Rats de laboratoire [Jisetsu Hiyori]

"MONSIEUR ! VOUS NE POUVEZ PAS ENTRER ICI !
-J'AI AUCUN ORDE A RECEVOIR D'UN SCIENTIFIQUE DE SECONDE ZONE !
-SÉCURITÉ ! ARRÊTEZ-LE, ENFIN !"
Un brusque fracas retentit, suivi d'une explosion. Bientôt, tout le couloir fut remplir d'une épaisse fumée blanche. Emergeant du nuage, courant aussi bien que possible dans sa longue blouse blanche, Jirô traversant dans un sprint magnifique le corridor.
*MAIS T'ES VRAIMENT CON MA PAROLE ! Je croyais qu'on était venus ici pour repérer les lieux et voir si on pouvait pas se dégoter une place ! Pas pour se mettre à dos tout le bâtiment !
-J'ai pas pu résister ! Ils faisaient n'importe quoi, tu l'as bien vu ! Des scientifiques comme ça, avec aussi peu d'ambition et autant de moyens ça me rend dingue ! Qu'ils retournent cultiver des géraniums, ça leur fera les pieds ! Mais qu'ils laissent les laboratoires à ceux qui en ont vraiment besoin !
-Fallait leur expliquer avant de mettre le feu à leur machine ! A quel moment tu t'es dit que c'était une bonne idée, exactement ?
-Ils allaient en faire n'importe quoi ! Comprends moi, j'ai ces bestioles-là dans l'âme ! Qui sait à quels traitements ingrats ils allaient la réduire, la pauvre choupette ? Elle qui est faite pour les tâches les plus nobles !
-C’ÉTAIT UNE PUTAIN DE TONDEUSE A GAZON !
-C'EST RACISTE !*
Jirô dérapa dans un virage, percutant au passage une jeune aide-laborantine aux bras chargés de produits de toutes les couleurs.
"Dégagez, maladroite !"
Il disparut dans un autre couloir, plongé dans la pénombre, sans entendre le "Malotrou !" qui lui parvenait au loin. Après quelques minutes supplémentaires de course dans cette partie a priori déserte du bâtiment, il s'arrêta finalement et s'appuya contre un mur, le souffle haletant.
*C'est vraiment prodigieux qu'on soit encore en vie ...
-Sans commentaire, s'il te plaît.
-Tu admettras tout de même que ...
-STOP ! Pas un mot de plus.*
Le silence se fit instantanément dans l'esprit de Jirô. Son frère le boudait, maintenant, c'était certain. Tant mieux, ça serait toujours un poids en moins sur sa conscience. Il s'aventura un peu plus profond dans le corridor. Le plafond en était haut, à tel point qu'on distinguait à peine ses arches dans la semi-obscurité. Il n'y avait aucune fenêtre donnant sur l'extérieur, dans cette aile-là. Tout était plongé dans un silence profond, à peine troublé par les bruits de pas de Jirô sur le sol dallé. Il laissa glisser ses doigts sur la surface des murs. Ils étaient froids.
"Y'a quelqu'un ?"
Il n'eut pour réponse que l'écho de sa voix qui se perdait dans le vide.
"Et bien, et bien. Je me serais perdu avec tout ça ?"
Une première visite pour le moins percutante au Complexe scientifique de la capitale. Lui qui espérait y trouver un havre des sciences, un paradis à la hauteur de sa démesure ...
Voilà qu'il vagabondait dans des couloirs déserts.

Spoiler:

Ce genre d’espace complètement refermé et à l’extrémité de l’aile du bâtiment scientifique reçoit peu les rayons du soleil, alors qu’il est exposé au nord. L’une des raisons essentielles pour lesquelles la chaleur ne l’affecte que très peu. C’est pour cette même raison que Jirô se trouve dans l’aile réservée aux recherches biomoléculaires, un lieu où l’entretien au frais est bénéfique pour toute découverte. Exposer ce genre de travaux à une chaleur naturelle trop élevée rendrait inefficace ou tangible toute découverte intéressante. Dans ce sens, c’est également l’une des raisons pour laquelle l’aile est fréquemment parcourue par des médecins spécialisé, ou encore des Jisetsu enclins à la recherche. Mais aujourd’hui, jour de culture où l’attente prime avant tout, personne n’est vraiment présent dans les environs.

Aucune surprise à ce que l’Asai se retrouve seul. Au moins ici, il peut se planquer de ses poursuivants qui sont prêts à tout pour lui mettre la main dessus. Dans cette atmosphère silencieuse et tranquille, presque lourde, le jeune étudiant en perd un instant sa concentration alors qu’il touche du bout des doigts le mur qui se trouve à proximité, pour constater sa fraîcheur.
Est-il surpris lorsque ce dernier s’effrite à son contact ? Partant d’une petite fissure, celle-ci prend plus d’importance et les graviers sont rapidement à ses chevilles. Mais le plus surprenant ne vient probablement pas de cette dégradation accélérée ; plutôt de la main qui s’extirpe du mur comme lors d’un film d’horreur où zombies et autres horreurs s’apprêtent à bondir de l’endroit le moins attendu !

Rapidement, une main ferme saisit le poignet du gringalet, pendant qu’un visage couvert de cicatrices et d’une sévérité marbrée dans un regard sombre fait son apparition de l’autre côté du mur. L’homme renforce son emprise pour s’assurer que le jeune homme ne s’échappe pas ! Sa voix sort de la cavité en même temps que son corps d’adulte.

» C’est une erreur de penser pouvoir échapper à la surveillance de ces laboratoires ! En particulier dans cette aile précise du bâtiment ! Personne ne peut se permettre de perturber ainsi l’organisation des lieux, peu importe son opinion sur ce qui est fait ici !

Pas de doute, ces pupilles brillantes sont un rappel clair du Dôjutsu unique des Jisetsu, dont la démonstration sur ce mur vient d’être faite ! Il s’agit d’Hiyori, l’un des membres de la branche combattante ! Une véritable surprise qu’il se trouve sur place ! On eut plutôt pensé y trouver des membres de la Branche principale attachée aux sciences, comme son cadet Kotaro ! Qu’est ce qui peut bien justifier sa présence en ces lieux ?!

» Il n’y a aucune raison tangible et logique à ce que tu aies fait un tel tapage dans ces couloirs, et les dégâts ont été importants ! Crois-moi : avec le nouveau seigneur d’Iwa, tu risques fort de payer une lourde amende, dans le crédit comme dans le sang ! Dans des temps aussi bouleversés où nous devons nous reconstruire, on n’a pas le temps de s’occuper des petits larcins ! Le Seigneur Oterashi fera certainement un exemple de ton cas !

Il ne lâche rien, et sa poigne n’a rien à envier au précédent Maître du Shukaï ! C’est un véritable bloc de marbre ! Comment va bien pouvoir s’en sortir le jeune savant fou, à la légèreté aussi simplette ?!

Jirô frissonna en sentant la pierre du mur se refermer sur son poignet. Un instant, il hésita à se retourner pour constater par lui-même d'où lui venait cette soudaine étreinte. Lorsqu'il baissa les yeux sur sa main, il sentit aussitôt la sueur perler au coin de ses tempes.
*Oh, merde ...*
La voix qui s'ensuivit n'eut rien qui pût le rassurer. Il tourna instinctivement les yeux dans la direction de laquelle venait la voix en question, seulement pour distinguer la lumière de deux pupilles dorées dans la pénombre du couloir. Un Jisetsu ? Il est vrai que ces gens-là avaient un certain intérêt pour les sciences, d'après les rumeurs. Pas étonnant, partant de là, qu'ils aient trouvé leur place dans un complexe de ce genre. Il n'en demeurait pas moins que celui-ci n'avait aucunement l'air d'être un scientifique. Son corps couvert de stigmates et la technique dont il venait de faire usage -était-ce du Dôton ?- trahissaient son appartenance au corps militaire. Qui était-il vraiment ? Un garde du complexe ? Un agent de sécurité sur-entraîné ? Un simple passant ?
Les menaces qu'il proféra en disaient, elles aussi, assez long sur lui. Il devait être impliqué assez gravement dans la sécurité du pays pour parler de la sorte. Et il devait également avoir déjà eu des contacts avec le nouveau Tsuchikage pour se permettre de parler en son nom. Des mots qui ne firent que glacer un peu plus le sang de Jirô dans ses veines. Même dans la semi-obscurité, on pouvait certainement voir que la couleur de son visage était devenue plus blanche encore que d'habitude. Il essaya un instant de s'arracher à l'étreinte de la pierre, sans y parvenir. Qu'avait-il espéré ? Qu'il pourrait impunément échapper aux conséquences de son tapage ?
*C'était pas faute de t'avoir prévenu, pourtant ...
-Ferme-la !*
Il ne pouvait pas rester sans rien dire ni rien faire pour défendre sa cause. Après tout, il n'avait pas encore été embarqué sous le bras de quelque gorille. Il lui restait, peut être, une chance de plaider en sa faveur auprès de cet homme, qui qu'il soit.
"Attendez ! Ne prenez pas le risque d'emprisonner ou de maltraiter quelqu'un qui ne cherchait que le meilleur pour ce lieu ! J'adhère entièrement à votre réaction, et en comprends parfaitement les motivations. Mais laissez-moi vous expliquer les miennes avant de prendre quelque décision inconsidérée ! Les scientifiques de cet endroit n'utilisent pas leurs ressources à bon escient, c'est un fait ! Ils gaspillent leur temps et leurs moyens à des créations sans intérêt, et qui n'aideront pas Iwa à se reconstruire, comme vous le souhaitez et comme je le souhaite tout autant. Croyez-vous qu'il s'agisse là d'une juste façon de mener à bien des recherches que de se concentrer sur des objectifs secondaires quand les démons à queues, quand les ennemis se massent à nos remparts ?
"Mon intention n'était pas de blesser qui que ce soit, soyez-en sûr ! Si je l'ai fait ... Et bien, nous dirons qu'il s'agit de dommages collatéraux. Ma seule volonté était de faire comprendre à ces gens-là la vacuité de leurs expérimentations, leur incohérence. Ne voient-ils pas quels dangers nous menacent ? Quels sombres nuages se forment au-dessus de nous ? Moi, si ! Et j'entends bien tout mettre en oeuvre pour les chasser efficacement, quand bien même devrais-je perturber quelques scientifiques de seconde zone dans leur travail en chemin."
Il s'arrêta un instant.
*Quelle part de ces beaux discours est sincère ?
-Suffisamment pour le convaincre ... J'espère.*
"Vous devez être un scientifique, vous aussi. Vous êtes un Jisetsu, et j'ose espérer que ce n'est pas la mauvaise fortune qui vous a mis sur mon chemin aujourd'hui. La pratique des sciences qui est faite ici ne vous titille-t-elle pas ? Je suis certain qu'un soldat aussi loyal à sa patrie que vous semblez l'être doit bien sentir à quel point quelque chose ne tourne pas rond, ici."
Le sang battait à ses tempes. Il était très nerveux. Ses yeux étaient plantés dans ceux d'or de son geôlier. Comment réagirait-il ?

L’homme est versé dans les belles phrases ! Comprenant qu’il n’échappera pas aussi facilement à cet homme providentiel qu’à ses précédents poursuivants, il compte bien enguirlander le Jônin par de beaux discours, en lui faisant comprendre la nécessité d’une action certes violente, mais justifiée ! Sans perdre d’oreille ce joli sermon scientifique, l’homme s’est dégagé du mur détruit et se pose clairement à la lumière du jour. Ses balafres sont bien visibles, tout comme son regard de braises ardentes ! Ce n’est pas un rigolo, et le jeune Jiro s’en doute !

Le Jonin écoute les arguments du freluquet. A l’en croire, tout ne serait que justice et il n’est que naturel qu’il sème ainsi la pagaille si cela peut dénoncer un fait des plus graves : l’inaction d’une faction. Notre jeune garçon est donc un lanceur d’alerte ! Serez-vous pour ceux qui les protègent ou ceux qui les dénoncent, à vous de faire votre choix !
Maintenant que l’émouvant speech est terminé, c’est au Jisetsu de déterminer ce qu’il fera de cet insecte – cette mite ! Tout envoyer bouler par esprit protestataire n’est pas du plus productif, même s’il a l’intérêt d’attirer l’attention ; un bref instant ! De son côté, le trentenaire aux pupilles dorées est fervent d’une autre méthode. Mais il est prêt à jouer le jeu l’espace d’un instant ! Aussi, ses mots s’accompagnent d’un léger sourire de compréhension.

» Ce n’est pas la méthode que j’aurai personnellement employé. Mais je crois comprendre son utilité ! Aussi, si tu me permets …

Et le tout accompagné d’un grand coup de poing en pleine joue ! Lâchant son emprise sur l’avorton, Hiyori envoie le jeune garçon se balader contre un mur, sur lequel il s’affaisse lourdement. Ayant fini ses bonnes œuvres, le membre de la Caste combattante s’avance de nouveau vers le captif.

» J’ai voulu faire le constat de tes principes. Toute réprimande peut être souligné dans la violence ! Ainsi, nous attirons plus facilement l’attention : ici, sur le fait que quiconque fera le malin se verra récompensé par mes poings !

Arrivé au niveau du Chûnin, il lui tend néanmoins la main.

» … Mais il y a d’autres façons de procéder. Par exemple, en s’inscrivant en tant que médecin ou scientifique dans cette faculté, et en multipliant les recherches et les découvertes pour prouver sa valeur. C’est sans aucun doute le moyen le plus laborieux, le plus sûr et le moins violent de faire savoir son opinion et sa valeur … n’est ce pas ?

C’est un sourire amical qui attend Jiro cette fois-ci. Il ne devrait pas y avoir de mauvaise blague une nouvelle fois. Mais rappeler aux plus jeunes que la fougue n’est pas toujours la meilleure solution est la tâche et la mission d’un haut gradé. En ramenant ce nabot à la raison, Hiyori espère avoir calmé les tensions et avoir trouvé quelque chose d’intéressant … .

» … Et je ne fais pas partie de la Caste scientifique ; je fais parti de la seconde Branche. Mais si tu sais me prouver tes intentions, je pourrais éventuellement servir tes espoirs. Montre-moi d’abord ce que tu vaux ; et autrement qu’en mettant le bazar !

Jirô valdingua à travers le couloir en recevant le coup de poing bien ajusté de cet homme, qui restait encore un illustre inconnu. Il sentit aussitôt une douleur cuisante à la joue. Aucun doute qu'il aurait un bel hématome. Mais c'était certainement mérité. Du moins était-ce légitime, ainsi que l'avait présenté cet homme. Après tout, qu'est-ce qui l'empêchait de protester violemment contre le comportement de Jirô quand celui-ci s'était permis d'agir non sans moins de brutalité à l'encontre des scientifiques ?
*Juste retour de bâton.
-Par pitié n'en profite pas ...
-Ca fait mal, hein ?
-Oui. La joue aussi ...*
Jirô se releva en titubant, ignorant plus ou moins volontairement la main qu'on lui tendait. Il était trop gamin pour ne pas avoir un brin de rancune après la sévère mandale qu'il venait de recevoir, aussi légitime puisse-t-elle avoir été. C'était vraiment un soldat coriace, et un amoureux chevronné du respect et de l'ordre. C'était en tout cas ce que laissaient entendre ses mots. On dirait qu'il était ici uniquement pour veiller au bon respect de la sécurité de tout un chacun. Il était assez évident, à présent, qu'il ne faisait pas partie du personnel scientifique du complexe.
"Un travail dur et acharné est intéressant, c'est vrai, mais il manque de panache. J'aurai au moins essayé une entrée explosive dans la cour des grands."
Le ton de Jirô était teinté d'ironie. Il se frottait machinalement la joue. Il avait la désagréable impression que la moitié de son visage était en train d'enfler comme une baudruche. Peut être allait-il s'envoler, finalement ? La suite des événements devait lui donner tort. Car aussitôt que le sujet de discussion tourna vers la science elle-même, Jirô fut comme piqué à vif.
"Faire mes preuves ? Croyez-vous, mon bon monsieur, que les découvertes se font en un claquement de doigts ? Et bien laissez-moi vous dire ceci !"
Son ton, de tout agacé qu'il pouvait être, devint soudain plus léger, et un sourire malicieux s'étira sur les lèvres du scientifique.
"Avec un peu de bonne volonté, on peut bien faire toutes les découvertes que l'on veut ! En avant guingamp !"
Et il se rua dans le premier laboratoire venu.
Fort heureusement, celui-ci était vide. Pendant un instant, Jirô examina la salle d'un oeil averti, repérant chaque produit et la place qu'il occupait, identifiant les substances et les échantillons d'un seul regard expert.
*Qu'est-ce que tu comptes faire ?
-Des miracles !
-En toute modestie, évidemment ...
-Certainement pas !*
Il commença à s'activer. Entre ses doigts valsaient déjà dans une danse effrénée les solutions et les poudres, qu'il mélangeait toutes ensemble dans une sorte de mixeur. Un coup de l'engin suffit à homogénéiser le mélange, avant qu'il ne le verse dans une tasse qu'il porta à ébullition. La mixture avait pris une teinte verdâtre, et une odeur assez répugnante s'était emparée de la pièce. Jirô fronça les sourcils en sentant ce parfum parvenir à ses narines. Il marmonna une série de mots incompréhensibles, avant d'attraper au vol trois flacons qu'il vida intégralement dans son mélange. Aussitôt, le tout devint rouge clair, et une agréable odeur de groseille se répandit dans le laboratoire.
"Voilà qui est mieux ! A présent, mon cher ami, admirez les miracles de la science sur le corps de l'homme !"
Il but d'un trait la préparation. Jirô fit une grimace maladroitement dissimulée. Mais il constata la réussite de son expérimentation bien vite: déjà, son hématome disparaissait à vue d'oeil. Il écarta les bras, triomphant.
"Alors ? Dois-je encore faire mes prétures ? Euh, je veux dire ... Mes prêtrises ?"
*T'es complètement con ou quoi ?
-Hmm ... Effet secondaire indésirable.*

D’ordinaire, la bêtise se soigne. En tout cas, ainsi le veut l’adage. Pour cet énergumène-là, la question peut encore être posée.

De toute évidence, le coup de poing a eu l’effet canalisateur escompté. L’individu a été ramené à la raison, et il pense davantage à créer qu’à détruire. C’est toujours une bonne chose ! Mais il n’a de toute évidence pas perdu sa folie interne. Pour cela, il devra passer par des instituts un brin plus spécialisés dans son cas. Hiyori y aurait volontiers mis du sien en distribution de claques ; mais les récentes analyses freudiennes ne valorisaient pas sa propre science de l’éducation. Misère, où va donc notre monde … .

Ayant démontré qu’il sait encaisser un minimum, le garçon se lève et se jette dans le premier laboratoire, à la suite de propos complètement dénués de logique ! Hiyori se hâte et se place dans l’encadrement de la porte, prêt à sauter sur le singe savant. Ce dernier s’est déjà saisi de flacons et d’ustensiles, et s’affaire à réaliser une mixture étrange. Un instant réticent, le Jisetsu décide finalement de ne pas l’intercepter immédiatement. Plus tôt, il l’a encouragé à faire ses preuves, et il semble que ce soit le but du Chûnin. Croisant les bras, le Balafré décide pourtant de ne pas le perdre des yeux sans pour autant entrer dans la pièce : il veut être prêt à évacuer quand ça pètera. Car quelque chose lui dit que tout cela n’est pas nécessairement dépourvu de mauvaise foi !

Se tournant vers son interlocuteur, l’homme boit la formule … et son hématome à la joue se résorbe ! C’est donc un médecin ! Et plutôt compétent pour parvenir à une telle réussite ! Passons l’étrangeté de langage, c’est indéniable de ce genre d’individus que le nouveau Village de la Roche a besoin ! A la condition qu’il ne fasse pas dans l’excès de zèle et dans la stupidité incurable ! …

Toujours méfiant, Hiyori se résout à faire quelques pas dans la pièce. Une fois proche du jeune toubib, il prend entre ses doigts le flacon qui contenait le breuvage miracle. Il a mis, quoi … cinq minutes pour faire une telle potion ? Certes, elle ne fait que soigner les bleus, mais c’est déjà un début ! S’il est capable de faire davantage, nul doute qu’il deviendra un important soutien pour Iwa dans ses prochains affrontements.

» Tu dis que tu peux booster les capacités de ce centre médico-scientifique si tu en devenais l’un des membres officiels … ?

La question mérite réflexion, et en informer Yanosa-tenno ne sera pas superflu. Après tout, le Jisetsu vient clairement d’avoir une démonstration dans les faits des capacités de cet homme. Ce bâtiment, aux allures impériales et aux lendemains de défaite, a grand besoin d’une nouvelle réputation qui puisse concurrencer les autres centres mondiaux. A ce titre, il y a plusieurs éléments qui méritent de l’attention.

» Je peux en parler à Oterashi-tenno … . Et les choses vont nécessiter quelques modifications ! Dans un premier temps, interdiction de faire de nouveau un esclandre dans les lieux, et ce peu importe les raisons ! Deuxièmement, les dégâts occasionnés jusqu’à présent seront retenus sur ta paye ! Et je me préparerais à une nouvelle correction de la part du Kage si tu veux mon avis … . Troisièmement … si tu es officiellement nommé dans le bâtiment, je demanderai à mon Clan de te donner accès à nos archives pour que tu puisses en tirer tout leur potentiel … tout en restant sous ma surveillance. Ton nom ?

Jirô sourit. Il comprenait qu'il avait réussi à allumer une lumière dans l'esprit de son interlocuteur. Il avait bien vendu son affaire. Le tout grâce à de la chance, un peu, mais surtout grâce à son talent inné pour les sciences, celui-là même qu'il avait développé avec les années et qui lui avait valu aujourd'hui de devenir un scientifique hors pair. Ce talent-là, il s'emploierait à le faire croître plus encore en valeur et en reconnaissance, jusqu'à ce que tout Iwa voie en lui le meilleur de leurs hommes de sciences, jusqu'à ce que le Yuukan tout entier comprenne quel intellect supérieur dormait sous cette boîte crânienne ! Jusqu'à ce que tout l'univers sache ...
*Eh, ça va bien les chevilles ?
-Bon sang, c'est un monologue intérieur ! Tu n'interviens pas dans ces situations, on avait été clairs à ce sujet !
-Pardonnez-moi, monseigneur, mais votre "talent inné" commençait à devenir un peu encombrant ...*
Jirô reporta son attention sur les mots de son interlocuteur, toujours anonyme. Il est vrai qu'ils avaient quelque peu évité les formalités usuelles pour en venir très vite au langage des poings et la chimie la plus élémentaire. Mais, après tout, pourquoi ne serait-ce pas là une convention acceptable ? Quel plaisir ce serait de voir les mandales voler dans les rues d'Iwa alors que les coeurs se rempliraient d'allégresse et que les visages se bouffiraient sous les hématomes. A coup sûr, Jirô ferait fortune avec sa formule nouvelle découverte. Enfin, encore faudrait-il qu'il réussisse à en retrouver la recette ...
"Je ne dis pas que je peux le faire, mais bien que je m'y acharnerai jusqu'à ce que j'y aie réussi. Pugnacité et assiduité, voilà des valeurs sûres ..."
Jirô se sentait soudainement propulsé dans l'environnement qu'il avait souhaité intégrer depuis son entrée officielle au sein de l'armée d'Iwa. Il cachait sa joie, mais elle n'était pas pour autant moindre. S'il s'était laissé aller à ses pulsions, il aurait très certainement sauté un peu partout dans le bureau en provoquant quelques petites explosions et autres pétarades selon ce qui lui passait sous la main. Il se contint, cependant, et n'en fit rien. Simplement, il garda ce sourire un peu béat et benêt affiché sur son visage.
"Vos conditions me semblent honnêtes, mon cher monsieur. Il n'y aura évidemment pas lieu que je cause le moindre tracas à mes ... éminents collègues si je bénéficie des mêmes privilèges qu'eux. Quant à mon salaire il n'a pas vraiment d'importance, et je vous laisse libre de prélever dessus tout ce que vous jugerez utile à la réparation de mes exactions. Enfin, quant aux archives des Jisetsu ..."
Il avait évidemment entendu parler de ces archives. Les Jisetsu étaient reconnus dans tout le Yuukan comme les garants du savoir, et ce dans toutes les disciplines qu'il recouvrait. Autant dire que la bibliothèque de ces sages ne devait pas être une mince affaire. Jirô préféra ne pas imaginer l'armée qu'il fallait pour procéder à un inventaire de ses ouvrages.
"Ce serait un privilège non désintéressé que d'y accéder. Je suis tout à fait certain que la gente de votre clan a de quoi ravir mes petites cellules grises au plus haut point, et je lui serais éternellement reconnaissant -dans la mesure de mes capacités- de cet honneur, si toutefois elle consentait à m'en faire part. Quant à mon nom, c'est Asai Jirô, mon bon monsieur, Heishi d'Iwa et votre bien dévoué serv ... Euh, non, oubliez cette dernière partie.
"Simplement, quelque chose me tracasse. Qu'avez-vous à gagner, vous-mêmes, dans cette histoire ? Après tout, vous risquez de vous attirer vous aussi les réprimandes du Tsuchikage si vous lui apprenez que vous avez laissé un malotru de ma nature sans châtiment à la hauteur de ses crimes, et pire encore en lui offrant une gracieuse proposition d'emploi. Que cherchez-vous dans toute cette entreprise, mon bon monsieur ? Et, dans la mesure où cette appellation commence à devenir bien ridicule, seriez-vous assez aimable pour me donner à votre tour votre nom, je vous prie ?"
Si avec toute cette diplomatie il n'obtenait pas réponse à ses questions, alors il n'avait plus aucune arme pour y parvenir.

L’individu accepte l’offre ; en vérité, il est évident que c’est tout à son avantage ! Il n’y a pas vraiment de question de troc équivalent dans cet échange – on n’est pas dans FMA ! mais dans les faits, ce troc existe bel et bien. Pour tout homme cherchant à faire respecter l’ordre et la loi, tenir les troubles-fêtes en laisse et limiter la casse est une mission de première nécessité avant de passer à la suite. Quant au fait de placer sous son attention un individu de cette trempe … et bien, nul doute que c’est toujours mieux que de glander sans avoir de soutien. Il n’y a aucun doute au fait que ce garçon deviendra bientôt un atout précieux pour le Village. Et pour Hiyori lui-même.

Hiyori affiche un sourire, qui semble presque être forcé ! Tente-t-il d’être plus amical qu’il ne l’est vraiment ? Pas du tout – en revanche, ce sourire et ce semblant de sympathie va quand même avec un prix.

» Puisqu’on sera sans doute amener à se cotôyer, on va commencer par la base ! Encore une fois un « mon bon monsieur », et tu reformules tes amitiés à ma droite !

Affirme l’homme en levant le poing. Il n’est pas très attaché au protocole quand cela le concerne, tant qu’il ne dépasse pas les bornes. Mais le faire passer pour un vieux, un handicapé, ou un incompétent, sera toujours la chose de trop ! Et dans ce genre de situation, il a le poing leste et dérapant ! A bon entendeur !

» Pour le nom, c’est Hiyori. Et tous ces « droits » que je suis prêt à te concéder ne se feront que sous certaines conditions. La première étant que le Tsuchikage accepte cette nomination. La deuxième étant qu’il considère que ma droite dans la gueule fasse office de justice – si non, il se chargera de toi et j’en suis triste d’avance ! La troisième étant que le Clan accepte que tu puisses avoir accès à notre savoir. Et là encore, ce n’est pas chose gagnée !

Être garant du Savoir mondial ne signifie pas être philanthrope ! Certains membres du Clan dans la Branche Principale sont avant tout pour un rôle de conservateurs et de collectionneur. A ce titre, le but n’est en aucun cas de partager cet immense savoir avec les autres ! Hiyori a déjà conscience qu’argumenter sur ce point sera délicat. Tout comme il a conscience qu’il lui faudra défendre son point de vue. Peu évident en l’occurrence ! La Branche secondaire, composée de combattants, n’a que très peu voix au chapitrer concernant les propriétés intellectuelles du Clan Jisetsu … .

Mais il ne sert à rien d’attendre ! Pour l’heure, Jirô n’a aucun accès à tous ces droits ; mais il ne doit pas gamberger pour autant. Ou il retombera rapidement dans ses travers. Et bien que le Jônin soit un distributeur de droite recommandé à échelle internationale, il se doit malgré tout de faire respecter les règles de conduite élémentaire.

» Pour l’heure, je veux que tu ailles dans la parti « Bibliothèque » de l’établissement. Dans l’urgence de la retraite de Taki, nous avons malgré tout ramené les archives de la Bibliothèque créée par Seitô Yôgan, son fondateur. Ils auront certainement besoin d’aide sur place pour ranger tout ce bazar scientifique. Mais ce sera également un bon lieu d’étude pour toi. Commence par approcher certains sujets, je me charge de venir te prévenir plus tard des décisions officielles. On fait comme ça ?

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