Dans l'ensemble, Natsuki pouvait dire que tout s'était bien passé à Suna. Le Seigneur du Vent avait accepté de participer au premier examen Chûnin international – et même national tout court, en fait – de la nouvelle ère Shinobi, Natsuki n'avait été inculpé dans aucun incident diplomatique – deux termes qui revenaient sur toutes les lèvres dernièrement -, Yami ne s'était pas – trop – battu avec lui, Akio n'avait apparement plus explosé – à sa connaissance tout du moins – et seul Kuroba avait été perdu quelque part entre Konoha et Suna – sans surprise.
Natsuki était à peu près certain qu'il avait passé la frontière du Vent avec eux, mais un léger doute subsistait. Surtout que sur le chemin du retour, personne ne l'avait croisé non plus. Mais bon, l'on ne pouvait pas le reprocher au Nara tatoué, il avait averti que c'était un risque lorsque l'on partait en mission avec lui, et chacun avait signé la décharge de responsabilités.
Ainsi, plutôt que de perdre du tems à chercher ce qu'il était sûr de ne pas retrouver, Natsuki décida de profiter de son voyage retour avec Rioko pour rattraper le temps perdu : de mentor à étudiant, ils n'avaient pas eu le temps d'achever comme il se devait leur entretien d'équipe.
« Alors Rioko, comment avez-vous trouvé Suna et le Pays du Vent ? » demanda-t-il en guise d'amorce.
Ils avaient tout de même passé une semaine là-bas. Probablement deux si Natsuki n'avait pas fait presser le départ. Profiter de l'hospitalité, c'était bien, mais pas de celle de Yami.
« J'espère que vous ne regrettez pas d'être venu. Avec tout ceci, nous n'avons même pas encore trouvé le temps de conclure notre discussion sur mon équipe shinobi, Matsudaï, que nous avions débuté au restaurant du Septième Ciel. Enfin, s'il en restait quelque chose à dire après ce que vous aviez exprimé. Du coup, c'est surtout de mon côté que je dois compléter. A commencer par le fait que je sois moins disponible en hiver. A l'époque, je ne l'étais même pas du tout, mais avec l'usage intensif du chakra au quotidien par les shinobi du continent, la nature et le climat se dérèglent de plus en plus, et les hivers se font plus plus longs. Cela me forcent à faire donc tout de même quelques apparitions hors de la maison durant la saison froide. »
Pour une raison très terre-à-terre mais difficilement avouable en l'état.
« Pour ce qui est des leçons, je propose deux entrainements généraux par semaine, où la présence est fortement souhaitée. Mais si vous voulez davantage de leçons privées plus techniques, vous pouvez m'en faire la demande : je regarde alors pour nous trouver un créneau commun. Il me semble que nous avions établit que le corps-à-corps était un domaine dans lequel vous aspiriez à exeller, et dans lequel je peux vous enseigner beaucoup. »
Même si ce n'était plus la branche dans laquelle il était le plus performant : son histoire de vie l'avait conduit à renoncer à devenir le nec plus ultra du taijitsu et s'entrainer davantage dans le ninjutsu.
« Pour ce qui est des entrainements en groupe, nous verrons plus tard. Je n'ai pas très envie de vous présenter l'autre membre de Matsudaï actuellement. Ce seront donc des entrainements et des missions séparées qui auront lieu. »
Et ce n'était pas parce qu'il ne voulait pas présenter Rioko à Shigo, mais parce qu'il ne voulait pas présenter Shigo à Rioko.
Si cela ne tenait qu'à lui, il ne montrerait Shigo à personne, d'ailleurs.
A l'entendre, Ryoko semblait ravie d'avoir fait le voyage. Avec la sédentarité relative qui s'était installée depuis l'avènement des Villages shinobi, cela pouvait se comprendre : les Hayashi étaient des habitués des pèlerinages. Et quand bien même, le désert n'était pas le genre d'endroit où l'on s'attendait à en voir : le Pays du Vent avait tout pour dépayser.
« J'aime beaucoup cette nation aussi. Le climat est rude, mais le désert cache bien des trésors à découvrir, dont tous ne sont pas fait d'or et de diamants. »
Et il fallait faire attention à ce que l'on convoitait, dixit le Seigneur du Vent lui-même.
« La culture y est très riche, et les mers de sable laissent songeur sur tous les vestiges du passé qu'elles ont englouti et qui ne demandent qu'à être trouvés. Enfin, cela, c'est pour celui qui se sent aventureux : Suna à lui seul offre assez de divertissement pour ne pas faire regretter le séjour. Le musée des technologies Saibogu vaut le coup d’œil, par exemple. »
Natsuki avait en mémoire d'avoir passé de bons moments, mais peut-être était-ce seulement parce qu'il était en bonne compagnie. Le zoo mécanique lui avait en tout cas fait bonne impression : c'était agréable de fréquenter des animaux qui n'essayaient pas de l'agresser lorsqu'ils ne pouvaient pas fuir. Plusieurs photos témoignaient des souvenirs qu'il avait construit là-bas, même si le plus précieux d'entre deux eux pendait toujours à son cou, caché sous les vêtements. Les autres reposaient dans une boite, attendant d'être sortie dans un moment de nostalgie.
L'aspect plaisant de la discussion retomba toutefois, lorsque Rioko rassembla son courage et lui fit part d'un fragment de son passé, la raison pour laquelle elle avait prit les armes à l'époque. En silence, Natsuki l'écouta s'ouvrir à lui, ayant bien notion que c'était quelque chose qu'elle ne raconterait pas à n'importe qui.
« Merci de m'avoir fait part de tout ceci. J'ai conscience que ce n'est pas anodin comme confidence, et cela témoigne de la confiance que vous me portez. Si vous avez décidez de vous battre non pas pour la vengeance, mais pour que le schéma de votre histoire cesse de se reproduire avec d'autres, alors sachez que je serai à la hauteur de ce que vous attendez de moi. »
Il fera son possible, en tout cas.
« Nous sommes de la même génération, c'est donc sans surprise que nous avons une histoire de vie relativement similaire. Nous avons tous vu des proches tomber, parfois en se battant, parfois en nous protégeant, parfois parce qu'ils ont juste été prit dans une tempête qui ne les concernait pas. Et je pense que l'une des pires choses que nous avons à supporter est de savoir qu'ils sont morts pour nous. »
Et sans que l'on n'ai rien pu faire pour les sauver.
« J'ai décidé de fonder Matsudaï dans cette optique. Pour que les forts puissent servir de bouclier à ceux qui n'ont pas encore la force de se défendre, jusqu'à ce qu'ils en acquiert la capacité. La raison peut sembler classique, mais c'est un peu plus profond que cela. En effet, je forge les '' boucliers '' pour qu'ils ne puissent pas se briser. Je leur confie non pas le pouvoir de défendre à proprement parler, mais plutôt la capacité de ne pas céder. Je veux que les gens que nous protégeons n'aient pas à porter notre mort sur la conscience. Vous savez mieux que quiconque quel fardeau cela représente, c'est pourquoi je suis désormais convaincu que vous êtes la plus à même de comprendre la philosophie que je cherche à transmettre à travers Matsudaï : vous avez amplement votre place ici. »
Natsuki avait les mains pleine de sang. Il avait prit de nombreuses vies, autant qu'il en avait protégé. Mais aussi fort qu'il soit, il ne pourra jamais briser le cycle dans lequel il faisait partie. '' Protéger '' signifiait la plupart du temps '' tuer '', et donc infliger à certains ce dont il voulait préserver d'autres. Il en avait notion, mais il n'avait pas de solution. Il n'y avait pas de solution. Simplement se dire que l'on ne peut pas sauver le monde entier, et que sans voir l'ennemi partout, protéger sa Nation était déjà pas mal.
« Un proverbe dit '' un bouclier est plus utile qu'une épée, car il faut savoir se défendre soi-même si l'on veut pouvoir protéger les autres ''. J'en suis personnellement intimement convaincu, mais si vous préférez vous considérer comme une lame plutôt qu'un pavois, je vous entrainerai dans ce sens là aussi. Je n'ai pas pour habitude d'imposer ma vision du monde à autrui. Je peux ne pas être d'accord tout comme je conçois que l'on ne le soit pas avec moi, mais je suis toujours ouvert à la discussion et à l'argumentation. Ce sont donc les objectifs que vous vous fixerez que je vous ferai atteindre, et non ce que j'aurai décidé pour vous. Si cela vous convient, alors notre affaire est entendu. »
Natsuki s'efforça de lui sourire pour tenter de chasser l’amertume des souvenirs de Rioko récemment remontés.
« Par ailleurs, si nous entrons en relation de tutorat, nous passerons une quantité non négligeable de temps ensemble. Si vous êtes à l'aise avec cela, nous pouvons nous tutoyer : c'est ce que je fais d'habitude avec mes disciples. »
Tous sauf un, pour être exact. L'exception qui confirme la règle, pour ainsi dire.
Natsuki était touché par l'honnêteté dont Rioko avait fait preuve à son égard, et même si via la Racine, Shigo avait annoncé auprès des militaires de Konoha que le Nara tatoué servait de réceptacle à une créature surnaturelle suite à l'incident du Temple de Kyubi, lui ne se sentait pas encore prêt à toucher un mot à ce sujet à son étudiante.
"Il est fréquent de se perdre, Rioko. Marcher toujours droit, selon le chemin que l'on s'est décidé est difficile, car la réalité se charge bien souvent de multiplier les obstacles. Je pense que là est tout l'intérêt de prendre le temps de s'arrêter occasionnellement, afin d'une part de faire le point sur la route déjà parcouru, et de l'autre de bien s’assurer que l'on fait toujours bien cap vers la destination souhaitée. "
Dans un métier où l'on ne faisait pas toujours ce que l'on voulait, prendre le temps - et être capable - de se remettre en question était essentiel. Quand l'éthique et la nécessité n'étaient pas toujours compatibles, quand les actes devaient passer outre sa moral, les êtres humains changeaient.
" En ce sens, je donne ici toute l'importance à notre nindô, le reflet de la vie professionnelle que nous souhaitons mener. Il arrive que notre nindô évolue en même temps que nous, confronté à ce que nous vivons et aux expériences que nous traversons, mais il ne le fait jamais à notre insu. Je le considère donc comme une balise, un phare qui nous ramène sur la route que nous nous sommes fixés lorsque d'aventure nous nous égarons sur les travers de notre parcours. "
Puis après avoir dit cela, Natsuki fit une grimace demi contrariée.
" Le problème est que beaucoup des jeunes étudiants dont j'ai eu à m'occuper n'en avaient pas. Je ne dis pas qu'il faut absolument s'en fixer un, pas plus qu'il nous collera toute notre vie, mais je juge important d'y réfléchir un minimum. En avez-vous un, Rioko ? " lui demanda-t-il poliment. " Un nindô qui traduit qui vous voulez être, et non pas qui vous êtes. "
C'était un peu le sous-titre de l'équipe de Matsudaï, et l'une des philosophies de vie de Natsuki : traiter autrui comme il pourrait être, afin qu'il le devienne, plutôt que comme il est, car il le resterait alors. Et l'air de rien, cela marchait même avec les causes les plus désespérées. En témoignait Yami, où Natsuki avait senti de très légers changements - en positifs - entre eux, après des années et des années d’essais infructueux. Hélas, il ne pouvais pas en dire autant de Shigo...
" Quant à la colère... La colère est une des sources de force les plus extra-ordinaires qui soient. Mais c'est aussi la plus instable, la plus incertaine, et la plus dangereuse. Compter sur sa colère pour progresser est destructeur pour soi-même dans tous les cas, dans la victoire comme dans la défaite. Cela revient à danser en permanence sur le fil du rasoir, sans pouvoir s'autoriser le moindre faux-pas. Canaliser sa rage et la changer en force pour avancer est possible, mais cela nécessite une maîtrise absolue dessus. Une maîtrise absolue de soi-même. Cette maîtrise, je peux vous l'enseigner, si c'est la voie que vous désirez vraiment emprunter. Mais je connais mon sujet là-dessus mieux que quiconque, et je ne saurai que trop vous le déconseiller : il en résulte beaucoup trop de cicatrices. "
Des cicatrices qui n'étaient pas que physiques.
" Mais assurément, vous apprendre au moins à ne pas vous laisser dévorer par elle, cela est sans risque, et vivement conseillé. A plus forte raison que vous en êtes capable : de votre propre aveux, vous avez réussit par vous-même à Suna, n'est-ce pas ? Ce pourrait être une bonne préparation pour ce qui se prépare dans l'avenir pour les trois Villages de ce continent. "
Il n'en révéla pas plus sur le sujet, et sa conclusion exprima implicitement qu'il ne comptait pas le faire. Rien n'était encore certain à l'heure qu'il était pour un examen Chûnin international, surtout avec le problème de la fumée violette qui n'était pas un incident isolé, mais se préparer aux épreuves à venir n'étaient jamais perdu.
Surtout lorsque l'on ne savait jamais vraiment à quoi l'on allait avoir affaire.
Natsuki haussa les sourcils devant la question de Rioko, mi-gêné mi-contrarié. Avait-il été trop implicite pour que la subtilité glissée par son regard dans son message ne soit pas passé ?
« Je ne suis pas censé en parler trop ouvertement pour le moment, alors puisque tu te montres curieuse, je ne vais pas trop m'étaler non plus sur le sujet. Mais en gros, nous allons probablement encore avoir des contacts avec le Pays du Vent. Des contacts pacifiques, je l'espère. Suna a jadis envoyé ses représentants à Konoha, et en retour, nous venons d'en faire de même. La prochaine étape serait de faire se rencontrer nos dirigeants respectifs. Yami pour le Sable, et le prochain Hokage pour la Feuille. »
Et à tous les coups, Yami allait faire la/ se sentir supérieure. Parce que 1 ) c'était racial des Ketsueki, et 2) elle était une Daimyo face à un(e) '' simple '' Hokage.
« Et qui dit rencontre entre dirigeants de cette envergure dit grosse armée derrière. Si la Daimyo vient, ce sera avec de l'effectif militaire, Konoha sera en conséquence en ébullition. Et en fonction de comment s'est passé le rendez-vous de Kihran, nous pouvons même nous attendre à trois armées en station au même endroit – même si deux ne seront qu'un fragment, présent pour la forme. Donc en prévision de cela, il va nous falloir être prêt. Se préparer au pire, espérer le meilleur, et faire face à la réalité. Chouette programme, hé ? »
Ce qui était un peu le quotidien des ninja, et la raison pour laquelle ils s'entrainaient plus ou moins assidument : car l'on ne savait jamais quand l'on allait faire face à plus fort que soi. Natsuki en fit d'ailleurs la remarque :
« Et à quand bien même l'avenir a l'air radieux et que l'on ne s'attend à rien de particulier, il vaut mieux garder son corps prêt à l'action. L'esprit n'a pas toujours besoin d'être sur le qui-vive, c'est mauvais pour la santé, et il peut de toute façon changer rapidement d'état au besoin. Le corps par contre n'est et ne reste que dans l'état où l'on le laisse. »
Il marqua une pause pour porter un regard compréhensif sur Rioko.
« Rassure-toi, nous n'allons pas commencer de suite demain un entrainement draconien. Je vais te laisser récupérer de ces longs voyages quand même. Mais dans trois jours, ce serait bien que nous commencions. Et avant que je ne te déçoive, sache que ce sera un entrainement beaucoup plus mental et spirituel que physique dans un premier temps. Je laisse cette partie-là à tes bons soins, que tu gères déjà très bien. »
En y repensant, Natsuki se faisait vieux, et avait lui aussi besoin de pauses. Il était devenu moins actif ces derniers temps, et mettait beaucoup plus de temps à faire les choses. Il ne donnait des signes de vie dans l'historique de présence que pour rendre public ce sur quoi il travaillait, quand bien même il continuait de bien surveiller chaque jour le flux d'activité. Il espérait que ce soit passager, mais il avait comme un doute. Il se sentait fatigué.