Le personnel dans la salle d'opération était limité à son strict nécessaire, ce qui incluait Docteur Goodenought et son patient. Le second était allongé sur la table prévu à cet effet et recouvert d'un simple drap, tandis que le premier réunissait tout le matériel dont il aura besoin et l'installait à porté de main.

« Vous êtes sûr de votre choix jeune homme ? » lui demanda Dr. Goodenougt alors qu'il lui désinfectait le bras de Kentaro pour poser une voie veineuse convenable. « Je veux dire, vous n'aurez pas de regret après ? Je n'ai personnellement jamais comprit ce choix que les personnes font, et croyez-moi, il y en a plus que vous ne le pensez qui viennent demander cette opération. Comme si la guerre et votre métier ne faisait pas déjà assez d'accidents et de conséquences comme ça, il faut en plus que vous autres décidiez de demander des opérations de ce genre. Sincèrement, c'est bien parce que nous sommes dans une période entre deux tempêtes que nous acceptons de pratiquer ce genre de chose là. Autrement, nous donnons la priorité à de vraies victimes, celles qui se sont retrouvées ainsi à l'insu de leur plein gré. Enfin... je suis médecin, j'ai vu de tout en terme de patients : je sais ce que c'est quand quelqu'un n'arrive pas au résultat qu'il espère malgré tout ce qui est possible d'être mit en place l'aider. Je sais comment ça cogite à l'intérieur du crâne – je m'y connais beaucoup en folie humaine -, aussi ce n'est pas plus mal que vous veniez nous voir pour cela plutôt que de le faire vous-même dans votre coin, où là ça pourrait se passer très mal, et nous ensuite nous aurions beaucoup de mal à rattraper le tout : des gens sont déjà morts comme ça, et ils n'ont rien gagné en définitif. »

Un flacon dans une main, Dr. Goodenought en remplissait de l'autre une seringue avec le contenu trouble, puis en chassa l'air pour ne conserver que le produit.

« Beaucoup ne demandent qu'une anesthésie locale pour cela, mais je vous annonce que si c'est votre choix, c'est hors de question. Cela se passe trop souvent mal pour la personne qui commence à s'agiter lorsqu'elle nous voit débuter, même si nous cachons le tout avec un drap. Il y a même eu une imbécile une fois qui croyait pouvoir supporter l'opération sous hypnose. Le plus gros imbécile de l'histoire a été à mon sens le chirurgien qui a accepté... Mais bon, la question ne se pose pas pour vous, ce sera une anesthésie générale. Je ne vais pas vous parler de l'opération en détail, car d'une part la procédure ne vous intéressera sûrement pas, et de l'autre l'anesthésiste à la blouse tâchée de café à déjà dû vous en parler au cours de votre consultation précédente. Sachez juste que tout se passera sûrement bien : j'ai déjà eu à opérer des blessures bien pire que celle que je vais vous faire. »

Le temps que l'anesthésie agisse, Dr. Goodenought observa la jambe de son patient pourvu de larges pointillés, et soupesa la hachette stérile dont le tranchant brillait sous la lueur du néon au-dessus de la table.

« Donc c'est ici que je dois...»
« Docteur ! Stop ! » l'interrompit un autre médecin en entrant en trombe dans la salle d'opération. « Le stagiaire à la réception a fait une erreur et a échangé votre numéro de salle avec un autre ! »
« Oh ? » répondit le Dr. Goodenought avec flegme. « Ce n'est donc pas lui qui a la phobie de sa jambe droite et qui veut la faire amputer ? »

Il désigna Kentaro encore loin d'être anesthésié, avant de lui adresser un regard satisfait en coupant le pousse-seringue électrique administrant le produit.

« Je me disais bien que vous n'aviez pas l'air assez bête pour souffrir d'une peur phobique de ce genre là. Je sais les sentir à des kilomètres d'habitude ces gens là. »

Il reporta ensuite son attention sur le médecin ayant évité par son intervention l'incident médical.

« Et du coup, quelle est l'opération pour lui ? Maintenant que tout est déjà en place, je dois pouvoir m'en occuper. »
« Il est prévu qu'il se fasse greffer la Marque du Destructeur. »
« Oh. » lâcha Dr Goodenought d'une voix plus impliquée soudainement. « Il vaut effectivement mieux que ce soit moi qui m'en charge. Nous avons tous vu la dernière fois comment ça se passe quand ce n'est pas un Sabakyo ou le Dr. Strangelove qui s'en occupe. Et comme ce dernier est en vacances en ce moment... »

Dr Goodenought se tourna à nouveau vers Kentarô.

« Je vais vous répéter ma question du tout début. Vous êtes sûr de votre choix, jeune homme ? Si c'est le cas, vous pouvez tous quitter la salle. Il n'y aura besoin que de moi et lui. »

Kentaro ne comprenait pas trop, c’était quelque chose ce qui se passait ici même. Il était dans une sorte de blouse blanche en plastique mal repassé. Et pour sublimer le tout, la raie du cul à l’air il écoutait les dires incompréhensibles du médecin qui était là pour lui.

Un homme assez massif avec un faciès des plus intriguant, un chtulu sur deux pattes. A se demander si il n’avait pas trop regardé un peu trop de courts métrages animés asiatiques particuliers.

Sa jambe avait été marquée de large pointillé et le chirurgien lui faisait une véritable leçon sur les risques de l’opération qui allait advenir, que cela changerait son futur à jamais et que pouvait sûrement le conduire à la morgue.

Le Hyo savait que la pose de la marque du destructeur pouvait être dangereuse pour son corps et les gens autour, voilà pourquoi donc il était venu à l’hôpital afin que tout soit surveiller et éviter ainsi les contaminations. Puis il ne voulait pas mourir pour un gain de puissance, du moins pas dans ces conditions.

C’est alors que l’homme, à la fin de ses explications, s’empara d’un ustensile de travail qui avait plus la place dans la boucherie au coin de la rue que sur une table d’opération.

Kentaro était inquiet, et sentait monter en lui une montée d’adrénaline qui ferait de lui un véritable contorsionniste pour éviter la lame tranchante afin d’envoyer sa main valser dans les tentacules. Mais alors que cette idée saugrenue lui traversait l’esprit un homme pénétra dans la salle d’opération en criant, stoppant le poulpe dans sa lancée.

Ouf juste un temps, et encore un putain de stagiaire, sans doute en stage découverte avait fait une erreur et faillit causer la perte de la jambe de Kentaro. Il espérait fortement qu’à la sortie il ne tomberait pas devant un de ses élèves qui serait condamner à suivre les cours de dessin en tant que modèle nu.

Pendant ce temps, le docteur chtulu posa d’autres questions à ses collègues et comprit alors le pourquoi du comment de la présence du Hyo, lui demandant alors si il était totalement préparé à la pose du sceau.

Kentaro, le regarda alors et d’un signe de tête rajouta :

- Oui je suis prêt.

« Bien. Allez me chercher le matériel nécessaire, et basculez le système de ventilation sur le secteur quatre, pour les pathologies volatiles hautement infectieuses. »

Ce qui offrit un temps au Dr. Goodenought pour changer le produit à injecter dans le pousse-seringue électrique.

« Contrairement à une simple amputation, je ne vais pas être en mesure de pratiquer d'anesthésie générale : cela vous tuerai pendant l'opération. L'anesthésie locale quant à elle, en plus de n'être que d'une efficacité relative, entraine la plupart du temps une impotence fonctionnelle majeure de l'organe ciblé. Vous ne vous sentez pas particulièrement chanceux aujourd'hui, n'est-ce pas ? »

Ce n'était pas vraiment une question.

« Je vais vous injecter un antalgique communément nommé '' morphine '' afin de soulager la douleur de l'opération, mais ne comptez pas trop dessus : vous n'aller planer que jusqu'à ce que je commence le marquage. Ce n'est qu'alors que vous commencerez à avoir des regrets. »

Dr. Goodenought montra à Kentaro un appareil qui pouvait certainement se faire passer pour un cousin éloigné du piège à loup.

« Vous aurez ceci dans la bouche pour m'offrir un accès privilégié sans vos dents, car les sangles pour vous immobiliser ne vont pas suffire à vous tenir en place. Vous ne serez donc plus en mesure de parler. Mais vous pourrez toujours penser. »

Il lui plaqua sa main spongieuse sur le front, ce qui à défaut de laisser un sceau imprima une marque sur sa peau.

« Vous aurez au moins la possibilité d'implorer que je vous achève : car une fois le travail commencé, je ne pourrai pas m'arrêter avant d'avoir terminé si vous voulez avoir une chance - non garantie - d'y survivre. »

« Je ne vous dirai pas que je ne comprends pas ce qui pousse des individus comme vous à se damner de la sorte alors qu'ils ont eu la chance de naître sans le fardeau imposé par la génétique ou la culture. Justement parce que je sais pourquoi : la folie humaine reste mon premier domaine d'expertise. Il existe mille façons de devenir fort, mais elles demandent du temps, de la patience, des efforts. Et tout va beaucoup trop vite dans ce monde. Le temps, personne ne l'a. Les efforts, personne ne veut les faire. La patience ? A quoi bon, quand il existe des raccourcis comme celui-là ? Se maudire pour le restant de sa courte existence n'a pas d'importance si le gain de puissance est immédiat, dusse-t-il se faire dans la souffrance et le risque. C'est la vie que mène les shinobi, après tout. »

Dr. Goodenought commença à serrer les sangles des jambes, des bras, du bassin et de la tête. Il attendait toujours son matériel.

« J'avoue avoir trouvé toujours une certaine fascination pour l'espèce humaine, dans ses choix et sa manière de vivre. Sans jugement de valeur ni rien, vu que nous avons un peu de temps devant nous, si vous me racontiez ce qui pousse un jeune homme robuste comme vous à s'infliger un supplice pareil alors qu'il a tant d'autres possibilités offertes à lui ? »

Il régla la hauteur de la table d'opération pour la baisser, et s'installa près de son patient pour l'écouter s'il voulait parler : c'était peut-être les paroles que ce dernier allait prononcer.