Anauma, anciennement Monjara Shinji

Le crépuscule s'installa lentement sur le village de Kumo, alors que le Raïkage signait son dernier papier. Un soupir suivie de plusieurs craquements de doigts venaient annoncer la fin d'une journée bien remplie d'un bureaucrate. Le Nanadaime ne savait pas que la fonction d'Ombre amené autant de paperasse. Aurait-il accepté s'il avait su ? La question ne se pose même pas. Qu'est-ce qu'un peu de papier quand on vous offre l'opportunité de diriger un village ? Un détail, rien de plus. Quand bien même, s'il faut que Manzo gratte du papier 90 % de son temps pour redorer le blason de Kumo, alors il le fait sans la moindre once d'hésitation. Cependant, gratter du papier ne suffisait pas pour rendre un village meilleur. Le Kadoria ne fait qu'assurer une certaine stabilité, rien de plus pour l'instant. Il en est bien conscient et c'est pour cela que ses activités nocturnes ne sont pas réservées au sommeil, mais bien à de nombreux projets.

Profitant de l'horizon orangé que le crépuscule apporte, le Raïkage s'installa sur le toit du palais afin de profiter d'une cigarette bien méritée. Un vice qu'il n'aimait pas, mais qu'il s'accordait pour avoir l'illusion d'être tranquille pendant quelques minutes. La dernière bouffée dans les poumons, l'homme fort de Kumo écrase sa cigarette avant de se déplacer instantanément dans sa demeure grâce à son Hiraishin. Il était temps pour lui d'enfiler un autre costume et de plonger dans les abysses de la nécromancie.

Descendants les quelques marches boisées de son sous-sol, il vit, comme attendu, son bras mort. Son second d'outre-tombe, Anauma. Le masque posé sur une table, le trompe-mort ne perdit pas une seconde pour engager la conversation.

« Voilà ! J'ai fait ce qu'il y avait à faire. Tous nos cadavres disponibles ont été envoyés au sein de Kumo. Je les ai formés pour répondre à tes ordres et aux miens en leur donnant la seule mission de surveiller Kumo et de t'alerter via leur sceau s'il y a un problème. »

« Très bien, je vais peut-être enfin avoir le droit à une vraie nuit de sommeil. »

« Par contre, nous devons récupérer rapidement d'autres cadavres, car ce n'est pas avec ça que nous allons surveiller efficacement Kumo. D'ailleurs, pourquoi ne pas utiliser des cadavres basiques comme tu en utiliserais en combat ? »

« Les morts que j'utilise en combat sont utiles pour un instant clé avec un ordre précis et simple. Je ne peux pas les utiliser pour mon projet. L'ordre est bien trop compliqué et ils ne tiendraient que quelques heures en liberté comme cela avant de se décomposer. C'est pour cela que je dois manipuler les cadavres avant de leur donner vie pour mon armée, sinon, elle serait inutile. Tout le travail que nous faisons en amont n'est pas inutile. »

« Je t'en avais déjà parlé, mais il faut vraiment que tu t'entretiennes avec Shigeru. Il t'aidera sûrement pour ton problème de cadavres. »

« Je n'avais pas forcément envie de parler tout de suite de mon projet à quelqu'un. La nécromancie est associée directement à quelque chose de négatif et quand je vois celui qui me l'a appris, je comprends pourquoi. J'espère simplement qu'il comprendra tout ce que je peux accomplir grâce à ce don… Enfin, j'irai le voir demain. Je dois dormir avant tout. »

Le manipulateur de la gravité ne perdit pas de temps et partit se coucher instantanément. Il accumulait de la fatigue depuis des semaines maintenant et une bonne nuit de sommeil pouvait lui faire que du bien.

L'Ombre de Kumo se réveilla en début de matinée et ne perdit pas de temps. Il se dirigea en direction de l'hôpital en espérant que les blessés ne seraient pas trop nombreux pour s'entretenir avec l'imminent médecin de Kumo. Passant par l'accueil, on lui indiqua que l'Enko était dans son bureau. Toquant trois fois, il entra.

« Bonjour Shigeru. Désolé de te déranger, mais j’aimerais m’entretenir avec toi. »

Une. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Le médecin venait de fumer six cigarettes en l’espace de dix minutes de pause – un score qui ne cessera de le surprendre. Il avait commencé… Tellement gentiment. Secouant délicatement la tête – suffisamment peu pour garder la sensation de légèreté apportée par son addiction – il soupirant profondément, vidant ses poumons des restes de fumée qui y résidaient. Il était prêt à repartir pour une nouvelle journée à l’hôpital. Une journée de plus à analyser, commenter, critiquer, lire et disséquer. Une journée comme il les aimait. Malgré la guerre qui faisait rage à son rythme d’escargot – et qu’il était loin d’approuver ce genre de démarches – Shigeru avait plus de temps de son côté dans son laboratoire. L’année entière qu’il avait passé à former de jeunes apprentis pour augmenter l’effectif de l’hôpital et permettre un détachement plus simple d’unités mobiles ont été un excellent investissement, exactement comme il l’avait anticipé.

Il n’en voulait pas au Raikage de tenir la politique qu’il avait. Tout juste, cette dernière était bénéfique pour le village et des améliorations nettes ont pu voir le jour depuis que Bakushô Aomine n’était plus au pouvoir. Combien même, après tout ce temps, il était encore difficile pour le brun de remettre en question la personne de Monjara Shinji. Il lui avait semblé tellement… Dévoué au village lorsqu’il lui avait recousu son bras. C’était… Triste qu’il puisse ainsi se laisser faire. Oh, bien sûr, il fréquentait Hak et Daï qui n’en pensaient pas moins vis-à-vis de Kumo, chacun à sa façon, mais le médecin ne faisait que jouer au dupe. Les deux étaient de réels amis, et c’était confortable pour lui d’être impliqué, d’une façon ou d’une autre, dans toutes leurs approches sordides. Il gardait un œil sur ce qui était fait et s’assurait que cela ne nuise à personne. C’est ce que font les amis non ?

Passant la porte de l’hôpital, il adressa un large sourire et une salutation chaleureuse aux membres du personnel qu’il lui était donné de croiser. A force, tout le monde ici savait qui il était, et Shigeru s’efforçait presque religieusement de retenir l’identité de tout le monde en retour. C’était une équipe de plus en plus soudée chaque jour, loin de ce qu’il y avait lorsqu’il avait commencé ici. Soupirant calmement, il se dirigea vers son bureau et s’enferma dans celui-ci, relisant une énième fois le planning de la journée qu’il avait préparé la veille. Neuf. Il y a neuf corps dans sa morgue. Neuf à attendre prélèvements et mise en condition avant qu’il ne les ouvre et explore leurs entrailles. Malgré tout ce qui pouvait être dit vis-à-vis de cette pratique, elle demeurait une source précieuse d’informations pour le village. Peu de gens étaient pleinement conscient de ce que pouvait apporter la science des morts.

Alors qu’il s’apprêtait à aller commencer le premier avec son assistante, le brun fut interrompu par trois coups contre sa porte. S’il s’attendait à voir Hak – Daï ne frappant plus mais se contentant d’entrer – il fut sincèrement surpris de voir le Raikage en personne entrer alors qu’il n’avait réussi à formuler que la première syllabe du mot « entrez ». Se réajustant dans son mouvement, l’anatomopathologue décida de se rassoir derrière son bureau.

« Je… Raikage-sama. Vous ne me dérangez jamais. Entez, je vous prie – n’hésitez pas à vous assoir également. Puis-je… Savoir ce que vous souhaitez me demander ? Y a-t-il un problème avec mon dernier compte-rendu concernant nos études sur les gènes ? Vous désirez des détails peut-être ? »

L'hôpital. C'était un bâtiment comme tous les autres, vu de loin. Une simple infrastructure totalement classique comme on peut en trouver des dizaines à Kumo. Cependant, l'aspect extérieur était de loin ce qu'il y avait à négliger lorsqu'on aborde le sujet de l'hôpital. À l'intérieur, des dizaines et des dizaines de personnes s'efforcent, nuit et jour, d'assurer un soutien médicale pour tous les blessés que peu produite le monde tel que nous le connaissons. Pour une base militaire, l'hôpital représente un point crucial. Sans lui, il n'y aurait pas de deuxièmes chances. Le moindre accident serait fatal pour Kumo.

Même si le Nanadaime ne se rend pas tout le temps dedans, mais il reste toujours autant fasciné par le personnel. Ces gens se saignent pour sauver la vie d'autres personnes. Un combat infernal et infini contre la mort. Lui qui connaît beaucoup de choses sur la mort, il ne peut qu'être admiratif pour ces hommes et femmes qui la côtoie sans cesse dans le but de l'arrêter. Une épreuve de longue haleine qui dérive complètement de l'incarnation même du shinobi. Kumo serait à la merci de bien des choses sans ses médecins et surtout d'un d'après Anauma. Le Monjara parlait toujours d'Enko Shigeru. Un homme qui est arrivé dans l'hôpital comme simple médecin et qui a imposé le respect de ses homologues. Shinji avait longuement parlé à Manzo de ce que Shigeru avait fait pour lui et pour Kumo. Réorganisant totalement l'hôpital, il avait créé une équipe soudée et performante. Ce n'était pas la première fois que le maître de la gravité rencontrait cet homme, mais il n'avait jamais eu l'occasion de parler avec lui, seul.

« Ton rapport sur les gènes était parfait et nous pourrons en reparler tout à l’heure, mais avant tout, j’aimerais discuter avec toi de quelque chose de délicat. »

Le Kadoria s'arrêta. Malgré tout ce qu'Anauma pouvait lui dire, Manzo n'était pas confiant. Révéler ainsi ce qu'il était réellement et ses projets à quiconque pourraient paraître fous et démesurés. La tête brune était familière avec le sentiment de peur, mais il ne l'avait jamais ressenti dans ce contexte. Il ne voulait pas décevoir Shigeru et par extension, Kumo. C'était un projet peu conventionnel, certes, mais il fallait bien cela lorsque vos ennemis sont un Empereur et que vos relations avec un duo d'Aburame sont tendues. On dit bien souvent que la fin ne justifie pas les moyens, mais on ne retient que la finalité. Victoire ou défaite. Pas comment nous avons gagné ou perdu. Le Nanadaime voulait la confiance des gens qu'il dirigeait, mais il savait aussi mieux qu'eux ce qui était bénéfique pour le village et ce projet l'était, qu'importe ce que l'on en pensait. Néanmoins, c'était l'avis de deux hommes enfermés dans une cave aménagée en laboratoire. Ce n'est pas l'avis de tout le monde. Mais est-ce que cet avis compte vraiment ? L'Ombre de Kumo est le dirigeant du village, ses décisions lui appartiennent et s'ils ont l'a nommé, c'est qu'il est apte à prendre les meilleures décisions dans tous les cas. Le nécromant était perturbé par tout ce raisonnement qui s'opérait dans sa tête et décida finalement, de briser le silence.

« Pour être franc avec toi, je suis peut-être un Kadoria, mais j'ai aussi, un autre don caché. Très peu de gens au sein de Kumo savent l'information que je vais te transmettre et je vais te demander d'être discret avec celle-ci. J'ai voyagé pendant plus de dix ans dans ce monde qui est le nôtre. J'ai fait la rencontre de beaucoup de gens, appris de nombreuses informations et surtout, découvert de sombres secrets. Un homme malfaisant m'a appris la nécromancie. Je maîtrise parfaitement le contrôle des morts, mais ce n'est pas tout. En réalité, le nécromant m'a appris tout cela, pour que je déchiffre des anciens écrits qu'il ne pouvait comprendre. Lorsque mon succès fut total, l'homme afficha ses vraies intentions, tentant alors de m'assassiner pour garder le secret uniquement pour lui. Ripostant, j'ai mis un terme à la vie de cet homme qui s'apprêtait à utiliser ce don noir pour œuvrer contre le Daimyô de Yu no Kuni. Le secret que j'ai découvert pendant ce périple est celui… De la réincarnation des âmes ! »

Le Raïkage termina ses paroles pour laisser un silence monacal s’installer. Il voulait d’abord observer la réaction du médecin avant de continuer.

S’il faut tout d’abord rassuré par la réponse de son Ombre, Shigeru ne pouvait que deviner le sentiment d’inquiétude qui se dessinait sur le visage du dirigeant. Rester particulièrement discret avec une information ? Il hocha calmement la tête. De toute façon, seule Hak parmi ses fréquentations pouvait être capable de deviner qu’il cache quelque chose – et à force de la connaître, il avait également appris comment faire pour qu’elle ne se doute de rien… Ou du moins qu’elle ne cherche pas à creuser. Le dos posé bien à plat contre le dossier de sa chaise, la tête légèrement courbée, le brun écoutait avec une attention particulière la suite du récit du Kadoria, n’affichant comme à son habitude que peu d’émotions. Il comprenait parfaitement l’inquiétude du Raikage au fur et à mesure que ce dernier avançait dans son récit, et ce jusqu’à la chute. La Nécromancie n’a jamais été un art très populaire à Kumo, alors aller jusque dans les abîmes de cette dernière… C’était… Intéressant pour le jeune médecin qui adressa un petit sourire à son interlocuteur avant se lever calmement et avancer, sans aucun signe d’impatience ou de menace, jusqu’à la porte de son bureau. Ouvrant celle-ci, il s’avança légèrement en la laissant entre-ouverte, de sorte à ce que personne ne puisse voir qui lui rendait visite à ce moment précis.

« Kie ! Annule toutes les autopsies prévues pour la matinée et dit à l’équipe qu’ils peuvent rentrer chez eux. Je suis pris pour la matinée. Si je n’ai pas fini dans les temps, je leur ferai suivre un message pour leur laisser la journée entière. »

Lançant un regard sévère à son assistante principale, Shigeru se retourna et ferma à clefs la porte de son bureau de l’intérieur. La jeune femme savait pertinemment qu’il ne rigolait pas, et tous deux étaient conscient qu’une journée de repos ne ferait aucun mal à l’équipe qui enchaînant vaillamment depuis quelques jours déjà. Sous le regard intrigué de son interlocuteur, le médecin repris sa position dans sa chaise et fixa le Raikage droit dans les yeux.

« Personne ne devrait nous déranger désormais. Si je n’ai jamais douté de vos capacités, Raikage-sama, je dois vous avouer être profondément surpris que vous ayez réussi à pousser la Nécromancie jusqu’à un tel paroxysme. »

Reconsidérant un instant ses propos et la faible intonation de sa voix, il se rendit compte que cela pouvait être interprété de plusieurs manières – enchaînant immédiatement sur la suite de sa réponse avant que le Kadoria ne puisse répondre.

« Le premier élève que j’ai eu, en devenant Chûnin, maîtrisait quelque peu ce domaine également – je suis loin d’être un novice en la matière, du moins d’un point de vue théorique. C’est un immense honneur que vous m’accordiez votre confiance jusqu’à me parler de ceci, et j’imagine que mes activités à l’hôpital ne sont pas étrangères à votre présence. Comment puis-je vous aider ? Je suis prêt à tout. »

L’art – ou la science selon les convictions – de la Nécromancie était l’opposition même de la Médecine. Plutôt que de chercher à garder les gens en vie, c’était le recyclage de leurs cadavres. Un recyclage particulièrement pur et dur même lorsqu’il s’agissait de pouvoir ramener à la vie quelqu’un. Une chose bien sordide d’ailleurs – car comment expliquer aux proches que, même morte, la personne qu’ils chérissaient tant puisse continuer à fouler ces terres ? Aucun humain n’était prêt à un tel choc, à une telle rupture de l’ordre naturel de la vie – c’était largement assez pour justifier l’image extrêmement sombre de la chose dans la reconnaissance publique. Pensif alors qu’il attendait la réponse de l’Ombre de la Foudre, Shigeru ne partageait pas cet avis. Il est passionné par la chose, que ce soit du point de vue purement éthique extrêmement délicat, ou tout simplement pour les multiples usages qui pourraient en être fait. Restait seulement à savoir quels étaient les projets de Kadoria Manzo, Nanadaime – soupirant calmement, le brun était certain qu’il n’allait pas tarder à les connaître.

La conversation était délicate. Ce n'était pas un problème d'interlocuteur, car entre Shinji faisant l'éloge de ce brillant médecin et les résultats obtenus avec les gènes, Enko Shigeru était un homme sur lequel le Nanadaime pouvait compter. Non, le problème venait tout simplement du sujet en lui-même. La nécromancie représente un sacré tabou dans notre monde et c'est tout à fait compréhensible. Le cycle naturel fait qu'un être né, vit et meurt. Cette science occulte permet de bouleverser complètement ce cycle en le brisant afin d'octroyer une vie après la mort, animant des choses qui ne devraient plus bouger. Manzo sait pertinemment que ce n'est pas un sujet à aborder avec tout le monde et il ne l'aurait sûrement pas fait avec l'Enko si Anauma ne l'avait pas convaincu.

Le médecin resta stoïque face aux paroles du nécromant, mais une nouvelle de la sorte devait forcément agiter son esprit. Très calmement, le docteur se leva pour ouvrir sa porte et annuler tout ce qu'il avait prévu ce matin, afin de ne pas être dérangé dans cette conversation si singulière. S'asseyant de nouveau sur sa chaise, Shigeru indiqua qu'il était surpris que le Raïkage ait atteint un tel niveau de connaissance dans le domaine des morts. Il enchaîna très rapidement sur le fait qu'il avait déjà eu à faire un jeune shinobi des nuages qui possédait aussi ce don ou cette malédiction ,selon les points de vue. Il ajouta qu'il avait, dans sa poche, toute la théorie sur ce mystérieux pouvoir et que c'était un immense honneur pour lui que l'Ombre de Kumo accorde sa confiance sur ce sujet si épineux. Lucide, l'Enko précisa qu'il imaginait que ses activités à l'hôpital étaient à l'origine de sa visite. Dans tous les cas, le médecin était prêt à aider le nécromant et c'était déjà un soulagement de son côté. Le visage de Manzo devenait, peu à peu, moins tendu suite aux dernières paroles de Shigeru.

Cependant, ce n’était pas fini. Révéler son don est une chose, mais révéler ce que l’on en fait en est une autre. Soufflant légèrement, le Kadoria se lança.

« Je peux comprendre ta surprise. Si je n’étais pas un Kadoria et un expert dans l’art des sceaux, je n’aurais jamais pu acquérir ces compétences et encore moins percer le secret de l’Edo Tensei. Tu es un illustre médecin qui ne cesse de montrer ses capacités et sa loyauté à Kumo. Tu étais le seul qui pouvait m’écouter et comprendre mon point de vue. C’est donc naturel pour moi de te confier tout cela et je suis ravie que tu puisses m’aider. »

Voyant un cendrier sur la table, le Raïkage sortit une cigarette qu'il alluma avant d'entamer le cœur de ce pourquoi il est venu.

« Comme tu t'en doutes, si je te parle de tout ça, c'est parce que j'ai un projet à accomplir. Depuis qu'Irana, allié de Gogyou Makka et nécromancienne, a attaqué le village il y a des années maintenant, la science des morts n'est pas un sujet à prendre à la légère au sein de Kumo. Cependant, depuis mon investiture, j'ai remarqué que Kumo souffrait d'un cruel manque d'effectif et de ce fait, de surveillance. De ce que j'ai lu, Kumo a subi de nombreuses désertions depuis des années maintenant et les récents évènements nous montrent que même un Genin peut s'enfuir de notre village et de notre pays avec une facilité déconcertante. J'ai donc eu une idée. Mettre à profit mon don pour le bien du village et du pays. Je voulais utiliser tous les cadavres que je trouvais pour les réanimer afin d'assurer une surveillance constante de Kumo et à terme, du pays. »

Tirant une grande bouffée, l’Ombre reprit.

« Bien entendu, ce n'était pas aussi simple. Je ne pouvais pas simplement réanimer un homme et lui dire de surveiller Kumo, car l'ordre en réalité est bien plus complexe. Qui plus est, chaque cadavre doit être traité et amélioré pour éviter toute forme de décomposition et pour paraître naturelle afin de ne pas alerter la population. J'ai donc passé des mois à trouver les bons dosages pour des toxines qui évitent la décomposition du corps. Trouver un système de réaction efficace et un ordre complexe, mais compréhensible et exécutable par un cadavre étaient tout aussi chronophage. Heureusement, le travail et la patience ont payé. Mes cadavres sont capables de surveiller Kumo et de m'alerter, qu'importe ma localisation, s'il y a un danger. Je peux ensuite réagir très rapidement grâce à ma maîtrise de l'Hiraishin. »

Reprenant son souffle et ôtant l’amas de cendres de sa cigarette, Manzo reprit.

« Voilà donc mon projet. Il n'est pas encore abouti, car c'est un travail de longue haleine et il faut sans cesse trouver de meilleurs dosages pour être toujours plus performant. Cependant, le problème que j'ai à l'heure actuelle et très simple. Je manque de matières premières. Je sais que l'hôpital doit conserver beaucoup de cadavres pour différentes expériences ou études et c'est ce qui m'amène à toi. Ce n'est en rien un ordre, mais simplement une demande. Mortuaire, certes, mais une demande quand même. Ton refus serait compréhensible au vu de ce que je te demande, mais je me dois de te le demander. »

Écrasant sa cigarette dans le cendrier, le maître de la gravité se redressa, attendant une réponse du médecin.

Attentivement, le jeune médecin écoutait les longues tirades du Raikage en cherchant à retenir tout ce qui lui était dit. Ses capacités de réflexion ont toujours été au-dessus ce qui l’aidait énormément à réussir, surtout en combinaison avec sa concentration à toute épreuve. Il n’était pas donné aux dépressifs profonds de son espèce d’avoir les pensées vagues ou distraites. Moins il réfléchissait à une entité précise, plus il s’enfonçait dans les ténèbres de sa vie et ce n’était pas un endroit où il avait envie de retourner. Shigeru s’était déjà donné à lutter contre eux durant une longue période – les cigarettes l’aidaient à s’en sortir mais dernièrement malgré les quantités astronomiques qu’il consommait cela commençait à ne plus suffire… Il soupira calmement, réel tic chez lui, en continuant d’écouter. Encore et encore.

Ce qu’il ressortait de ce discours, pour le brun – au-delà de toute la compréhension purement technique et motivationnelle de ce qui était fait par l’Ombre – c’était bien le dévouement presque extrémiste du Raikage envers son village. Un dévouement que, parmi tous, il partageait. Combien de nuits sans dormir ? Combien de temps libre ? Combien de sa vie avait consacré le Kadoria au développement de son astuce ? C’était terrifiant et à la fois tellement plaisant de voir quelqu’un d’autre se dépenser sans compter pour le village. Plus encore – sur combien de ces points l’Anatomopathologue aurait-il été capable d’aider, épargnant ainsi un temps précieux ? Ce n’était aucunement un reproche qu’il faisait à l’Ombre, après tout l’aspect secret de son entreprise était on ne peut plus compréhensible. Si seulement Shigeru avait remarqué quelque chose, plus tôt… Etait-ce de sa faute ? Il se reprit un instant. Il ne pouvait pas partir avec une telle mentalité car ce serait courir droit vers le passé. Droit vers un mur.

Alors que le Raikage terminait l’explication de ses nobles projets, le médecin devait bien l’avouer - l’idée était on ne peut plus ingénieuse et recoupait soigneusement les capacités de la Nécromancie et du Hiraishin. Un système de surveillance potentiellement sans faille, bien plus puissant que les sentinelles de Daï. Oui. Décidément, le bon choix avait été fait en mettant un homme tel que Kadoria Manzo au pouvoir du village. Combien même guerre faisait rage, il restait lucide dans ses préoccupations – Aomine, par exemple, aurait probablement été capable de déployer la totalité du pouvoir militaire dans une offensive unique qui conduirait à… Il ferma brièvement les yeux. Il n’avait pas envie d’y penser. Quand il eut enfin fini, le longiligne croisa ses deux doigts et fixa le Raikage, droit dans les yeux. Une détermination inébranlable pouvait se lire sur le visage inexpressif d’origine.

« De la matière première vous dîtes… »

L’appellation, si juste soit-elle, semblait plus que crue au médecin. Pourtant, il comptait bien s’y résoudre.

« Il est vrai que l’hôpital possède des corps réservés à la sciences. Hélas, je ne peux vous laissez y toucher car ils nous sont nécessaires pour développer de nouveaux médecins ainsi que de nouvelles techniques de soin. Cependant… Suivez-moi s’il vous plait. »

Calmement, il se leva de son siège et contourna son bureau, appuyant d’un geste de la main ses dernières paroles. Ouvrant rapidement la porte, il traversa le couloir qui le séparait de la morgue et, sans la moindre hésitation, il ouvrit l’une des chambres froides.

« Depuis Rokudaime-sama, tout cadavre se présentant à Kumo est pris en charge par ma partie de l’hôpital. Nous les disséquons. Nous les analysons. Nous récupérons les informations nécessaires sur les causes de la mort. Etait-ce du Ninjustu ? Du Taijutsu ? Un sabre particulier a-t-il tranché la gorge en laissant quelques dépôts au passage ? Peut-être un poison ennemi a-t-il été la cause ? C’est… Plus que de la matière première. Ce sont des Kumojins pour la plupart. Des Kumojin auxquels l’équipe que j’ai formée permet de contribuer au village même après la mort. Après quoi, les corps sont rendus aux familles, si cette dernière le veut bien. »

Il pencha calmement sa tête sur le côté, se tournant de trois quart pour regarder le Kadoria.

« J’ai toujours… Trouvé ça extrêmement chagrinant qu’une famille refuse de récupérer le corps de l’un de ses défunts. Pourtant, entre ces personnes persuadées que la mort est une honte pour un shinobi, entre ceux qui n’ont pas les moyens de s’encombrer de funérailles et ceux qui sont morts sans aucune famille dans notre monde de guerres… J’ai la conviction qu’ils seront plus utiles entre vos mains à pouvoir protéger le village une fois de plus qu’inhumé de façon commune pour ne devenir que des noms sur nos mémoriaux à la guerre. Qu’en dites-vous ? »