La tension est à son comble tandis que mon adversaire ne me lâche pas du regard. Je mime de mes lèvres un bisou, ce qui provoque un sifflement rageur de sa part. La psychologie mon bon monsieur, la psychologie! Autours de nous un cercle s'est formé et nous encourage à poursuivre la bataille. Il est vrai qu'il est rare de voir pareil duel dans ce qui me sert de bar. La plupart du temps ça se résume à mon pied s'écrasant contre les fesses d'un éventuel poivrot trop stupide pour quitter sa chaise lorsque je le lui demande. Seulement, là, c'est moi qui suis dans ce rôle. Et ce serait indécent qu'on me vire de mon propre établissement tout de même, non? Enfin il y a bien eu un précédent ou deux mais je ne m'en souviens que vaguement alors bon...

Je lève le verre devant moi et le porte à ma bouche. Un mouvement sec du coude me permet d'en gober le contenu avant de pousser une grimace qui n'a rien de feinte. L'alcool de cobra est sûrement le plus puissant que j'aie jamais eu l'occasion de boire. Et pourtant pour boire, j'ai bu. Mais là c'est du tout autre level! Un truc à vous rendre cinglé! Et si ma gorge proteste c'est pour mieux confirmer ce que je sais déjà: ce breuvage déchire sa race! Ho que oui!

Alors je ferme un oeil pour affiner ma vision et déceler l'irritation - et l'appréhension? - de l'autre con. C'est son tour maintenant. Et au cas où il aurait un doute je le lui confirme en écrasant le verre sur la table qui nous sépare. Prothèse Saibogu oblige, il explose sous la pression. Mais c'est pas grave, j'en ai d'autres. Et puis ces petits jeux à boire me rapportent pas mal d'argent au final. Peut-être même plus que l'ensemble des poivrots du bar. La seule astuce, finalement, consiste à rester debout jusqu'à ce que l'autre se couche. Littéralement!

"Ton tour!"

L'autre s'exécute avec plus de brio que ce à quoi je m'attendais. Mais il ne termine pas son verre. Du moins, pas totalement. Ce qui a le don de m'irriter. Spécialement lorsqu'il argue que j'ai mal vu et que je suis un tricheur. Alors ce qu'il se passe dans ce genre de cas ben... se passe! Et il ne faut pas bien longtemps avant que je me retrouve avec un couteau sous la gorge et que le canon de mon flingue s'enfonce dans la narine de l'indélicat. Là, à moitié perchés sur la table qui nous sert de ring, on se contemple avec la lucidité qu'il nous reste encore!

"Tu sais à qui tu parles ouais?"
"Un mort en puissance, mon pote! Un mort en puissance..."

Et alors que je m'apprête à appuyer sur la gâchette un peu trop sensible de mon arme une jeune femme parvient à nous séparer. Plutôt mignonne, d'ailleurs. Suffisamment pour nous calmer et nous rappeler que nous sommes dans un village militaire. Et que je n'ai plus vraiment le droit de tirer sur tout ce qui passe si je compte rester en liberté. Alors je soupire et j'accepte de partager la mise. Pouf, retour à la case départ! Tout ça pour rien...

Le temps d'aller dans la ruelle derrière l'établissement pour me faire gerber - technique de bôgoss tahvu? - et me revoici revenu à ma table. Si je veux tenir toute la soirée je suis bien obligé de passer par la case "j'en fous partout" sinon ça ferait déjà longtemps que je serais en train de pioncer quelque part sous une table. Pas le choix! Faire rentrer des ryos, ça veut aussi dire se sacrifier! Reste à trouver les bons adversaires!

Justement, en parlant de ça: une silhouette qui me semble féminine passe dans mon champ de vision. "Semble" car il est difficile de discerner ne serait-ce qu'un seul morceau de peau sous cette cape à capuchon et cet amas d'écharpes. Je sais bien que les nuits sont fraîches mais... tout de même! Est-ce un signe? Parce que quelqu'un qui a l'habitude de boire - et qui est bourré, surtout - ben il a pas vraiment froid. C'est la magie de l'alcool! Et la cause de quelques décès, aussi...

"HEY TOI!" heu.. j'ai vraiment gueulé? "Toi, là! Miss je m'assume pas! Tu te crois capable de battre un vieil ivrogne à son propre jeu?"

Ça c'est la partie où j'appâte le pigeon avec quelques ryos qui semblent faciles à gagner. Mais faut pas s'y fier, hein? J'ai beau avoir pas mal bu j'en ai encore sous le capot. Et si vraiment je me pencherai sous la table pour gerber dans une technique de scellement. C'est de la triche, ouais! Mais comme on dit: pas vu, pas pris! Hé ouais!

"Si tu gagnes je t'offre tout ce que tu voudras boire! Pendant une année entière!"

En même temps... Je vois pas quelqu'un avec un gabarit pareil mettre à terre le prince de la descente! Ou alors c'est qu'il faudra que je songe sérieusement à la retraite! Ce qui est un peu con dans la mesure ou je viens à peine de rejoindre les shinobis de Suna...