Je suis une jeune adolescente qui a fêté son dix-septième anniversaire au Pays du Givre il y a une dizaine de jours. Je suis née en Hiver dans les montagnes où vit mon clan depuis des temps reculés. Il n’y avait pas un jour où mon frère ne se moquait pas de ma taille ; je ne suis pas petite, mais lui mesurait plus d’un mètre quatre-vingt-dix, donc avec mes vingt-cinq centimètres en moins, je suis une naine à côté de lui. J’ai les yeux gris bleus de ma mère et les cheveux d’ébène de ma grand-mère. Je m’habille des vêtements artisanaux que ma mère me coud, aux couleurs d’or et de carmin. Je n’ai ni tatouages, ni marques, ni scarifications, mais ma peau est rugueuse et dure, travaillée par le froid et les conditions rudimentaires dans lesquelles je vis depuis que je suis née. Vivre au contact de la Nature m’a permis d’être forte et endurante. Le temps m’a forgé un corps puissant, mais un mental d’acier également.

Mes parents sont loyaux, bons et affectueux. J’ai évolué et grandi à leur image, baignée dans les traditions du clan auquel j’appartiens : le clan Suishô. Contrairement à ce que je me suis imaginée toute ma vie, mon clan n’est pas un clan d’artistes talentueux uniquement. Nous sommes aussi des guerriers, reconnus, haïs et persécutés. Lorsque j’étais enfant, mon père m’avait raconté qu’un clan voisin nous jalousait. Je n’avais pas compris à l’époque que ce n’était pas une bonne chose. J’étais remplis de fierté et d’orgueil à l’idée de savoir qu’on jalousait mon clan. Mais ce n’est que récemment que j’ai compris les répercussions d’une telle hostilité : la peur, la haine et la mort. La Grande Guerre n’a pas seulement mis un terme à cette fierté, mais elle a formé dans mon être une tristesse profonde. Je comprends pourquoi mes aïeux se cachent et vivent en accord avec la Nature. Aujourd’hui, je partage cette pensée, cette patience et cette solitude qui caractérisent les miens. Tout l’inverse de mon frère, qui était allumé par un esprit vengeur et colérique. Je l’ai perdu peu après le début de la Grande Guerre.

Réputation : Je suis connue dans mon clan depuis mon plus jeune âge parce que je suis muette. Je n’étais pas traitée comme une intrus, au contraire. L’affection de ma famille et de mes proches a rendu l’acceptation de cet handicap très simple.

Devenir un guerrier dans le clan des Suishô était assez compliqué. Je me souviens que l’on devait se cacher constamment, tout le Pays cherchait à nous anéantir, encore aujourd’hui nous sommes mal vus. Avec l’Empire grandissant, il était hors de question de sortir de nos montagnes. Nos forces militaires sont maigres et l’ont toujours été. Les Suishôs sont pacifiques, artistes dans l’âme depuis toujours ; contrairement aux Samuis. Pour autant, mon frère, qui était unique en son genre en avait fait son objectif principal. Devenir un Shinobi était cher à son cœur, il voulait protéger et pourvoir, comme notre père le lui avait appris. Personnellement, je n’ai jamais pensé qu’un jour je deviendrais une Kunoichi moi-même. Sculpter mon cristal était reposant et je ne voyais pas comment tourner un art aussi magnifique en une arme mortelle. Mais le courroux de l’Empereur ne nous a pas laissé le choix.

Encore aujourd’hui, je me remémore le visage de mon frère, lorsqu’il avait gagné sa première bataille contre un clan ennemi au nôtre. Ses yeux brillaient comme des diamants polis. Je lui avais souri, mais au fond de mon cœur, j’avais peur pour lui. Nous étions proches, c’était mon meilleur ami et ainsi je respectais ces décisions et je l’encourageais du mieux que je pouvais. Mais son but final était de prendre part au combat contre l’Empereur. Nombreux sont les guerriers de notre clan qui ont laissés femmes et enfants en deuil en poursuivant ce but. Mais malgré mes doutes et mes peurs, il me rappelait sans cesse que le Schisme avait tout détruit et que notre clan devait se dresser face à nos nombreux ennemis. Contraitement à lui, je n’ai jamais été une personne forte, remplis de convictions, prête à me sacrifier pour un objectif qui me semble irréalisable.

Nous étions devenus des fugitifs qui se terraient comme des animaux, des proies apeurées qui se demandaient bien ce qu’ils avaient pu faire pour mériter une telle haine à leur égard. Je m’en contentais, contrairement à lui. Un jour il m’avait dit qu’il préférait mourir plutôt que de rester caché sous la peur.

Il avait raison.
Pourtant, aujourd’hui, je me trouve devant son tombeau de cristal. Son visage est figé dans une douce tristesse. Cela fait presque trois ans que je l’ai perdu. J’ai participé à son Embaumement. Si j’avais pu, j’aurai hurlé de désespoir et de rage lors de la cérémonie. Mais au lieu de cela, mon cœur a façonné un anneau de cristal que je porte en sa mémoire.

La nouvelle d’une rébellion émergeante contre le Kamui ne l’avait pas laissé de marbre. Il avait été l’un des premiers volontaires pour rejoindre les forces rebelles. J’étais fière de lui, il avait accompli tant de choses pour notre clan et sa force m’aidait à continuer cette vie qu’était la nôtre. Lorsqu’il est parti au combat, il était le plus grand, le plus courageux. Ils n’étaient que très peu à s’en aller à la bataille, mais leur courage n’avait d’égal que leur volonté de protéger leur peuple, et rien, absolument rien ne les a ébranlés.

Jamais je n’ai rencontré une telle force émanée d’une personne. Mon frère était mon abri, mon roc. Mon frère me faisait vivre.
À présent, je vis pour lui.