Une mission classique, cela faisait un certain temps que je n'avais pas eu la chance d'en réaliser une. C'est donc avec joie que je me préparais à cette escapade dans le désert. Et en plus de ça, j'étais accompagné de Ruri. Qu'est-ce que je pourrais demander de plus ? Je mettais au fond de mon sac tout le nécessaire à une pareille mission, nécessaire de survie, de quoi boire et manger. Un sac bien rempli comme à chaque fois que je m'en vais dans le désert.

Je chaussais mes meilleures chaussures, car une bonne marche nous attend, avant d'aller rejoindre Ruri au point de rendez-vous sus-mentionné par l'ordre de marche. J'arrivais quelques minutes en avance, comme toujours, c'est une habitude chez moi. Je déteste le retard. Ruri elle, comme à son habitude arriva à l'heure exacte du rendez-vous.

Un salut formel, malgré notre relation. C'est une règle que l'on s'est imposé. Le travail n'est pas de la vie privée. Nous nous tiendrons donc au rapport de compagnons de missions pour celle-ci.

"Bonjour Ruri. Comment vas-tu aujourd'hui ?"

Sans vraiment attendre de réponse, nous avons pris la direction des portes du village afin de sortir dans la chaleur du désert. La marche s'est déroulé sans aucuns accrochages et nous sommes maintenant arrivés à destination. Un petit village, où nous logerons, pas loin des attaques que les nomades ont reçus. L'habitation est tout ce qu'il y a de plus normal, tout le confort nécessaire y est là. Toilettes, douches, eau courante. Nous n'avons rien besoin d'autre. Nous sommes en missions, pas en vacances. Et le logement que l'on nous offre est largement suffisant, personne n'en demande autant.

Nous avons posé nos affaires dans nos chambres respectives avant de prendre la direction des attaques et plus particulièrement d'une tribu ayant reçu des menaces. Les Nuva.

Avec Kazushi, nous nous trouvions dans un petit village pittoresque dans le sud de Kaze no Kuni. Nous avions loué des chambres dans une très charmante auberge disposant de tout le confort possible. Mais nous n'étions pas en weekend en amoureux, loin de là. Non, nous étions en mission. L'ensemble des missions se déroulant dans le désert étaient soit, au choix : une personne/cargaison disparue, soit des attaques de bêtes sauvages. Ce qui nous emmenait ici était la deuxième option.

Mais quelque chose semblait ne pas être comme d'habitude ; les attaques ici étaient beaucoup trop précises et violentes pour être l'oeuvre d'une simple bête du désert. Nous étions à peine arrivés et nous avions déjà entendu une rumeur : un cadavre retrouvé non loin de là aurait été dépouillé de son coeur. J'avais expressément demandé à l'aubergiste de ne pas ébruiter notre venue ici et il me répondit avec un petit sourire gêné. Quelque chose ne tournait pas rond dans cette affaire.

À peine après avoir posé nos affaires dans nos chambres respectives, nous partions sur le terrain. La première chose à faire était d'aller voir les corps et constater si, oui ou non, les rumeurs étaient fondées. C'est-à-dire, si les cadavres disposaient encore de leur organe central. Peu ragoûtante comme affaire, mais au moins intéressante.

Nous prîmes donc la direction du camp de nomades qui avait subis le plus de pertes. Ses habitants nous accueillirent la mort dans l'âme ; ils pleuraient soit la perte d'un être cher, soit étaient terrifiés. Souvent même les deux. Le chef nous conduisit sans un mot vers une tente un peu éloignée du reste du campement. À l'intérieur se trouvaient deux corps recouverts par des draps blancs. Jetant un regard à Kazushi, je soulevais délicatement le premier drap, découvrant le visage de la première victime.

Une femme se trouvait en dessous. La trentaine. La mort s'était empressée de figer ses traits et de bleuir sa peau pourtant hâlée. Et puisque c'était la raison de notre venue... Je soupirais et baissais le drap jusqu'à son nombril. Je m'y attendais, et pourtant ce que je vis me choqua : le cadavre avait été ouvert au niveau de la poitrine et le coeur prélevé. Mais ce qui me choqua le plus était la précision de l'opération. Une bête sauvage n'aurait pas été capable de prélever seulement le coeur.

Sous le deuxième drap se trouvait un jeune garçon, bientôt un homme. Lui aussi, son coeur avait été prélevé avec une précision chirurgicale. Mais quelque chose d'autre attira mon attention : il avait une longue coupure qui parcourait son cou. Cela expliquait donc l'absence de sang sur leur linceul. En écartant les cheveux de la première, nous pouvions constater la même coupure. Je fis part de mes conclusions à Kazushi.

« Ils ont été égorgés et vidés de leur sang, et leurs coeurs ont ensuite été prélevés. Nous n'avons pas affaire à une bête sauvage.»

Nous avons été accueillis par des nomades apeurés et triste avant d'être guidé à travers le campement vers une tente un peu plus à l'écart des autres. Il y avait deux corps sous deux draps blancs immaculés. Lorsque Ruri tira les linceuls nous pouvions constater deux choses. Il n'y avait pas de sang et les ablations du myocarde était bien trop précise pour être réalisé par une bête sauvage. La conclusion de Ruri est on ne peut plus logique. J'acquiesçais d'ailleurs à son message, concentrant déjà mon esprit sur la suite de l'enquête.

"Je pense que nous devrions poser quelques questions aux familles... savoir où ils ont été retrouvés, où ils étaient partis. Ce genre de questions..."

Je me tournais ensuite vers la porte de la tente afin de sortir prendre l'air. Je ne dois pas dire que ces corps ne me font rien, mais je suis maintenant habitué. J'ai pû me détacher de cette émotion. Le chef nous attendait toujours devant la tente.

"Il faut que l'on puisse parler aux familles... Nous aimerions leur poser quelques questions."

Le chef poussa un grand soupir avant de baisser la tête et de nous faire signe de le suivre. Il nous amenait chez la famille de la première victime, la femme d'une trentaine d'année. Il y avait tout le monde, le mari, l'enfant, les parents et son frère. L'enfant était encore trop jeune pour comprendre ce qui arrivait et c'était peut-être une chance pour lui. Les parents étaient eux dévastés par la mort de leurs filles. Le frère n'avait pas l'air de comprendre malgré le fait qu'il doit avoir le même âge que Ruri et moi. Le mari était lui, rempli de tristesse et de colère. Prêt a exploser.

"Tous mes respects te veuillez recevoir nos plus sincères condoléances."

Je marque une légère pause afin de laisser le temps à Ruri d'écrire un message si elle le souhaite.

"Nous sommes shinobis de Suna et nous sommes là pour arrêter le meurtrier de votre fille. J'ai besoin de savoir où est-ce que votre fille allait lorsqu'elle a été assassinée."

Les parents n'ont pas répondu, si ce n'est en sanglotant encore plus fort que tout à l'heure, l'homme qui nous répondait n'était autre que le mari.

"Elle allait chercher de l'eau pour le bébé dans le village le plus proche, à quelques kilomètres à l'ouest d'ici." L'homme se releva ensuite pour se mettre à ma hauteur et plongea son regard en plein dans le mien. "Et tâches de faire vite. Sinon je m'en occupe moi-même."

Je ne répondais pas aux provocations par la parole, juste un geste affirmatif de la tête. Nous laissions ensuite la famille seule afin qu'elle puisse pleurer tranquillement. Une dernière question pour le chef et nous sommes partis.

"Encore une question pour la fille, où est-ce que le cadavre a été trouvé ?"

"Suivez-moi, je vais vous montrer."

L'homme nous amena quelques à quelques centaines de mètres du village, derrière un gros rocher. La forme du corps est encore visible dans le sable. Je remerciais et congédiais le chef. Nous allons chercher nos informations sur le premier meurtre afin d'y voir plus clair.

Après avoir présenté nos condoléances aux familles et avoir posé quelques questions relatives à l'enquête, nous nous rendîmes à l'endroit où le cadavre avait été découvert. C'était un endroit éloigné, un peu isolé : l'endroit parfait pour déposer un corps tout en étant camouflé. Ceux qui avaient fait ça ne se souciaient pas de cacher ou d'enterrer le cadavre, mais un détail était encore plus intriguant : ici aussi, il n'y avait pas de sang. J'adressais un message au vieil homme :

« Est-ce que le deuxième cadavre a été trouvé dans les mêmes conditions ? C'est-à-dire, non loin du campement et sans traces de sang ? »

Le chef arqua ses sourcils puis répondit : « Oui et euh... oui. »

Il ne voyait pas vraiment où je voulais en venir, mais je savais que Kazushi avait compris. Ces personnes avaient été tués dans un endroit et leurs corps avaient ensuite été traînés jusqu'ici ; ce qui laissait supposer qu'ils avaient été enlevés au préalable. Cette histoire devenait de plus en plus sordide...

« Et cela remonte à combien de jours ? »

« La première fois, c'était il y a six jours. Nous avons trouvé le deuxième corps avant-hier. »

« Avez-vous entendu des histoires similaires venant de villages ou de tribus voisines ? »

Le vieil homme haussa les épaules : « Ben, oui et non. Les rumeurs se propagent vite, impossible de dire si ce qu'on entend est vrai ou est déformé par la peur des gens. »

« D'après ce que j'ai compris, les personnes ont disparu dans la matinée et leurs corps ont été retrouvés le soir, c'est exact ? »

« Oui... Oui, c'est exact. »

« Merci beaucoup. »

À nouveau, l'homme haussa les épaules. Ma façon particulière de communiquer le déstabilisait et le choc des pertes ne s'était pas encore effacé. Il était temps pour nous de rentrer au village où nous étions logés. Le tueur, agissant toujours selon le même procédé, ne devait normalement pas chasser la nuit. Nous avions convenu de revenir le lendemain matin à l'aube.

Le soir, nous nous étions tous deux transformés à l'aide d'un henge pour essayer d'entendre de quelconques informations dans l'auberge du coin. Assise à une table sous la forme d'une voyageuse les plus simples, j'écoutais les conversations en mangeant distraitement ce qui se trouvait dans mon assiette. Kazushi suivait le même procédé, à l'autre bout de la salle. Mais alors que cette pièce devait être particulièrement animée en tant normal, elle était aujourd'hui étrangement calme. Seul des chuchotements se faisaient entendre : «... la bête...», «... le monstre...» «... sont morts...», «...sacrifices...», «...besoin de sang...». Toujours les mêmes rumeurs et histoires d'horreur terrifiaient les gens.

Soudain, un jeune garçon fit irruption dans l'auberge, le visage en sueur, envoyant la porte claquer contre le mur. Toutes les têtes se tournèrent dans sa direction. C'est alors qu'il s'écria :

« Un mort... Il y a un mort derrière l'épicerie ! »

Ruri a rapidement fait une remarque pertinente, en effet, il n'y a aucune trace de sang ici et encore moins d'affrontement. La personne n'a donc pas été assassinée ici, il nous faut trouver au plus rapidement les lieux du crime, si ceux-ci sont toujours réalisés au même endroit bien sûr. Ruri continua avec quelques questions au Chef. Je lisais les questions et écoutais les réponses distraitement, tout en réfléchissant.

Nous nous sommes ensuite retrouvés dans une auberge, métamorphosé grâce à un henge. Écoutant les conversations chacun de notre côté afin d'espérer y trouver quelques informations profitables. Toutes les conversations tournaient autour de la même chose, les meurtres. J'avais au préalable invoqué mon compagnon volant afin qu'il aille se glisser aux alentours des tables pour venir me répéter les informations qu'il pouvait y entendre.

Certains parlaient de sacrifices, de gourou et de sang, beaucoup de sang. Comme une vieille légendes que les parents racontent aux enfants afin qu'ils soient sages. Pourtant, notre recherche d'informations fut rapidement perturbée par l'arrivée d'un homme en trombe et en sueur. Il y avait un nouveau cadavre. Cette fois-ci, dans le village. Avait-il changé de processus, car il savait que nous étions là ? Les personnes de son acabit changent de méthode lorsqu'ils ont été dérangés dans le rituel. Enfin, nous allons bien voir.

Ruri et moi-même, ainsi qu'environ.. tout le monde, avons pris la direction de l'épicerie. Les quelques villageois qui s'étaient portés volontaire pour faire de tour de garde dans le village essayaient tant bien que mal de retenir la foule. J'appelais Ruri afin que nous nous écartions un peu avant de nous défaire de nos henge. Une fois dans nos accoutrements de tous les jours, nous approchions à nouveau la scène de crime.

Le cadavre présentait exactement les mêmes blessures que les deux autres. Nous avons donc à nouveau à faire avec le même homme.

"Il faut qu'on l'arrête avant d'avoir d'autres victimes. Tu as une idée ?" Lançais à Ruri et uniquement pour elle.

Il est aussi connu que les meurtriers aiment bien revenir sur les lieux de leur crime une fois que ceux-ci sont découverts. Je me levais donc afin de toiser du regard la foule qui nous entourait, à la recherche d'un quelconque comportement suspect.

Il était inutile de faire une observation plus poussée pour savoir que le corps sans vie qui se trouvait devant nous avait été victime de notre tueur en série. Le nombre de victimes augmentaient en même temps que la fréquence des meurtres se faisait plus rapide. Il nous fallait agir, et vite. Je répondis à Kazushi.

« Oui, j'ai une idée. Mais elle ne va pas te plaire. »

Comme nous n'avions pas vraiment d'indices pour suivre une piste et remonter jusqu'au coupable, je voulais tendre un piège à la personne que nous poursuivions. Et le meilleur moyen, c'était de servir d'appât. Kazushi était bien trop fort pour que quelqu'un essaye de s'en prendre à lui. Quant à moi... j'avais l'apparence d'une frêle adolescente. Le choix était vite vu. Je me promènerais seule autour du village, essayant d'attirer l'attention sur ma personne. Et si Kazushi y tenait absolument, il pourrait toujours me suivre de loin.
Comme je m'y attendais, le Ketsueki n'était pas très enthousiaste à l'annonce de mon plan ; mais à force de discussions et d'arguments, il fut obligé de reconnaître que c'était là notre meilleure chance de tomber sur le coupable. Il nous restait à peaufiner les derniers détails de notre opération.

« Je sifflerai pour attirer l'attention. Quand j'aurais détecté le chakra d'autres personnes venant dans ma direction, je ferai cette comptine que tu siffles si souvent, comme ça tu sauras quand te tenir prêt ; tu es d'accord ?
Mais le mieux serait de ne pas attaquer tout de suite, sauf si je suis en danger... Pour trouver l'endroit où ils emmènent les victimes avant de les découper. »

Je pouvais comprendre les inquiétudes de Kazushi : voir sa petite amie entre les mains d'un tueur en série psychopathe n'était pas vraiment une vision très... agréable. Moi, je trouvais la situation plutôt excitante. Je languissais de voir l'expression du tueur quand il comprendrait que la proie était en réalité le chasseur. Quand il comprendrait que la chasse était finie.

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Dès l'aube, le plan débuta. J'avais enfilé des habits traditionnels nomades, prenant soin de cacher sous le tissu les sceaux qui trahiraient mon statut. Mais après avoir passé la matinée à jouer au chat et à la souris, personne ne s'était montré. Il y avait bien eu quelques fausses alertes lorsque je détectais des personnes venant dans notre direction, mais nous n'avions croisé personne de suspect et je n'avais pas été agressée.

Nous n'étions pas pour autant découragés. L'après-midi, nous prîmes la direction de la tribu voisine. Mais sur le chemin, personne ne se montra. J'avais la gorge sèche à force de siffler depuis ce matin et je commençais à croire que notre manège avait été découvert. Regardant au loin, je ne savais même plus dans quelle direction me diriger. J'observais les falaises de pierre se dessinant dans le paysage. Je me rappelais que non loin de là se trouvait une oasis... puis me souvint que la première victime avait été tuée alors qu'elle allait chercher de l'eau.

C'est dans cette direction que je me rendrais. Surveillant mon radar pour être sûre que Kazushi me suivait toujours, je pris la direction des falaises.

Le petit "elle ne va pas te plaire" a eu l'effet escompté. En effet, son idée ne me plaisait pas du tout. J'en allais presque à m'énerver jusqu'à ce qu'elle puisse m'expliquer un peu mieux et surtout le pourquoi cette idée était notre dernière solution. La cadence des meurtres augmente et nous n'avons toujours aucune piste. Seulement une vague idée de ce que cela pourrait être.

Les préparatifs étaient prêts et il ne nous restait plus qu'à passer une dernière nuit au pseudo-calme afin de se préparer à une nouvelle dure journée le lendemain.

Je n'ai vraiment pas bien dormi cette nuit et la journée stressante que je vais passer à suivre Ruri n'allait arranger en rien mon état. Par précaution et sans rien lui dire, j'avais donné comme ordre au plus petit de mes moustiques de se poser sur la Chikamatsu, prêt à récolter le sang du premier suspect qui oserait s'approcher d'un peu trop près de ma dulcinée.

Après des heures de marche nous n'avons eu aucune alerte. Je suivais Ruri d'assez loin afin de ne pas être repéré. Elle avait déjà changé plusieurs fois de direction dans la journée et se dirigeait cette fois-ci vers l'oasis, là où la première victime a été assassinée. Ou du moins là où elle se rendait. Ruri sifflait enfin la mélodie. Je me tenais donc prêt, Furuki s'était lui aussi mis en garde, prêt à se délecter du sang de l'ennemi. Mon sang quant à lui, n'a fait qu'un tour. Certaines de mes pulsions me disaient de ne pas attendre, de ne pas prendre de risque inutile et de le tuer tout de suite, mais je savais qu'on avait besoin de plus d'informations et surtout de retrouver où les sacrifices ont lieu.

Je voyais au loin un groupe de trois hommes s'approcher de Ruri. Furuki lui, s'approchait déjà des cibles afin de leur soutirer une goutte de sang. Il s'est préalablement fait disparaître des radars et de la vue de tous afin de ne pas être remarqué. Je me couchais au sol afin de visualiser la zone du mieux possible sans être repéré trop facilement. Les trois hommes se sont approchés de Ruri rapidement et sans vraiment crier gare, sont repartis presque aussitôt, Ruri accrochée sous le bras et qui se débattait du mieux qu'elle le pouvait.

Mon esprit me criait de leur tomber dessus le plus rapidement possible sans attendre, mais je devais respecter le plan. Je les suivais rapidement tout en faisant attention de ne pas me faire repérer. Je me trouvais à quelques dizaines de mètres du lieu duquel ils s'étaient arrêtés et Furuki venait enfin faire sa livraison. Je me couchais au sol afin d'observer, concentrant mon chakra dans tout mon corps pour être prêt à réagir au moindre signe.

Trois faibles points de chakra ne tardèrent pas à se présenter dans mon radar. Au moins, j'étais sûre que ces gens n'étaient que de simples civils et au mieux, des mercenaires. Pas de shinobi. Cette fois-ci, c'était la bonne : l'adrénaline parcourait mes entrailles. Je commençais à siffler la mélodie pour attirer l'attention de mon partenaire.

Tournant le dos aux falaises, je sentais les inconnus se rapprocher rapidement de ma position. Ils se trouvaient en hauteur, sûrement dans les cavités ou plateformes que pouvaient offrir les murs de pierre. Aussitôt que la mélodie se terminait, je la recommençais depuis le début.

London Bridge is falling down...

Le premier individu s'élança pour atterrir sur le sol à quelques mètres de moi, le sable étouffant le bruit de sa chute.

... falling down ...

Le deuxième fit de même.

... falling down ...

Le troisième mit pied à terre, avec un peu moins de souplesse que ses camarades.

... my fair lady.

Je me retournais, les yeux écarquillés et un air terrorisé sur le visage. C'était déjà la deuxième fois que je devais jouer la comédie pour une mission, à croire qu'une carrière d'actrice dramatique me tendait les bras. Le premier homme agrippa mes épaules tout en mettant un bâillon sur la bouche, ce qui me fit beaucoup rire intérieurement. Mais ce n'était pas plus mal car après tout, une jeune fille qui n'hurle pas lorsqu'elle se fait kidnapper, ça aurait été suspect.

Je faisais semblant de me débattre comme le ferait une simple gamine, portant de légers coups sans chakras, lacérant de mes ongles les bouts de chairs qui passaient à la portée de mes doigts. Mes "ravisseurs" portaient de longues tuniques sombres avec de larges capuches qui tombaient sur leur visage. Tss, comme si j'avais besoin de connaître leur identité pour massacrer ces insectes qui avaient osé poser la main sur moi. La justice se chargerait bientôt de punir ces infâmes assassins.

À ma grande surprise, nous passâmes par une brèche cachée et taillée naturellement dans la roche, s'enfonçant dans les profondeurs des falaises. J'espérais que Kazushi avait eu le temps de voir l'entrée, car bien que je n'aurais aucun mal à réduire chacun de ces hommes en poussière... Bah, ce serait dommage qu'il manque la fête, pas vrai ?
Le passage déboucha sur une clairière de sable, entourée par les murs rocailleux ; comme une arène. Au bout se trouvait une grotte totalement sombre. Mes poings furent entravés par une simple cordelette et mes mains étaient toujours à même de composer des mudras. Je fus poussée au centre de l'arène. Les trois hommes s'agenouillèrent et l'un d'eux s'écria :

« Maître ! Voici un nouveau sacrifice en échange de votre protection sur nos familles ! »

Quel était donc ce ramassis de conneries ? Ce n'était pas une bête qui se trouvait dans cette grotte, mais un homme. Je pouvais ressentir son chakra. Le combat contre le boss de fin allait commencer !

Je suivais les trois hommes qui venaient d'enlever Ruri de loin, en direction des falaises. Ils ne parlaient pas durant toutes la durée du petit voyage. Nous sommes arrivés assez rapidement vers une paroi rocheuse et le trio ainsi que Ruri sont passés à travers une petite ouverture taillée naturellement. Je les suivais et je passais à mon tour à travers la falaise pour déboucher vers un creux rempli de sable et entouré de falaises, comme une arène.

Ruri était agenouillé au milieu, les bras attachés, tandis que les trois hommes s'agenouillaient eux aussi en direction d'une grotte sombre et malsaine.

« Maître ! Voici un nouveau sacrifice en échange de votre protection sur nos familles ! »

Disait l'un d'eux. Je me tenais prêt à un affrontement, concentrant mon chakra dans tout mon corps. Ce n'était donc pas une bête sauvage avec qui nous avions affaire, mais bel et bien un humain. Où du moins quelque chose qui parle notre langue.

Une silhouette rabougrie se tenant sur deux pattes, avec un museau pointu et des crocs très longs sortis de la grotte. Il s'approchait du premier homme avant de le saisir au coup et d'une voix rauque et rocailleuse.

« Vous n'avez même pas été capable de ne pas être suivi ?! »

L'homme avait l'air terrifié et cherchait tant bien que mal un intrus. Avant même que celui-ci n'avait eu le temps de dire quelque chose qu'il était déjà mort. En regardant d'un peu plus prêt, je pouvais voir que le sable qui recouvrait le sol était maculé de sang par endroit. L'homme s'approchait de Ruri maintenant. C'était ce moment que j'attendais. Je libérais tout le chakra que j'avais emmagasiné pour le relâcher dans mes jambes et me retrouver rapidement aux côtés de Ruri.

Je me servais du kunaï pour défaire ses liens et concentrait mon chakra dans tout mon corps, prêt à riposter à n'importe quelle attaque. Je n'avais pas tellement le temps de m'inquiéter pour Ruri, la menace était on ne peut plus forte.

« Alors, c'est ça les larbins que Suna a envoyé ? Laissez-moi rire ! MOUHAHAHA ! »

« Larbins ou pas, vous serez arrêté et jugé pour vos crimes ! »

Nous nous tenions maintenant, Ruri et moi, face à deux bandits des grands chemins et un shinobis bien entraîné. Et personne ne savait s'il n'y avait pas d'autres personnes cachées plus loin.

L'homme-bête sortit de sa tanière. Je devais bien avouer que le déguisement était impressionnant ; son dos était courbé, comme un vieillard ou une bête qui tenterait de tenir debout sur ses pattes arrières. Il portait de la fourrure sombre sur tout le corps. Son visage était caché par un masque de quelque chose ressemblant à un loup (ou était-ce une vraie tête ?) avec un museau long et des oreilles dressées. Des longs crocs dépassaient de la gueule du monstre. Même ses mains ressemblaient à des griffes. Mais jusqu'à preuve du contraire, les bêtes n'étaient pas douées de parole.

Il passa devant moi et agrippa l'un des trois hommes par le cou. Il le souleva de terre et avant que nous ayons le temps de réagir, il lui brisa la nuque d'un coup sec. L'homme tomba au sol, raide mort. Les deux autres ne semblèrent même pas surpris. Afin d'éviter une nouvelle mort, j'essayais de défaire les liens qui serraient mes poignets. Mais en une seconde, Kazushi se trouvait à mes côtés et avait coupé la corde. Nous étions deux contre trois, ou plutôt quatre contre trois si on comptait mes pantins ; cinq, avec le moustique.

Mais le "Maître" n'était pas un civil ordinaire. Il avait beaucoup de chakra et était même assez puissant, selon ma sensorialité. Peut-être même plus que Kazushi ou moi. Il ne fallait pas le prendre à la légère. De plus, il fallait éviter de les tuer pour pouvoir les interroger. Et ce n'était pas vraiment une chose simple ; il était plus aisé d'envoyer toute notre puissance sans compter que de devoir faire attention. La situation me semblait vraiment... théâtrale. Le gros méchant lâchant un rire très malsain, ses acolytes à ses côtés. Ce qui faisait de nous les gentils. Autrement dit, nous allions nous faire démonter pendant dix épisodes avant de nous relever grâce à la force de notre amour, pour finalement triompher, le tout en cinq épisodes de plus. Fort heureusement, nous ne nous trouvions pas dans un shōnen.

Comme à mon habitude, j'étais la première à lancer l'offensive. J'envoyais mes deux marionnettes à l'assaut des mercenaires du dimanche, une pour chacun. Ils semblèrent un peu déstabilisés : une araignée de deux mètres; c'était assez choquant. Le premier fut assommé rapidement d'un bon coup sur la tête et s'effondra au sol. Le deuxième, un peu moins perturbé par mon pantin au visage humain, eu le temps de la détruire avec un couteau qu'il planta dans son coeur. Il vola en éclats et était inutilisable. Même en sachant qu'il me suffisait de le sceller pour le réparer, ce genre de situation me pinçait toujours le coeur.

Mais la "bête" riposta immédiatement : le sol sous nos pieds gronda, puis une longue faille déchira la terre. Heureusement que j'avais préparé mon chakra avant, ce qui me permit de bondir sur le côté, m'évitant d'être avalée par le sol. Mais qui était ce type, bon sang ? Il venait de nous démontrer qu'il maniait le Ninjutsu et d'après ses dires, il avait senti la présence de Kazushi : Sensorialité. Pourquoi un Shinobi s'abesserait-il à commettre de tels actes ?

À peine Ruri libérée qu'elle attaquait déjà. L'araignée s'attaquait à l'un pendant que l'humain s'occupait de l'autre. L'arachnide avait vaincu assez facilement, l'homo-sapiens, lui avait eu moins de chance. Détruit par le deuxième homme qui était armé d'un couteau. Je repérais les mudras de la bête qui ne s'était pas fait prier pour attaquer lui aussi. Il posait les mains au sol avant de libérer une grande puissance qui fendait le sol en deux. Heureusement pour nous, nous avions prévu le coup en concentrant notre chakra et nous avons facilement pu éviter son agression.

J'allais m'occuper du deuxième homme, après tout, j'avais son sang. Je m'ouvrais la main à l'aide d'un kunaï avant de dessiner un pentacle au sol. Je montais ensuite à l'intérieur du cercle avant de prendre mon kunaï. D'un geste très théâtral, je m'apprêtais à réaliser ce que les samouraï appelait un seppuku. Entre autre, j'allais m'éventrer' afin de faire neutraliser l'homme. Ce genre de technique me faisaient mal, mais c'était un maigre prix à payer face aux supplices de l'adversaire. Je perdais toujours un peu de sang, mais je n'étais jamais blessé par mes propres attaques. Je grimaçais de douleur avant de me relever. L'homme était à terre et gémissait. C'était maintenant du deux contre un, mais l'homme en face de nous n'avais de loin pas le niveau de ses acolytes.

Je concentrais ensuite mon chakra dans mes jambes ainsi que mon bras, je voulais charger l'homme bête et lui asséner un coup de poing puissant. Je m'en savais capable, de plus, le soutien de Ruri pouvait être utile. Mon moustique était toujours là, survolant la zone et l'araignée de Ruri aussi.

La vitesse de ma course était très élevée et je me suis rapidement trouvé face à notre adversaire. Le coup que j'avais réussi à porter n'avait pas eu l'effet escompté. Il était blessé, certes, il saignait, mais tenait encore parfaitement debout. Je regardais mes mains afin de m'assurer que je n'avais pas réussi à récupérer une petite quantité de sang afin de lui infliger les sévices que seuls les Ketsueki savaient infliger. Malheureusement, il n'en était rien. Je concentrais une dernière fois mon chakra afin de me tenir prêt à une nouvelle attaque de sa part. C'était au tour de Ruri d'attaquer elle aussi.

Kazushi, ayant anticipé une éventuelle attaque, réussit lui-aussi à bondir sur le côté pour ne pas tomber dans la faille qui déchirait de champ de bataille en deux. Nous nous trouvions tous les deux à l'ouest, nos adversaires étant à l'est et le trou béant s'étendant du nord au sud. Pendant quelques secondes, personne ne bougea. Aucun son ne se fit entendre, mais la tension faisait presque vibrer l'air. Un aigle passa au-dessus de l'arène de pierre, lâchant un cri perçant. Nous étions face à face, nous dévisageant les uns les autres, attendant d'être les premiers à attaquer ou à se défendre.

Kazushi fut le premier à rompre cette brève trêve. Il se tailla la main et dessina un étrange symbole au sol avec son sang. Pour avoir souvent combattu à ses côtés, je ne savais que trop bien ce qui allait se passer. Ce rituel barbare était toujours douloureux à regarder et il l'était d'autant plus depuis que j'avais des sentiments pour lui. Je savais qu'il ne se blessait pas vraiment - par quel étrange coup du sort était-ce possible ? - mais j'avais toujours une certaine appréhension. Et si aujourd'hui, seulement maintenant, ses pouvoirs claniques ne réagissaient pas ? Je le perdrai à coup sûr.

Sous mes yeux impuissants, Kazushi se planta un kunai dans le ventre. Il arracha l'objet et se plia en deux, posant un genou au sol. Même s'il n'était pas blessé, l'arme était tâchée de son sang et il souffrait. Mais c'était peu comparé à l'homme d'en face qui se jeta au sol en hurlant, son abdomen se mettant à saigner pour une raison qui le dépassait. La lame ne s'était pas enfoncée trop profondément mais je doutais de la survie de notre adversaire. Si ses organes vitaux n'étaient pas trop abîmés et que nous pouvions neutraliser le deuxième homme à temps, je pourrais peut-être le garder en vie jusqu'à l'hôpital.

Mais alors que j'étais absorbée par le spectacle macabre et que ma garde s'était un peu baissée, l'homme-bête tenta une nouvelle attaque. Des lames de Dotôn filèrent tout droit vers ma tête. J'eus tout juste le temps d'activer un sceau, invoquant un mur de terre entre les projectiles et moi. Kazushi répliqua immédiatement en allant au corps-à-corps. Il le blessa légèrement, mais pas assez pour le mettre hors d'état de nuire.

La Bête composa d'étranges mudras avec ses mains - ou plutôt ses "pattes" - et disparu sous terre. Il essayait de s'échapper ! Immédiatement, je concentrais mon Chakra, essayant de suivre la trace de notre ennemi. Je fis signe à Kazushi de me suivre. Nous nous trouvions juste au-dessus de lui et il progressait plus lentement que nous. Je fis signe à mon partenaire, et lui indiqua la position de notre ennemi en la pointant du doigt. Il comprit immédiatement ce que je souhaitais lui dire et plongea son sabre dans le sol. Tant pis s'il en mourrait, il était hors de question de le laisser s'échapper.

Le combat faisait rage, Ruri évitait des lames de terre à l'aide d'un sceau qui libérait un mur de terre, pendant que moi je partais à l'assaut de l'homme. J'allais l'attaquer à nouveau lorsque celui-ci concentrait son chakra et à l'aide de quelques mudras, disparaissait de notre champ de vision. L'homme venait de disparaître sous nos yeux, allait-on devoir recommencer le tout depuis le début ?! Non.

Je regardais Ruri d'un air interrogateur et compris rapidement ce qu'il se passait, elle était en train d'utiliser ses capacités sensorielles pour déterminer ou se trouvait l'homme bête. Elle suivait une trace invisible et j'en faisais de même. D'après ces gestes, je comprenais que nous étions plus rapides que lui, elle me marquait ensuite une zone et j'attendais le top départ.

Nous avions combattu et passer beaucoup de temps ensemble, Ruri et moi. Nous avions aujourd'hui développé une voie de communication silencieuse, regard, geste, c'était tout ce qu'il nous fallait pour faire passer un message rapidement, comme ici.

Je concentrais mon chakra dans mon bras afin de donner un puissant coup d'épée dans le sol, mon sabre transperçait le sol et s'enfonça de soixante centimètres avant de buter sur quelque chose d'un peu plus dur. Je ressortais mon sabre du sol et je pouvais voir les tâches rouges qui le marquaient. J'avais touché ma cible. Comme pour confirmer mes dires, l'homme bête sortait du sol quelques mètres plus loin, l'épaule droit ensanglanté.

Il restait un peu de sang sur mon épée, je me délectais de ce doux nectar afin de pouvoir utiliser mes pouvoirs héréditaires sur cet homme. Après tout, c'était un meurtrier et il ne méritait que de souffrir. Il allait rester vivant pour une seule et bonne raison, nous devions le ramener vivant afin d'en savoir plus.

Je me dirigeais ensuite le plus rapidement possible vers mon signe que j'avais au préalablement marqué au sol afin de me planter un kunaï dans chaque jambe. Cette manœuvre aurait comme effet de stopper notre homme et il serait à la merci de Ruri qui n'aurait plus qu'à le capturer.

« Ruri ! J'ai stoppé notre homme ! Capture-le ! »

Criais-je à ma partenaire. Je souffrais, car oui, ces techniques me font horriblement souffrir, mais elles sont aussi en contrepartie très puissante.

Nous nous connaissions depuis tellement longtemps et si peu en même temps. Comme pour tout le monde, mon mutisme l'avait gêné au début. Mais au fur et à mesure d'avancer ensemble, de combattre côte-à-côte pour finalement vivre ensemble, nous avions développé notre propre langage inaudible. Comme s'il entendait mes pensées, comme si j'entendais les siennes, nous arrivions à nous comprendre sans nous parler. Un regard, un geste et nous nous étions sur la même longueur d'ondes.

C'est ainsi que Kazushi perça la terre avec son arme, pour la ressortir ensanglantée. L'homme-bête était blessé, il était à notre merci. Pour mettre toutes les chances de notre côté, le Ketsueki récolta le sang de notre ennemi et s'en imprégna. Il retourna dans son pentacle et se planta un kunaï dans chaque jambe. Comme tout à l'heure, cette action le fit énormément souffrir et je souffrais de le voir comme ça. Mais c'était toujours moins stressant que de le voir se planter une arme dans l'abdomen.

La bête, à présent sortie de ses souterrains, était finie. Son épaule transpercée, il tenait son bras droit avec son bras gauche. Il ne comprit pas tout de suite pourquoi ses jambes semblaient brisées mais une chose était sûre, elles ne le porteraient plus très loin. Je n'avais plus qu'à le cueillir. Je lançais ma marionnette à sa rencontre, capturant l'ennemi dans ses bras télescopiques.

L'homme qui se tordait encore au sol en se tenant le ventre se laissa emprisonner sans faire d'histoires. Un coup sur la tête de chacun les assomma, nous assurant la tranquillité. Il nous restait plus qu'à rentrer à Suna et les interroger, puis les juger. Mais avant, je voulais débarrasser notre meurtrier de ce costume ridicule. Tel un épisode de Scooby-Doo, j'enlevais cet horrible masque de celui qu'on appelait "la bête".

Je regrettais presque mon geste. Son visage n'était vraiment pas beau à voir : déformé par endroits, brûlé par d'autres, couvert de cicatrices. Ceci expliquait donc le masque... Mais il n'y avait pas de pitié à avoir pour cet homme : c'était un assassin. Nous aurions bien le loisir de connaître son histoire et ses raisons lors de l'interrogatoire.

Cette première partie de la mission était une réussite, l'homme et ses acolytes avaient été arrêtés et ils allaient être extradés vers le village afin d'être jugés. Le combat avait été assez rude et j'avais dépensé une bonne partie de mon chakra. Par contre, avant de rentrer à Suna avec nos nouveaux amis, nous devions prévenir les villageois. J'appelais à l'aide de notre technologie Saibogu une unité afin qu'ils viennent récupérer les criminels. Emprisonné et amené dans une cage. Nos hommes rentraient le plus rapidement possible afin d'emprisonner la bête et ses compagnons. Nous, nous allions faire un détour par le village. Nous leurs devions bien ça.

Nous nous dirigions chez Monsieur le Maire afin de convoquer le plus de villageois possible, tout le village était invité, tout le monde pouvait venir écouter les quelques mots que nous avions à dire. Comme lors d'une conférence de presse, je me tenais face à eux, prêt à répondre à leurs questions si ceux-ci en avaient. Je me raclais la gorge avant de prendre la parole d'une voix forte et audible.

« Vous n'avez plus rien à craindre. Il n'y a jamais eu de bête tueuse et il n'y en aura jamais ! Le meurtrier n'était autre qu'un homme qui se faisait passer pour un gourou. »

Je marquais ensuite une pause avant de continuer.

« Cet homme ainsi que ses compagnons ont été transportés vers Suna où ils seront jugés et emprisonnés. Les victimes qu'ils ont faits ne seront jamais oubliées et ils seront punis pour la douleur qu'ils ont provoqués ici ! »

Je remarquais à l'arrière de la foule un visage connu, c'était le mari de la femme assassinée lorsqu'elle allait chercher de l'eau. Je plantais mon regard dans le sien et d'une voix grave et sévère ajouté.

« Les victimes seront vengés. »

Cette parole ne laissait pas grandes possibilités, pour moi, ces hommes devaient mourir. Par chance pour eux, peut-être, cela n'allait pas être moi et moi seul qui allait les juger.

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Nous reprenions ensuite la route du village et après quelques heures de marche nous sommes arrivés. Ne voulant pas faire attendre plus longtemps, nous nous rendions directement à l'Ergastule afin de commencer l'interrogatoire de ces hommes. Ils avaient été placés chacun dans une salle différente et ils n'avaient pas pu communiquer entre eux afin de s'entendre sur les faits à rapporter.

« Je te laisse l'honneur. »

Disais-je à Ruri en montrant la salle interrogatoire d'un premier homme, celui que j'avais blessé à l'abdomen grâce à mes pouvoirs.

Nous y étions. Enfin, nous allions savoir le pourquoi du comment, le dénouement de l'histoire, les raisons de ces actes barbares et dénués de sens. Nous nous trouvions devant la salle d'interrogatoire où se trouvait l'un des hommes de main de la Bête - ou plutôt l'un de ses larbins - celui que Kazushi avait blessé. Nous nous étions accordés sur ce fait : nous allions d'abord interroger les agresseurs, le gourou serait entendu en dernier. Je fis craquer chacun de mes doigts, puis poussa la lourde porte de l'interrogatoire.

La pièce était complètement plongée dans le noir. J'appuyais sur l'interrupteur ; une lumière blanche, médicale et inhospitalière inonda la salle. L'homme, fermement enchaîné à sa chaise, plissa d'abord les yeux devant la luminosité criarde, puis tenta un mouvement de recul, instinctif ; mais ses mains étaient bien menottées au dossier de la chaise, qui elle-même était fixée au sol. De la peur et de l'angoisse se lisaient aisément sur ses traits. Il devinait facilement la peine appliquée aux meurtriers.

Kazushi et moi prîmes place en face de l'homme, une table en métal nous séparant. Comme le Ketsueki l'avait précisé en entrant dans la salle, il me laissa l'honneur de diriger ce premier interrogatoire. Je sortis mon calepin et nota quelques questions simples pour commencer.

« Nom ? Prénom ? Âge ? Lieu de naissance ? Lieu de résidence ? Grade ? »

Je tournais le carnet et le poussa dans la direction de l'individu. Son visage se leva dans ma direction, ses yeux faisant la navette entre Kazushi et moi. Il semblait perdu, ne sachant pas trop quoi faire. Le Ketsueki n'avait toujours pas décroché un mot et l'ambiance de la pièce devait être bien angoissante pour l'homme. N'ayant pas toute la journée devant nous, je pris le stylo et tapota le carnet. L'individu se racla la gorge et rompit enfin le silence pesant.

« Euh... Yamashita. Yuuma. Je m'appelle Yamashita Yuuma. J'ai trente-cinq ans. J'ai toujours vécu dans le village de Tsuyu Hana. Je suis un civil, un simple boulanger. »

L'homme avait l'air de vouloir coopérer, ce qui était plutôt une bonne chose. Grâce à ma Sensorialité, je savais qu'il ne mentait pas.

« D'accord, Monsieur Yamashita. Et si maintenant, vous nous racontiez toute l'histoire... ? »

Contre toute attente, l'homme fondit en sanglots.

« Je... Je n'avais pas le choix ! Si je ne les rejoignait pas, ils allaient mourir... Ma femme, mes enfants... Je ne supportais pas de les regarder mourir. »

« Qui ça, "ils" ? »

« La Bête et ses servants. Un jour, ma fille est tombée malade. Ce fut ensuite au tour de mon fils, puis de ma femme. Aucun docteur ne trouvait la cause de leur maladie, et aucun remède. Cela empirait de jour en jour... J'étais en train de les perdre. »

Il lâcha encore quelques sanglots, puis continua :

« Je vais tout vous raconter. L'autre homme que vous avez capturé est venu me voir un jour. Il m'a dit que ma famille était malade par ma faute, que je suivais le mauvais Dieu. Que je pouvais encore les sauver, si j'acceptais de suivre le "bon" Dieu. Bien sûr, je lui ai ri au nez et je l'ai envoyé paître. »

« Mais plus les jours passaient et plus ma famille était malade. Ils ne s'alimentaient plus, ils avaient perdu beaucoup de poids et leur peau était devenue transparente... Alors quand cet homme est revenu me trouver, j'ai accepté... J'étais désespéré. »

« Quelques temps après, ma femme a recommencé à se nourrir. Je ne sais pas pour quelle raison exactement, mais ce fut après mon intégration dans le "culte". Au début, la seule chose que je devais faire était d'aller voir les pères de famille et de les convaincre, comme je l'avais été. Je n'ai su que bien plus tard qu'ils enlevaient aussi les gens. »

« Mais je n'ai jamais... je n'ai jamais tué personne, je vous jure. Vous étiez la première personne que j'étais chargé d'enlever. Et c'était vraiment horrible, vous savez. J'ai perdu ma petite fille à cause de cette soit-disant malédiction... Je ne pouvais pas risquer de perdre un membre de ma famille à nouveau... »

Son visage était noyé dans les larmes à présent et moi aussi, j'avais un peu de mal à retenir mes émotions, tant le récit de l'homme était transperçant. Mais mon visage restait impassible. Il releva la tête vers le ciel, puis il dit avec un semblant de sourire :

« Au final, je suis heureux que vous soyez venus m'arrêter avant que je ne commette l'irréparable. Si je dois être exécuté, je partirais en sachant que j'ai tout fait pour sauver ma famille. »

La lumière de la salle ne faisait pas qu'agresser les yeux de l'homme en face de nous. Les miens étaient tout autant agressés par cette lumière si agressive. Elle l'était dans l'unique but de déstabiliser l'homme qui se tenait face à nous. Ruri commençait ensuite l'interrogatoire de ce Yamashita Yuuma. D'après ce que j'ai pu comprendre de son récit, il a été manipulé dans l'espoir de sauver sa famille d'une malédiction.

Je suis d'avis, s'il ne ment pas et cela Ruri saura me le dire lorsque nous sortirons de la salle, d'être clément avec cet homme. Ils ont été manipulé, ils ne méritent pas d'être jugé à la même enseigne que 'la bête' qui lui est le cerveau de l'opération.

Je n'avais dis un mot à cet homme, je ne faisais qu'écouter ses réponses tout en lisant les papiers que Ruri lui donnait. Lorsqu'il était temps de passer au deuxième, je le saluais tout de même.

« Vos réponses nous serons très utile et vous serez jugé en conséquence Monsieur Yamashita. »

Je sortais ensuite de la salle suivie de Ruri et nous nous dirigions vers la deuxième salle, celle où nous attends le deuxième homme, celui que Ruri a assommé dès le début du combat. C'était à mon tour d'interroger le suspect. Je savais comment faire, j'en avais déjà eu la chance. S'il le fallait, je n'hésitais pas à user de la torture pour faire parler comme lorsque nous étions tombés sur un pyromane avec Ogami, par chance il n'avait pas rapporté ce petit méfait, mais au moins, j'avais su découvrir la vérité. De plus, je ne pense pas user de torture envers cet homme si Ruri est présente, je ne désire pas lui montrer cette facette de moi, pas tout de suite.

J'allumais moi aussi cette lumière blanche si inhospitalière et tout comme Yuuma, cet homme a eu exactement la même réaction. C'est-à-dire de se reculer instinctivement sur sa chaise et de cligner les yeux. Sans attendre je commençais. Je m'asseyais face à lui avec tout le mépris qu'il m'était possible de donner.

« Ton nom ? »

L'homme ne répondait pas et était méprisant lui aussi. Je me répétais une deuxième fois, cette fois-ci avec plus d'entrain.

« Ton nom !? »

Toujours pas de réponse. Je tapais donc sur la table et m'approchait de lui pour lui chuchoter à l'oreille.

« Ton connais les Ketsueki ? Tu veux goûter à mes pouvoirs toi aussi ? »

J'ai pu lire sur le visage de l'homme de la peur, mais cela ne suffisait pas. Contrairement au premier homme, celui-ci ne méritait pas de respect, du moins pas pour l'instant. Après plusieurs essais infructueux celui-ci se décidait enfin de mon donner son nom. Rokushi Gashi.

Je continuais ensuite en lui posant quelques questions sur le pourquoi du comment de son histoire à lui. Il était bien plus méprisant et englué dans cette histoire que le Yuuma. Il était le premier des disciples de la bête et avait par conséquent déjà tué et enlevé en son nom. Pour moi, il ne méritait rien d'autre que l'emprisonnement à perpétuité dans une cage de trois mètres carrés sans fenêtre et sans intimité. Histoire de lui faire regretter ses gestes.

L'interrogatoire était terminé et je n'aurais jamais pensé ressentir de la compassion pour un criminel. Son histoire était très touchante bien que très triste. Il avait des circonstances atténuantes, mais les actes restaient les actes. J'espérais seulement que la justice de Suna saurait voir le cas sous un oeil plus humain que disciplinaire. Seulement, l'affaire ne s'arrêtait pas seulement à son témoignage.

Nous devions écouter la version des faits de son collègue, ou plutôt de son tortionnaire, celui qui l'avait entraîné dans toute cette histoire. Je ne pouvais m'empêcher d'avoir des a priori sur cette personne après avoir entendu tout ça. J'avais envie de le faire souffrir. Mais il me fallait rester impartiale ; lui-même avait peut-être entrainé par celui qui se surnommait "la Bête".

C'était au tour de Kazushi de mener l'interrogatoire. Le mépris se lisait partout, dans l'expression sur son visage, dans sa voix. Lui aussi avait été touché par le récit de Yamashita Yuuma. Son interlocuteur lui répondit également par du mépris. L'affaire s'annonçait compliquée, l'homme ne daignant pas répondre à nos interrogations. S'il persistait, nous serions obligés de laisser la place à des shinobis plus compétents dans ce domaine.

Au bout de quelques temps, l'homme nous révèla enfin son nom. Le Ketsueki parvint à lui tirer quelques informations, bien que toujours très floues. Une chose était sûre cependant : contrairement à son coéquipier, il ne ressentait pas une once de regret. Lui avait tué, pourtant il affichait un sourire fier. Il s'était délecté de cette situation.

Voyant Kazushi à bout de nerfs, je lui glissais un petit message :

« Nous avons bien assez d'information pour établir notre rapport de mission. Reconstituer ses actes, le juger ; tout ça n'est plus de notre ressort. »

Nous en avions déjà bien assez fait.

Par contre, l'interrogatoire de "la Bête" se révéla impossible à effectuer. Pendant une crise de démence et de violence, les médecins avaient été obligés de lui injecter un sédatif puissant. Il se trouvait dans un état secondaire, dans une pièce vide et sans fenêtres. Mais sa situation n'était plus de notre ressort non plus : il fallait le laisser aux mains des psychiatres.

La mission s'était montrée au final plus compliquée que prévue. Mais ce qui comptait vraiment, c'était notre réussite, la preuve de nos capacités pour gérer des missions de plus haut niveau. L'étape finale consistait à rédiger le rapport et ce serait terminé.