Volute de tabac et brume se mélangeaient en un entêtant nuage qui ne cessait de suivre la démarche du Shinda toujours aux aguets dans ses bois qu’il connaissait pourtant si bien. il avait tâché de diminuer sa consommation de cigarettes mais il s’était accordé celle-ci pour son bon plaisir. Le fait de pouvoir s’octroyer ce petit moment de plaisir lui apportait un peu de légèreté dans son pas déjà subtil et discret. L’idée n’était pas non plus de débarquer tel un troupeau à son lieu de rendez-vous. Il était en avance, s’était débrouillé pour libérer sa journée exceptionnellement. Rien que lui et son petit loisir solitaire de nicotine.

Chaque bouffée lui apparaissait comme une bénédiction. Il n’avait pas fumé depuis seulement quelques jours et il se retrouvait dans un parfait état d’extase pour seulement une cigarette. C’était pour dire à quel point il était nécessaire qu’il diminue progressivement sa consommation. Pourquoi pas l’arrêter même. Un projet fou. Il en avait bien d’autres à traiter et ce dernier figurait en bas de liste à juste titre. Le jour où il pourrait s’y consacrer pleinement, c’est qu’il aurait atteint un point culminant de sa vie.

Fort heureusement il avait encore beaucoup à faire. Il aurait été triste qu’il se retrouve à la retraite à son âge. Ses responsabilités avaient de quoi le tenir au crochet du monde shinobi pendant encore un temps. Tout s’était accéléré et précisé au fil du temps. La reconstruction de Kiri, sa renaissance, son poste de Mizukage. La nouvelle avait poussé chacun à chercher à se placer vis-à-vis du nouveau village et de son dirigeant. Suna l’avait contacté, il s’était entretenu avec le Raïkage et la meneuse du groupe du Kyomu s’était enquit d’un rendez-vous en sa compagnie. Restait l’Hokage que le Shinda avait contacté par le biais de ses agents. Peu de nouvelles de ce côté d’ailleurs. C’était au programme pour plus tard. Il aurait vite l’occasion de rencontrer la dirigeante de Konoha de toute façon avec le sommet des Kages approchant. Un évènement important qui le tiendra occupé.

Beaucoup de choses à gérer donc et ce petit évènement s’imbriquant parfaitement dans son emploi du temps. La cigarette consumée rejoignit le sol alors qu’il déposa un premier pied dans la clairière qu’il connaissait et où l’attendait son invité. Enfin ses invités pour être précis. Sairyo Hiko et Kaguya Milly. Il était presque amusant de les voir côte à côte. Deux univers et mondes différents. Une dualité étonnante mais le Destin les avait réunis. Tous. Le trio ainsi formé pouvait profiter de ce havre de tranquillité pour parlementer. Répondant finalement à l’interpellation du garçon, Michiki afficha une moue des plus stoïques malgré la complicité dans sa voix :

- Je n’en ai jamais douté voyons. Félicitations à toi. Peut-être même que tu retrouveras Hollow un jour.

Sans plus de cérémonie, Michiki se saisit d’un objet à sa ceinture et le tira à la lumière du jour alors qu’il franchissait les derniers pas le séparant des deux individus. Fondant sur la Kaguya, il lui plaça alors la petite fiole au niveau de son nez. Une toxine quasi inoffensive mais extrêmement nauséabonde. Elle pourrait même réveiller un mort. Seulement pour ça le binoclard n’avait pas besoin d’une solution magique. Le liquide ne tarderait pas à tirer la jeune femme de sa torpeur. Lorsque ce fut fait, il lui laissa l’occasion de reprendre ses esprits et de réaliser où elle était, l’accueillant ainsi d’un large sourire :

- Bienvenue à la maison !

Où étais-je ? Mes paupières étaient excessivement lourdes et tous mes sens semblaient encore endormis. Moi-même je n’étais pas pleinement présente. Je me sentais vaseuse, remuée, avec une forte envie de vomir. Quelque chose me serrait au niveau des mâchoires, rendant la respiration difficile et les muscles douloureux. Que c’était-il passé ? Je me souviens avoir perdue connaissance en me prenant la foudre du gamin. Mais alors pourquoi j’ai cette désagréable impression d’être ballotée dans tous les sens ? Et le gamin, il est où ? Une odeur de sel ?
Aie ! Sans raison apparente je venais de me prendre un coup, ou un coin de meuble à l’arrière du crâne, juste de quoi réussir à ouvrir légèrement les yeux. Une lumière flou filtrait à travers un tissu sombre, et une ombre, une silhouette remuât jusqu’à ce qu’une douleur survienne dans mon avant-bras droit. Une piqure ? Attendez … est-ce que …
Le noir se réinstalla, me faisant à nouveau perdre toute accroche avec le monde réel. Et là encore, pas de rêve, pas de cauchemar, pas de repos non plus. Si vous connaissez le principe de la stase, alors vous n’êtes pas bien loin de la vérité. J’étais comme morte, mais encore en vie … C’est ça, c’est un kidnapping.

J’émergeai ainsi plusieurs fois, et à chaque fois la nouvelle piqure dans le bras, me renvoyant dans les abysses de la conscience humaine. Le truc étonnant dans ce tableau pourtant peu reluisant, était que l’esprit qui m’accompagnait semblait tout autant affecté par cette drogue régulièrement réinjecté. Et entre nous ce n’est pas plus mal. Avoir la paix de temps en temps, c’est mine de rien très reposant.
Mon dernier réveil fut bien plus agressif que les précédents. Provoqué par une odeur plus qu’immonde je me tortillai sur place comme pour repousser la source, avant d’enfin ouvrir les paupières. Le soleil et la chaleur, voilà une chose qu’il m’avait manquée. En second temps je vis et reconnue mes ravisseurs – si on peut les appeler ainsi – car à côté se tenait l’enfant aux cheveux blancs de Yuki no Kuni, et en face le plus détestable de tous les mecs, Shinda Michiki. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Pourquoi ils sourient ces deux cons ?
Une seconde je connais cet endroit, ce champ, cet atmosphère humide, ces arbres. Mizu no Kuni. J’étais revenue chez moi, mais pas de ma propre initiative ni par moi-même. Pour preuve, en baissant les yeux je pus voir ce que mes poignets encore engourdis avaient du mal à reconnaitre, des menottes à interruption de chakra. Ça explique donc aussi pourquoi je me sens aussi faible, et cette sale envie de vomir …

« Tiens donc le traitre. Doublé d’un lâche en plus, tu fais peine à voir Michiki. Avoir besoin d’un gosse pour me retrouver, toi qui te plait dans ta supériorité. »

J’ordonnai à mes jambes de me lever, mais ces dernières ne semblaient pas tout à fait du même avis. Forcer la chose ne fera que me faire trébucher et rendre encore plus ridicule la situation.

« Bon maintenant qu’on est là, qui fait les présentations ? Nan parce que je ne connais toujours le nom de ce môme, et pour le féliciter de ce qui fut mine de rien un beau combat, ce n’est pas pratique … Et toi, monsieur le nécromancien ? Trop difficile d’envoyer un carton d’invitation ? Vas-y dit ce que tu attends de moi, que je puisse répondre non et te cracher au visage sans griller les étapes. »

Je ne devrais peut-être pas faire la fière, après tout ils sont tous les deux puissants et moi avec ces entraves je suis sans défense. Mais rien à faire, juste voir sa tronche ça me provoque de l’urticaire.

Le flot d’insultes et de provocations que le Shinda ne connaissait que trop bien chez son interlocutrice vint lui chatouiller les oreilles. Un son entêtant qui l’avait fortement agacé par le passé et qui ne manquait pas de toujours titiller sa patience. Mais aujourd’hui il sonnait différemment. Comme une lointaine litanie lui tiraillant l’âme. Il en aurait presque fermé les yeux pour en savourer la douce symphonie mais il ne pouvait se laisser aller à de telles futilités dans pareille situation. Il fallait garder un minimum de sérieux voyons.

Ne prenant pas la mouche il se contenta de regarder la Kaguya s’exciter. Un sourire et un petit geste de la main pour remonter ses lunettes suffirent à répondre. Mais Hiko vint rompre le silence en répondant aux dires de la demoiselle. Bras croisés sur le torse, les épaules légèrement affaissées, il le laissa faire en l’observant. Malgré son air enfantin, il dégageait un sérieux et une aura différente des autres fois qu’il s’était vu. Le regard azuré du nécromancien le détailla sans réussir à trouver ce petit quelque chose qui avait changé chez ce gamin. Les combats et la vie devaient avoir fait leur travail. Un petit rictus lui vint pendant que la présentation succincte était faite à la Nukenin attachée.

L’heure devait être à lui au vu du tournant de la discussion. N’ayant pas réagi plus tôt aux vociférations de la dame, le Shinda s’était réservé pour plus tard et étant donné que le garçon ne reprit pas, il se permit d’enchaîner à son tour :

- Allons allons très chère pas de si mauvais mots voyons ! Je peux comprendre que l’ego blessé d’une défaite face à un enfant puisse rendre agressif mais inutile de s’en prendre à moi. C’est une petite surprise de vous retrouver ici en ces circonstances. Un joli cadeau que me fait notre ami ici présent je l’admets.

Il avait terminé en désignant le Sairyo d’un geste ample du bras qu’il décala de sa poitrine avant que l’autre n’aille rejoindre sa poche, effleurant le briquet qui s’y trouvait et qu’il saisit machinalement. Il fit quelques pas de côté avant de lui offrir un nouveau regard taquin et sarcastique :

- Mais on ne te la fait pas à ce que je vois ! Puisque nous sommes ici bien sûr autant en profiter et en venir au marchandage en effet. Je resterai donc simple et concis pour ne pas te laisser accumuler trop de salive pour le crachat à venir.

Il remonta une nouvelle fois ses lunettes en levant légèrement la tête pour ne plus être importuné par ce menu détail qui n’enlevait rien à la fluidité de ses gestes et de ses mots :

- Un marché tout ce qu’il y a de plus simple. La tête de tes partenaires du Kyomu. Tout ce que tu sais et l’assurance que tu sauras nous aider dans la traque de chacun d’eux. Pour leur élimination pure et simple bien sûr. Mais je te sais fidèle à tes petits amis alors le jeu doit en valoir la chandelle n’est-ce-pas ? En échange donc, je laisse le soin à ton clan de retrouver une place de choix au sein de la Brume. Et au vu de l’ampleur de l’accord que nous essayons de passer ici, je puis t’assurer que quand je dis « choix », ce n’est pas dans le vent. Loin de là.

Le Shinda avait déjà une idée de ce qui l’attendait comme réponse. Il pourrait presque le parier. Mais il lui était déjà arrivé d’être surpris. Peut-être la Kaguya saurait faire partie de ces exceptions ?

Ce fut le plus jeune qui répliqua le premier, et à l’entendre ça ressemblait beaucoup … comment le décrire … au mec qui s’incruste dans les soirées et qui prend le parti de machin ou machin, pour s’intégrer au groupe alors qu’il n’a rien à faire là. Ces mots avaient autant de poids, comme un moustique la nuit qui vous empêche de dormir. Il ne fait pas de mal mais qu’est-ce qu’il fait chier ! Mon regard à sa réplique exprimait parfaitement cette sensation de lassitude et de fatigue. Bref le côté positif c’est encore qu’il daigna enfin se présenter. Sairyo Hiko, ok d’accord, bah tu vois ce n’était pas si compliqué.
Michiki intervint ensuite, demandant à ne plus entendre tant de gros mots. Oh toi, si tu savais … Non je préférai ignorer ses petites tirades dont il semblait en tiré le plus grand plaisir. Il ne vaut même pas la peine de se fatiguer pour lui. Écoutons plutôt ce qu’il l’amenait à nécessiter l’aide d’un gosse pour me rencontrer, et surtout dans pareille situation.
Il voulait en somme la tête de tous les membres du Kyomu en échange de mon acceptation dans les rangs de Kiri. Une élimination pure et simple de l’organisation, et il présentait ça comme si j’avais le choix, comme si le marché était équitable. Au fil de son discours je ne pus cacher mon étonnement, et une certaine raillerie.

« Ohohoh, tout ça juste pour ça ? Tu t’es écouté au moins ? Ahah elle est super bonne celle-là ! Hey, je savais que t’étais un péteux, mais jamais je n’aurais crue que tu puisses faire de l’humour pardessus ! Ohoh, bon bon bon, un peu de sérieux. Selon toi, la proposition est honnête ? Alors voyons ça avec un angle de vision complètement différent. Tu quittes Kiri, tu quittes Mizu no Kuni, tu retournes lécher les pompes de ton illustre empereur, et en échange on oublie toutes tes bavures. Pas mal ça aussi nan ? Moi j’aime bien. »

Je lui souriais avec cet air si méprisant qui lui convenait parfaitement.

« Mais je te comprends, tu n’as aucun moyen de savoir si je tiendrais parole. C’est exactement la même chose. Je n’ai aucune assurance de ce que tu avances et mieux encore, tu ne mérites même pas qu’on prenne le risque de te faire confiance … Plusieurs fois je t’ai proposé de l’aide afin de te défaire du Shukaï, autant par moi qu’à travers mon réseau. Mais je vois que tu as choisis ton camp depuis un moment. La petite blague sur la vaseline n’était donc pas totalement infondée. »

Je tournai ensuite la tête vers l’enfant, car après tout il est aussi dans la conversation.

« Tu as fait ton taff. C’était mine de rien un beau combat, tu es doué et il n’y a presque rien à corriger dans ton style. J’ai été pour ma part trop arrogante, bien joué. Maintenant rentre chez toi, tu n’es pas le bienvenue sur ces terres. » Revenons ensuite au principal intéressé. « Tu me demande de trahir ceux qui m’ont certainement plus écoutée et soutenue, après mon propre clan. Alors c’est tout simple, nop. Et je suis désolée j’aurais adorée te cracher dessus, mais je manque d’eau avec ce long voyage. »

Un petit haussement d’épaule, avec un sourire faussement navré, je me ré-adossai à l’arbre qui me servait de support, au moins le temps que mes jambes soient pleinement réveillées. Et puis autant profiter d’avoir les mains devant, dans la terre pour dessiner, l’air de rien, le symbole du Kyomu. Sait-on jamais, je n’aucune idée de ce qui va m’arriver dans les prochaines minutes, alors peut-être que …

Mais il semblerait que non. Aucune surprise que ce soit dans ses actes ou ses paroles, la Kaguya restait fidèle à elle-même. Une certaine manière d’être en accord avec ses principes personnels ou ses valeurs. Une chose que le Shinda avait laissée de côté en ce qui concernait la Nukenin. Mais aujourd’hui il était las de tout ça. Las de ses incessantes provocations et de cette immaturité parfaitement puérile qui ridiculisait la jeune femme à chaque fois qu’elle ouvrait la bouche. Il s’en retrouvait à éprouver presque de la honte s’il était lui-même membre de son clan. Mais il ne l’était point et gardait par conséquent un regard objectif sur la scène.

Sa famille était une des plus anciennes de l’archipel, on ne pouvait lui enlever. Mais par la même occasion, la politique de la jeune femme entravait grandement les progrès de Michiki. Autant dans sa quête d’indépendance que dans sa conquête totale des îles. Malgré le renouveau de la Brume, il fallait convaincre la population que Kiri était de retour pour de bon, plus fiable que jamais. Une volonté de fer l’animait sur ce point et c’était également cette dernière qui l’avait mené à la décision suivante.

Face aux réponses négatives de la Nukenin, Michiki répondit d’un simple geste visant une nouvelle fois à remonter ses lunettes. Il ferma les yeux un instant à ce moment avant de fixer de nouveau son interlocutrice qui semblait dessiner quelque chose au sol. Pivotant légèrement la tête, il reconnut l’emblème qu’arborait le Kyomu. Un appel ultime dans un élan d’espoir ? Le sentiment le plus fort de tous. L’espoir faisait aussi bien vivre que mourir. Contenu à une certaine dose, il permettait à tout un chacun de se plier aux exigences de n’importe qui. Mais cette maîtrise était infiniment minutieuse. Qui la manipulait sans aucun savoir pouvait tout perdre.

Un des bras ballants du nécromancien pivota, faisant apparaître quatre lames blanches dont le reflet éclaira brièvement la Kaguya. Le chant sinistre approchait. Ses premières lueurs annonciatrices du malheur qui s’insinuait au-dessus de la jeune femme. Ses épées de Damoclès avaient été posées et elle les avait ignorées. Une bien triste décision. Le poing du Fossoyeur s’éleva à hauteur du visage. Sa voix brisa sèchement le silence. Son intonation était méconnue. A la fois partagé entre le cantique et la retenue de ses émotions. Religieusement, il se mit à parler :

- Tout sur cette terre a un prix. Le pain comme l’eau comme un toit comme la vie. Tout se paye en ce bas monde. Notre monnaie n’y changera jamais rien car nous sommes les instruments de cette société corrompue par le commerce. Une seule chose encore pure et véritable nous unit sans que nous ne puissions en faire le marchandage à proprement parler : la vie.

Ce dernier mot fut ponctué d’un mouvement très rapide de son poignet. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, un des scalpels dans sa main disparut sur le coup pour aller se ficher à quelques centimètres sur le côté droit de la Nukenin.

- Nous nous sommes tous arrogés le droit d’en dispenser comme bon nous semble en choisissant la voie du Shinobi. Un prix que nous sommes tous prêts à payer. Il ne mériterait aucun sacrifice et pourtant il nous attend au bout de nos chemins. Les grandes nations ne sont que des façades destinées à établir un semblant d’ordre dans cette vaste mascarade. Nous y participons tous, consciemment ou pas.

Un autre jet vint ficher le second scalpel aux pieds de la Kaguya cette fois.

- Nous avons dissimulé notre soif de sang derrière de beaux principes tels que le courage ou l’honneur. Ce sont des notions futiles, uniquement là pour amener un semblant d’ordre dans ce qui ne serait qu’une vaste anarchie. Un tel système conviendrait mieux que le nôtre actuellement ? Difficile de le dire. Mais il est souvent démontré qu’un gain de liberté en éloigne généralement l’abus.

La troisième arme blanche se retrouva sur le flanc gauche de la jeune femme qui se retrouvait au centre de cet étrange triangle. Il restait encore un projectile en main au Shinda qui continua sur sa lancée :

- Il ne se passe pas une seconde sans qu’un civil ou un shinobi ne périsse. Tant de vies sacrifiées pour la grandeur des plus vastes. Un équilibre à apporter dans le monde ? Il tournerait tout aussi bien sans toute cette politique hypocrite et mielleuse qui anesthésie seulement le peuple et rarement les dirigeants.

Le dernier scalpel se retrouva au-dessus de la tête de la Nukenin qui se retrouvait entourée par un étrange carré. Pliant alors ses genoux, le Shinda se mit à sa hauteur pour mieux la regarder dans les yeux, qu’elle le veuille ou non :

- J’ai toujours agi dans un seul but : survivre. Un maître mot qui ne m’a pas trop mal réussi. Quel qu’en soit le prix certes. Tu m’as toujours vu comme un usurpateur et un vendu. Sache que c’est ainsi que le monde tourne. Ta propre cheffe m’a tendu la main en ce sens. Tout le monde a un prix. La fidélité et l’honneur n’ont plus leur place dans ce monde. Aussi fervent défenseur que nous pouvons l’être. Je ne l’ai jamais véritablement été. Ce sont des fadaises qui vous lient à tout un tas de problèmes.

Alors qu’il prononçait ces mots, la terre s’agita légèrement sous ses pieds pour s’accumuler dans sa paume à nouveau libre pour y former un manche assez long qui se termina par une lame recourbée. Le Fossoyeur maintenant armé de sa faucheuse, il allait entamer sa moisson :

- Tu ne m’as jamais apprécié et c’est réciproque. Tu m’as toujours haï et c’était réciproque. Tes provocations et coups de gueule n’auront pas fait avancer les choses. Il y a bien plus important à faire que de s’égosiller à tout va. Ton arrogance et ton insolence te mènent aujourd’hui aux portes finales de ton périple.

Puis les lames plantées précédemment furent entourés d’une brume alors que les sceaux apposés dessus furent activés pour laisser apparaître quatre cadavres encapuchonnés. Trois entourant la jeune femme et le dernier perché sur l’arbre grâce à un peu de chakra dans la plante de ses pieds. Les quatre gardiens de son trépas, accompagnant leur maître. Annonciateurs de malheur, ils étaient en cet instant l’incarnation des Chevaliers de l’Apocalypse, témoignant du retour de leur Roi damné. Le visage du Fossoyeur se voulait stoïque mais son regard semblait habité d’une lueur étrange mais puissante. La lame rocheuse de sa faux s’éleva et s’abattit sur la Nukenin. Elle atterit dans la poussière au sol, en plein sur le dessin grossier de la prisonnière. Se redressant de sa hauteur, Michiki eut un dernier regard pour cette femme qui lui avait tant causé de soucis. Jamais elle ne saurait toute la vérité. Elle garderait l’image d’un homme corrompu et lâche. Une chose dont il se moquait éperdument.

Les yeux azurés dérivèrent sur le jeune garçon qui assistait à la scène avec calme. Il n’y avait pas de doute. Son regard avait changé, marquant également celui de sa personnalité. Michiki soupira et observa la Nukenin alors que sa dextre s’éleva pour faire retentir un claquement de doigt sinistre qui résonna dans toute l’aire. Les cadavres s’animèrent et chacun unissant ses paumes, ils se décomposèrent pour former une masse verdâtre et grouillante qui s’insinua au sol, grignota progressivement l’arbre sur lequel était reposé la Kaguya. Puis la matière presque noire se mit à engloutir progressivement la jeune femme. Un bruit désagréable et extrêmement immonde de la chair se rétractant pour ne plus être, les os broyés en eux-mêmes. Un spectacle sinistre mais qui ne fit dévier les yeux au nécromancien. Un ultime regard chargé de haine que lui rendit la malheureuse avant de finir à son tour engloutie et aveuglée définitivement par le néant.

Lorsqu’il ne resta de cette zone minime que des traces noires, le Shinda claqua des doigts une nouvelle fois et le phénomène de décomposition cessa. Une simple aire noirâtre recouvrait l’endroit désert où se trouvait juste avant la jeune femme. Il tourna le dos aux restes de cette scène afin de s’allumer une cigarette. Puis il fit revenir ses yeux sur le Sairyo.

- Je me répète mais félicitations. Sincèrement. Ce n’est pas un mince combat que tu as livré. Tu as énormément appris et progressé. Peut-être pourrons-nous croiser le fer amicalement d’ici là. En attendant je pense que tu peux t’en retourner chez toi afin de jouir d’un repos bien mérité. Bientôt la nouvelle de sa disparition agitera les rangs Shukajins et tu seras harcelé de questions. Je pense qu’il serait préférable d’omettre mon implication. Ce serait un bon moyen de prouver ton dévouement à l’Empereur, même si tu ne le juges pas apte à le recevoir. C’est toujours une bonne voie pour te rapprocher au plus près. Une fois côte à côté, il est toujours plus facile d’enfoncer une dague.

Puis le Fossoyeur entama quelques pas jusqu’à l’orée des bois. Il s’y arrêta pour relever la tête vers le ciel. Un vent soufflait sur la clairière, balayant les décombres nécrosés de l’arbre et de sa prisonnière. Ce lieu resterait vierge de leur passage et de ce qui ce sera déroulé. Sa mort sera certainement déduite et l’Empire serait le premier accusé de cela, évitant à Kiri des représailles trop directes. Raison pour laquelle Michiki n’avait pas donné rendez-vous au Sairyo en plein village pour une exécution sur la place publique. Son audience devait garder l’image d’un dirigeant quasi irréprochable dévoué au bien-être de son peuple. Les Kaguyas verraient d’un très mauvais œil son acte s’il l’apprenait. Un instant qui resterait entre le jeune garçon et son allié de longue date.

- Hollow aurait été fier d’avoir un élève comme toi. Tu aurais pu devenir aussi doué que son premier apprenti. Si je ne te recroise pas d’ici là, je te souhaite bonne route…Engeance des Ombres.

Une fois ce surnom improvisé lâché, le Fossoyeur souffla un volute de tabac qu’il traversa pour finalement disparaître dans les bois. Une soudaine pensée nostalgique lui vint. Des mots de la Kaguya justement. Il en sourit, baissant légèrement la tête. C’est vrai qu’il parlait trop des fois.

Spoiler:

La suite était sans appel, j’allais mourir ici. Seule, sans pouvoir me défendre, sans pouvoir faire autre chose qu’accepter mon sort. Pendant son spitch à se donner des grands airs, Michiki venait invoquer quatre lames qui se plantèrent chacune en haut, bas, droite et gauche de moi-même. Tout ce qu’il balançait n’était que du bruit. Son venin pourrissait le son du vent, le bruissement des arbres, le chant des oiseaux.

« Tu sais quoi, il y a quand même quelque chose de différent entre nous. Moi je n’ai jamais souhaité ta mort. Seulement ta disparition. Que tu partes, purement et simplement. Il faut croire que jusqu’au bout j’ai été trop gentille. Alors soit. Je quitte ce monde mais les mains propres et l’âme légère. Car oui, je n’ai jamais tué qui ce que ce soit. » Mes mots s’adressaient cette fois plus à Hiko qu’au nécromancien. « Comme lors de l’attaque à la mine, pas un seul mort dans votre camp, j’y tenais. Des blessés oui, mais aucun mort. Jamais. Car l’assassinat n’est jamais que la solution de facilité, un acte faible. »

Je levais les yeux au ciel pendant que les lames prenaient une allure de brume.

« Quel dommage, s’entretuer alors que nous avions le même but, le même objectif. Faire tomber Kakeshuu et rendre à Kiri son indépendance. Tu te trahis toi-même, tu te voile la face et soit certain que tu payeras pour tes actes. Je t’attendrais dans l’autre monde, avec toutes les personnes que tu as éliminé et trompé pour en arriver là. »

Une larme naquit au bord de mes yeux, pendant que les souvenirs de ma vie défilaient progressivement devant mes yeux.

« Mon unique regret sans doute, ne pas avoir pu les prévenir de mon départ, devoir les laisser sans plus aucun guide. Quel gâchis … »

Toutes les personnes rencontrées, tous ces visages que j’ai aimé, que j’ai soutenue. Maman, Oniri, Nozomi, Ether, Yusei, Red, mes Kaguya et enfin Tsubaki. Ma Tsubaki. Ma femme. Mon aimée. Ma lumière. Je te rejoins enfin, pardon pour l’attente, nous ne nous quitterons plus … Tu m’as tellement manquée, j’arrive.
Ce fut mine de rien un plaisir d’avoir vécu à tes côtés Milly. Navré de t’avoir tant causé de souci. Je suis un démon après tout, c’est dans ma nature. Mais sache que j’ai apprécié ce bout de chemin ensemble, et je ne t’en veux nullement pour cette fin.
Merci. Car après tout je t’emporte avec moi dans la mort.
Nous ne faisions déjà plus qu’un depuis notre dernière rencontre. Garde ces dernières secondes pour toi.

La lame tomba, rompant le lien de la vie, laissant couler ma dernière larme pour ce monde que j’aurais tant aimé, et pourtant si peu connu. Après tout, ne ditons pas à juste titre que la vie est injuste ?
Aujourd’hui, par ce poste, par ces derniers mots se clôt le chapitre de Kaguya Milly. Il n’en resta qu’une marque noire sur le sol et le tronc, ainsi que le petit logo du Kyomu dessiné dans la terre humide.