fils. Un peu de modestie ne me fera pas de mal. Mes yeux violets étaient maintenant fixés sur elle.


- Je suis déjà un ninja, je m’entraîne pour me perfectionner encore plus ! Et vous aussi vous en êtes une ?


D’un sourire, bien qu’épuisé, je regardais la femme qui se tenait devant moi. Je me relevai ensuite, avant de me présenter.


- M’appelle Aku, et vous madame ?

- … je m’entraîne pour me perfectionner encore plus…

En vérité, je n’avais que peu entendu le reste de son discours. J’avais juste compris qu’il s’appelait Aku, et qu’il « s’entraînait pour se perfectionner encore plus ».


***Quatre ans auparavant***

- Bon alors, tu viens ?

Le jeune garçon courait devant moi, apparemment tout excité. La tignasse rousse, les joues rouges et quelques taches de rousseur, il ne semblait pas avoir plus treize ans. A ce moment-là, j’en avais dix-huit, et j’étais encore Krystal Solari.
Heiji – car c’était son nom – venait de recevoir une dizaine de kunais et une dizaine de shurikens pour son anniversaire, tous offerts par moi. Pour des raisons que j’ignorais à cette époque, mon clan et sa famille ne semblait pas réellement enclins à le considérer comme un des leurs. Il faut dire qu’un rouquin a beaucoup de mal à se faire au soleil, et ce depuis toujours, et pour un clan croyant au soleil comme un martyr croit à son Dieu, voir que quelqu’un ne le supporte pas pouvait ressembler à une hérésie, surtout lorsqu’il portait le nom de « Solari ».

Du coup, ses parents ne lui avaient rien offerts pour son anniversaire. Malgré les réticences et les remontrances que je me prenais de la part de mes parents, Heiji était mon ami, presque comme un frère pour moi. Je veillais sur lui, il veillait sur moi – enfin, du mieux qu’il le pouvait, du haut de ses treize ans. Il rêvait de devenir ninja et de rendre finalement fier ses parents, mais jusqu’à présent, c’était peine perdue tant ils le délaissaient et ne lui inculquaient aucun de leurs savoirs. Je m’en chargeais donc, pendant mon temps libre.

On se rendait au terrain d’entraînement, mais Heiji était si excité de ce cadeau qu’il voulait y arriver bien avant moi. N’ayant ni le courage ni l’envie de courir, je lui dis que s’il le voulait, il pouvait y aller en avance, que je le rejoindrai de toutes façons. Il courut donc le plus rapidement qu’il le pouvait, et finit par disparaître de ma vision.

L’après-midi touchait à sa fin lorsque j’arrivai au terrain d’entraînement. Je n’avais quitté Heiji que quelques minutes, et pourtant, l’angoisse m’envahit : impossible de le retrouver. Je tournai ainsi un bon moment, sans parvenir à le retrouver. Puis je le vis, assis sous un arbre derrière les terrains, en pleurs.

- HEIJI ! Je me suis fait un sang d’encre. Où étais-tu ?

Il me regarda avec des yeux remplis de larme, et éclata en sanglot.

- Je suis a-arrivé au te-terrain, et y’avait des garçons, et ils-ils m’ont dit que j’étais roux, et que j’étais-tais pas un ninja et que-que je devais pas avoir d’a-d’armes, et donc-donc ils m’ont frappé et-et ils m’ont pris tes cadeaux et-et ils sont pa-partis.

Il pleura de plus belle et s’excusant de ne pas avoir réussi à les arrêter, que ses parents avaient de toutes façons raisons et qu’il ne ferait jamais un bon ninja. Je le serrai contre moi et lui promis de lui rendre ce qui lui appartenait.

Niais, n’est-ce pas ? Je n’ai pas honte de le dire, ce que je suis aujourd’hui et ce que mon clan a fait de moi est paradoxal et totalement l’inverse de la façon dont je me comporte avec Heiji. Ce gamin, je l’aime, et je ferai tout pour qu’il soit heureux.

Alors, je lui demandai de plus amples informations sur la bande de garçons qui lui ont volé ses shurikens. Il me sembla reconnaître la description de certains : c’était une bande de mecs pensant faire la loi, mais n’ayant aucun courage. Jamais ils n’affronteraient des personnes aussi ou plus fortes qu’eux. Toujours des plus jeunes, ou des plus faibles. Je savais où ils trainaient habituellement, les retrouver ne serait qu’une formalité.

J’emmenais Heiji avec moi, et finit par vite les retrouver. Ils étaient quatre, et ils braillaient comme des singes malgré l’heure qui commençait à être tardive. Je m’avançais vers eux, Heiji derrière moi, en souriant.

- Salut les gars ! Dites, je crois que vous avez quelque chose qui appartient à mon ami. Il serait de bon ton que vous lui rendiez sur le champ et sans faire d’histoire.

Ce n’était pas des ninjas, ou en tout cas pas des genins. Ils explosèrent de rire à mon écoute, et se rapprochèrent. Ils devaient environ avoir mon âge, mais me dépassaient quasiment tous d’une tête.

- Sinon quoi, princesse ?
- Tu tiens vraiment à le savoir ? Excuse-moi du peu, mais c’est pas trois débiles qui s’en prennent à des gamins qui vont me faire peur.

En fait, j’aurais préféré régler ça à l’amiable, mais il ne me semblait pas que ces trois-là avaient décidé de faire ce que j’avais demandé. Après cette provocation, l’un d’eux tenta de me gifler. Heiji cria, mais il me suffit d’un mouvement vers l’arrière pour esquiver cette « attaque ».

- Mauvais choix. Shuuchuu … Fuhon'i no Jutsu

C’était la première fois que je me servais de ces deux techniques. L’une me permettait de créer plus de « liens », l’autre d’empêcher mes cibles de toucher directement la personne liée – moi en l’occurrence – en la plongeant dans un état de répugnance.

- Vas-y, essaye de me gifler maintenant.

Visiblement, le pseudo-gang n’avait pas réalisé que je maîtrisais des techniques Shinobis, et la peur commençait à se lire sur leur visage.

- Mais qu’est-ce que t’as fait, pétasse ? QU’EST-CE QUI M’ARRIVE ?
- Oh, pauvre de vous. Mes techniques vous réduisent à l’état d’animaux soumis et brisés. Il suffit de vous regarder : vous haleter de peur, comme des chiens terrorisés par un maître tyrannique.
- Arrête ça ! On va rendre ce qu’on a pris au gamin !

Ils me lancèrent les shurikens et les kunaïs qu’ils avaient pris à Heiji, et continuèrent de me supplier. Mon regard était noir, comme toujours lorsque l’on touche aux personnes qui me sont chères.

- Braves bêtes. Déguerpissez maintenant.

Sans attendre, ils coururent dans le sens opposé. Heiji récupéra ses armes, et me remercia.

- Merci Krystal ! J’aurai bien voulu leur reprendre moi-même…
- Ne t’en fais pas. Je suis persuadée que tu finiras par devenir un excellent ninja ! Tu es déjà très bon !
- Ouais ! Mais je vais m’entraîner pour me perfectionner encore plus.

***

- Moi je m’appelle Krystal. Et tu peux me tutoyer, ça ne me dérange pas !

Décidément, ce jeune garçon me faisait de plus en plus penser à Heiji, le rang en plus. Je me demandais de quoi il était capable, et quelle était réellement son histoire. Être un Shinobi à son âge, ce n’est pas donné à tout le monde. Seuls les plus puissants et les plus grands y arrivaient.

- Alors, tu t’entraînes à quoi ?

La madame aux cheveux argentés me semblait très gentille, mais je ne la connaissais pas. Curieux de nature, je souhaitais instinctivement en savoir plus sur elle, mais c’était inutile de la harceler de questions. Mieux vaut-il attendre encore un moment, la discussion ne faisait que commencer après tout. L’inconnue se présenta sous le nom de Krystal. Et elle m’autorisait à la tutoyer. Mais… C’est… Non je ne peux pas. J’étais bien trop habitué à vouvoyer tout le monde, sauf certains cas à part. Généralement, les personnes que je tutoie c’est mes adversaires, ou les personnes que je n’aime pas. Donc bon… Je ne me voyais pas la tutoyer. Mais elle le voulait. Que faire ? Comment faire ?


- Mais je… Tu… Euh vous… Fin tu…


Pas gagné… Le mieux serait peut-être d’éviter d’employer la seconde personne, oui je vais trouver une combine pour lui parler sans dire "tu" ni "vous". Vous n’avez jamais utilisé cette technique ? C’est très pratique quand on ne sait pas si on doit tutoyer une personne ou pas. Là encore, ça allait me servir. Mais je n’étais pas toujours doué en ça, il allait falloir faire attention à ce que je vais sortir si je veux parler comme ça. Je peux le faire, j’en suis sûr ! C’est dans mes cordes après tout, et puis ce n’est pas la première fois que j’agis de cette manière-là après tout. Ou alors je peux parler anglais, plus facile avec les "You" et "You". Non, quoique non on va éviter.

La regardant, j’allais lui répondre. Sauf que les gens ont des réactions bizarres dès que je parle de cadavres. Ce n’est pas tout le temps, mais il faut dire que voir un gamin de dix ans faire de la nécromancie était assez étrange. Je ne voulais pas la faire fuir non plus, mais tôt ou tard elle allait bien le voir… Autant qu’elle me connaisse un peu plus avant de l’apprendre, ça serait peut-être mieux. Bref, elle devait attendre ma réponse, puisque voilà déjà quelques secondes qu’elle m’avait demandé quelle sorte d’entraînement je faisais.


- Bah en fait, j’essaye de repérer mes amis sans me servir de mes yeux. Et de les attaquer après avec mes kunais. C’est ce que j’essaye de faire pour ce matin. On s’en occupe ensemble ?


D'un sourire, je lui avais fait cette proposition. Voila comment on fait quand on ne sait pas s’il faut tutoyer ou vouvoyer. Je m’en sors bien. J’avais parlé de mes cadavres comme mes amis pour ne pas l’effrayer. Je ne savais pas comment elle pourrait réagir en entendant ça après tout. Mais je viens de réaliser que je venais de dire que j’allais attaquer mes amis avec mes kunais. Ce n’est pas vraiment mieux… Elle n’a peut-être pas relevé après tout. Sinon j’allais passer pour un méchant garçon qui tente de tuer ses amis. En même temps, ce n’est pas spécialement faux. Ahem j’ai rien dit.

- Bah en fait, j’essaye de repérer mes amis sans me servir de mes yeux. Et de les attaquer après avec mes kunais. C’est ce que j’essaye de faire pour ce matin. On s’en occupe ensemble ?

Hm ? Attaquer ses amis à l’aide de kunaïs ?

Mon attention avait été totalement portée sur Aku, si bien que j’avais oublié où je me trouvais et ce qui m’entourait. Présentement, un terrain d’entraînement quasiment vide. Il ne me semblait pourtant pas être seule avec lui au moment où je suis arrivée. Comment avais-je pu à ce point négliger mon environnement ? D’ailleurs, le terrain avait pris des airs lugubres, funestes presque. Malgré l’heure plutôt précoce, le sentiment régnant était celui d’une nuit noire et sans lune. Je ne comprenais pas pourquoi tout à coup, l’ambiance avait changé du tout au tout. Où étaient passés les shinobis, les senseïs et les élèves de l’académie ?

Puis, je les ai vus. Situés tout autour de moi, dans des recoins sombres, éloignés mais visibles. Ces êtres à moitié cachés, mais dont on distinguait précisément la pâleur et le vide intérieur. Ce n’était pas des gens. Ou du moins, ce n’en était plus. Des cadavres. Et à en juger par leurs positions, et à l’innocence du garçon quant à leurs présences, il était tout naturel de penser que ses amis, c’était ces cadavres. Et c’était avec eux qu’il voulait jouer et s’entraîner.

Un nécromancien. C’était sans doute ce à quoi j’avais à faire. Mais à son âge ? Il ne devait pas avoir plus de dix ans, et il s’amusait avec… Des cadavres ? J’étais partagée, entre la pitié et la peur. La pitié d’être en face d’un si jeune garçon confronté tous les jours à la mort, et la peur d’être en face d’un être qui semblait si dangereux. Mais… Ce n’était qu’un enfant.

- D’accord. Faisons-le ensemble. Un exercice de sensorialité, donc ?

Je m’assis à ses côtés et sortis mes propres kunaïs. Ayant vu la position des cadavres, je les sentis bouger et se positionner ailleurs. La sensation que cela procurait faisait froid dans le dos : savoir qu’à part trois cadavres et leur maître rien ne se trouvait aux alentours me donnait la chair de poule. Mais cet enfant…

- Je commence, d’accord ?

Je n’étais pas du tout une experte en sensorialité, bien au contraire. Il paraît que les Solaris pouvaient, si non ressentir le chakra, ressentir les émotions des autres. Si quelqu’un était apeuré, joyeux, triste ou même s’il avait faim, on pouvait le ressentir plus facilement que les autres. Enfin, c’est ce qui était dit. Je n’ai jamais été douée en traque, je doute donc avoir cette faculté. Qui plus est, je doute que ces trois cadavres ressentent réellement quelque chose. Ce ne sont que des morts, ils ne ressentent plus rien. Du moins, je l’espère, puisque je m’apprêtais à leur lancer un kunaï. A condition de les repérer.

Je pris mon premier projectile et ferma les yeux. Je tentai tant bien que mal de me concentrer sur la présence de ces cadavres, mais plus je me sentais près d’eux, plus mon sang se glaçait. J’avais plus ou moins pu décerner une zone dans laquelle se trouvait un des cadavres. D’un geste sûr, je lançai donc un kunaï. Je l’entendis fendre l’air, puis ouvrai les yeux. Planté dans un arbre. J’avais raté mon premier coup…

- Hm… A toi.

La dénommée Krystal était partante pour s’entraîner ensemble. Tant mieux, plus on est de fous et plus on rit. L’ayant regardée, j’ai bien compris qu’elle avait compris, ou du moins vu, mes amis. Son regard s’était posé sur chacun d’entre eux, mais elle ne me semblait pas être effrayée. C’est un soulagement. Je dois avouer que voir un enfant de mon âge jouer avec des zombies, ça peut paraître un peu… Glauque. Pour une personne que je ne connais pas, je ne préfère pas trop en parler, mais là elle était arrivée une fois qu’ils étaient déjà invoqués. Elle les aurait donc sûrement vus tôt ou tard. La madame s’installa donc à mes côtés, puis mes cadavres se déplacèrent. Même si j’avais un certain contrôle sur eux, j’arrivais à les détacher de cette indépendance envers moi, en ne leur confiant qu’une infime partie de mon chakra. Et puis, j’étais fatigué par les jours précédents que j’avais trouvé terriblement rudes… Du coup mon contrôle sur eux était loin d’être parfait, même lorsque je donne mon maximum.

Il était encore tôt, et le soleil se levait progressivement. Madame Krystal souhaitait commencer. Soit. D’un geste de la tête, je lui fis comprendre que ça m’allait. Assis à ces côtés, je la regardais faire. Elle se concentrait pour repérer la présence des cibles que j’avais invoquées. La sensorialité n’était absolument pas mon domaine, c’est pour ça que j’étais concentré sur ce qu’elle faisait, pour voir ce qui me manquait éventuellement. Mais ça, ce n’était uniquement que dans le cas où elle réussissait son coup. Je la vis saisir fermement l’un des projectiles avant de l’envoyer en direction de l’un de mes cadavres. Du regard, je suivais la direction du kunai, qui finit dans un arbre. Dommage, mais un de mes cadavres n’était pas bien loin du lieu où a fini le projectile. Qu’elle l’ait eu ou pas, elle avait pu sentir la présence de l’une des cibles. Moi j’étais habitué à les avoir à mes côtés, et je n’étais même pas capable de sentir leur présence, de les repérer au moins brièvement. J’avais encore des progrès à faire.


- Hééé pas mal, ce n’est pas passé loin !


Une fois de plus, ma technique, pour éviter de dire "vous" ou "tu", marchais à la perfection. Mais pour combien de temps ? Je n’allais pas indéfiniment lui parler comme ça, j’allais bien finir par me planter et la vouvoyer une nouvelle fois. On parie combien que je me rate prochainement ? Enfin, ce n’était pas vraiment le plus important pour l’instant. Il fallait que je réussisse moi aussi à en repérer un. Il ne faut pas penser à grand-chose je pense, et beaucoup se concentrer sur sa cible. Les cadavres changeaient de place une nouvelle fois, toujours avec un minimum d’autonomie. Fermant les yeux, kunai en main, je fus plongé dans mes pensées.

Dans ma tête, je visualisais la scène. Des arbres un peu de partout, la madame à mes côtés. C’est tout ce que je savais. Quelque part se trouvait trois de mes cadavres. Le tout était de trouver où… Il ne fallait pas que je me laisse distraire. Un ressenti familier. Dans mes pensées, je vis une glace apparaître sur le terrain d’entraînement. Puis deux.


- GLACES !


Ayant ouvert les yeux, je m’étais écrié ça. Non, ce n’était que le fruit de mon imagination… Même mon propre esprit me jouait des tours, ce n’est pas gagné. Passant ma main dans mes cheveux, je m’excusai de cette soudaine exclamation qui a pu surprendre la madame qui s’entraînait avec moi. Je me devais de recommencer, et de tenter au moins une fois à les atteindre. Je sais que j’en suis capable, que ce n’était qu’une formalité pour moi. Super-Aku ne faiblira pas face à ses propres zombies. Fermant une nouvelle fois les yeux, je me concentrai de nouveau sur ce qui nous entourait.

Leur présence m’était familière, et pourtant je n’arrivais pas à la localiser. Je la ressentais, mais comme s’ils étaient à mes côtés. Or, la seule personne présente était madame Krystal, c’est tout. Évacuant toutes ces pensées nuisibles à mon entraînement, comme les glaces, je n’imaginais plus que mes cadavres. Ils étaient là, non loin de moi. A force de m’y concentrer, je les ressentis plus loin. C’était vraiment vague cependant. Il fallait que je ressente la source de cette présence. Ca y est, je pense en avoir une.

Saisissant mon propre kunai, je pris un moment avant de le lancer, continuant à me concentrer. Pointant ma cible avec, je le lançais ensuite avec un maximum de précision, ouvrant les yeux. A ma plus grande surprise -ahem-, le kunai parti totalement à l’opposé des trois corps. Le plus proche était sur une branche d’un arbre, et le projectile atterrit un peu devant celui-ci. Nul… Mais contre toute attente, l’impact avait été si violent que le kunai repartit en altitude en effectuant plusieurs rotations. On aurait dit un shuriken maintenant. Il allait vers le zombie ! Ah bah non encore raté, il lui passa au dessus. Raaah je rage… Ou pas. Le kunai avait fait tomber une pomme qui tomba sur le zombie, puis, déséquilibré, il chuta de l’arbre et finit par terre. Wahou ! Like a boss. Je suis fier de moi sur ce coup.


- Je… C’était prévu, bien sûr. Haha !


Ne me croyez pas si vous voulez, je vous dis que j’avais prévu que le kunai allait reprendre de la hauteur et faire tomber une pomme sur sa tête. C’est le sol que je visais depuis le début… ! Bref ok ça prends pas. Ok je suis un gros chanceux.


- Y a beaucoup de personnes qui n’aiment pas mon pouvoir. J’espère que cela ne vous effraie pas trop… Ils sont gentils pourtant, vous pouvez me croire !


Je lui souriais, m’approchant de mes cadavres. S’il le fallait, je les rangerais dans leur parchemin, je ne tenais pas à la mettre un peu trop mal à l’aise avec cette présence… Morbide.

- Hééé pas mal, ce n’est pas passé loin !

J’acquiesçai d’un léger signe de tête, fixant ce kunaï planté dans l’arbre. Voulait-il simplement être gentil, ou était-il réellement sincère dans ce qu’il disait ? « Ce n’est pas passé loin »… Tirer dans la bonne direction ne suffit pas, si l’on veut être bon en sensorialité, il faut savoir parfaitement connaître la position de l’adversaire. Dans ses moindres détails. La position des bras, la direction vers laquelle il est tournée : tout peut être une information capitale. Un seul grain de riz peut faire pencher la balance. Un seul détail futile peut faire la différence entre victoire et défaite.

Non, définitivement. C’était passé très loin.

Ce fut au tour d’Aku de se prêter au jeu. Ses cadavres se déplacèrent à nouveau, puis il ferma les yeux. J’avais déjà remarquée qu’il était spécial, ce gamin, mais je n’imaginais pas qu’il l’était autant. Quelques secondes après avoir fermé les yeux, il se réveilla en sursaut en hurlant « Glaces », puis s’excusa de cette soudaine exclamation. Moi, je le fixais avec intérêt et curiosité, et je ressentais à la fois de la peur, de l’admiration et de la pitié. Comment un enfant aussi jeune pouvait dégager autant de choses ?

Il finit par lancer son kunaï, mais encore plus loin que moi de la destination prévue. A la différence de cela que son arme ne se planta pas dans l’arbre mais rebondit et partit dans la direction opposée, là où se trouvaient les cadavres. L’un d’eux fut raté de peu, mais le kunaï toucha une… pomme, qui elle-même toucha le mort qui tomba par terre.

- Je… C’était prévu, bien sûr. Haha !

Je doutais de la véracité de ses propos, mais une chose était certaine : ce petit possédait les prémices de la grandeur. Car oui, le talent était un facteur essentiel à la réussite et à la force shinobi, mais il ne fallait pas oublier que la chance pouvait parfois faire des miracles. Honnêtement, je doute que les plus grands ninjas de l’Histoire aient tout réussi leurs exploits qu’à la force de leurs bras et de leur esprit. Une technique déviée, un arbre qui se trouvait là à ce moment-là, un pas sur le côté déterminant : tous ces facteurs sont des éléments entrant en compte dans le résultat final d’une bataille. Un seul grain de riz…

- Y a beaucoup de personnes qui n’aiment pas mon pouvoir. J’espère que cela ne vous effraie pas trop… Ils sont gentils pourtant, vous pouvez me croire !

Pour la première fois, il me fit rire. C’est à ce moment que l’on voyait que ce n’était qu’un enfant : il n’y avait qu’eux pour s’étonner que les personnes soient effrayées par des cadavres.

- Disons que je sais que chacun peut avoir sa particularité, et que ce n’est pas parce qu’on est différent que l’on doit être effrayé. Tu me fais beaucoup penser à quelqu’un que j’ai connu auparavant, Aku !

Je me levai et essuyai la poussière sur mes vêtements.

- Bon, on continue ?

Je me dirigeai vers mon arc que j’avais laissé à l’endroit où je m’entraînais plus tôt. Je le pris et retournai aux côtés du nécromancien.

- J’aimerai essayer avec ça. Tu peux faire bouger tes cadavres de place ?

Je pris un flèche dans mon carquois, la mis sur le fil, fermai les yeux et tournai sur moi-même pendant quelques minutes. Puis, une fois que j’étais totalement désorientée, je tentai de me concentrer à nouveau sur les cadavres. Je savais ce que je devais rechercher : un vide émotionnel total. Un être froid et sans vie, un être glaçant le sang jusqu’au plus profond de nous. Si je ne pouvais me concentrer sur son chakra, j’essayais de me concentrer sur ses émotions. Ou plutôt, l’absence d’émotions. Puis je décochai ma flèche.

En plein entre les deux yeux.

Après mes dernières paroles, je me rendis compte que je m’étais raté. Une nouvelle fois, je l’avais vouvoyé, mais elle n’avait pas relevé. Tant mieux, ça ne la dérangeait peut-être plus, ou alors elle n’avait pas remarqué. Je vais continuer à la vouvoyer du coup, je préfère. C’est tellement mieux ainsi. Elle n’avait pas l’air effrayée au final de mon pouvoir, ce qui me rassurait. Je préfère ça. Dans le pire des cas, je pouvais les virer de là, mais ils étaient utiles à l’entraînement, c’est l’avantage. Mais ses paroles m’intriguaient : je lui faisais penser à quelqu’un. Ah bon ? J’étais curieux d’en savoir un peu plus, mais ça allait attendre, puisque la madame me proposa ensuite de continuer l’entraînement. Moi ça m’allait, puisque je savais au fond de moi que je n’avais pas vraiment réussi à atteindre mon cadavre. C’était plus un coup de chance, et encore c’est peu dire. Il y avait une chance sur je ne sais combien pour que mon kunai rebondisse au point de changer de direction et aller vers le zombie, pour qu’il passe sur une pomme qui persistait malgré l’hiver… D’ailleurs c’est vrai, qu’est-ce qu’une pomme faisait là en plein hiver ? La nature est parfois surprenante, mais je n’allais pas m’en plaindre. Non vraiment pas.

- Oui, on continue !

Toujours souriant, j’étais content de partager cet entraînement avec elle. Mais de son côté, ce n’était peut-être pas le cas. Je la vis repartir. Quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait pour qu’elle veuille partir… ? Je suis triste, voilà, et je vais pleurer. Mais avant qu’une larme ne puisse couler, elle revint vers moi, un arc en main. Ah, je préfère, j’ai vraiment eu peur qu’elle me laisse tomber… Non ce n’est pas vrai, je n’ai pas douté d’elle en fait. Je le savais. Bref j’ai rien dit, je parle pour ne rien dire là. Elle voulait donc s’exercer avec son arc, et voulait que je déplace une nouvelle fois mes cadavres pour qu’ils servent une nouvelle fois de cible. Mais… C’était encore plus dur avec, non ? A moins qu’elle ait de l’expérience en ce qui concerne le tir à l’arc, c’est tout à fait possible après tout. Tournant sur elle-même, elle se désorienta complètement. Grâce à ma petite taille, il n’y a que très peu de chance que je me prenne une flèche dessus. Enfin j’espère bien pour moi, j’aurais l’air beau moi avec un trou en plein milieu de la tête. Haha… WAOUH ! Mais… ! Sa flèche, une fois décochée, atteint la tête de mon zombie et lui passa au travers. Génial ! Elle l’avait non seulement repéré, mais elle ne l’avait pas raté non plus.

J’étais surpris de ce que je venais de voir.

- C’est génial ce que vous avez fait ! Vous avez réussi !

J’étais content pour elle, elle avait réussi l’exercice que je m’étais préparé. Moi par contre, ce n’était pas encore ça. La sensorialité et moi, ça faisait vraiment deux. Et encore je suis gentil je trouve. J’essayais de la refaire, mais toujours avec mes kunais. Mais ça ne donnait rien de bien concret. Un échec, puis deux… Mes kunais partaient dans tous les sens, et impossible de renouveler l’exploit précédemment réalisé. Tant pis… J’en avais marre de cet exercice.

- On fait une pause ? J’en ai marre de cet exercice… Mais au fait, j’y pense, à qui je vous fais penser ? C’est ce que vous aviez dit tout à l’heure.

Aku continua ses essais, en vain. Il ne réussissait pas à toucher les cadavres. Je devais avouer que si j’avais réussi à le faire, la chance y était pour beaucoup. Je ne peux pas dire que je suis une experte en sensorialité, j’aurai du mal à détecter mon propre chakra. D’ailleurs, ce n’est même pas cela que j’ai détecté chez les cadavres, mais plutôt le vide intérieur auquel ils sont confrontés. J’avais senti sur ma gauche ce vide, et j’ai tiré dans cette direction. Comme au lancer de kunaï. Mais définitivement, je m’en sortais mieux avec un arc.

- On fait une pause ? J’en ai marre de cet exercice… Mais au fait, j’y pense, à qui je vous fais penser ? C’est ce que vous aviez dit tout à l’heure.

Je lui souris. Cette curiosité me faisait également penser à Heiji, toujours à relever ce que je dis sans lâcher le morceau. J’aurai parié que si j’avais éludé la question, il serait revenu à la charge pour que je lui réponde.

- Ouais, un jeune garçon que j’ai connu quand j’étais plus jeune. Aussi curieux et vif d’esprit, avec également une particularité qui le rendait différent et qui faisait peur aux autres.

Je rangeai mon arc, Aku voulant stopper son entraînement. Réellement las ou juste déçu de ne pas réussir alors que je l’avais fait ? Je ne savais pas, mais les deux pouvaient se comprendre : cela faisait plusieurs heures qu’il s’entraînait, et s’acharner sur quelque chose sans résultat pouvait devenir réellement frustrant. J’allai retirer ma flèche du cadavre. Je mis ma main sur le bout, et eut un mouvement d’hésitation : allais-je réellement lui causer aucune douleur ? Et le fait d’enlever la flèche allait-il l’énerver ? Allait-il m’attaquer ? Il me semblait de toutes manières qu’Aku avait un bon contrôle sur eux. S’ils tentaient de m’attaquer, allaient-ils les arrêter ? Etait-il aussi gentil qu’il en avait l’air ? Je lançai un regard en arrière vers Aku…

Puis je tirai la flèche. Rien ne se passa. Je m’inquiétais pour rien. Je repartis en direction de là où était Aku en souriant, rangeai ma flèche et mis mon carquois sur mon dos avec mon arc.

- J’ai cru comprendre que tu aimais les glaces. Tu veux qu’on aille en manger une ?

Depuis trois ans, je connaissais et fréquentais un marchand de confiseries faisant les meilleurs daifukus, les meilleures sucreries et les meilleures glaces de Konoha. J’avais connu ça grâce à une Kirijin de passage qui m’avait énormément aidée à tenir le coup lors du drame que j’avais commis. J’y passais depuis quasiment tous les jours. Je pris la direction du centre-ville en attendant Aku. Il était toujours bondé à cette heure-ci, et personne ne fit réellement attention à nous. Je prenais garde à ce qu’Aku ne se perde pas malgré sa petite taille, et nous arrivâmes rapidement là où nous allions commander nos douceurs.

- Tu veux quel parfum ? Je te la paye !

J’attendais son choix, sûre qu’il allait avoir encore des questions à me poser…

Attendant ma réponse, je m’étais installé au sol. Oui, ne pas réussir cet exercice m’avait un peu mis en rogne. Ce n’était pas mon jour, on va dire ça ouais. Regardant la dénommée Krystal de mon œil améthyste, je l’observais, elle qui était en train de sourire. Sa voix se fit de nouveau entendre, expliquant alors le fin fond de sa pensée. Elle avait dit que je lui faisais penser à quelqu’un. Soit, mais qui ? C’était ce que je voulais savoir. Elle expliqua alors de qui elle parlait. Un autre enfant qu’elle connaissait il y a quelques années. Mon attention se porta sur l’une de ses paroles : une particularité. Cette personne avait quelque chose qui le différenciait des autres, et qui pouvait même effrayer. Ah ? Elle le comparait avec moi à ce sujet ? Peut-être pour ce que je lui ai dis au sujet de mes cadavres qui pouvaient faire peur à un bon nombre de personnes.

- Une…

Coupé dans mon élan, je vis la jeune femme ranger son arc, et se diriger vers l’un de mes cadavres pour y récupérer sa flèche. Alors que sa main c’était posée sur celle-ci, elle eut comme un moment d’hésitation, ou du moins elle n’a rient fait pendant ces quelques secondes. Ne me faisait-elle pas confiance ? Je vais pleurer si c’est le cas. De plus, elle se tourna vers moi. Je la regardais avec une expression toute triste, l’œil larmoyant. Elle finit par récupérer sa flèche, mon sourire était alors revenu. Elle revenait vers moi, c’était peut-être l’occasion pour moi de lui demandé ce que j’ai voulu savoir juste avant ça. Mais elle avait enchaîné tout de suite, me faisant une proposition des plus appréciables : aller se manger une glace. Mon regard s’illumina, je voyais des étoiles et une grande lumière autour d’elle. C’était une sainte venue du paradis, et qui allait m’offrir une glace alors que je n’ai pratiquement rien mangé depuis hier midi. C’est sûr maintenant, je le ressentais en elle. C’était une sainte, c’était madame la Sainte.

- Oh oui ! Une glace ! J’en suis fou et j’en raffole ! Miam !

Voila une nouvelle qui allait bien me consoler dans cet échec. Après quelques bouchées, je n’y penserais même plus. Waaaaaw c’est tellement bon. Je donnerai ma vie pour en manger tous les jours. Ah non, ma vie est trop importante. Je donnerai la vie de n’importe qui pour en manger tous les jours. Même celle de monsieur Tomate, mais chut faut pas le dire. Tenant la main de la madame la Sainte, je la suivais pour ne pas me perdre dans la masse de gens. Et puis, on passait devant mon glacier habituel. Mais ce n’est pas à celui-là qu’elle s’était arrêté. En me voyant passer, le vendeur de glace a affiché une mine plutôt surprise. Jamais je ne suis passé devant son stand sans m’arrêter pour manger une glace. J’étais son meilleur client, le plus fidèle qui soit. Il a dû être déçu de moi, tant il va même me détester… J’irais lui en racheter trois ou quatre plus tard dans la journée pour me faire pardonner, il avait ma parole. Je m’apprêtais à lui demander où est-ce qu’on allait, lorsque je vis plus loin une autre échoppe de glace. Je n’étais jamais allé chez ce monsieur-là, je n’aime pas le changement. Mais madame est une Sainte et je peux lui faire confiance. Elle me demanda alors le parfum que je souhaitais. Choix difficile… Il y a tant de goûts qui me tentaient. Et puis, il ne fallait pas que j’abuse de sa gentillesse, et donc ne pas prendre trop de goûts différents…

- Hmm… Une au chocolat - vanille - caramel - fraise s’il vous plaît !

Voila, ça c’est ce que j’appelle se limiter. Je fais des efforts n’empêche. Une fois payée, je remerciai vivement la madame, avec un très grand sourire. Puis je me mis à manger ma glace, avant de me rappeler qu’il fallait que je demande quelque chose à la madame. Oui, je suis très curieux, surtout lorsque l’on me compare avec quelqu’un.

- Madame la Sainte ? Vous pouvez me parler de ce garçon et de sa particularité comme vous dites ? En plus, s’il me ressemble vraiment, ça ne peut être que quelqu’un de super ! J’aimerais en savoir plus…

Ma curiosité pouvait me pousser jusqu’à l’indiscrétion, mais j’étais comme ça, c’est de ma nature. Et puis, il ne faut pas trop m’en demander quoi, je n’ai que dix ans. Parler la bouche pleine ne se fait pas vraiment non plus, mais bon ce n’est pas très grave non plus. Au pire, si elle veut, je pourrais toujours lui parler de moi en contrepartie. Je n’aimais pas spécialement ça, mais ce serait une simple question d’équité.

Je ne comprendrais jamais d’où me vient cette affection si prononcée pour les enfants. A cet instant, Aku aurait pu me demander la lune que j’aurais tout fait pour lui décrocher. Mais heureusement pour mes capacités humaines, la glace lui suffisait. Il était étrange, mais terriblement attachant. Le chemin vers le marchand de glace me fit demander ce qui avait bien pu se passer dans sa vie pour qu’il en arrive là : manipuler des cadavres à neuf ans, seul.

Nous nous assîmes sur un banc non loin de là où il avait commandé sa glace, et où je n’avais pris qu’une boisson. Le vent léger fit voleter mes cheveux. Peu de monde se trouvait dans les alentours, à part quelques promeneurs. Un vrai cadre de carte postale.

- Madame la Sainte ? Vous pouvez me parler de ce garçon et de sa particularité comme vous dites ? En plus, s’il me ressemble vraiment, ça ne peut être que quelqu’un de super ! J’aimerais en savoir plus…

Cette remarque me fit éclater de rire. « Madame la Sainte », hein ? Il était évident que ce petit ne connaissait rien de ma vie, de ce que j’avais pu faire, ou même de ce que je pouvais faire. Je passe ma vie à mentir, à manipuler, à tenter d’obtenir ce que je souhaite au détriment de ce que les autres veulent. Ma vie entière est un mensonge. Alors non, on peut me donner le qualificatif que l’on veut, mais je ne serai jamais une Sainte.

La preuve. Même avec cet enfant, ces instincts de savoir refirent surface. Je ne pus m’empêcher d’y demander une faveur en échange de quelques explications. Toujours en souriant, ne laissant rien transparaître de mes réelles envies.

- Il l’était ! Mais avant que je te raconte mon histoire – enfin, son histoire – je veux que tu me promettes que tu me raconteras la tienne après !

Il accepta (HRP : J’en conclus ça au vu de ton poste), et je soupirai. Par où commencer ? Et puis, ce n’était qu’un enfant… Mais un enfant qui semblait tellement réfléchi et intelligent. Il comprendrait si je lui mentais. Et puis, je n’en avais pas envie. Alors, je pris une inspiration, et j’allais dévoiler une partie de mon histoire, histoire que personne ne connaît à Konoha. Ou presque.

- Il s’appelait Heiji. Tu sais, je fais partie d’un ancien clan qui avait des pratiques plutôt étranges. Je n’ai jamais eu aucun problème, mais lui oui, au sein même de sa propre famille. Parce qu’il avait une particularité. Il était…

Hm. Je fis un petit mouvement de la tête en souriant. La dernière fois que j’avais parlé d’Heiji, c’était à Yuka, le lendemain de sa mort. Je n’avais jamais réellement évoqué le sujet, et me remémorer ces souvenirs étaient douloureux. J’avais une boule dans le ventre et dans la gorge.

- Ca va paraître débile, mais sa particularité à lui était d’être roux. Juste, d’être roux. La nature a fait qu’ils ont du mal à supporter le soleil et la chaleur. C’est con, mais la nature est ainsi faite. Et mon clan avait un idéal, une religion : ils étaient sûrs que leur pouvoir et leur vie venait du soleil. Ils croyaient en lui comme un martyr croit à son Dieu.
Ils ne pouvaient admettre qu’un des leurs ne soit pas comme eux, qu’un des leurs ne puisse supporter ce qui était pour eux une divinité absolue… Alors… Alors ils ont tenté de lui faire supporter les brûlures du soleil, en lui causant eux-mêmes des brûlures volontaires. Il a fini par succomber à ses tortures.

J’avalai très difficilement, et je serrai les poings sur mes jambes. Je ne voulais pas pleurer. Je l’avais assez fait par le passé. Je me tournai vers Aku, souriante.

- J’aimais ce gamin, qui n’avait que treize ans. Il était un peu différent des autres, et il a été abandonné pour cela. Mais effectivement, c’était qu’un de génial…

Je repris mon souffle une dernière fois.

- Et toi, parle-moi un peu de toi !

Un fou rire de sa part se fit entendre. Honnêtement, je n’avais pas compris son délire. J’avais dit un truc marrant, sans m’en rendre compte ? Peut-être bien. En tout cas, j’acceptais sa proposition, je l’écoutais donc. Elle allait me racontait l’histoire de cette enfant qui me ressemblait tant, et en échange, j’allais lui parler de moi. Elle me l’avait finalement proposé… Même si je n’aimais pas trop en parler, je n’avais pas refusé pour autant. C’était le prix à payer pour avoir la réponse à mes questions, et je comptais bien les obtenir. Assis tous les deux sur le banc, je prêtais attention à tout ce qu’elle allait me dire. Mon intérêt était juste personnel, je voulais en savoir plus sur elle et sur ce garçon.

J’écoutais donc son histoire…

Une larme coula. Je suis quelqu’un de très émotif de nature, même quand cela ne me concerne pas. L’histoire de cet autre enfant m’avait touché. Son clan m’avait l’air vraiment spécial. S’il était né brun, voire blond, il serait encore en vie à l’heure d’aujourd’hui. Rien que de penser de cette manière provoqua un certain malaise. Comme quoi, le destin jouait énormément dans la vie d’une personne. À cause d’une couleur de cheveux, il n’était plus de ce monde… Jamais je n’aurais imaginé entendre quelque chose d’aussi absurde, et pourtant réaliste à la fois.

- C’est… Ignoble, vraiment…

Par quel autre adjectif je pouvais qualifier ça ? Madame la Sainte semblait être attachée à cet enfant, qui a été torturé et qui est maintenant mort… Triste réalité. C’est surtout lorsqu’elle me confirma qu’il était génial comme je l’avais dit, que je ressentais de la tristesse pour elle, et aussi pour lui. Je me frottais l’œil, pour faire partir ces vilaines larmes. Je ne pense pas qu’elle voulait me faire pleurer, ce ne devait pas être son intention. Alors je faisais en sorte de m’arrêter au plus vite. Je m’étais même donné une baffe. Ne vous en faites pas pour moi, je suis habitué.

Puis madame la Sainte me demanda de lui parler de moi, à mon tour. Le moment fatidique est arrivé. Il y avait monsieur Tomate qui était au courant pour moi, mais il ne m’a jamais vraiment demandé de lui raconter mon histoire. De ce fait, il ne sait pas vraiment tout à ce sujet… À force, il devait connaître l’Aku présent presque par cœur. Mais peut-être moins sur mon passé, et l’une de mes particularités dont je ne parle strictement jamais. Même lui ne devait pas être au courant, à moins qu’il ait remarqué de lui-même… Prenant une inspiration, je me mis à parler.

- Bah moi… Mon passé est plutôt flou. Je n’ai jamais connu mes parents, cependant je sais où ils sont. Enfin… Où leurs corps reposent actuellement… Je ne sais pas vraiment comment je me suis retrouvé seul, comment j’ai pu survivre aussi… Pendant les neuf premières années de ma vie j’ai erré dans le monde entier, toujours seul. Et puis je suis arrivé ici.

Il n’y avait pas vraiment beaucoup à dire pour une si courte existence, dont je ne savais pas beaucoup. Mes membres tremblaient légèrement, et je laissais un moment de silence. J’hésitais à lui dire une dernière chose. Cette chose que personne ne sait, ou plutôt que personne n’a jamais vu. D’un côté, je lui ai dis que je lui raconterais mon histoire. Je ne vois pas pourquoi je lui cacherai. Enfin si, je sais. J’ai toujours peur que l’on me prenne pour quelqu’un de trop différent. Déjà que certains s’arrêtent à l’image d’un gamin glauque qui maîtrise les cadavres… J’hésitais. Et je finis par me décider. Je posais ma main sur les quelques mèches qui cachait une partie de mon visage.

- Sinon… Y a aussi ça.

Je levais les cheveux qui cachaient mon œil gauche. Ou plutôt ce qui aurait dû être mon œil gauche. À la place de celui-ci, il y avait une pierre luisante toute rouge. J’ignorais son origine, comment j’ai eu ça et tout. Je sais juste que je ne l’ai remarquée qu’à mon arrivée à Konoha, la première fois où je me suis vu dans un miroir.

- Je ne sais rien à ce sujet.

Puis je laissais retomber mes mèches.

En écoutant le discours d’Aku, je me demandais : valait-il mieux ne pas connaître ses parents, ou d’avoir les mêmes que moi ? Je vouais une haine sans nom aux miens, mais il ne m’avait, au fond, jamais rien fait. Ils ont veillé à mon éducation – aussi autoritaire et difficile soit-elle – ils m’ont nourri, je n’ai jamais manqué de rien, j’avais un toit au-dessus de ma tête et ils n’ont jamais levé la main sur moi. Mais il y a des blessures qui ne se voient pas, et qu’on ne guérit pas impunément. Des blessures qui restent gravées à jamais, comme des cicatrices profondes. Avoir commandité – ou au moins cautionné – le meurtre et la torture d’Heiji laisserait à jamais une empreinte indélébile en moi.

C’est drôle, cette façon dont marche l’esprit humain. On peut être le plus fidèle des amis, on peut avoir accompli des centaines de bonnes actions, une seule et unique mauvaise rendait tous les actes passés comme futiles, et il était parfois impossible de rattraper cette seule erreur. Je crois que la rancune est l’un des pires sentiments. Mon éducation m’avait pourtant appris à enfouir toute sorte d’émotions, mais il y en a certaines qui ne se contrôlent pas d’un simple claquement de doigt : la rancune, la pitié et la compassion, par exemple. Des sentiments bien plus forts, et bien plus difficile à contrôler que l’amour ou la haine…

Enfin, je pense que ma situation restait plus enviable que celle d’Aku. Vivre seul, toutes ses années, sans pouvoir se nourrir correctement ou dormir correctement, pour un enfant de son âge, c’était abominable, mais à la fois spectaculaire. Je crois que seuls les êtres dotés d’une intelligence, d’une puissance et d’une maturité hors du commun pouvaient y arriver. Aku était réellement fabuleux. Très loin de l’image qu’il avait de lui. Ou plutôt, très loin de l’image qu’on essayait d’y donner. On ne pouvait nier que maîtriser des cadavres était plutôt étrange et spécial, mais il existe bien pire dans le monde des ninjas. Les gens sont effrayés par les cadavres car ils leur rappellent qu’ils sont mortels, et qu’eux aussi, finiront sous cette forme. Si Aku contrôlait des lapins, tout le monde trouverait ça trop mignon. Alors qu’au fond : rien ne change. Ça reste le contrôle partiel ou total d’un corps physique.

Puis, le gamin finit par s’ouvrir un peu plus. Il enleva sa mèche de devant ses yeux, dévoilant ainsi son orbite gauche, dans lequel se trouvait, en lieu et place d’un œil, une pierre rouge étincelante. J’écarquillai un peu les yeux, mais toujours pas par peur, toujours par fascination. Ce gamin était vraiment prodigieux, et regorger de surprises et de talent caché. Il finit par lâcher sa mèche, l’air triste et perdu. Je ne savais pas quoi dire, ni quoi faire. Je m’étais plainte à un enfant dont la vie a été bien plus dure que la mienne.

Alors, je fis la première chose qui me passa par la tête. Je le pris dans mes bras et le serra fort. Je n’expliquai pas vraiment cet envie qui naquit en moi, cet envie de le protéger, de ne plus le laisser seul, de ne plus laisser se battre sans l’aide de personne. Je relâchai mon étreinte.

- Prends ma main.

Sans qu’il ait vraiment le temps de la prendre, je la lui pris moi-même.

- Serre la fort.

De même, je lui laissai pas vraiment le temps de le faire. Je sentais que je faisais ça plus pour moi que pour lui. Je ne pouvais me résoudre à abandonner à nouveau quelqu’un. Surtout quelqu’un qui ressemblait autant à la seule personne que j’ai abandonné au cours de ma vie.

- N’aies pas peur. Je t’aiderai dans ta quête. Je t’aiderai à trouver ce que ton œil est réellement. Je resterai auprès de toi. Et c’est pas réellement négociable.

J’avais bien conscience que jusqu’à présent, Aku n’avait pas eu besoin d’aide. Mais après tout, après mon propre drame, je pensais ne pas en avoir besoin non plus. Je pensais pouvoir m’en sortir seule. Mais c’était faux. J’ai eu de l’aide, et j’aurai aimé en avoir un peu plus, au fond. Il est toujours bon d’avoir une chaise sous ses pieds quand une corde nous tient le cou.

- Je te promets de faire la guerre à tes côtés, et de ne jamais déserter face à tes problèmes.

Mes cheveux retombèrent devant mon œil gauche, ou plutôt ce qui aurait dû être mon œil gauche. Avais-je bien fait de lui montrer cela ? Ce sentiment de me sentir différent, anormal était insupportable. Ne pas savoir de quoi l’on revient également. Si je ne l’avais pas fait, madame la Sainte pourrait encore me considérer comme un gamin comme un autre. Maintenant, je craignais sa réaction. Elle allait peut-être ne plus me considérer comme un humain, ce qui serait compréhensible. Un œil en pierre, ce n’est pas très naturel. C’est pour cette raison que je l’ai toujours caché, à tout le monde. Mon senseï y comprit. Mais là, j’avais ressenti ce besoin de m’ouvrir, en ayant profité de la première occasion qui s’était offerte à moi. Maintenant, c’était fait.

Mon œil améthyste la fixait ensuite. Elle n’avait pas l’air effrayée, ce qui me rassurait un peu. Elle me semblait intriguée, voire fascinée. Je détournais l’œil, un peu gêné. Je n’aimais pas spécialement quand on me fixe trop longtemps. S’en suivit un léger sourire nerveux, pour tenter de cacher ce qui se passait en moi à cet instant précis. Je savais que j’étais trop expressif pour que cela ne saute pas aux yeux, mais c’est comme ça, je n’y pouvais rien. On ne peut pas changer à volonté, et j’ai toujours été comme ça. Un caractère personnel, mon cœur d’enfant ? Ou bien les deux ? Quoiqu’il en soit, je ressentais cette envie d’évacuer tout ce qui se passait en moi, par le biais de mes larmes. Mais je préférais éviter face à elle.

Cependant, sans que je ne puisse la voir venir, elle s’approcha encore plus, pour me prendre dans ses bras. C’était vraiment agréable, en seulement quelques secondes, je me sentais un peu plus apaisé. Elle n’avait pas peur de moi, de ce que j’étais, ou du moins de ce que j’avais. Moi qui craignais tout le temps la réaction des autres, cela me confortait dans l’idée que je n’avais peut-être pas besoin de me cacher. Mais c’était encore trop tôt pour en être convaincu. Elle m’avait accepté comme j’étais. Après cela, elle s’arrêta, avant de me demander de lui prendre sa main. Mais elle ne me laissa pas le temps de la lui prendre, qu’elle l’avait fait d’elle-même. Selon ses instructions, je la lui serrai fort.

Avec tout ça, je ne trouvais pas les mots pour parler. Mes cordes vocales étaient nouées, et je me savais capable de pleurer à tout moment. Ce n’était pas vraiment de la tristesse, ni de la joie. Un peu des deux on va dire. Un cumul de tout ce que j’ai pu endurer, de ce que j’ai pu entendre de sa propre histoire, ses paroles… En lui serrant la main, tout ce que je ressentais n’attendait qu’à être évacué. Puis elle me dit qu’elle sera toujours près de moi pour m’aider, de ne plus me laisser seul. Un lien se tissait petit à petit entre nous deux. Alors qu’elle était une parfaite inconnue il y a peu, je la considérais maintenant comme une grande sœur. À ces pensées-là, je craquai pour de bon, fondant en larmes. J’appuyais ma tête sur son épaule, comme si je tenais à toujours me cacher, et en cherchant du réconfort en même temps.

- Me… r… Merci…

En laissant couler ces larmes, je prenais réellement conscience que, dans le fond, même si j’avais vécu seul pendant près de neuf ans, je m’étais enfin rattaché à de nouvelles personnes, qui étaient comme une nouvelle famille. Il y avait elle maintenant qui en faisait partie, une grande sœur qui avait juré d’être toujours là pour moi. J’avais même un grand frère, que je considérais presque comme un père, c’était monsieur Tomate, qui lui aussi était là pour moi. Enfin, il y avait aussi cette femme que j’avais rencontrée avant de rejoindre Konoha, c’était madame Naoko. Même si je ne l’ai jamais revue depuis la dernière fois, elle était comme une mère pour moi, qui s’est très bien occupée de moi alors que j’étais malade. Notre rencontre avait été un coup de chance. Et puis, dans le fond et de manière plus générale, je pense que je peux considérer Konoha tout entier comme étant ma nouvelle famille. Je n’étais plus seul désormais, elle me l’avait fait comprendre.

Me redressant, je séchai mes larmes. Ce qui est bien pour elle, c’est qu’elle pouvait désormais comprendre pourquoi je ne pleure que d’un œil. Un détail qui n’avait jamais frappé personne, et c’était tant mieux pour moi. Mon regard se porta ensuite vers elle, toujours un peu gêné…

- Désolé, je… Je ne voulais pas craquer, alors que vous avez eu une vie difficile vous aussi… C’est égoïste de ma part…

J’abaissai un peu la tête, pour regarder le sol.

- Je m’en excuse…

Puis la redressant, je la regardais de nouveau.

- Vous… Vous pouvez compter sur moi également… Oui, c’est ce que je veux faire pour vous remercier. Vous avez ma parole. Je ne suis peut-être qu’un enfant, mais je sais que je pourrais être en mesure de faire quelque chose. Vous ne pensez pas ?

- Vous… Vous pouvez compter sur moi également… Oui, c’est ce que je veux faire pour vous remercier. Vous avez ma parole. Je ne suis peut-être qu’un enfant, mais je sais que je pourrais être en mesure de faire quelque chose. Vous ne pensez pas ?
- Bien sûr que si. Tu es capable de choses dont les plus grands ninjas de ce monde ne sont pas. Tu as un potentiel énorme. Tu peux aller très loin, crois-moi !

Je n’avais pas prévu que cette journée serait si riche en évènements et en émotions. Je n’avais pas prévu de tomber sur cet enfant qui renverserait autant ma vie. J’en étais sûre, à un moment ou à un autre, sa présence et sa puissance joueraient d’une manière significative. J’avais passé ces dernières années à refouler tout ce qui pourrait créer des liens avec les autres. Parce que j’avais peur, peur de perdre une nouvelle fois ce qui comptait pour moi. La douleur qu’on ressent lorsque l’on perd ce que l’on aime est atroce et insupportable, et je ne pense pas que je souhaiterai à mon pire ennemi de vivre ça. Évidemment, le souvenir s’efface, et la douleur s’amenuise. On essaie d’inventer encore un peu de sa présence, on essaie d’accepter toutes les raisons de son absence.

Mais ce petit bout d’homme avait réussi à me toucher là où personne n’avait réussi depuis très longtemps. Ce sentiment de protection, ce sentiment de confiance : je ne l’avais ressenti qu’une fois, et c’était aux côtés d’Heiji. Si j’avais cru en un monde des esprits, en un monde de l’au-delà, j’aurais été persuadée que ce message et cet enfant, c’était lui qui me l’avait envoyé. Que c’était Heiji qui me demandait de recommencer, qu’il me laissait une autre chance de protéger quelqu’un qui me tient à cœur. Qui me donnait l’opportunité de gommer l’échec en réussissant à sauver Aku.

Le temps était vite passé, et l’après-midi touchait déjà à sa fin. J’aurai eu envie de rester avec ce petit bonhomme plus longtemps, en apprendre plus sur lui, en apprendre plus sur moi, également, car c’est dans ce genre de rencontre qu’on se découvre réellement. Mais la réalité me rattrapa, et je me rendis compte que j’avais tout un tas de choses à faire que j’avais remis à plus tard à cause du jeune nécromancien. Je me levai donc du banc, souriante.

- Je vais devoir y aller, j’ai encore des choses à faire. Mais on se revoit quand tu veux ! Tu n’as qu’à passer chez moi, et je t’inviterai à manger. Faudra que je t’offre la plus grande glace du monde à l’occasion. Il y a un restaurant près de chez moi dans lequel je vais souvent qui pourrait te l’offrir si je le demandais !

Lui indiquant où j’habitais, je lui souriais. Oui, sans aucun doute, nous serions amenés à nous revoir. Oui, sans aucun doute, il aura une place prépondérante dans ma vie. Oui, sans aucune doute, il deviendra quelqu’un de grand : et si je dois me sacrifier pour que cela arrive, qu’à cela ne tienne. Heiji fut un échec dans ma vie. Je ne laisserai pas Aku en être un à son tour…

Spoiler:

Avec elle, je me sentais bien. Elle dégageait un certain sentiment de protection, me laissant penser que j’étais en sécurité à ses côtés. Même si je ne l’aurais jamais imaginé, j’avais besoin de quelqu’un comme elle, qui joue le rôle d’une grande sœur, pouvant même s’apparenter à celui d’une mère. Elle me rappelait cette femme que j’ai rencontrée au pays des cascades, Naoko. Même si elles ne se connaissaient sûrement pas, j’ai ressenti ce même sentiment auprès de toutes les deux. De plus, les paroles de la Kamikoru étaient réconfortantes. Selon elle, mon potentiel était énorme, et que j’étais capable de beaucoup de chose que d’autres ne sont pas capables. Entendre des paroles de ce genre faisait chaud au cœur. Maintenant, j’étais décidé à faire de mon possible pour l’aider lorsqu’elle en aura besoin, aussi bien qu’elle comptait le faire.

- Vous pouvez compter sur moi alors, je laisserai personne vous faire encore plus de mal !

Oui, la première personne que je vois s’en prendre à elle goutera à ma furie. Tout comme moi, elle a connu un passé douloureux, et je ne comptais pas que son présent le soit aussi.

Cependant, à mon plus grand regret, madame Krystal dû partir. Il commençait à se faire tard en même temps, et il fallait bien que cette rencontre se termine à un moment ou un autre… Enfin, je pouvais la revoir à n’importe quel moment, surtout qu’elle m’avait donné son adresse, pour m’inviter à manger un de ces quatre. Elle était même allée jusqu’à me promettre de m’offrir la plus grande glace du monde. Mon unique œil valide s’illumina alors. Y a pas à dire, elle avait bien compris mes goûts, et ma passion pour les glaces.

- Vrai ? J’suis impatient de la manger !

Tout souriant, je la saluai. Elle partit donc. Je n’étais pas vraiment triste, car j’étais persuadé que j’allais la revoir prochainement. On était dans le même village après tout, il n’était pas si grand que ça. Et puis, je sais où elle habite maintenant. J’étais vraiment heureux d’avoir pu la rencontrer, en plus d’avoir découvert un nouveau marchand de glace. Un débat s’ensuivit dans ma tête : lequel des deux faisait les meilleures glaces ? Dur à se décider… Le premier, j’en suis fan depuis très longtemps, et le second m’a régalé aujourd’hui uniquement… Mais dans les deux cas, ils étaient tous les deux talentueux. C’était sûrement des rivaux, qui se disputaient le monopole de la glace ! Et encore, d’après la jeune femme, il y en avait un troisième… Ce village était vraiment extraordinaire. Moi je dis : vive les glaces !

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