Il se baladait dans les bois. Ces bois sans cesse nuageux, comme si le soleil n'avait aucun droit en ces lieux. Il commençait à les connaître, à force. Enfin, connaître est sûrement un bien grand mot... Mais il commençait à trouver des repères. Un gros rocher, plat, idéal pour faire une sieste si seulement la lumière et la chaleur voulaient bien percer l'épais feuillage de ce sanctuaire végétal. Plus loin, il va tomber sur cet arbre majestueux, au tronc épais, aux larges racines noueuses qui plongent dans la terre comme avec avidité. Les branches mortes et les feuilles humides recouvraient le sol, et le seul bruit audible à des lieues était celui de la vie de la nature. Les pas et les cris des animaux ; le vent, les plantes. C'est tout.
Malheureusement, non. Dommage pour lui. Quelque chose vient se mêler à cette symphonie parfaite. Quelque chose qui n'est pas naturel. Quelque chose qui vient le déranger. Un bruit presque désagréable, un enchaînement de sons qui se répète sans cesse, toujours parfaitement identique. C'est léger, mais il l'entend quand même. L'ombre d'une grimace parcourt son visage. Le grincement d'une branche qui plie, des feuilles secouées, dont certaines n'ont plus la force de s'accrocher à leur arbre. Puis, quelque chose de sourd, comme un atterrissage, et on recommence. Ça vient de derrière lui, mais ça n'est pas loin. En revanche, ça ne va pas tarder à le dépasser. Celui ou celle qui se déplaçait avec vivacité, sautant de branche en branche, passerait à seulement quelques mètres de lui, mais ne le remarquerait probablement pas – à moins d'être à l'affût de chaque présence humaine dans son entourage, comme l'était Kaze.
Au moment ou l'individu passa au-dessus de sa tête, il put l'identifier comme étant un jeune garçon, peut-être de son âge, et qui semblait pressé. Apparemment, il se mouvait sur les cimes des arbres. Par facilité, ou pour une toute autre raison bien plus réfléchie ? Peu importait. En revanche, il se demanda ce que quelqu'un d'autre pouvait bien faire à cet endroit. Finalement, l'isolement était peut-être plus répandu parmi les humains qu'il ne le croyait. Le véritable mystère était le but final, derrière cette recherche de solitude. Comme il l'avait dit un jour, la solitude n'est pas un but en soi ; ce n'est qu'un moyen. Il en était probablement de même pour cette personne qu'il venait d'entendre passer. En temps normal, il n'y aurait accordé que peu d'attention. Mais sa curiosité le poussa inexplicablement à suivre le jeune homme. Le temps qu'il prenne sa décision, il avait déjà pris du retard. Cependant, il se savait capable de le rattraper – et, même s'il n'y parvenait pas, il ne s'en mettrait pas à chier des crêpes pour autant.
Il grimpa donc dans un arbre à son tour, avant de se mettre à passer d'une branche à l'autre, tantôt en sautant, tantôt en utilisant la bourrasque, histoire de gagner un peu de terrain. Comme il l'avait prévu, il finit par le rejoindre. En même temps, l'autre s'était arrêté. Enfin bon, tout ça pour dire qu'il allait finalement pouvoir satisfaire sa curiosité. Il n'était plus qu'à quelques mètres de l'inconnu lorsqu'il entendit la voix de celui-ci, quelque peu étouffée par la végétation, parvenir à ses oreilles. Trois mots, une phrase courte et explicite. Quoiqu'un peu trop agressive à son goût, même si le ton ne concordait pas. M'enfin, il allait pas lui en tenir rigueur non plus. Conformément aux souhaits de l'autre shinobi – il venait de remarquer la plaque de métal sur laquelle était gravé le symbole de Kumo -, il traversa les derniers feuillages qui les séparaient pour enfin se révéler à lui. Il était trois branches trop bas, et leva donc la tête, ses cheveux blancs tombant de chaque côté de son visage, avant de marmonner quelques mots – plus pour lui-même qu'autre chose.
"Et bah, la sympathie, ça a pas l'air d'être la spécialité à Kumo... On dirait Yugure, c'est juste moins vulgaire... Après cette remarque, il leva la voix pour la rendre plus audible, s'adressant bel et bien à l'inconnu, cette fois-ci. Le ton était tranquille quoiqu'assuré. C'est bon, tu peux te détendre... Je m'appelle Kaze, je viens de Kumo moi aussi. En fait, ça va sûrement te paraître bizarre mais quand t'es passé au-dessus de ma tête, je t'ai suivi juste pour te demander ce que t'étais venu foutre là, parce que bon voilà, c'est pas non plus tous les jours qu'on croise quelqu'un dans un lieu aussi paumé que celui-ci..."
En effet, vu la fréquence de passage dans ces bois...