Le brouhaha incessant du centre ville commençait à peine à se calmer. Sous un crépuscule mélancolique, Hatanabe déambulait dans les rues du village, comme à son habitude. La solitude lui pesait, même s'il venait tout juste d'intégrer une équipe shinobi. Peut-être qu'avec ça, sa vie allait prendre un nouveau tournant. Ou peut-être bien qu'elle continuerait à être fade et monotone. Sans famille, sans amis. À errer dans les rues de Kiri sans but particulier, si ce n'est d'avoir l'espoir de faire de nouvelles rencontres. Les gens du village n'étaient pas commodes, certains se contentaient de se dévisager les uns les autres, d'autres se permettaient de répandre leur mauvaise humeur et leur comportement désagréable au plus de personnes possible. C'était comme jouer à chat, sauf que le chat en question devenait de plus en plus exaspérant à mesure qu'il contaminait ses victimes de par son caractère irritant.

Alors qu'Hatanabe divaguait dans ses pensées, un crieur public aboyant légèrement trop fort le tira soudain de sa rêverie. En temps normal le Kaguya aurait pensé que s'époumoner à une telle heure n'était pas permis. Mais bon, il n'était plus à ça près. Et puis le bonhomme vendait les mérites d'un restaurant qui venait tout juste d'ouvrir, à quelques rues d'ici. Ça tombait bien, la faim se faisait ressentir. Distribuant ses petits flyers pour la soirée d'ouverture, Hatanabe n'hésita pas à se saisir d'un exemplaire afin de trouver cet établissement. « La Mésange Bleutée ». Qui avait bien pu trouver un nom pareil ? Quoique, avec un peu de recul, ça sonnait bien. Du genre mystérieux, typiquement le nom d'un repaire de mafieux. Suivant les indications géographiques approximatives du crieur, notre Kaguya préféré se rendit sur place afin de déguster un bon repas - du moins, il l'espérait. D'extérieur l'enseigne ne paraissait pas très chic, m'enfin ça venait juste d'ouvrir. Tout ne pouvait pas être parfait.

S'enfonçant dans la tanière de la mésange, Hatanabe pu constater que l'intérieur avait un peu plus de gueule. Certes légèrement rustique, mais c'était rassurant. Chose bien moins rassurante, la salle était complètement vide. Deux serveurs se trouvaient au bar en train de discuter, à part ça il n'y avait pas l'ombre d'un client à l'horizon. Les saluant modestement, il s'installa à la première table qu'il rencontra, attendant patiemment que quelqu'un daigne venir lui proposer la carte de la maison. Ou ne serait-ce que pour lui énumérer les plats du jour.

Spoiler:

J'avais reçu l'invitation de la part de Yu directement lors d'un entrainement commun. Depuis quelques jours, elle travaillait sur l'ouverture d'une auberge dans le centre-ville, et la soirée de lancement arrivait très rapidement. J'avais été surprise par cette annonce : comment faisait-elle pour trouver le temps de s'entrainer, aller en mission et en même temps gérer un établissement ? J'avais moi-même assez de difficulté à gérer mon propre horaire, mais en même temps, je prenais toutes les missions qui passaient. Mon clan était riche et je possédais une grande maison, mais j'aimais bien avoir beaucoup d'argent sonnant dans mes poches, et non pas simplement des investissements. En même temps, la Kosobayui était beaucoup plus âgée que moi, et plus mature aussi. Peut-être qu'à son âge, j'aurai aussi les mêmes intérêts, mais ce n'était pas le cas pour le moment.

J'avais hésité longuement sur la tenue à mettre. J'avais une très jolie robe noire brodée de centaines de perles au décolleté plongeant qui m'avait couté les yeux de la tête, mais elle siérait mieux lors d'un opéra où d'un évènement plus chic. Pour la soirée d'ouverture d'une auberge? J'en doutais fortement. Mieux valait aller avec quelque chose de plus simple, joli et de bon goût. D'ailleurs, je doutais que l'alcool coulerait à flot en cette soirée, et mieux valait prévenir que guérir : je n'avais pas envie des vieux pervers s'essaient sur moi pendant la soirée, une jeune blonde à forte poitrine devenant une proie de choix pour ces vautours vicieux. C'est pourquoi je choisis un joli kimono à fleurs aux tons de rose et violet, des couleurs qui s'agençaient bien en ce printemps chaud. J'attachai mes cheveux avec un simple ruban, et je fus fin prête pour aller fêter.

Il était bien tôt lorsque je me présentai au pas de la porte, et la salle était presque vide, comme je m'en était doutée. Quelques employés se promenaient ça et là pour terminer les préparatifs, et un seul client s'était installé à une table, un garçon, plus âgé que moi d'après les traits de son visage. Peut-être pas tellement non plus, il ne ressemblait en rien aux petits garçons shinobis que j'avais croisé à Kiri. De plus, il semblait être là plutôt par hasard plutôt que l'ouverture, son habillement en faisait foi. Je me désintéressa rapidement de lui pour aller m'installer au comptoir. J'aurais pu à ce moment demander à un employé d'avertir Yu de ma présence, mais je me doutais fortement qu'elle soit très occupée avec les derniers détails concernant la soirée. Je commandai donc une bouteille d'alcool de prune à l'une des serveuses, ainsi que quelques coupelles, et j'offris une tournée aux employés présents. Rien de mieux pour détendre l'atmosphère qu'une gorgée d'alcool fort ! En même temps, je demandai à l'une des files d'envoyer un verre au jeune garçon assis plus loin. Il n'avait sans doute pas l'âge légal pour boire, mais de ce que j'en savais, les autorités avaient bien d'autre chose à s'occuper en ville que de savoir que des jeunes consommaient de l'alcool.

De plus, l'annonce de la guerre contre Kumo venait d'être faite. C'était peut-être la dernière occasion pour beaucoup d'entre nous de nous amuser.

Alors que le Kaguya attendait patiemment que quelqu'un s'occupe de lui, un joli brin de femme fit son apparition dans le restaurant. Vêtue d'un kimono à fleurs rose/violet, sa chevelure dorée étincelante éclairait toute la pièce de sa splendeur majestueuse. Non contente de produire un tel effet, elle possédait également une prestance somptueuse qui rendait chacun de ses mouvements irrésistiblement sensuel. Inutile de vous préciser que la demoiselle tapa immédiatement dans l’œil d'Hatanabe. Le jeune homme fit mine de ne pas l'avoir remarqué - comme mon père m'a toujours dit, première règle : tu calcules ap, deuxième règle : tu continues à pas calculer pendant un bon p'tit quart d'heure de plus, et troisième règle : si elle veut te pépon tu dis ouais - puisqu'elle se désintéressait totalement de sa personne, se dirigeant plutôt vers le bar. De son côté le Kaguya restait assis bien tranquillement à sa place. Quelques minutes passèrent avant que la serveuse ne vienne vers lui en lui apportant un verre d'alcool fort, en confiant que c'était de la part de la demoiselle qui se trouvait au bar. En temps normal Hatanabe n'est pas du genre extraverti ni entreprenant, mais dès qu'une femme charmante vient s'en mêler, il est capable de tout. Faut dire aussi que son physique d'apollon y est pour beaucoup, il ne se comporterait sûrement pas de la même manière en étant laid.

Il voulait donc aller aborder cette charmante créature, et afin de se donner un peu de courage - car il en fallait - il bu son verre cul sec. Sauf que n'étant pas très familier avec l'alcool, le liquide lui brûla le gosier et il ne pu s'empêcher de toussoter après l'avoir avalé. Il patienta quelques minutes afin de se préparer psychologiquement à partir à l'assaut, se leva tranquillement de sa chaise, et se dirigea vers la demoiselle d'une démarche somme toute classieuse pour finalement s'adosser au bar à ses côtés.

- Salut, dit-il sobrement en arborant un sourire charmeur.

Dans ces moments-là, Hatanabe était dans son élément. Son visage habituellement froid et inexpressif laissait place à toute une panoplie de mimiques aguicheuses. Pour que le jeune homme réagisse comme ça, il fallait vraiment qu'une demoiselle l'intéresse au plus haut point. Et aujourd'hui, c'était le cas. Autrement il ne prendrait pas la peine de se fatiguer pour rien, ce gros flemmard. Ses pupilles absinthes luisaient et ses dents plus blanches que blanches brillaient à travers ses sourires.

- Alors mademoiselle, qu'est-ce que vous faites ici ? Vous êtes du coin ? Ou peut-être connaissez-vous les propriétaires ? demanda-t-il en guise d'ouverture, après avoir commandé deux verres de plus au serveur - naturellement, pour la jeune femme et lui.

Elle venait de réveiller le côté séducteur de notre jeune Kaguya.

La journée avait été affreusement longue. Takeda, en début de matinée, avait voulu s'entraîner. Il devait améliorer ses capacités physiques et sa maîtrise du Taijutsu, car après s'être frotté à Shinichi, il avait compris qu'il avait encore énormément de progrès à faire. Même si sa fierté en avait pris un coup, il comptait bien se surpasser pour avoir sa revanche. Malheureusement, le Kaguya était à peine sorti de son appartement qu'il s'était fait accoster par un émissaire du village pour une mission. Et oui, Takeda était inscrit sur les listes, et étant donné son statut de ninja, il devait réaliser des missives pour le compte de Kiri. La plupart du temps, des ennuyantes. Son grade de Genin ne lui donnait pas accès à des missions plus élevées. Ainsi, il se retrouvait à faire des tâches plus qu'ingrates. Néanmoins, il ne pouvait pas cracher dessus, car il avait besoin d'argent. S'il n'avait que seize ans, il se débrouillait seul. Enfin, un peu moins depuis que sa mère l'avait rejoint, mais tout de même, il avait appris le sens du travail.

La corvée du jour ? S'occuper d'un petit voleur qui sévissait en centre-ville. Cela aurait pu être intéressant, si le bandit était un ninja. Manque de pot, ce n'était qu'un civil. Alors, en milieu d'après-midi, Takeda commença à faire des rondes dans les rues pour surveiller de potentielles activités suspectes. Il fallut quelques heures pour que le bougre daigne se montrer, et se faire prendre la main dans le sac. S'en suivit une course-poursuite. Cela n'en portait que le nom, car le Kaguya était bien plus rapide que le voleur, il le rattrapa sans même faire d'efforts. Ennuyant. Mais au moins, il allait avoir son argent. Qui sait, il pouvait peut-être garder ce que le bandit avait dérobé, en disant aux autorités qu'il avait eu le temps de le cacher avant que Takeda l'arrête. Pris au piège dans une ruelle, le voleur ne savait plus quoi faire. Le Genin ne lui laissa pas le temps de réfléchir, et décida de mettre un terme à cette mission rapidement. Après avoir chargé sur lui, il lui donna un violent coup de pied dans le torse qui le propulsa en arrière. L'adolescent y avait mis un peu trop de force, car son adversaire virevolta dans la boutique juste derrière lui. Heureusement, la porte était déjà ouverte, alors il ne passa pas au travers. Cependant, cela fit un peu de grabuge, car il vint légèrement cogner le comptoir, là où un garçon et une fille se trouvaient. Takeda marcha jusqu'à eux pour récupérer le voleur, qui était inconscient.

« Excusez mon ami, il n'est pas très discret. Faîtes comme si rien ne s'était passé. »

Le Kaguya traîna le voleur jusqu'à une table, où il le posa sur une chaise. La bâtisse avait l'air d'être une auberge, et d'après ce qu'il pouvait voir, cela faisait aussi restaurant. C'était l'occasion de casser la croûte, c'était plus que mérité après cette réussite. Takeda retourna au comptoir pour récupérer la carte du menu, et ne s'empêcha pas de faire une réflexion à l'homme aux cheveux gris.

« Ils servent vraiment n'importe quoi à n'importe qui, ici. J'te préviens, je te porte pas jusqu'au quartier des Kaguya. »

Takeda ne connaissait pas vraiment le garçon, mais il l'avait déjà croisé dans le quartier. Et puis vu son physique, il appartenait certainement au même clan que lui. Le Genin était à peine un peu plus grand que son interlocuteur, et probablement à peine plus vieux. Takeda non plus, n'avait pas le droit de boire de l'alcool. Enfin, techniquement. Mais bon, cela lui faisait plaisir d'avoir lancé cette petite pique avant de retourner à sa table pour réfléchir à ce qu'il allait manger.

Une journée de repos de plus banale s'acheva pour la Natsumi. Une journée que la samouraï avait passée en partie le nez plongé dans des livres sur la médecine et l'anatomie humaine puis à vagabonder dans le Village Caché de la Brume, accompagné de ses deux animaux bien singuliers, pour saluer les quelques personnes à qui elle avait fini par s'attacher. C'était durant cette promenade de routine que la jeune femme s'était fait aborder par un jeune garçon qui distribuait des flyers sur la promotion de l'ouverture d'une nouvelle auberge dans le coin.

Mairu revoyait encore la tête qu'avait faite le petit lorsque Gouik - son sanglier de compagnie - était venu renifler le jeune garçon alors qu'il tendait un de ses prospectus à la propriétaire de l'animal qui ne devrait pas normalement se retrouver vivant parmi les humains. Le gamin s'était crispé avant de partir en courant tout en criant à plein gosier alors que, dans le silence, la maîtresse et l'animal l'avaient regardé s'éloigner. La Natsumi avait ensuite reporté rapidement son attention sur le flyer qu'elle avait en main, sous les regards des riverains et passants que le cri du jeune garçon effrayé avait alertés. La plupart connaissaient déjà la samouraï et ses animaux qu'ils n'avaient accordé aucune importance à ce qui s'était passé, retournant rapidement à leurs activités.

Le prospectus sur l'ouverture de la Mésange Bleutée traînait à présent sur la table basse du séjour de la Natsumi qui s'était éclipsée pour aller se préparer pour la première de la nouvelle auberge qui avait réussi à susciter son intérêt. Après une douche, elle se vêtit d'une tenue qu'elle pourrait porter quotidiennement et ses lunettes qu'elle ne portait pas habituellement lorsqu'elle était en mission, à causes des incidents passés. La jeune femme ne voyait pas le besoin de se mettre en tenue spéciale alors qu'elle allait juste dîner et seule qui plus était dans une auberge de plus ordinaire.

Spoiler:

Parée, Mairu quitta son domicile sans ses animaux qui dormaient déjà. Gouik était un animal nocturne d'origine mais depuis que le suidé fréquentait la Natsumi, il s'était adapté au rythme de vie des humains. Quant à Iyan, c'était un panda nain de plus fainéant qui dormait en même temps que les poules mais qui se levait bien après les oiseaux de basse-cour.

Après quelques minutes de marche tranquille, la Natsumi se présenta à l'entrée de la Mésange Bleutée. Le lieu commençait à se remplir mais des tables étaient encore libres.

Restant au seuil de la porte, la jeune femme balaya rapidement l'endroit du regard qui s'arrêta sur une silhouette qui lui était familière. Sans perdre de temps, Mairu se dirigea vers la jeune fille aux cheveux clairs qui se tenait au comptoir.

« Bonsoir Amaya, fit-elle de sa voix habituellement sereine. Je ne m'attendais pas à te voir i … La Natsumi s'interrompit alors que ses yeux rubis se posèrent sur un jeune garçon qui se tenait juste à côté de sa jeune kōhai. Je dérange peut-être ? Reprit-elle ensuite en se tournant de nouveau vers Amaya et sur un ton toujours aussi calme mais teinté d'une curiosité non déguisée … »

Apparence Rinkyu:

Il ne manquait plus que ça.

Alors que j'avais espérée être tranquille, picoler et manger un peu, voir peut-être discuter avec Yu si j'avais la chance pendant un moment de la soirée où les chose se calmeraient pour elles, voilà que l'autre mec tout seul s'était levé pour venir me rejoindre. Pourquoi moi? Parce que j'étais l'unique cliente pour le moment avec lui? Parce qu'il avait pu profiter de ma tournée d'alcool? Des raisons de merdes pour venir me parler, voilà. J'avais envie d'être toute seule, je me serais assise avec lui si j'avais voulu me taper la discute. Mais bon, mon amie m'en voudrait peut-être de faire fuir sa clientèle, aussi je tentai de rester poli avec la garçon qui était venu me rejoindre. Son "Salut" aux accents charmeurs m'avait laissée de glace. Plus frigide que moi, tu te transforme en glaçon. Ses yeux verts et son sourire aux dents éclatantes qui se la jouaient beau mec ne suffirent pas à me donner des chaleurs, et c'est avec un visage froid que je lui répondis - non sans prendre cul sec le verre qu'il venait de m'offrir, merci.

« Je suis ici pour .. »

Vlan ! La porte qui ouvre à la volée, et quelqu'un qui vint se cogner contre le bar, façon Yadokai contre Papy aux portes. Le responsable de ce grabuge s'excusa avant de prendre place, sous mon regard ébahi. Et de revenir pour servir une mise en garde contre la dragueur. Tiens un Kaguya, ceci expliquait cela, surtout pour l'autre qui étaient maintenant inconscient sur une chaise.

« Je suis venue pour.. »

«Amaya, bonsoir ! Si tu veux quelque chose, n'hésite pas à me demander à moi ou à Mizumi, la serveuse qui passe.»

« Oui merci Yu »

«Oh ... Bonsoir Hatanabe... Mes excuses... pour le... dérangement ?»

Non, non Yu, tu ne dérange pas. Tu peux rester hein. Non, ne t'en va pas steplaiiiiit.....

« Bonsoir Amaya, Je ne m'attendais pas à te voir … Je dérange peut-être ? »

Surprise, ma sempai venait de débarquer à son tour. Hé merde. Je ne pouvais pas me souler avec elle dans le bar aussi, elle me ferait sûrement regretter demain d'avoir consommé de l'alcool. Tant que j'aurai pas sué tout ce que j'allais consommer, elle allait me faire travailler comme jamais, jusqu'à ce que j'en vomisse s'il le faut.

« Non non Natsumi-San, vous ne me dérangez pas du tout. »

Je sentais bien son regard sur moi, et sur l'autre inconnu qui était venu m'aborder, et la curiosité dans ses yeux disait tout ! Nononon y'a erreur, je ne connais pas ce gars qui vient de m'approcher, je m'en fous. S'il me paye de l'alcool tant mieux, sinon qu'il dégage j'ai pas de temps à perdre avec lui. Le silence s'en venait des plus malaisants, et je ne répondis rien de plus jusqu'à ce qu'elle se désintéresse de moi, soupirant en cachette.

Et ce fût la cascade.

«Je connais.. »

«Salut Hatanabe ! Et bonsoir mademoiselle ! Je vois que t’es bien entouré ! Tu lui as fait ton meilleur numéro de drague ? Ça marche ou pas ? »

«Salutations, Amaya. »

C'était trop pour moi.

«...................»

Me renfermant dans mon mutisme, je me détournai du jeune homme et me servis un verre d'alcool de prune que je pris cul-sec encore un fois. C'était la catastrophe, je n'avais pas envie de me faire des amis ce soir, et voilà que la moitié des Genins de mon âge m'avaient vu en compagnie d'un dragueur en série si je me fiais au commentaires de ses amis. Son tour de passe-passe n'allait pas marcher avec moi. Je pris donc un menu que je me mis à lire de gauche à droite et de droite à gauche, en diagonale aussi, espérant faire fuir l'autre devant mon expression de glace et totalement désintéressée. Il ne manquait plus qu'une seule personne pour compléter le bal, aussi je priai secrètement que Sora débarque pour que l'autre dégage. Il avait beau me taper sur les nerfs quelques fois, mon cousin savait aussi se montrer utile en voulant se battre avec n'importe qui.

Takeda était en tête-à-tête avec le voleur, inconscient. Après avoir interpellé les deux tourtereaux près du bar, il était retourné à la table où il avait déposé la cible de sa mission. Apéritif en main, le Kaguya pouvait parcourir la carte de l'auberge en toute tranquillité. Il devait l'avouer, la Mésange Bleutée servait des repas intéressants, et moins cher que la concurrence. Cela avait probablement un lien avec l'ouverture récente, pour attirer la clientèle dès le début. Plutôt astucieux. Takeda ferait mieux d'en profiter à présent, avant que les prix flambent. Alors qu'il était en pleine réflexion, le Genin se fit interrompre par une des serveuses. Très agréable, elle lui posa néanmoins des questions sur l'homme inconscient, et ajouta que l'adolescent devait aussi payer pour l'homme, étant donné qu'il prenait une place.

« Ah. Je ne crois pas non, il ne manquerait plus que ça. Gardez-moi la place, je reviens. »

Avec sa cordialité habituelle, évidemment. Il n'en voulait pas à la serveuse, elle ne faisait que son métier. Mais Takeda n'allait pas payer pour ce déchet, ça non. Déjà que l'homme était un voleur, cela serait un véritable comble de devoir payer sa place. Ni une, ni deux, le garçon se leva de sa chaise, après avoir posé la carte, et commanda des makis en guise d'entrée auprès de la femme. Il partit ensuite de l'autre côté de la table, et attrapa le mécréant qu'il fit tomber au sol. Takeda se dirigea vers la sortie, traînant le bougre sur toute la longueur du hall. Il n'allait pas non plus se fatiguer à le porter sur son dos. Une fois à l'extérieur de l'enseigne, le Kaguya confectionna avec un bout de terre des menottes. Maîtriser le Doton avait un côté pratique. Maintenant, le brigand ne pouvait pas fuir, même s'il venait à se réveiller. Takeda pouvait manger paisiblement, et ne plus s'en soucier. Il prit quand même le soin de poser un mot qui disait de ne pas libérer cet homme. Il ne voulait pas non plus perdre sa prime, et cela serait ennuyant de devoir le retrouver.

Takeda ne s'en était pas rendu compte, mais l'auberge s'était bien remplie. Il commençait à y avoir foule, sûrement parce que c'était le jour de l'ouverture. D'ailleurs, il remarqua que le groupe qu'il avait accosté à son entrée s'était agrandi. Le Kaguya supposa qu'ils devaient tous se connaître. Lui, il ne s'était pas lié d'amitié avec beaucoup de personnes depuis son retour à Kiri. De toute façon, cela ne l'intéressait pas tant que ça. Passant de nouveau à côté de cet attroupement, il ne put s'empêcher d'entendre la conversation. Le garçon aux cheveux bicolores n'avait pas l'air très amical. Takeda sourit en entendant cela. S'il y allait avoir une bagarre, il voulait voir ça ! Cependant, il y eut une seconde chose qui attira son attention. Une femme au sein de ce groupe. Elle était bien plus âgée que les autres. Le Kaguya garda son sourire en la regardant, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Il ne put détourner son regard de la paire de seins qu'elle avait. Malgré sa tenue rouge et blanche, sans décolleté, on voyait clairement qu'il y avait du monde au balcon. Takeda espérait que son petit coup d’œil passe inaperçu. Elle n'avait pas l'air très commode, avec ses lunettes.

« La gérante, c'est elle. Je ne connais pas son nom par contre, mais t'as qu'à l'accoster, c'est la bonne journée, on dirait. » dit-il en pointant Yu.

Le Genin ne connaissait pas la gérante, mais depuis tout à l'heure, il avait pu écouter plusieurs conversations en laissant ses oreilles trainer et il avait compris que c'était elle qui possédait l'auberge. En attendant, Takeda retournait à sa table, que la serveuse lui avait gentiment gardée. Elle prit même le soin de lui apporter les makis au bœuf qu'il avait précédemment commandé. L'adolescent s'assit, finissant son verre d'apéritif avant de commencer à engloutir les rouleaux de riz. Évidemment, il se plaça de telle sorte qu'il pouvait avoir les yeux rivés sur le groupe qu'il avait croisé. Il voulait voir où tout cela allait aboutir, et pourquoi pas, envenimer la situation si cela devenait ennuyant.

Peuples et peuplades, je vous salue !

Brusquement, les portes de la nouvelle auberge claquèrent. Le son fut suffisamment fracassant pour cesser les festivités et tous portèrent leur attention vers le nouveau quidam pénétrant dans ce lieu, hurlant tel un cinglé. À l’entrée, l’on peut distinguer une silhouette vêtu presque uniquement de noir. En détail, une crinière de même couleur que le jais, des oreilles d’elfe puis une paire de lunette de soleil aux vitres fumées. Ce jeune homme explose en cet endroit avec un sourire narquois sur les lèvres et c’est d’une démarche confiante qu’il s’avance dans cette taverne nommée « la Mésange Bleutée ». D’ailleurs, parlons de ce nom ridicule. La Mésange Bleutée. Vraiment ? Tout simplement risible et pathétique. Mais bon, il s’agit de l’ouverture, alors ne faisons pas chier plus longtemps la propriétaire et passons direction dans le vif du sujet sans tourner autour du pot. La chance, il y a beaucoup de monde. Peut-être que la bonne nouvelle se propagera rapidement.

Messieurs dames, je me nomme Natsu ! Je suis ici pour vous faire part d’une proposition unique ! Voyez-vous–

Ferme ta gueule, le Lutin ! On est ici pour relaxer et toi tu viens faire–

Soudainement, une énorme masse apparue au-dessus de la tête du malheureux. Telle une épée de Damoclès, elle s’abattit sur l’impoli. Une grosse salamandre venait d’apparaître de nulle part et écrasa le client, broyant à l’occasion ses deux jambes. Un strident cri de douleur vibra en écho dans l’auberge et probablement le quartier entier.

Ta mère ne t’a jamais appris les bonnes manières, sale chien ? Je parle, alors ne me coupe pas la parole. Respecte mon autorité !

Les amis de l’importuné le recueillirent et sortirent du bâtiment à la vitesse de l’éclair en direction de l’hôpital. Après s’être assuré que personne n’allait lui couper la parole de nouveau, le Chûnin racla sa gorge et reprit son discours là où il l’avait laissé, le ton cette fois-ci plus sérieux.

Comme je disais plus tôt, j’ai une offre pour les Genins. Afin de former la nouvelle génération de Kiri, je suis prêt à accepter quelques élèves. Vous souhaitez devenir plus fort ? Soit. C’est la récompense ultime que je peux vous promettre. Néanmoins, il y a aura un prix à payer : celui de la sueur et du sang. Le parcours ne sera guère facile, alors motivez-vous.

Sur ces propos, il sortit une pile de feuilles de sa veste et la balança. D’innombrables affiches volèrent dans les airs avant d’atterrir sur le parquet – ou encore la nourriture de certains. Si l’on prend le temps de la lire, l’on peut voir sur le placard un gribouillis digne d’un enfant de cinq ans. Dans ce cas-ci, c’est notre héros qui n’a aucun talent dans le domaine des arts. Nul temps d’écouter les plaintes et les emmerdes de chacun, Natsu réajusta ses lunettes de soleil et emprunta le chemin de la sortie, ce même sourire narquois étiré sur son minois. Lorsqu’il franchit le seuil de la porte, il disparut, baignant dans la gloire et lumière du jour et aveuglant les paysans derrière lui.

La classe.