J’avais l’habitude de me lever en même temps que le soleil, pas étonnant avec les deux piles électriques qui me servaient de compagnons. C’était un moment que j’appréciai beaucoup, voir le soleil faire son entrée et dilué la nuit noire. Cette journée s’annonçait particulièrement belle, ainsi nous décidions d’aller faire une promenade matinale après avoir mangé. Le soleil était encore bas, la température était fraiche tout en restant agréable. Il ne nous fallut pas longtemps pour arriver aux grandes portes du village où les gardes de nuit laissaient leur place aux gardes diurnes.

La forêt était comme ma deuxième maison, je l’avais traversé de long en large avec mes parents. Me retrouver en son cœur était comme une bouffée d’air frais, c’était calme et apaisant. Elle se réveillait doucement, nous marchions presque à pas de loup de peur de la brusquer. D’abord les oiseaux, toujours debout aux aurores, faisaient entendre leurs mélodies. Des sons différents selon l’espèce mais qui se mariaient à la perfection. Puis les insectes, notamment les papillons diurnes, qui sortaient de leur léthargie dans un mélange de couleurs. Bien qu’une bonne partie des Inuzuka se soit sédentarisé, notre amour de la nature n’avait pas faibli et j’étais heureuse de perpétuer cette tradition.

Mes deux compagnons Yoi et Shira n’étaient pas en reste. Leur queue frétillaient de droite à gauche tandis qu’ils gambadaient dans tous les sens, contrastant avec la tranquillité environnante. Ils étaient dans leur élément, leur instinct sauvage reprenant totalement le dessus. La forêt était un vrai défouloir pour eux qui passaient une bonne partie de leur temps en ville.

Prise d’une soudaine énergie, je me mis à courir parmi les arbres, adoptant une position à quatre pattes. Me mouvoir comme mes ninkens me faisaient me sentir d’avantage en liaison avec eux. Une idée me traversa l’esprit et me fit sourire.

« Le premier arrivé à la cascade aura droit à ce qu’il veut ! »

Aussitôt dit, j’accélérais. Je savais pertinemment qu’ils ne tarderaient pas à me rattraper après leur glapissement approbatif. La petite compétition était lancée, je sentais qu’ils donnaient tout ce qu’ils avaient. Nous arrivions près de la cascade, je pouvais déjà entendre le bruit de l’eau tombant sur les énormes rochers. L’un d’eux était placé plus en retrait, juste au début de la clairière. Yoi y monta à toute vitesse et se servit de son élan pour s’élancer et passer devant Shira et moi. Il finit sa course les pattes avant dans l’eau, tout heureux d’avoir gagné.

« Petit malin. » Dis-je en souriant alors que je les caressais tous les deux entre les oreilles. Épuisés par notre course, nous nous hâtâmes de boire à la rivière. Alors que Shira avait encore le museau dans l’eau, elle leva brusquement la tête avant de produire un petit jappement en direction de la cascade. C’est seulement à ce moment que je remarquais la forme allongée non loin du cours d’eau. Un loup au pelage d’ébène était tranquillement installé et n’avait pas bougé d’un pouce à notre arrivée. Trouvant cela inquiétant, je l’observais attentivement pour m’assurer qu’il respirait, ce qui était bien le cas. Au vu de sa respiration lente, il, ou plutôt elle, semblait profondément endormie. Je sentais un chakra étrange émané d’elle qui me disait quelque chose mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus.

Etant donné son sommeil profond, elle devait avoir l’habitude de venir ici et s’y sentir en sécurité. Jugeant qu’il valait mieux la laissé tranquille, je fis un signe de tête à mes compagnons pour nous éloigner. Deux compagnons ai-je dis ? Yoi n’était plus à côté de Shira, il était à présent tout près de la louve. Je l’appelais en chuchotant.

« Yoi ! Revient ici, laisse-là ! » Celui-là alors, il avait cette curiosité maladive qui finirai par le perdre un jour. Il leva sa patte gauche et donna deux petits coups à la pauvre louve au niveau du museau. Je soupirai d’exaspération tandis que Shira faisait entendre son mécontentement d’un grognement plaintif.

Maintenant qu’il l’avait touché, je craignais le pire, j’espérais qu’elle se rendrait compte qu’il n’était pas agressif. Alors que la louve ouvrait un œil, Yoi reculait de quelques pas. Elle eue un comportement très étonnant, elle se redressa sur ses pattes arrières et nous observa attentivement. La noiraude me dévisageait de haut en bas de ses yeux rouges. Des yeux rouges...ça me rappelait quelque chose. Mais oui ! Il y a un an une louve noire aux yeux de feu avait été emmené à la clinique vétérinaire pour une blessure à la patte. Je m’étais occupée d’elle, c’était la première fois que je me chargeais seule d’un patient devant Kibini-sensei.

Cette fois-là aussi j’avais ressenti ce chakra étrange émaner d’elle mais je n’y avais pas porté attention, trop concentrée sur ma tâche. La retrouvée ici m’intriguait donc beaucoup et peut être que je pourrais en apprendre plus sur elle, du moins si elle acceptait de me répondre. Afin qu’elle se sente en confiance je décidais de m’accroupir, adoptant une attitude décontractée. Elle était d’humeur positive à en croire les mouvements de sa queue.

« Hey, excuse mon compagnon Yoi, il est un peu fouineur. Je ne sais pas si tu te souviens de moi, mais je m’étais occupée de ta patte l’année dernière. » Commençais-je avec le sourire. Elle semblait attentive à mes paroles et non sujette à la fuite.

« Dis-moi, d’où viens-tu ? Quoique tu n’es pas obligée de me répondre. » Ajoutais-je en passant ma main droite derrière ma nuque, gênée.

Alors que je finissais ma phrase, Shira poussa un jappement qui m’étais adressé, elle me disait que cette louve ne lui disait rien et qu’elle ne semblait pas faire partie d’une des meutes sauvages présentes dans la forêt. Peut-être qu’elle était arrivée l’année dernière et qu’elle n’avait pas su se faire accepter par l’une des meutes. Cela me paraissait peu probable, celles présentes étaient très sociables, elles s’entendaient même assez bien entre elles. Et puis cette aura étrange qui se dégageait d’elle, je ne parvenais pas à déceler sa provenance, était-ce un camouflage ? Non, elle n’aurait pas été aussi calme. Je devais me montrer amicale pour en savoir plus.

Je ne sais pas si c’était dû à mes paroles ou si elle semblait simplement en confiance mais elle restait assez calme. Je voyais dans son regard qu’elle jugeait le pour et le contre. C’était tout à fait compréhensible puisqu’elle se trouvait devant trois inconnus. Voyant son hésitation, je me dis qu’elle préférait surement rester seule. Alors que je me levais, elle haussa les épaules ce qui me surprit beaucoup, mais ce n’était rien par rapport à ma surprise lorsqu’elle se transforma devant moi. La louve s’était changée en une jeune femme brune au visage pâle, accentué par la lumière du soleil. J'avais sursauté à l'entente de sa voix. Elle avait le même regard rouge où l’on pouvait percevoir une certaine confiance et aussi un petit air moqueur et amusé. Sa tenue était très sobre, une veste noire par-dessus un t-shirt rouge, accompagné d’un pantalon foncé. Elle semblait plus âgée que moi, la vingtaine je dirais.

« Vous...Vous êtes une Gekei ! C’est pour ça que je ressentais ce chakra ! Je me sens un peu bête, je vous ai parlé comme à une louve sauvage ! » M’écriais-je avec un grand sourire.

Je n’avais pas fait la différence entre un loup et une transformation du clan Gekei car je n’avais eu que rarement l’occasion d’en croiser et de plus est, transformé. Personnellement, je ne comprenais pas ces gens qui prenaient un malin plaisir à faire du mal à une famille juste parce qu’elle est différente. Le pouvoir de se transformer en animal, je trouvais ça fantastique. Je leur enviais cette capacité tout en comprenant que ce ne devait pas être facile à vivre. Mon clan lui-même a été chassé par ce genre de personnes totalement fermée d’esprit.

« Je suis vraiment contente de rencontrer un membre du clan Gekei, je trouve votre pouvoir fascinant, j’aurais beaucoup aimé pouvoir faire pareil et me balader avec mes loups. Oh ! Je ne me suis pas présenté, je m’appelle Inuzuka Shizu et voici mes deux compagnons, Shira et Yoi celui qui vous a dérangé. Encore désolée de son comportement. » J’inclinais la tête devant mon aînée d’un air embarrassé tout en jetant à Yoi un regard de reproche. Il se mit à japper comme un chiot que l’on avait puni. Shira lui donna un coup de museau moqueur histoire d’enfoncer le clou.

La jeune femme ne semblait pas nous en vouloir pour notre dérangement, au contraire je voyais qu’elle était amusée par la situation. On pourrait même penser qu’elle se moquait un peu de mon embarras. Bon j’avoue la scène était assez risible ! Je pouvais voir la surprise de la jeune brune face à ma réaction. Elle m’expliquait qu’il était normal que je ne l’ait pas reconnue car c’était justement le but de son pouvoir.

« Hum c’est vrai, n’empêche j’avais quand même senti quelque chose de louche ! Je pense que c’est dû au fait de côtoyer chiens et loups pratiquement tous les jours. »

La louve rétorqua ensuite que bien qu’elle aimât son pouvoir, il apportait aussi beaucoup de problèmes et ne souhaitait à personne de vivre ce qu’elle a vécu. Je sentais dans sa voix qu’elle avait beaucoup souffert à cause de tout ça. Cela expliquait aussi pourquoi elle semblait si distante, lorsque l’on avait été chassée par les autres, on finissait par ne plus leur faire confiance et rester seul pour ne plus souffrir.

« Oui c’est vrai...Je n’ai pas vécu l’époque où mon clan était mal vu et chassé continuellement, je ne comprends pas ce qu’on peut ressentir bien que je puisse l’imaginer en quelque sorte via ce que ma famille m’a raconté... »

Alors que je parlais, son visage devenait légèrement plus doux, moins fermé en tout cas tandis qu’elle reprenait la parole. J’apprenais enfin son nom, elle me conseilla ensuite de faire attention avec Yoi car ce qu’il venait de faire aurait pu mener à une situation beaucoup plus problématique. Elle ajouta également d’un sourire en coin, qu’elle préférait que je la tutoie car le vouvoiement l’a vieilli. J’appréciais qu’elle ne veuille pas de cette barrière, j’aimais être franche avec les gens mais par politesse j’optais pour les usages traditionnels.

« A vrai dire il ne m’a jamais fait ce coup-là sauf quand il était beaucoup plus jeune. Je pense que le fait qu’il ait senti une différence de chakra et ta bonne humeur, lui a fait prendre un peu trop ses aises sans penser aux conséquences. » Je lui jetais encore un regard de reproche suivit d’un léger sourire. Sa tête de chien battu m’empêchait d’être plus dur avec lui par moment et il le savait pertinemment.

Je retournais ensuite ma tête vers Izumi, je ne sais pas pourquoi mais j’avais envie de passer du temps avec elle, de voir sous cette carapace qu’elle s’était forgée avec le temps. Tout le monde avait le droit d’avoir des amis, des personnes sur qui compter et qui ne vous jugent pas sur votre différence. Cependant je ne voulais pas m’imposer non plus, ça ne ferait que la braquer, je lui demandais avec le sourire.

« Bon eh bien, est-ce que tu voudrais continuer la balade avec nous ou tu préfères continuer seule ? Je comprendrais. » J’espérais honnêtement qu’elle choisirait la première option mais dans le cas contraire, nous aurions d’autres occasions de nous croiser je suppose.

Alors que je lui faisais part de mon ressenti et de l’histoire de mon clan, Izumi semblait étonnée d’apprendre que le clan Inuzuka avait subi à peu près la même chose que le clan Gekei. Parler de notre passé semblait la faire revivre des souvenirs douloureux, du moins c’est ce que j’ai pu lire sur son visage pendant quelques secondes avant qu’elle ne se reconcentre sur mes paroles.

Contrairement au côté froid qu’elle dégageait au premier abord, je la surpris à sourire de mon œillade avec Yoi. Cela confirmait ce que je pensais, les souffrances changent les gens, les poussent à se construire des barrières. Ces dernières finissent par devenir des prisons lorsque l’on essaie de se reconstruire. Ce qui m’attristait, c’est que même aujourd’hui les préjugés n’avaient pas disparus au sein du village. J’étais déterminée à les faire disparaître et cela commençait parfois par un petit geste. Aussi j’étais ravie qu’elle daigne nous suivre.

« Je suis contente que tu acceptes ! » Mon enthousiasme était accompagné de ceux de Shira et Yoi qui manifestèrent le contentement en jappant. Visiblement, Izumi avait l’air de leur plaire, surement l’instinct qui leur faisait ressentir la solitude qui émanait d’elle. Ils étaient assez sociables de base, mais aussi vite avec quelqu’un, c’était très rare.

C’est ainsi que nous continuions notre traversée des bois tous les quatre. Izumi n’était pas très bavarde mais c’était tout à fait normal, ça viendrait avec le temps. Je pouvais voir que ça lui faisait quand même plaisir de ne pas être seule. Yoi et Shira pouvaient être de vrais clowns et parvenaient sans mal à lui décocher des sourires tandis que je riais à gorge déployée. On peut le dire, c’était définitivement une belle journée.