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Vous savez le pire avec le métier de chasseur de primes ? C’est la paperasse. Gérer les autorisations, les règlements, les dépenses de l’entreprise par rapport aux rentrées d’argent. Et heureusement que je n’étais pas seule là-dessus, bien que ça n’enlève rien à la partie ennuyante. Et dans un sens je plaignais le pauvre Teka, ce garçon des rues recruter pour lui éviter d’avoir à fouiller les poubelles jusqu’à la fin de ses jours. Lui son taff c’est constamment ça, la paperasse. Mais bon, il n’a pas l’air de trop se plaindre, c’est probablement mieux que de dormir dehors et manger des restes sans savoir si on sera encore en vie le lendemain. En tout cas il y avait de quoi se réjouir, l’entreprise ne cessait de gagner en puissance. De nouveaux chasseurs chaque jour, des contacts un peu partout, progressivement on grossissait. A nous de faire en sorte que cette courbe continue son ascension, et pour ça justement j’ai quelque chose. Un type s’est plaints que sa femme l’a trompé avec un médecin. En temps normal, je m’en ficherais comme de ma première chemise mais mon intuition me dit qu’il y a quelque chose à gagner là-dedans. C’est vrai en plus que nous n’avons aucun médecin ici … Malheureusement la requête ne passe pas en une chasse normale, c’est beaucoup trop peu important. Et puis ce type n’est ni kage ni daymio.

Je pris le bout de papier, saluai ceux que je croisai dont Teka, et quittai les bureaux pour les rues malfamées de la Mégalopole. Egale à elle-même cette ville pue, cette ville est hideuse, toutes ces prostituées partout sitôt qu’on quitte les quartiers riches. La mégalopole est vraiment un endroit coupé en deux. Où d’un côté on a de l’or partout, de la musique dans les rues, des lumières presque féériques, ça rigole et ça chante. Et à tout juste quelques rues, il fait noir, les plus pauvres dorment sous des cartons et échappent à la dure réalité du quotidien à l’aide d’alcool, de drogue voir même de mutilation. Je vous assure, c’est moche, vraiment moche. Mais c’est la vraie vie. Une vie sale, une vie qui ne fait pas de cadeau.
Bref, je retrouvai sans problème le commanditaire, ignorant ses pics et ses crises de colère. Il était simplement jaloux, blessé dans son amour propre, qu’un type mieux, plus beau, plus fort et autres adjectifs, ait pu gagner les faveurs de sa belle. En même temps mon gros, t’as vu ta tronche ? Moi aussi j’aurais eu envie d’aller voir ailleurs à sa place.

Une fois les détails notés et le prix fixé, je saluai le client – car il reste malgré tout un client – et sortit. Partons en quête de ce médecin mes amis ! Si je reprends les mots du nerveux dont le bide dépasse du tee-shirt sale, c’est un homme d’une trentaine d’année environ, brun, assez grand, yeux bleus, médecin itinérant qui ne saurait pas garder sa […] dans son pantalon et qui se servirait de son statut pour abuser de toutes les patientes qui passent dans son cabinet. A mon avis c’est un petit peu exagérer mais une partie doit être vraie. Dans toute histoire il y a un bout de vrai, ne serait-ce que pour que le reste tienne la route.
Faisant une petite recherche aux alentours, je fus cela dit étonnée de découvrir que l’homme en question était toujours dans le coin, qu’il faisait toujours son boulot, comme si de rien n’était. Visiblement sans le moindre remord.
Je me glissai dans la file d’attente de son cabinet, me faisant passer pour une malade comme les autres, et attendis simplement mon tour. Pour être invisible il suffit parfois de tout bêtement se mêler à la foule.

« Bonjour docteur. » Dis-je sitôt que je pusse entrer.

L’observant des pieds à la tête, il correspondait à la description. Sauf pour le côté psycho-pervers.

« J’ai un terrible rhume ».
« Je souhaite un avortement ».
« J’ai des nausées ».
« J’ai des boutons ».
« J’ai de l’urticaire ».
« J’ai des rhumatismes ».
« J’ai une jambe cassée ».
« J’ai un ongle incarné ».

Croyez-le ou non, la vie de médecin n’est pas toujours « sexy ». Nos patients ne sont pas constamment des modèles sortis tout droit d’un défilé de mode – loin de là, dirais-je – et les maladies incurables comme curables sont absolument abjects que ce soit à entendre, à vivre ou à voir. Pourtant, malgré moi, je suis assis sur une chaise, à écouter cette suite infinie d’hommes et de femmes souffrant de mille maux, à apporter mon aide.

Si les cas les plus ordinaires sont assez vites réglés, l’affaire se complique et se rallonge – et n’en devient que plus intéressante – avec les maladies « rares ». J’apprécie apporter mon aide à un collègue au sein de la Mégalopole de Kawa no Kuni pour l’un de ces fameux cas, précisément. Même quand je me déplace pour un autre pays, j’aime garder un œil sur l’évolution de l’état de ce patient et prodige encore et toujours mes conseils.

Aujourd’hui, j’ai pu le voir en chair et en os. Sa situation s’aggrave à mon grand mécontentement : aucun de mes traitements ne semble faire effet. J’ai pourtant bien vérifié son test sanguin – un parchemin complexe mis en place avec un vieil ami génie en mathématique qui met en évidence beaucoup d’informations contenues dans une seule goutte de sang -, et ses tests urinaires – encore un énième parchemin complexe –.

« Il me faut un autre type de tests » conclus-je, prescrivant à la pauvre âme quelques médicaments pour calmer les douleurs – ou du moins, les masquer. « Je verrais ce soir, après ce dernier patient ».

Le « dernier » se révélait être une « dernière », et elle était plutôt mignonne la petite demoiselle. Soudainement, j’ai un sourire radieux et rassurant et un regard professionnel et brillant. Je dois paraître intelligent – chose qui n’est pas compliquée, vu que je le suis – et un tantinet décontracté – autrement, je colle un tantinet au stéréotype du « nerd » - et qui sait, peut-être qu’elle craquera pour moi. Ce n’était évidemment pas l’objectif principal, mais je ne disais clairement pas non pour des petits bonus charnels après ou pendant consultation.

Soudainement, j’eus un petit flashback avec une autre patiente, qui s’était révélée être une épouse d’un homme sacrément jaloux.

Réflexion faite, cette fois-ci, je vais tout simplement vérifier le statut marital. C’est un tantinet gênant les demoiselles avec une bague au doigt et, malheureusement, avoir ou non une bague ne veut pas tout dire dans ce bas monde. Il y a quantité de demoiselles qui, à l’image des hommes infidèles, cachent leur état marital en cachant la dite bague. C’était d’une tristesse pour ces hommes cocus : j’espère sincèrement qu’ils ont également leur petite maîtresse – ou jeune éphèbe – à côté, sinon quelle injustice !

- Je suis Suchiru Tengoku, le remplaçant du docteur Hago Senko lorsque celui-ci est en formation, me présentais-je poliment. Eh bien, en quoi puis-je vous aider ?

Que la longue et lente litanie sur sa souffrance débute. En très bon soldat, je me prépare déjà à l’aide d’un stylo et d’un calepin, le cerveau prêt à soumettre plusieurs hypothèses selon les symptômes, le style de vie et l’environnement.

L’homme sourit de toutes ses dents, visiblement ravie de la rencontre. Il devait réagir de la même façon avec tous les autres patients. Une sorte de politesse un peu plus poussée afin de donner envie aux malades de revenir, comme des clients dans un magasin. Certes c’était assez sale de considérer un milieu aussi important que la médecine ainsi, mais fort est de constater que les deux milieux sont très proches. Et n’oubliez pas, nous sommes à la Mégalopole, où la corruption, la tricherie et les manipulations en tout genre sont le quotidien de tous.

Monsieur se présenta. Suchiru Tengoku, remplaçant de Hago Senko. D’accord, ce dernier étant selon ses dires en formation. Peut-être, ils doivent se tenir constamment informer des nouvelles maladies, pour mieux soigner. Enfin ça semblerait le plus logique.
Prenons-le pour acquis. Il demande ce qu’il pouvait faire pour m’aider, comme c’est gentil. Ne le brusquons pas tout de suite. Il serait dommage de lui faire peur et de provoquer une course-poursuite.

« Oui en effet, voyez-vous je ne viens pas pour une maladie quelconque, mais plutôt pour régler un problème psychologique. Très récemment j’ai rêvée à une situation très étrange, et je ne sais pas quoi en conclure … » Ohoh j’adore cette situation ! « Dans mon rêve, ou dans mon cauchemar je ne sais pas trop, je suis mariée à un homme qui travail beaucoup, qui est rarement à la maison. Vous voyez. Je suis donc seule, souvent seule, et pour une raison inconnue et je me retrouve dans les bras d’un autre homme, bien plus jeune … et, hum j’ai honte de le dire, plus beau. »

Je mimai un malaise, nouant mes doigts entre eux, me tortillant sur ma chaise. J’avais l’impression d’être revenue des années en arrière, quand à l’école on avait dû jouer dans une pièce de théâtre. Vous vous souvenez ? Mais si ! Quand Ethan avait voulait mettre de la colle dans les cheveux de sa voisine, et que Himari avait répondue en lui arrachant sa chaise. Ça avait fait rire toute la classe, et du coup perturber le cours de théâtre. Ça vous revient ? On a dû ensuite tous passer un par un sur la scène, et le duo qui faisait la moins bonne performance était collé.
Ah le bon temps … loin des ninjas … loin des guerres … loin des problèmes.

« Je ne sais pas si on peut qualifier cela de rêve érotique, mais ça a fait un bien fou. Le problème vient ensuite, quand mon mari s’est aperçu que je l’avais trompée. Selon vous, qu’est-ce qu’il faudrait faire ? Dénoncer le beau garçon ? Je … je ne sais pas … je suis perdue … »

« Are you fucking kidding me ? ».

Je ne savais pas du tout comment décrire mon état d’esprit à l’heure actuelle. J’étais partagé entre un étonnement, une excitation et un peu de paranoïa et de soupçon. Il fallait me comprendre, la demoiselle venait pour une chose totalement saugrenue et inattendue. Dans ma longue carrière de médecin, j’en ai vu des choses – je le jure – mais de telles déclarations … rarement. Sauf si, exceptionnellement, la patience a quelques envies lubriques avec un médecin et sa blouse blanche, et me fait de la bringue.

Sauf que, très chers lecteurs. D’une, il y a très récemment, j’ai déjà eu une relation avec une dite patience. Ce genre de petites affaires ne sont pas vraiment rares dans mon existence mais alors deux aventures dans mon « lieu de travail » en moins de quelques jours, c’est un tantinet étrange. A croire qu’elles se sont passées le mot, or je doute qu’une femme avoue publiquement son adultère pour son mari, même à sa meilleure amie. Si oui, c’est officiel : les femmes ont une langue pendue.

De deux. Soupçon ou pas, ce qu’elle disait n’en restait pas moins intéressant, me faisant imaginer bien des choses comme une nuit elle et moi, au clair de lune. Une image romantique pour seulement adoucir la réalité et l’intensité de la dite chose sous le clair de lune. Elle était jeune, elle devait sûrement avoir bien des choses en tête. Mon âge ? Mon âge importe peu : je me porte mieux comme jamais grâce à un rythme de vie extrêmement équilibré et sain !

Pourtant, mon regard remarque une chose. Du miroir posé non loin, je vois le reflet du ciel. Ce dernier était rougeoyant, signe que la nuit n’allait pas tarder à prendre le pas sur le jour. Le temps pressé donc. J’aurais bien voulu éclairer ce point - une jolie jeune fille qui ne désire qu’un homme ce soir, ou une affaire saugrenue entre bonnes femmes – mais malheureusement, j’avais une urgence qui ne pouvait pas être repoussée. Or la demoiselle pouvait l’être. Malheureusement, je ne désirais pas abandonner si vite une promesse d’avoir une jolie amante au lit. Un choix cornélien s’imposait !

Je garde un certain professionnalisme, mais plante un regard qui était censé véhiculer un sorte de sous-entendu – tu me veux, tu me veux pas ? –.

- Je vous propose m’accompagner ce soir sur le toit d’un immeuble. Je vais réaliser là une étude astrologique. Je pourrais écouter en parallèle votre histoire, et comprendre ainsi d’où vient ces rêves. Car voyez-vous, de ce que j’ai retenu dans mes cours en psychologie : les rêves sont seulement l’expression d’un désir caché ou refoulé, inconsciemment !

Les patients sont si souvent crédules, qu’ils vous disent tout sans aucun scrupule et peur ! Mine de rien, nous apprenions des choses très, très, très étonnantes. Il m’est arrivé d’être paralysé par la surprise pour une dizaine de minutes certaines fois. Enfin, à trente ans, on avait fait rapidement le tour des lieux. [b]

Cependant, et malgré tout, mon urgence était le « Ciel ». Un phénomène allait se produire ce soir, en théorie, selon les calculs du défunt ami, nommé affectueusement « Calculatrice ». Si jamais les dites théories laissées par ce dernier se vérifiait, alors cela signifiait qu’officiellement, tous ces autres calculs étaient justes également. Ce qui m’amenait à la conclusion suivante : l’analyse de la composition du corps humain allait être possible.

Elle, elle n’était qu’une affaire annexe que je pourrais comparer à une cerise sur le gâteau. Comprenez-vous ?

Le médecin resta un moment silencieux, immobile, comme perdu dans ses pensées ou bien en proie à une intense réflexion. Quoi qu’il en soit, les courtes secondes qui suivirent furent quelque peu dérangeantes. Aurais-je mal joué mon rôle de fausse patiente ? Son regard se porta sur les rayons de soleil qui traversaient la pièce et qui diminuaient d’intensité progressivement. Puis il revint sur moi, avec une expression lourde de sous-entendu dans les yeux. Il proposait de l’accompagner sur le toit de l’immeuble.

« … Je vais réaliser là une étude astrologique. Je pourrais écouter en parallèle votre histoire, et comprendre ainsi d’où vient ces rêves. »

Mes sourcils montèrent tout seuls d’un niveau tellement la surprise fut soudaine. Bah ça alors, si je m’y attendais à celle-là. Pourtant l’astronomie c’est une science très souvent jugée floue, limite ridicule, voir ennuyante. Quel était le pourcentage de chance pour tomber sur quelqu’un ayant des centres d’intérêts aussi originaux ?

« C’est pour le moins étonnant, je ne vous pensais pas amateur d’astres stellaires et autres nébuleuses. Mais si vous voulez oui. J’espère seulement que vous ne me ferez pas payer ce supplément de séance. Je ne roule pas vraiment sur l’or. »

J’haussais des épaules, jouant mon personnage à fond, avant de me lever et vérifier de ne rien laisser sur place, puis enfin je le suivis jusqu’au toit de l’immeuble. C’était encore le crépuscule mais il n’était plus qu’une question de minutes avant que les derniers rayons lumineux ne disparaissent. Cependant on pouvait déjà voir les plus brillantes scintiller mais comme dit le proverbe, tout vient à qui sait attendre.
Bien que je ne comprenne pas exactement quelle était la démarche derrière cette balade au grand air, cela n’empêcha pas le côté psychologique de montrer le bout de son nez. Assise sur un pan de mur, le regard fixé sur la toile céleste de plus en plus obscure. Mon père rêvait de retrouver l’Atlantide, cette cité/continent engloutit depuis tant de temps que même son existence relève du mythe. Moi je rêvais de conquérir les étoiles, et en premier objectif la lune. Non pas que je me sente trop à l’étroit dans ce monde, mais ça a quelque chose de fascinant, la découverte de nouveaux mondes.
Mais revenons sur Terre.

« Puis-je savoir d’où vous vient ce gout pour les constellations, docteur ? C’est quelque chose d’assez peu banal, et pour un médecin si jeune. Je veux dire, pour faire ce métier il y a beaucoup de chose à apprendre, et malgré la quantité folle de notions à emmagasiner vous arrivez quand même à avoir suffisamment de temps libre pour observer les astres. Ce n’est pourtant pas le genre de hobbies qui se fait rapidement, et il n’y a toujours que vingt-quatre heures dans une journée … »

On se rapproche du but. Il faut lui faire parler de lui, les hommes aiment ça en général. Et puis je n’étais pas totalement hypocrite non plus, ça m’intéressait de connaitre son parcours et comment il en est venu à aimer observer les étoiles.

« Qu’est-ce qui vous plait dans ce domaine ? Plus que dans un autre je veux dire, après tout nous sommes dans la Mégalopole, les activités diverses et les tentations ne manquent pas. »

Aller, crache le morceau monsieur le pervers.