Encore une nuit maudite dans ce trou. Encore du temps gaspillé, jeté par le grand Sablier qui connait le sable restant de mes proches.

« Garde ! A-t-on des nouvelles de Kibõ ? »
« Même si c’était le cas, vous savez très bien que je ne peux vous répondre. »

Maudite cellule. Maudit garde. Maudit village ! N’avaient-ils même pas la décence de me dire si mon propre élève était encore en vie ou non ? Etait-ce à cause de ce que j’avais écrit à l’intention de Toshiro Ogami ? Ma promesse de venir le tuer si Kibô trépassait pendant mon incarcération ? Je comptais bien tenir parole ! Tu m’entends Régent ? Ce ne sont pas de vulgaires chaînes et une cellule spécialisée qui m’en empêcheront ! Ni la Juge Eri qui fait preuve de toute sa partialité pour pousser les jurés à me déprécier !

Je me levais. La fraîcheur du sol et sa dureté poussaient ma patience à bout. Il y avait bien un lit et quelques chaises dans ma cellule, mais tous savaient les habitudes des Yamada. Tous savaient à quoi ressemblait mon lieu de vie et de travail en ces murs. Et pourtant, il n’y avait pas un grain de sable dans cette cellule. Depuis que j’étais de retour à Suna, j’avais à peine pu voir le sable, à peine pu le fouler du pied, ressentir sa caresse et la rare bise du désert. Craignaient-ils que je démontre une quelconque capacité du clan Kawaguchi ? Ca n’était pas parce que mon élève en était une que…

« Garde ! Kawaguchi Tsukiko est-elle revenue ? »
« Vous connaissez déjà ma réponse, Rokudaime Kazekage. »

Sa réponse était l’absence de réponse… Alors je frappais ma frustration contre les parois en fer de ma cage.

« Arrêtez si vous ne voulez pas qu’on vous endorme. »
« Réponds à mes questions alors ! Que sont devenus Kibõ et Tsukiko ? Mes élèves sont-ils encore en vie ? Réponds. Personne n’en saura rien. »
« Vous savez aussi bien que moi à quoi sert le boitier noir situé au sommet de votre cellule. »

Un système de surveillance. Bien sûr que tout le monde serait au courant des moindres paroles du garde, tout comme ils l’étaient des miennes. Je frappais encore contre la paroi malgré l’avertissement du garde : c’était la seule façon que j’avais de rester calme. J’avais choisi de coopérer alors que j’aurais pu combattre, blesser et tuer des Sunajins pour partir aider mes élèves et Habashi Zanshi. Elle était encore en vie, mais accompagnée d’un homme dangereux. Trop dangereux. Il me fallait la retrouver. Les retrouver. Tous. Toutes ces personnes qui comptaient pour moi. Qui comptent encore. Avais-je pris la bonne décision ? Attendre docilement ? Me soumettre en gaspillant de leur précieux temps ? Ils avaient ajourné le procès. Encore du gaspillage… C’était leur vie que je gaspillais ici ! Mais j’avais prévenu le Juge Mori. C’était l’unique contretemps que je tolérerais. Sinon, je n’aurais que faire de leur justice. Il y avait des choses bien plus importantes que laver mon nom. Mon nom… Alors que je m’étais détourné de la paroi sous l’énième avertissement du garde, je lui demandais d’une voix lasse :

« Penses-tu que je serais libéré ? »
« Je ne fais pas partie des jurés et je n’ai pas assisté à votre procès. »
« Qu’aurais-tu voté ? »

Il ne répondit pas. Avais-je pris la bonne décision ?