Les cris résonnaient encore clairement dans son esprit et sans doute qu’ils ne s’en iront jamais complètement. Heureusement, le tonnerre couvrait une partie et ce fut peu de temps après la cérémonie que le rouquin décida de passer voir Mizuki. Il s’était présenté aux gardes avant qu’on ne lui laisse l’accès et qu’il ouvre les portes du bureau silencieux.
Bien entendu, les deux anciens coéquipiers se connaissaient assez bien pour qu’elle devine le motif de sa visite. Oh et puis pas besoin d’être Einstein pour le comprendre après ce qui venait de se passer. Bref, il ferma la porte afin qu’ils puissent avoir une conversation en privé et s’avança vers elle.
« Était-ce vraiment nécessaire de lui faire éprouver un pareil supplice ? »
Maintenant qu’il y repensait, il avait une impression de déjà-vu. Il était déjà venu dans ce bureau exprimer son mécontentement après le sort d’un traître… Cette fois-là, c’était Miko qui était dans le bureau et maintenant Mizuki… Il vint se positionner à la fenêtre pour regarder le ciel d’un air pensif avant de tourner ses yeux sur son amie.
« Je peux comprendre la colère que tu as ressentie en apprenant les pertes à Nami… mais penses-tu vraiment que cela valait la peine que tu te salisses les mains ? Que tu t’abaisse à…ça ? »
Ce qui s’était passé était regrettable. Kihran s’en voulait de ne pas avoir réussi à venir à temps pour protéger ces innocents. La mise à mort était compréhensible à ses yeux, surtout après du compter les cadavres pour le mettre dans son rapport. Mais, il restait contre la torture pure et simple, sauf si cela pouvait permettre la protection du village bien entendu.
« Aussi, je ne comprends pas comment tu as pu autoriser la présence de Yell en sachant ce que tu allais lui montrer. »
Ses sourcils s’étaient légèrement froncés alors qu’il planter son regard sur Mizuki. Yell allait devoir vivre avec cette image en tête… alors même qu’elle venait enfin d’accepter d’avancer sur un avenir nouveau à ses côtés. Il ne pouvait décidément pas comprendre ces décisions.
Ensuite, le défilé commençait déjà, quelques minutes déjà après m’être retrouvée assise à mon bureau. Forcément, les premiers à se pointer seront ceux dont l’accréditation permet de se balader dans le palais comme s’ils étaient chez eux. Et en première ligne, Kihran. Je levai les yeux lorsqu’il entra, les rebaissant pour m’intéresser vaguement au dossier que je venais d’ouvrir. Il parla, me rejetant en pleine face les reproches que je me faisais déjà à moi-même. La mort de Tetsui n’était pas un problème – d’ailleurs, c’était quelque chose d’assez étrange que la mort dérange moins que la souffrance. La torture et la présence de Yell, en revanche…
Ma gorge se noua. Je pris une profonde respiration, me tournant vers ce qui devait sans doute être mon actuel ami le plus proche. Ou en tout cas mon soutien le plus indéfectible, celui avec qui j’avais grandi, celui avec qui j’avais passé des heures durant à rire et à m’entraîner. Mon ami d’enfance, en somme. Il me regarda sévèrement, plongeant son regard mauvais dans mes yeux luisants.
- Je t’en prie, Kihran, olala.
Je me levai, lui faisant désormais face. Je sentais mon cœur battre, mais je devais rester maîtresse de moi-même… Enfin, après tout, il n’était pas là en tant que Chûnin. Il était venu voir Mizuki, pas l’Hokage.
- Et toi, hein, qu’est-ce que tu as fait ? Tenir la main de ta petite copine, la laisser regarder la mort de son premier amour et l’empêcher de faire quoique ce soit, c’est sans doute plus intelligent, plus sensé, plus mature ? Yell m’a demandé d’être présente : en tant que sensei, j’ai accédé à sa demande. Toi, en tant qu’ami, tu as laissé faire : tu es pire que moi dans cette histoire.
Je m’agaçais plus que nécessaire, sentant quelques larmes couler le long de mes joues.
- Oh bien sûr, c’est facile pour toi de te pointer comme une fleur et de faire le mec responsable qui s’offusque du traitement réservé au pauvre Sunajin par la méchante Hokage, c’est facile de ne devoir gérer que des aspirants et des Genins qui te regardent plein d’espoir. Je gère des millions de civils qui me regardent anéantis, je gère des centaines d’étrangers qui me regardent en m’imaginant morte, je gère des millions d’ennemis qui me regardent en rigolant parce que j’ai 23 ans et que je reprends le flambeau de ma tante et senseï qui dort désormais dans un palais.
Au fond, je me rendais compte de tout ce qui me pesait seulement maintenant. Ma décision n’avait pas été faite à la légère, elle n’avait pas été impulsive, mais je me rendais compte de tout ce qui me pesait.
- C’est facile pour toi, tu te lèves le matin, tu vas gérer tes dossiers avec ces gens pleins de confiance en toi, et tu repars le soir à la même heure que la veille. Je ne me lève parfois plus, Kihran, pour la simple et bonne raison que je ne me suis même pas endormie. Parce que prendre le risque de louper une information en période de guerre, c’est prendre le risque que des milliers de vies soient perdues.
S’il y prêtait attention, il pouvait voir à quel point mon visage était rongé par la fatigue. Non pas uniquement parce que mes yeux bouffis et rougis me vieillissaient, mais parce que je n’avais jamais été aussi pâle, ni aussi cernée. Seuls mes cheveux gardaient cette impeccabilité surnaturelle.
- Mais ça devient de suite plus compliqué quand on doit réfléchir par soi-même. L’exécution n’est pas publique et pas ouverte aux non-gradés, ça ne te choque pas, peut-être ? Si je voulais m’afficher, je l’aurais fait là où ce Jisetsu a pourri une semaine durant ; si je voulais m’amuser, j’aurais fait ça dans la plus stricte intimité d’une cellule de prison. L’Académie et l’amour t’ont ramolli, Kihran ? Il est où ce shinobi prêt à tout pour défendre ses convictions ? T’es complètement contre ce que j’ai fait, mais la seule foutue chose que tu réussis à faire, c’est venir pleurer pour me dire à quel point je suis mauvaise. Pourquoi t’as laissé Yell voir ça ? Pourquoi tu m’as laissé commencer ? Pourquoi t’as laissé la torture se poursuivre ? Pourquoi t’as absolument rien fait, Kihran ?
Ok, je criais un peu plus que de raison, ne me contrôlant plus vraiment. J’étais jeune, encore une enfant, au fond. Jamais je ne l’avais jamais autant remarqué. Je portais un masque pour le monde entier, mais j’osais espérer que l’Hayashi me connaissait mieux que ça.
- Je voulais faire passer un message à nos ennemis, je voulais qu’ils craignent Konoha, qu’ils respectent un peu plus ce que nous sommes, et ce sera chose faite. A l’inverse, j’attends de mes hommes qu’ils agissent pour ce qui leur semble juste. Je ne veux pas de pantins incapables de prendre une seule décision de leur carrière, je ne veux pas de shinobis qui me respectent parce qu’ils me craignent. Je veux des hommes sur qui je peux me fier parce que je sais qu’ils feront absolument tout ce qui est en leur pouvoir pour défendre le village, le pays, leurs habitants et ce en quoi ils croient. T’es toujours ce genre de type ou pas ?
Hayashi Kihran
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Voir les larmes coulés le long de ses joues lui fit un pincement au cœur. Jamais, il n’avait souhaité la voir ainsi. Il se doutait bien que son rôle n’était pas facile, que le poids qu’elle devait porter était lourd, trop lourd… Il regrettait parfois l’époque où tous deux n’étaient alors encore que de simple shinobi qui suivaient l’éducation de leur senseï. La voir alors dans cet était lui donnait envie de la prendre dans ses bras afin de la consoler, néanmoins… ce n’était pas vraiment le moment.
Il écouta ses paroles sans un mot. Elle était en train de lui renvoyer tous ses reproches afin de lui faire comprendre qu’il n’était guère mieux. Aussi, il n’avait pas toute cette pression, ces responsabilités sur les épaules et en toute honnêteté ça ne l’intéressait effectivement pas. Il avait parfaitement conscience que devenir Hokage impliquait énormément de responsabilité, que chaque décision était cruciale et qu’on devenait un symbole, une cible. Il comprenait plus ou moins ce que lui racontait son amie, mais il ne partageait définitivement pas son avis. Ses poings s’étaient resserrés, mes ses lèvres demeuraient closes afin de la laisser finir.
Lorsqu’elle finit par s’arrêter, Kihran relâcha la pression en soupirant un coup avant de reprendre une bonne inspiration.
« Je le suis toujours. »
Il marqua une pause avant de reprendre avant qu’elle ne le coupe.
« Tu dis vouloir imposer la peur et le respect. Néanmoins les deux ne sont pas compatibles à mes yeux. Suna a pris des vies, et ce n’est absolument pas la crainte ou du respect à leur égard que je ressens. Tout comme ce ne seront pas ces sentiments qu’ils auront lorsqu’ils apprendront ce que nous avons fait subir à l’un des leurs. Une exécution est une chose, la torture est une autre. »
Toutes les personnes proches de ce dernier ressentiront certainement une haine grandissante envers le pays du feu, une amertume qui aura de la peine à disparaître même en cas de paix. Malheureusement, ainsi était la guerre… C’est d’ailleurs bien pour cela que Kihran ne croit pas en une paix durable. Il y a bien trop de blessures encore ouvertes et des profits à la clé pour les politiciens.
« De plus, les Sunajins nous ont déjà assez fait de mal, ne penses-tu pas ? Pourquoi les laisser alors marquer nos esprits ? Ses cris, ses organes déchiquetés, ces images resteront dans nos mémoires des années durant, il vivra et nous fera du mal des années durant, même après sa mort. A mes yeux, il ne méritait pas que tu te salisses pour lui. »
Il n’osait même pas imaginer ce que pouvait ressentir Mizuki à cet instant. Elle ne pouvait clairement pas, ne rien ressentir et sa colère, ses larmes le prouvaient bien. Il n’avait d’ailleurs pas encore répondu à ses accusations et le regard furieux de son amie lui fit comprendre qu’il avait tout intérêt à le faire.
« Ironiquement, tu dis ne pas vouloir de pantin et de l’autre tu viens me reprocher de venir te dire mon avis sur la situation… Pourquoi n’ai-je rien fait ? Pourquoi ne t’ai-je pas désobéi ? J’aurai pu facilement tuer Tetsui, ou laisser Yell s’en chargé lors de la cérémonie. Alors pourquoi ? »
Kihran se décala jusqu’à la fenêtre où il jeta un regard sur le village avant de se retourner vers l’Aburame. Il l’observa un moment avant de continuer.
« Ma priorité reste le village, voilà pourquoi. Je ne pense pas que tu as pris la bonne décision concernant Tetsui, j’en suis même certains et c’est pourquoi je viens t’en parler – en privé. Réagir en publique lors de la cérémonie aurait remis en cause ton autorité. Et ça, ça n’aurait définitivement pas été bon pour le village. Comme tu l’as dit, certains ne te prennent pas encore au sérieux à cause de ton âge… imagine si ton meilleur ami commencerait à défier ton autorité, mh ? »
Il croisa ses bras tout en la laissant réfléchir un peu aux conséquences possibles s’il aurait agi avant de reprendre.
« Je ne sais pas ce que tu attends de moi, mais mon but n’est pas d’agir contre toi, mais avec toi. Ce n’est pas parce que je ne partage pas le même avis que mes supérieurs, que je vais commencer à désobéir et agir comme je l’entends. Ce n’est pas comme cela que ça marche et ça n’aidera certainement pas le village à avancer. Par-contre, je ne suis toujours pas de ceux qui se contentent d’obéir la gueule fermée et c’est pour ça que je suis là. Si je suis là, Mizuki, ce n’est pas pour t’enfoncer, mais tenter de te comprendre et surtout de donner mon avis et conseil afin qu’il n’y ait pas de prochaine fois. »
Je rigolai nerveusement à ses derniers mots, essuyant les larmes qui ne cessaient de couler de mes yeux rougis et douloureux.
- Olala, Kihran, grand défenseur de la patrie, refuse de défier les ordres de son Hokage publiquement. Que tu es bon, t’en faire autant pour moi, woaw ! Sérieusement, avec des potes comme toi, je vois pas pourquoi je me casse le cul à faire joujou avec la guerre qu’on m’a foutu dans les pieds.
Je me calmai légèrement, la peine et le chagrin laissant doucement place à la colère – à croire que j’étais en période de deuil.
- C’est bien les principes, Kihran, mais au cas où t’aurais toujours pas capté, les principes ne régissent pas le monde. Ce sont les actes, qui le dirigent. Moi aussi, je suis arrivée plein de bonnes idées, plein d’entrain et plein d’envie. On a 22 ans, Kihran, et crois-moi qu’on connaît absolument rien de ce monde, et on a à peine effleurer ce qu’est Konoha. Si tu savais le nombre de choses qui te sont cachés, même à toi qui est pourtant plutôt bien placé dans la hiérarchie.
Le Conseil. La Racine. Les tortures. Les méthodes d’interrogatoire. Les déserteurs. Les secrets de chacun. Le passé de tous. Konoha était, au fil des ans, devenu une entité, avec ses vérités, ses secrets et ses mystères.
- Tu connais le Principe de Peter ? Une loi empirique qui dit, en gros, que dans une hiérarchie, on est tous des incompétents. Pars du principe qu’une personne lambda est compétente à son poste : alors elle sera promue au grade supérieur, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle arrive à un poste où elle n’est plus compétente : elle n’aura donc plus de promotions. Or, elle ne sera pas rétrogradée : elle restera donc indéfiniment à ce poste, incompétente. Ce principe étant appliqué à tout à chacun, on en conclut qu’aucune personne compétente ne reste à son poste, mais que toutes les personnes incompétentes restent aux leurs.
Il ne voyait sans doute pas où je voulais en venir, et pour cause : au fond, depuis ma nomination, j’avais une grande frayeur. Celle de ne pas mériter ma place. Je savais, au fond de moi, que j’avais été élevée pour ça. Je savais que tout ce qu’on m’a appris, que tout ce qu’on m’a inculqué, que tout ce que j’ai vécu me destinait à ce poste : mais si tôt ? Alors que d’autres, peut-être, le méritaient plus que moi ? Natsuki lui-même me bat haut la main : l’Ombre est censée être le ninja le plus puissant de son village. Visiblement, je ne le suis pas.
- On apprend rapidement, Kihran, qu’on ne peut pas tout avoir et tout défendre. Tu peux être bercé d’idéaux, te dire que tu te battras pour la paix dans le monde, pour la préservation de l’environnement et pour la survie des petits chatons, c’est génial. Mais tu n’avanceras pas, car c’est impossible. J’ai fait mon choix, Kihran.
Je le fixai dans les yeux, plus sévère que je ne l’aurais voulu et plus déterminée que la situation l’exigeait.
- Et j’ai décidé de protéger les miens avant les autres. Ceux sous la protection de Konoha jouiront, tant que je serais Hokage, de ma protection, de ma bienveillance et de ma sollicitude. Qu’importe les autres. Et je torturerais des milliers de Sunajins pour contenter ne serait-ce que trois Hijins. Et si cette philosophie te plaît pas, t’as les autorisations nécessaires pour sortir du village quand tu le souhaites. Ou alors, deviens Kyudaime.
Je retins la dernière phrase que je souhaitais dire, consciente qu’elle ne serait que méchanceté gratuite envers lui : « ceux qui savent font, ceux qui ne savent pas enseignent ».
Hayashi Kihran
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Bien sûr que ces mots le blessaient. Parlait-elle sous le nom de la colère, de la crise de nerf ou pensait-elle vraiment tout ce qu’elle lui disait ? Difficile à dire, sans doute un subtil mélange des deux. Dans tous les cas, ce qu’il entendait ne lui plaisait pas, pas du tout.
« C’est ça ta solution ? C’est comme ça que tu veux mener cette nation ? Que les personnes qui ne partagent pas ton avis partent ou prennent ta place ? C’est ça que tu attends de moi ? »
Ses sourcils étaient froncés, blessés. Il n’avait jamais pensé, ni souhaité prendre la place de Mizuki et encore moins partir de son village. Et cela l’attristait d’entendre son amie d’enfance de lui suggérer. Il détourna son regard un instant pour maintenir son calme tout en soupirant.
« Ce n’est pas en devenant une tortionnaire que tu arriveras à garder ton peuple en sécurité. Tu parles d’actes, faut-il encore que ce soient les bons. Et je ne crois pas que ce que tu as fait aujourd’hui soit une bonne décision. Penses-ce que tu veux de moi, toujours est-il que contrairement à ce que tu dis, je ne suis pas resté sans rien faire. Je suis venu à ce bureau te parler, tenter de te raisonner, car j’ai dû respect pour toi… Je ne pense pas que tu sois incompétente, mais tu te laisses ta colère prendre le dessus et cela n’amènera à rien de bon. »
L’Hayashi s’arrêta pour observer les réactions de cette dernière. Sans doute qu’il l’avait autant déçu qu’elle aujourd’hui. Kihran serra ses poings et poursuivit.
« Ecoute, je n’ose même pas imaginer le poids sur tes épaules désormais que tu as le titre d’Hokage. Toutefois, c’est une place que tu as choisi, gagné et mérité et ce malgré ton jeune âge. Maintenant, n’oublie pas que tu n’es pas seule et que je suis aussi là pour t’aider, malgré tout. »
Sa vision divergeait de celle de son amie, mais il espérait que son point de vue puisse également la rendre plus attentive aux conséquences de ses méthodes extrêmes et sadiques. Et puis, malgré tous ces reproches, l’Hayashi jugeait avoir toujours agi au mieux pour soutenir son village ainsi que ses proches. Restait à savoir si, celle-ci voyait tout cela de la même manière.
