Cela faisait peut-être un peu plus d’un an que la tribu Hashimoto foulait les terres de Kaze no Kuni. Bien qu’ils n’aient pas encore eu à se plaindre d’attaques quelconques, les nomades restaient en permanence sur leurs gardes. Toujours aux aguets, ils guettaient le moindre geste brusque en leur présence. Mais la pays du vent était une promenade de santé par rapport à ce qu’ils avaient traversés au sein de Hi no Kuni. Malgré leur immense prudence, les Gogyou conservaient leurs habitudes. Plusieurs fois par mois, un petit groupe se rendaient dans la ville la plus proche pour y vendre certaines de leurs créations, des objets et vêtements traditionnels, confectionnés par leurs soins. Cette fois-ci, ce fut au tour de Aura, la mère d’Ether, de partir avec d’autres camarades pour la brocante de la cité, ainsi que l’achat de denrées qu’ils ne pouvaient trouver dans la nature. La jeune Ether, toute excitée, courait dans tous les sens.

« M’man, m’man, m’man, m’maaaaaan ! J’viens hein, dis j’viens ? »
« Oui ma chérie, pour cette fois, tu peux nous accompagner. Mais attention, le chemin va être long et tu sais très bien que tu ne peux pas utiliser tes capacités. Il faut rester discret. Nous ne sommes pas chez nous ici. Tu as bien compris ? », dit-elle doucement.
« Ui ! J’s’rais sage ! J’pourrais manger des gnocchis ? »
« Seulement lorsque la brocante sera terminée, d’accord ? On en achètera sur le chemin du retour. Allez, fais un bisou à ton père. »
« … J’reste quand même persuadé qu’il serait une meilleure idée que j’vienne avec toi. On ne sait pas si ce pays est tout à fait sûr pour nous. »
« Chéri, je ne suis pas seule tu sais ? Et puis, ils ont besoin de toi ici. »
« Pour faire quoi ? Réparer les tentes ? On est déjà bien assez pour ça. S’il te plaît, laisse-moi venir avec vous. S’il vous arrivait quelque chose, je ne me le pardonnerais jamais et tu le sais très bien. »
« Si tu insistes. », soupira-t-elle, « Tu ne seras pas de trop pour aider à porter ! », ajouta-t-elle d’un air malicieux.
« Ouaiiiiis, papa viens avec nouuuus ! »
« Et oui, p’tite canaille ! », fit-il en lui ébouriffant le haut du crâne avant de l’installer sur ses épaules.

Le groupe était composé d’un peu moins d’une dizaine de personnes, tirant une charrette remplis d’objets et tissus. Après plusieurs heures de voyage, ils arrivèrent enfin au village où se déroulait l’évènement marchand. Sur une immense place, un nombre incalculables de gens s’affairant à la préparation de leurs stands. A mesure que le temps avançait, les nomades achevèrent de s’installer et attendirent patiemment la venue de potentiels clients. La place devint rapidement bondée et les visages se succédèrent de manière interminable. Ether s’ennuyait quelque peu. Ne pouvant utiliser ses pouvoirs, elle ne pouvait donc pas jouer avec le vent. Au lieu de ça, elle jouait au Uno contre elle-même. Sa mère s’étant éclipsée avec un autre nomade pour faire quelques courses, la jeune fille se retrouvait donc en charge avec son père et deux autres camarades, de l’emplacement. Le dernier Hashimoto faisait un tour sur le marché. De temps en temps, lorsque les visites se faisaient plus rares, Hélios se permettait une partie où il perdait forcément contre son enfant, avant de s’occuper de clients.
Alors que la Gogyou jouait avec ses bandelettes autour des mains et avant-bras, une gamine de son âge vint observer leur marchandise, avant de finalement s’intéresser à elle. Elle disait s’appeler Emi et l’assaillit ensuite de questions. A l’époque, bien qu’Ether était tout aussi enthousiaste qu’aujourd’hui, elle n’avait été que très peu, voire jamais, en contact avec des enfants de son âge. Elle eut donc un instant d’hésitation avant de se mettre dans la peau de son personnage et sourire d’un air profondément idiot, ou adorable, ça dépend du point de vue. Elle sauta d’un bond léger par-dessus le tapis qui accueillait tout ce beau bazar et se planta devant la dénommée Emi.

« Moi, c’est Ether ! Touuuuuuuuut ça, c’t’a nous, ‘ui ! », dit-elle en ouvrant graaaand les bras, « C’vrai, t’aimes bien ? Tu veux voir c’jouet ? C’t’en pierre et d’la terre cuite ! Faut prendre les boules, puis les bouger com’ça d’trou en trou jusqu’à c’qu’y’en ait plus ! Puis ça, c’ma maman qui l’a fait ! », elle déplia une tunique brodé de signes géométriques qu’elle ne parvint pas à replier, « M’man fait les courses que’que part là-bas ! Puis lui, c’mon papaaaaaa ! », elle pointa du doigt l’homme aux cheveux flamboyant et au regard électrique, occupé à marchander avec un client, « Tu veux jouer avec moi ? ‘connais le Uno ? C’des cartes, c’facile ! T’aimes les gnocchis, tu connais des charades ? ‘Sont où t’parents à toi ? Tiens, des fruits séchés ! »