Yoru le régent. Yoru le borgne. Yoru le Lutin Fou. Tant d’appellations, pour désigner un seul homme. Tant de surnoms, pour décrire Yoru. Sa fonction, son physique, son mental, faisaient de lui un personnage inédit. Une grande tête de Kiri. Mais à force d'être surnommé, désigné par de nombreux sobriquets extravagants, le shinobi avait perdu sa réelle identité. Celle de shinobi appartenant au clan Ryūzoji. Un clan qu'il avait un peu mis de côté. Pourtant, il n'avait pas à le faire. Certains avaient perdu leurs familles au cours de la Grande Guerre. D'autres l'avaient renié, à cause de la philosophie de la famille, ou autres raisons. Le Borgne lui s'était juste distancé de ses proches. Il appréciait toujours son père, le vaillant Shozo. C'était par ailleurs grâce à lui, et ses enseignements, qu'il était parvenu à s'initier au Ninjutsu, à découvrir le pouvoir du Suiton ainsi que ce don inattendu, le Futton. C'était grâce à son soutien qu'aujourd'hui Yoru pouvait affirmer être vivant. Étrangement, dans son nouveau bureau appartenant au Mizukage, le blondin se sentait nostalgique. Lui qui habituellement respirait le dynamisme, la joie de vivre, se sentait envahi d'un sentiment bizarre, l'appelant à revenir à ses origines. Yoru devait revenir aux sources, histoire de se compléter. Depuis les événements survenus il y a deux ans au pays de la Cendre, et surtout avec le recul, le jeune homme ne se sentait pas lui-même. Du moins, il n'était pas totalement lui-même. Il lui manquait quelque chose, ou plutôt, il avait perdu quelque chose.
Par la force du hasard, le Lutin ne tarderait pas à retrouver cette chose qu'il avait égaré dans son ascension au titre de Régent de Kiri. En effet lui qui désirait revoir sa famille fut convié par son père à le faire par le biais d'un courrier. Une aubaine pour le cyclope, qui avait besoin depuis peu de changer d'air. Il commençait à en avoir déjà marre des corvées bureaucratiques que lui offrait son nouveau poste. En outre, son paternel l'avait quasiment appâté au bercail en lui quémandant de venir au castel du clan: il souhaitait lui montrer quelque chose. Il n'avait pas précisé dans sa lettre la nature de cette chose, intensifiant la curiosité de son fils. Shozo semblait plutôt bien connaître Yoru, puisque malgré les années, il avait su apprivoiser sa curiosité pour le faire revenir à son île natale. Dans un premier temps, le quidam renvoya une lettre à son père, favorable à la proposition de son dernier. Yoru imaginait déjà le visage de son père devant le contenu de sa réponse: un léger sourire en coin, plein de satisfaction. Après avoir répondu à Shozo, le Régent de Kiri organisa son départ. Le voyage serait bref, car malgré la localisation très nordique du territoire, la route était sûre et facile d'accès.
Une fois le départ effectué, le navire fit escale à deux reprises, pour se ravitailler en vivres et en énergie. Les marins manquaient d'huile de coude, et un peu de repos sur le plancher des vaches ne leur ferait pas de mal. Yoru fit de même, se lassant par moments du domaine étendue de l'océan. La mer de verre brisé se perdurait à perte de vue encore et toujours. Pour un homme habitué à vivre en compagnie de la mer, ce spectacle n'avait plus grand chose de magique. Du moins, pas totalement. Quelque part sur l'archipel de Mizu no kuni, il y avait un endroit particulier, qui éveillait encore et toujours le regard d'enfant du Régent. Cet endroit, il n'allait pas tarder à le retrouver, tout comme sa famille. Une famille qui l'attendait justement sur le quai de l'île. Quelques membres du clan des contrées septentrionales, dont un cousin et une cousine de Yoru. Cela faisait un moment pour certains qu'ils n'avaient pas vu la bouille de ce brave blondinet qu'était le borgne. Autrefois vêtu d'indigo, c'était avec une tenue plus mature et digne d'un souverain qu'il était venu se présenter aux siens. Le manieur de vapeur se sentait drôle, comme dépaysé. Au loin se dessinait l'importante forteresse de son clan, héritage conservé au cours des guerres. Devant lui, à seulement quelques pas de lui, l'étonnement souleva l'inquiétude, quant à la vue de ce bandeau couvrant un lourd souvenir de guerre. Depuis son départ du domaine familial, Yoru avait bien changé, et au cours de son séjour dans ce même endroit, il comptait bien encore évoluer. Il aspirait à dépasser ses frontières actuelles, en les repoussant, et surtout, il désirait dompter sa sauvage Folie.
