Le sourire de la noiraude précède le bref mouvement de tête approbateur qu'elle décoche à Fuka. Sa réponse au sujet des tristes événements qu'elle a évoqués quelques instants plus tôt est parfaitement mesurée. Prudente? Difficile à dire! Kaya ne sait pas grand chose au sujet de jeune homme. Setsuko a pu le côtoyer, c'est vrai. Mais pas assez pour se faire une idée précise de l'individu. Et il semble évident que la Mamoru ne peut pas insister sur ce tragique incident sans éveiller les soupçons du Taisa. Si ce dernier est un traître, elle doute qu'un simple dialogue suffira à le démasquer. Après tout s'il est toujours en liberté c'est qu'il est suffisamment malin pour couvrir ses traces. Ou simplement qu'il n'est pas un traître...
"Tu as eu de la chance dans ton malheur!" indique-t'elle. "Setsuko a aussi dépendu du bon vouloir de la Foudre. Et nous savons tout deux comment cela s'est terminé..."
Vraiment? Le Kamui lui-même semblait l'ignorer... Qu'en est-il de Fuka? Que sait-il, qu'ignore-t'il? Seul le temps apportera les réponses qui se cachent encore. Pour l'heure c'est Kusa qui devrait être au coeur des préoccupations de la noiraude. Elle refoule donc dans un coin de sa tête les multiples questions qui lui brûlent les lèvres et se focalise sur la suite des opérations. Kaya a déjà eu l'occasion de visiter l'un des forums de l'Herbe. Mais le Taisa semble bien mieux connaître le pays qu'elle. Ses connaissances seront utiles.
Selon lui le principal danger vient de plusieurs tribus marginales. La noiraude s'agenouille à coté de son coéquipier et observe les différents points qu'il désigne sur la carte. D'après la définition que ce dernier fait des "pacifistes" il faut s'attendre à une forte opposition. Des problèmes en perspective? Sûrement... L'avantage c'est que Yanosa-sama contrôle le pays d'une main de fer. La majeure partie de Kusa est déjà sous-contrôle. Il s'agit maintenant de s'occuper des quelques réfractaires qui restent. C'est plutôt simple en théorie. Mais en pratique...
"Une vraie promenade de santé...." s'amuse-t'elle. "Mais nous n'aurons au moins pas à courir après des fantômes!"
Les réfractaires sont connus. Les trouver ne sera pas vraiment compliqué. Mais leur faire entendre raison... Si ces tribus refusent l'autorité impériale alors elles sont de ce fait hors-la-loi. L'extermination de leurs membres est donc une option envisageable. Mais elle demanderait beaucoup de moyens et d'énergie. Reste la négociation. Mais pourquoi faire des concessions à des gens qui préfèrent le dialogue par les armes et qui s'en prennent à l'économie impériale? Ne serait-ce pas un aveux de faiblesse?
"Ceux qui s'opposent à l'Empire doivent ployer le genoux ou mourir. C'est aussi simple que ça!" glisse-t'elle sur le ton de l'évidence. "Leur obéissance n'est pas négociable. Tout comme le respect des lois du Shûkai ou de Kusa! Ces tribus ont choisi de se poser en ennemies et c'est ainsi qu'elles seront traitées!"
Mais un peu de subtilité n'a jamais fait de mal à personne. Pourquoi opter pour un massacre alors que des éliminations méthodiques peuvent avoir le même impact sinon plus? Il s'agit de séparer le grain de l'ivraie, ceux qui peuvent être utiles au Shûkai de ceux qui représentent une menace pour sa pérennité. La noiraude désigne un petit bourg sur la carte, à équidistance des différents points indiqués par Fuka.
"Et si nous convoquions leurs différents chefs à une réunion?" propose-t'elle. "Faisons leur croire que l'Empire souhaite apaiser les tensions et négocier des terres en échange de l'assurance qu'ils se tiendront tranquilles à l'avenir. La plupart seront réfractaires à cette idée, c'est certain. Mais je suppose qu'ils voudront tout de même écouter les propositions du Shûkai. Après tout n'importe quel dirigeant un tant soit peu avisé prend la peine d'analyser les différents choix qui s'offrent à lui avant de prendre une décision."
Il suffira ensuite de faire ce que l'on appelle communément "un exemple". Les têtes de l'hydre coupées, il suffira de s'assurer que le corps ne représente plus une menace. Une occupation rapide des tribus par des forces de Kusa ou du Shûkai suffira à calmer le jeu. Ou, à défaut, à régler le problème définitivement.
"Sans leurs chefs les tribus seront désorganisées. Il sera aisé d'en venir à bout ou de leur imposer notre vision des choses!" conclue-t'elle. "Et puis nous nous éviterions des heures et des heures de marche!"
L'idée de traverser le pays ne lui convient pas vraiment. Ce serait une perte de temps à ses yeux. La noiraude pense au Rouge et suppose qu'il apprécierait sa manière de considérer les choses. Après tout n'est-il pas lui-même partisan de la purification du peuple? Mais en l'occurrence il s'agit de convaincre Fuka...