Un an bordel, ça faisait maintenant un an qu’on avait attaqué le Shukaï avec le Kyomu, qu’on lui avait porté un sacré coup. Certes nous avions perdu quelques membres parmi nos faibles effectifs mais nous avions tous fait de notre mieux, et le résultat est franchement pas mal. Il aurait pu être encore mieux, oui. Mais ne soyons pas trop gourmand, ça pourrait nous retomber sur le coin de la figure. Bien, quoi qu’il en soit je pus enfin retrouver ma sublime épouse, et bon sang ! Si la nature nous l’avait permis, nous aurions eu un enfant ! Au minimum un, car les retrouvailles furent excessivement riches en intensité et en luxure. Je ne compte même pas le temps que ça a duré, ni le nombre de jour qu’on a passé au total à le faire, non seulement parce que ça ne vous regarde pas, mais aussi parce que le chiffre serait bien trop important. Hey, il a bien fallu rattraper tout ce temps passé loin l’une de l’autre !

Ce matin donc, comme tous les autres depuis plusieurs mois, je me sortais du lit avec quelques douleurs et des traces de suçons là où on ne les imaginerait pas du premier coup. Heureusement ce sera caché sous les vêtements, aucun risque de se taper la honte. Ce serait le genre de truc qui décrédibilise tout un discours sur l’honneur, le courage et la réussite.
Bref, une bonne douche pour éliminer toute odeur résiduelle et marque de fatigue, puis habillage et je filai au casse-croute après une dernière embrassade avec la plus belle de toutes les femmes. Bon sang comme j’étais chanceuse quand même … Bon, arrêtons de tergiverser, aujourd’hui est un jour très important car … car quoi ? Personne ? Car la reconstruction de Kiri est terminée et il s’agit de savoir dans quel camp se situera Michiki ! Suivez un peu !
Bon, une partie des Kaguya était déjà sur place et y avait participé grandement, sous les directives d’Udo, l’ainé des gosses de la doyenne. Ce type qui avait presque défié mon autorité, qui avait pris une petite partie du clan pour s’en détacher et suivre une voie plus neutre et diplomate encore. Pourtant je suis une vraie bisounours comparé à mon prédécesseur …

Enfin, normalement ça devrait les ravir tous, en sortant de cette entrevue avec notre nouveau Mizukage, on saura si les Kaguya rejoindront pleinement Kiri, ou non. Les paris sont ouverts ! Une alliance ou une guerre, la décision sera prise dans les heures prochaines.
Une partie du clan me suivit d’ailleurs sur le chemin depuis Hone no Shima jusqu’au village flambant neuf. En plus il faisait super beau aujourd’hui, c’est un signe. J’arrivai aux portes de la nouvelle Kiri et y admira l’architecture pendant que les rouages s’imbriquaient les uns dans les autres pour créer un passage. Superbe travail, ça on ne peut pas le nier, ils ont tous bossé comme des dingues et ça se voit. Et puis en plus, si on ne comptait pas Konoha en pseudo-prisonnière, et Suna en participante d’examen, c’était la première fois que je rentrais dans un village caché de ninja. Naturellement l’excitation de la gosse en moi était difficile à contenir mais il fallait faire bonne impression. Aussi je me contentai de quelques sourires et de mouvements de tête pendant que l’on guidait jusqu’à Michiki.

« Salutation ! » Lui lançai-je sitôt qu’il fut en vue. « Sacré boulot tout ça, ça rend vraiment bien ! »

Le regard azuréen porté sur l’horizon, Michiki releva légèrement ce dernier pour observer le ciel éclairci de cette journée. C’était chose assez rare pour attirer l’attention. Même s’il était un habitué de la brume, il n’allait pas se plaindre de la météo. En premier lieu parce qu’il y avait autrement plus important que de se préoccuper de s’il pleut ou s’il vente. Du haut du palais, il avait une vue panoramique sur son œuvre enfin achevée. Un soupir de soulagement s’échappa de ses lèvres alors qu’il fut rejoint par une silhouette encapuchonnée qu’il connaissait bien.

Les deux hommes se regardèrent, échangèrent un sourire alors que les yeux bleus et noirs vitreux se portaient sur l’avenue principale courant à travers le village. Les commerces s’installant petit à petit au gré des nouveaux arrivages portuaires. Une activité se relançant doucement pour un jour revenir à sa gloire d’antan. Voir même la dépasser. C’était un doux rêve que le Shinda caressait là mais il y croyait suffisamment pour escompter que cela arrive. Après ce qu’il avait accompli, il ne doutait pas d’un jour parvenir à ses fins. Dire qu’il y a de ça quelques années, il n’était qu’un simple errant ayant perdu sa patrie. Un mercenaire sur lequel on crachait car supposément manquant d’honneur. C’était une nouvelle fois une belle erreur à laquelle il crachait à la face de par sa présence et son poste. Sa fonction de Seigneur de Guerre était vite passée à la trappe avec le renouveau de la Brume. Sa plus grande fierté jusque-là. Son ancien acolyte à ses côtés pouvait témoigner du chemin parcouru par ce modeste Jônin de la Brume.

Alors qu’il se réjouissait de la vue, on vint le trouver pour annoncer une visite. Les contrôles avaient été effectués. Vérification de l’identité, chakra, etc. Il s’agissait de la chef du clan Kaguya, Milly. A l’évocation de ce nom, il soupira. Il n’aurait su dire si c’était de soulagement ou d’exaspération. Au vu de ses derniers entretiens avec la jeune femme, difficile à dire. Il prit une grande inspiration alors qu’on la fit monter jusqu’au toit, place privilégiée du village pour l’observer sous son meilleur jour. La silhouette à capuche avait légèrement baissé la tête pour ne pas dévoiler ses traits. Elle resta aux côtés de son maître, attendant, écoutant et observant.

A peine arrivée, elle s’émerveilla de l’ampleur du travail accompli après l’avoir salué familièrement. Il lui adressa un sourire en coin, s’amusant de la simplicité avec laquelle elle l’abordait. A vrai dire, il se souvenait aussi de leurs autres discours il y a fort longtemps et il ne put s’empêcher d’y resonger avec un je ne sais quoi de nostalgie. Il regarda rapidement autour de lui comme s’il avait attendu la remarque de la Kaguya pour admirer le spectacle à son tour. Puis il en revint à elle, mains dans les poches et tête légèrement de côté :

- N’est-ce-pas ?! Comme quoi ça sert la vaseline. Ça tire un peu au début comme tu me l’avais dit mais ça fait des miracles au final !

La remarque était cinglante et sortait de nulle part certes. Un souvenir de leur première rencontre qu’il avait laissé dans un coin de sa tête pour le jour où ce moment viendrait. Il ne s’était pas privé de ce plaisir, malgré tout le sérieux qu’il avait d’un coup revêti en crachant ses mots. Un petit caprice d’enfant qu’il se reconnaissait parfois. Il avait pu le constater par le passé, il était resté un petit garnement sur certains points. Cet interlude gaminerie étant passé, il se retourna pour s’asseoir sur la rambarde courant le long de l’aire délimitée par le haut du bâtiment et ainsi faire face à son interlocutrice. Puis il la regarda, sans rien dire. Il se doutait bien de la raison de sa présence ici. Il n’avait cependant nulle envie de lui mâcher le travail, préférant ainsi attendre qu’elle se décide à formuler clairement ses attentes. Puis il aviserait selon les talents diplomatiques de la jeune dirigeante de la famille qu’il savait très versatile dans ses humeurs.

En plus on avait une superbe vue d’ici, depuis le toit du palais du Mizukage. On surplombait Kiri et franchement c’était chouette. Impressionnant même ! Le regard perdu sur l’horizon, sur les quelques oiseaux qui valdinguaient dans le ciel pour une fois clair, la vie qui reprenait lentement en bas, dans les nouvelles rues et sur la grande place aménagée face au bâtiment du dirigeant. Vraiment c’était bien, c’était même presque comme une rêve. Hélas je n’avais pas assez connue l’ancienne Kiri pour faire la comparaison avec la nouvelle, mais il va s’en dire que ça a de la gueule.
L’admiration passée, je reportai mon attention sur Michiki, et sur une seconde personne au visage masqué et à la tenue produisant d’irrémédiables soupçons. Qui cela pouvait-il bien être ? Un garde du corps certainement mais dans ce cas, aucune raison de cacher son visage. Mmh louche tout ça. Mais bref, le grand brun ne put s’empêcher de me renvoyer la tirade sur la vaseline que je lui avais sortis, lui et Goren, il y a plus de deux ans lors de notre toute première rencontre.
Un sourire, une mimique et un haussement d’épaule suffit à lui signifier que c’était de bonne guerre.

« Tu n’aurais pas fait tes trucs tout seul dans ton coin, tu n’en aurais pas eu besoin. Mais bon, chacun ses goûts hein. Perso ce genre de pratique ne m’a jamais vraiment inspirée. »

Hop là, la réplique gratuite ! Ohoh que c’est bon, que c’est beau. Et totalement inutile évidemment mais ça on s’en fiche. Je vins poser mes coudes sur la rambarde qui nous séparait des quelques mètres de chute libre, à côté de mon interlocuteur sans pour autant le regarder.

« Il faut de tout pour faire un monde hein, même si pour certains ça inclut de se faire enfiler joyeusement à longueur de journée … Ouais nan vraiment c’est un sacré boulot et sans chercher à me moquer, je suis fière du résultat. » Puis je me tournai pour avoir les reins servant d’appuis, les bras croisés sous la poitrine. « Nan parce que je suis quand même au courant de certains trucs mince de rien, comme quoi tu as protégé le Shukaï contre un groupe venu le faire s’effondrer. Pourquoi ? Tu disais que tu étais contre l’Empire … Tu aurais tout aussi bien pu ne pas agir, ou même retourner ta veste et les aider. »

D’une petite impulsion je quittai ma place pour faire quelques pas aléatoirement sur le toit.

« Nan retourner ta veste, même si c’est un truc que tu fais franchement bien, ça t’aurais placé comme un traitre et tout ça n’aurait jamais été possible. Même en essayant de maquiller le truc. Mais ne rien faire, c’était possible. Tu restais en dehors de tout ça, et au moins ton manège du nukenin déguisé en shukaijin tenait à peut-être la route … » Je lui fis à présent face. « C’est con, maintenant tu es un traitre pour les autres … Tu ne crois pas qu’il serait temps de choisir ton camp ? »

L’affronter n’était pas dans les projets du jour, de toute manière je n’étais pas certaine avoir la puissance pour, mais je voulais dans un premier temps entendre ses explications sur ce qui s’est passé il y a maintenant un an. Il était nettement plus doué que moi en discours de politicien, voyons voir quelle sera sa version des choses. Et puis au pire du pire, baston.

Un sourire bienheureux traversa les lèvres du Shinda lorsque la jeune femme répliqua. Il y avait de cela très longtemps déjà qu’il ne l’avait vu mais elle n’avait rien perdu de son caractère. Il était parfois rassurant de voir que certaines choses ne changent pas. C’est en tout cas ce qui se disait. Sa réaction n’était guères étonnante. Sur le début en tout cas car la suite l’était de suite beaucoup plus.

Qu’elle raille une nouvelle fois le nécromancien sur son lien avec le Shûkai était devenu une routine, comme une seconde forme de politesse à chacune de leur rencontre. Ce qui était plus innovant ici était sa réplique sur l’implication de l’ex-Nukenin lors de l’attaque perpétrée contre le Shûkai. Un incident qui avait ravagé une bonne partie de la ville portuaire de Yuki no kuni. Encore heureux pour ces gens que le Shinda s’était trouvé sur place en compagnie d’autres Shukajins. Sinon les dégâts auraient été encore plus importants. Mais au moins le pire avait été évité. C’était aussi lors de cette rixe que le Gouverneur de l’époque avait pu récupérer une cargaison très précieuse à ses yeux. Elle lui devait aujourd’hui la pleine maîtrise de ses deux bras qu’il avait laissés contre sa poitrine à la manière de la Kaguya avant qu’elle ne se mette à faire quelques pas. Cette attaque avait donc été bénéfique à l’Empire qui avait pu ainsi capturer les deux membres perpétrant ce carnage et pour le Shinda qui avait récupérer son bras handicapé lors de sa capture dans les locaux de la Corporation.

Mentionnant donc cet incident, Milly souligna les possibilités qui s’étaient alors offertes à Michiki pour prouver aux yeux de…il ne savait trop qui…qu’il était certes allié temporairement à l’Empire mais pas un fervent partisan de ce dernier. Le meilleur était déjà là ? Eh non puisqu’elle lui imposait maintenant de choisir son camp. D’abord souriant chaleureux, ses lèvres se contractèrent en une grimace trahissant l’hilarité qui le rongeait puis il explosa de rire, ne pouvant même pas contenir les larmes de joie qui remontèrent à ses yeux. Il passa un doigt sous le verre de ses lunettes pour essuyer les quelques survivantes aux coins de ses paupières.

- Un grand merci pour ce moment de divertissement tu m’as libéré l’esprit de quelques tracas administratifs qui me taraudent depuis ce matin. Sincèrement merci chère Milly !

Il se passa ensuite une main sur la nuque qu’il massa l’espace d’un instant. La silhouette à ses côtés n’avait pas bougé, si ce n’est étouffer un éclat de rire à son tour suite aux mots de la demoiselle. Il faut dire que les deux hommes n’étaient pas si différents d’un point de vue spirituel. Il paraissait donc évident qu’ils rigolent aux mêmes choses. Cette brève réaction avait d’ailleurs rappelé au Shinda qu’il se trouvait là. Il déploya donc son bras en direction de la silhouette à capuche.

- Pardonne-moi j’en oublie mes bonnes manières. Voici un camarade Kirijin ayant servi à mes côtés lors de la Brume Sanglante. Yakushi Hojo.

L’homme dévoila alors ses traits à la Kaguya. Son visage méconnu de beaucoup maintenant ne devait pas évoquer grand-chose à la jeune fille. Pourtant à l’époque, il aurait suscité une réaction de déjà-vu de par sa place au sein de la Brume. Son visage marqué par le temps et ses lunettes remontées sur son nez ne dissimulaient pas pour autant le voile noir recouvrant ses yeux.

- Il nous a quittés le jour où nous avons croisé la route du Shodaime Raïkage qui l’a occis sous mes yeux. J’ai juste eu l’occasion de tirer sa carcasse de ce merdier et de la ramener au village où l’on m’a autorisé à en faire ce que bon me semble. Il est aujourd’hui un allié de confiance !

Le Kirijin décédé fit une brève courbette de salut à l’encontre de la dame alors que Michiki reprenait la parole sans laisser l’occasion à son Edo d’en faire de même.

- Mais il s’agit là de futilités et de fadaises qui n’intéressent que les anciens, tu dois avoir plus intéressant à faire. Comme te charger de ta famille. Un noble clan qui a toujours su nous défendre. Je me souviens encore de certains de leurs membres. Des gens merveilleux.

Les yeux presque plein d’émotion, Michiki les reporta bien vite sur son interlocutrice qui devait de moins en moins comprendre le manège du Shinda. Lui qui s’était d’abord montré cinglant, il se dévoilait sentimental ?! Bien trop étonnant de la part de cet ancien Kirijin de la Brume Sanglante…

- Hojo ici présent a d’ailleurs beaucoup fréquenté ton clan. A tel point qu’il était considéré presque comme un membre de la famille.

Ces derniers mots furent ponctués par le bras de l’Edo Tenseï qui se levait alors que les os de ses avants bras formaient une lame au bout de sa main. Milly avait compris après une telle démonstration. Seulement elle n’était pas au bout de ses peines. Michiki s’attendait déjà à une réaction explosive de sa part. Ses sens en alerte, il continua néanmoins son discours d’une voix suave :

- La médecine fait de prodigieux miracles. Et Hojo en était un fervent pratiquant ! Ce qui lui a valu l’acquisition de ces pouvoirs prodigieux qui caractérisent tant ton clan. Une vraie innovation à l’époque. Cet homme a transgressé les lois sacrées de la Nature. Il pourrait aujourd’hui implanter n’importe quel gêne à n’importe qui, tu imagines ? dit-il tout exalté.

Le léger rictus en coin de bouche du nécromancien annonçait la suite peu réjouissante du discours :

- A la simple demande du Kamui par exemple, s’il lui prenait l’envie folle de vouloir doter chaque soldat impérial de ton pouvoir, ce médecin en serait capable en utilisant son propre ADN pour transformer l’armée impériale en une armée Kaguya.

Le sourire atteignait maintenant les oreilles du Rokudaime qui jubilait de cet instant. Il n’avait pas quitté son interlocutrice des yeux. Le Yakushi attendait à côté, un regard certes nébuleux mais un sourire lui vint aussi en entendant son ancien coéquipier du Misuto exposer ses plans. Il n’avait pas changé avec le temps. Il était rassurant de voir que certaines choses ne changeaient pas. Moins maladroit et enfantin dans ses tournures de phrases, le Shinda avait certes bien grandi mais il gardait toujours cette part d’esprit à la Kirijin qui avait lié bon nombre de soldats du temps de la grandeur de cette nation sanglante. Le soleil venait jeter une lumière jaunâtre sur la scène où les trois protagonistes s’observaient en attendant le premier qui ne supporterait plus cet immobilisme. Le nécromancien venait de laisser quelques secondes de répit qu’il ne laissa pas s’éterniser. Il n’en avait pas fini. Son air hilare et machiavélique retomba pour laisser place à un faciès plus sérieux, mais surtout plus sombre. Il n’y avait plus aucune lueur d’amusement dans son regard ou dans sa voix :

- Mais nous ne sommes pas là pour parler de ça n’est-ce pas ? Nous sommes là pour Kiri qui a été reconstruit, enfin. Une refondation qui aurait pu être plus rapide et arriver plus vite si l’Empire n’avait pas essuyé quelques difficultés. Notamment cette attaque que tu as mentionnée et à laquelle j’ai participé en effet. Mais dans le plus grand secret. A l’exception des forces Shukajins en tout cas.

Il avait légèrement bougé de sa position initiale pour ne pas se retrouver trop près de la rambarde. Hojo était resté en arrière, prêt à obéir aux ordres mentaux de son maître qui avait verrouillé une partie de son esprit. Il ne s’exprimerait donc pas de son propre chef. Pour l’action, le Shinda aviserait. Il s’agissait d’un combattant aguerri qui n’avait pas forcément besoin qu’on le guide ou qu’on lui donne des instructions. Il verrait bien ce que penserait la Kaguya de tout ceci de toute façon.

- Ce qui m’interpelle du coup sur la manière dont tu as pu avoir vent de cette affaire. Histoire me concernant directement puisque je n’étais pas sur place sans raison figure toi. Et ça, ni l’Empire ni toi ou tes informateurs ne pouviez le savoir.

Il serra son poing de nouveau valide dont il avait retrouvé l’usage en plus de tout le bras.

- Mais à cet instant précis, je crois que le cadet de tes soucis, ce sont mes motivations et la justification de mes choix. Puisque c’est exactement une attaque de ce genre qui fait que Kiri n’est reconstruite qu’aujourd’hui. Nous aurions pu avoir tout ça il y a bien longtemps et nous serions déjà bien avancé dans le projet de la grande Kiri.

En mentionnant ceci, Michiki songeait bien sûr à l’indépendance de la Brume qu’il convoitait dans le plus grand secret. Il était important de trouver des alliés de confiance désirant la même chose. Aucun doute sur la motivation de Milly. Son avis était on ne peut plus clair. Trop même. Elle était déjà grillée à des kilomètres auprès des forces impériales. Que Michiki s’allie directement avec elle serait vu comme une potentielle future trahison. Il le savait et il jouait déjà avec le feu. Depuis sa promulgation en tant que Mizukage, ses relations avec l’Empereur avaient changés. Il le réalisait et il se gardait de donner raison au Kamui. Il s’assurait un comportement le plus irréprochable possible. Alors pour établir l’indépendance totale de Kiri, il faudrait du temps et beaucoup de subtilité. Deux choses dont la Kaguya face à lui manquaient cruellement.

- Mes interrogations sont donc simples mais justifiées. Qu’est-ce qui fait que toi, malgré ton rang de chef de famille, grande militante contre l’Empire, tu aies pu avoir vent de cette affaire autrement que par le biais d’éléments extérieurs ? Et par éléments extérieurs, j’entends bien sûr ceux qui ont orchestrés cette attaque sur une ville peuplée de familles d’innocents que tu sembles pourtant défendre quand ça t’arrange.

Il se souvenait des principes de la jeune fille. Son dégoût profond pour la Nécromancie. Les principes d’honneur et de respect qu’elle défendait, il ne militait pas pour les mêmes. Ce genre de considération faisait perdre tout ce qu’on avait de plus cher. Il jouait sans ces règles pour justement parvenir à ses fins sans risquer une défaite. Dans le cas présent, la partie prenait un tournant intéressant. La tension était palpable au point qu’on aurait pu croire le brouillard de retour pour étouffer le Shinda et la Kaguya de son étreinte silencieuse. Mais il n’y avait qu’eux et une radieuse journée veillant sur ce toit sous tension. Le regard de Michiki ne pouvait être plus expressif, plus meurtrier et plus glaçant. Le chakra se bousculait à l’intérieur de son être comme s’il tenait à se battre lui-même. Mais son hôte en gardait le contrôle malgré un relâchement progressif de la muselière. Ses méridiens n’attendaient que le signal crânien pour se plonger dans la bataille. Le Fossoyeur tenait sûrement une source vers ceux qui avaient osé retarder son rêve. Une occasion qu’il ne laisserait pas filer aussi joyeusement que les autres fois.

- A quel point es-tu donc impliqué là-dedans donc ?

La question était simple, directe et lancée d’un trait. Le Shinda attendait le moindre mot de travers et la moindre faille à exploiter encore. Dans sa fougue, la Kaguya avait commis une erreur. Face à un homme de la trempe de Michiki, c’était ce genre de petite bourde par inadvertance qui se transformait en erreur phénoménale. Et létale.

Spoiler:

Michiki éclata soudainement de rire. Un comportement totalement dénué de sens à mes yeux, à tel point que sur le coup j’en fus bien décontenancée. Mais rien n’apparut sur mon visage, à part peut-être un sourcil qui s’élève un peu plus haut de son voisin. La maturité les amis, la maturité ! Ou alors c’était à force de côtoyer Red mais j’avais appris à mieux maitriser mon caractère explosif. Il restait encore du boulot certes mais il y avait du mieux, et ça allait très certainement me servir contre un énergumène comme lui.
Ignorant totalement ses petits pics sur l’administration, je pivotai le regard sur l’encapuchonné qui restait toujours à côté de lui. Il y avait quelque chose de bizarre avec lui, j’ai beau avoir des compétences encore sommaires en sensorité, il n’empêche qu’il dégageait une aura très étrange, à la fois totalement différente de la nôtre mais pas si éloignée non plus.
Michiki s’excusa et le présenta sous le nom de Yakushi Hojo, un "camarade Kirijin de la Brume Sanglante". Si la première partie de la présentation était enthousiasmante, la seconde l’était nettement moins. C’était toujours réjouissant de retrouver des natifs de Kiri, des vrais de la vieille. Mais la brume sanglante, voilà ce que je refusais de voir revenir à Mizu. La précédente avait suffisamment fait de mal, et pour preuve cela nous avait quasiment tous éliminer de la surface du monde.

L’encapuchonné révéla alors son visage. Une soixantaine d’année facile, des longs cheveux blancs, des lunettes rondes comme son désagréable acolyte, un bouc au menton et la trace d’une cicatrice sur son œil droit. La tête d’un mec qui a fait la guerre quoi, voir même plusieurs guerre. Mais détail important, il n’avait pas de pupille. À vrai dire la totalité de ses yeux étaient noirs. Pourquoi ? Et bah parce qu’il était mort ! Exactement ! Souvenez-vous, Michiki n’a aucun respect pour les morts, quel qu’ils soient, peu importe qu’il s’agisse de ses défunts amis ou de ses propres parents …
Mon estomac se comprima soudainement quand le cadavre réanimé fit une courbette respectueuse à mon attention. Bordel c’est inhumain, écœurant. Il devait être six pieds sous terre, en train de se faire dévorer par les insectes pendant que son âme partit divaguer vers d’autres contrées célestes. Mais c’était sans compter le caractère obsessionnel du nouveau Mizukage et son absence d’amour propre pour l’humanité. Punaise quelle horreur, un putain d’affront envers toutes les lois de la nature et de la morale ! Même envers les Dieux, si jamais ils existent vraiment.

« Ton âme est déjà damnée de toute manière … » Rajoutai-je entre deux monologues du faux Shukaijin, d’une demi-voix.

Il parlait des Kaguya maintenant, qu’est-ce que ça veut dire ? Il avait oublié ma question ou quoi ? Pourtant ce n’était pas difficile, et ça aurait pu se conclure en une dizaine mots, grand maximum. Au lieu de ça, il essayait de m’embrouiller et de m’énerver. Ça se sentait, il piquait pile poil là où ça pouvait faire le plus mal, et là il s’agissait de la famille.
Gardons notre calme, il brasse de l’air et rien de plus. Il est seul, abandonné de tous et entouré de cadavres, pas étonnant qu’il pète les plombs sans même s’en rendre compte. La plus grosse surprise pourtant fut quand son ami mort révéla posséder le don des Kaguya, acquis grâce à la médecine et la manipulation génétique. L’un de ses bras devenu une lame osseuse en était une parfaite preuve. Mais comment ? Je n’ai jamais entendue parler d’une telle méthode, ni même ne serait-ce que de la possibilité que ça puisse se faire. Notre don était héréditaire, offert par nos parents à notre naissance, et ainsi de suite cela depuis des décennies. Cela incluait également notre maladie dû à l’usage intensif de notre don, est-ce qu’il l’a aussi du coup ? Remarque il est déjà mort, ce ne serait pas si étonnant qu’il échappe à ce "petit détail" qui fait mourir nombre des miens.

« La médecine fait de prodigieux miracles. Et Hojo en était un fervent pratiquant ! Ce qui lui a valu l’acquisition de ces pouvoirs prodigieux qui caractérisent tant ton clan. Une vraie innovation à l’époque. Cet homme a transgressé les lois sacrées de la Nature. Il pourrait aujourd’hui implanter n’importe quel gène à n’importe qui, tu imagines ? » Continua le nécromancien en ricanant presque. « A la simple demande du Kamui par exemple, s’il lui prenait l’envie folle de vouloir doter chaque soldat impérial de ton pouvoir, ce médecin en serait capable en utilisant son propre ADN pour transformer l’armée impériale en une armée Kaguya. »

Ooooooh, voilà donc où il voulait en venir. Tout ça pour si peu, punaise ça ne valait pas la peine de tourner autant autour du pot. Un sourire désolé s’afficha sur mon visage, car oui Michiki me faisait de la peine. Il me dégoutait aussi, évidemment mais en arriver à devoir se fourvoyer à ce point, à parler encore et encore, seul et pendant des heures comme s’il voulait se persuader lui-même qu’il n’était pas tout seul. C’en devenait triste. Triste et désespérant.
Ah attendez il n’a pas fini son discours, laissons-le faire, de toute manière ce n’est pas comme s’il disait des trucs sensés, intéressant et important. Mmh, un égo surdimensionné aussi, ouaip il a également un sérieux problème d’égo. Persuadé d’avoir toutes les cartes en main et de régner en maitre, vous savez pourtant ce qu’on dit. Plus on est haut, plus la chute est douloureuse … Oui punaise lui quand je le ferais tomber, il va avoir tellement mal ! Ahah ! Mais chaque chose en son temps je n’ai ni la puissance ni le temps pour un tel affrontement.

En fait, je crois que le plus triste encore, c’est de voir combien Michiki est persuadé de son talent, de ses plans. Punaise ouais il me fait tellement de la peine, le pauvre. Le retour à la réalité ne va vraiment pas lui faire du bien. Oh, est-ce qu’il sera du genre à baver et compter les grains du mur de sa cellule ? Nan, à mon avis il sera encore en train de parler tout seul, comme il le fait depuis une bonne dizaine de minutes maintenant. Pauvre petite bête … Oh une mouette ! Mmh, une mouette qui chie dans les cheveux de son pote cadavérique et il ne s’en aperçoit même pas. On ne peut plus rien pour lui à ce niveau …
J’approuvai d’un mouvement de tête et d’un haussement d’épaule quand il arriva sur le sujet de la reconstruction de Kiri, comme quoi ça aurait été plus rapide sans l’attaque du groupe de nukenin, et blablabla. Ah, il voulait maintenant savoir d’où je tenais mes infos. Bah tu le saurais si tu me laisser parler, abruti !! Putain mais c’est quoi ce mec ?! À croire qu’il a appris tout son spitch par cœur et qu’il le récite sans prendre en compte l’éventualité d’une réaction en face !
Croisons les bras et attendons, il y a bien un moment où il sera à court de salive. C’est ça, c’est un jeu basé sur la patience et la capacité à maîtriser ses nerfs. Piouf, heureusement que cette année a été riche en situation stressante et énervante. J’ai grandement pu bosser mon tempérament et ma maitrise de soi. Ce qui expliquait d’ailleurs que je n’écoutais quasiment plus Michiki, nop je le laissais parler, se convaincre de sa supériorité. Les oiseaux étaient plus intéressants mais il fallait tout de même garder un œil sur lui et son acolyte décédé, au cas où l’absence de repartie dans le camp adverse ne le sorte de ses gonds.
Et quand enfin il finit par se taire, cela me surprit presque.

« Ah ? C’est déjà terminé ? Mince je pensais que t’étais partit pour toute la journée là, décidemment on n’est pas au bout de nos surprises avec toi. » Je soupirai et fis mine de m’étirer comme si je venais de faire un gros dodo. « T’as pas soif ? Après avoir parlé autant pour ne rien dire tu dois avoir la gorge sèche. Fait donc hein, ne t’embête pas pour moi. Bien, maintenant que tu as prouvé à tout le monde combien tu t’aimais et combien tu étais seul, je vais pouvoir placer quelques mots. »

Je fis de nouveau quelques pas de droite à gauche tout en restant face au Mizukage.

« Tu me fais de la peine d’ailleurs, être obligé de t’inventer une famille et des amis, même morts, pour échapper à la solitude, ça crains … Quoi que, nan en fait je m’en fou complètement. Moi au moins j’ai des vrais amis avec moi, des vivants, des gens qui sont volontaires et fidèles. Toi t’as quoi, des cadavres volés on ne sait où et un égo inégalable … Mais excuses-moi, tu as tes délires nécrophiles et je respecte ça. Non je vais plutôt réagir sur l’amas de connerie que tu t’es amusé à me sortir. »

Je tournai les yeux vers le pantin sans âme à ses côtés, et l’indiqua même d’un mouvement de tête.

« Tu crois me faire peur avec ton toutou ? Être obligé de compter sur des morts pour survivre, tu es tombé bien bas mon pauvre. Je m’en cogne complètement d’ailleurs qu’il ait acquis le pouvoir des Kaguya par des méthodes immorales. Il n’en est pas un, et par conséquent il n’a aucune valeur à mes yeux. Qu’il aille donc donner ce don à tous les autres Shukaïjin, d’une je sais que tu ne le feras pas car ce serait donner à ton ennemi la possibilité de te battre, et puis tu oublies un petit détail. Je ne suis pas chef de mon clan pour rien. Me sous-estimer encore et encore ne t’apportera rien de bon. »

Je levai les mains en l’air, comme si je me dégageai de toute responsabilité.

« Mais tu fais comme tu veux, t’es grand ! Ensuite il y avait quoi ? Ah oui, comment je sais que tu étais en train de défendre le Shukaï alors que normalement seuls les forces de l’Empire sont au courant et les nukenins prisonniers. » Un petit sourire apparu sur mon visage, pendant que je me grattais le nez d’une main, l’autre sur la hanche. « Voyons voir, dévoiler ses sources n’est jamais une très bonne idée, surtout dans notre milieu, alors il te faudra te contenter de l’info suivante. Les civils qui ont assistés malgré eux à votre bordel, ils ont une langue, des yeux et des oreilles. »

À nouveau je fis quelques pas ici et là, encore et toujours en gardant un œil sur Michiki et son pote zombie.

« Libre à toi de me croire ou non, là encore tu es grand. Et si je suis impliquée ? C’est quoi cette question stupide ? Franchement tu me déçois … Je t’ai posée une question toute simple, et j’attends toujours une réponse. Cesse donc de me croire assez débile pour t’attaquer, toi et ton mort-vivant, et conduit-toi en Mizukage digne de ce nom, puisque c’est ce en quoi tu veux te faire passer. »

Croisant à nouveau les bras, en équilibre sur une jambe pendant que l’autre faisait presque du tamtam sur les dalles du toit du bâtiment, je patientais sagement, observant les faciès de Michiki tout en étant très fière de mes progrès en terme de maîtrise de soi. Franchement c’était magnifique, ces cours avec Red avaient été d’une aide vraiment précieuse. Cela n’empêchait pas que j’avais envie de lui casser toutes ses dents, à cet abruti égocentrique de nécromancien, évidemment.

« Alors ? Quel camp tu choisis ? Tu as plusieurs choix, je vais te les énumérer pour éviter un nouveau monologue d’une demi-heure. » Je levai le pouce, puis ensuite l’index, puis le majeur et ainsi de suite à mesure que j’énumérais les possibilités. « Petit un, être un bon petit Shukaïjin bien sage qui lèche les pompes de son empereur, et plus si affinité. Petit deux, être un véritable Kirijin, virer le Shukaï de Mizu no Kuni et t’entretenir avec les Nukenins responsables de l’attaque contre l’Alliance des Pays Neutres pour renforcer ce nouveau village, avec peut-être des alliances ici et là ensuite. Petit trois, rester tout seul dans ton coin avec tes cadavres et attendre de te faire virer de ton trône doré par une flopée d’ennemis que tu te seras créé tout seul, comme un grand. »

Je lui montrai mes trois doigts levés, comme pour bien insister sur la question.

« Trois choix, tu vois ce n’est pas dur. Vas-y, je suis certaine que tu peux y arriver sans te perdre dans des discours sans queue ni tête. Au pire on demandera à ton défunt pote son avis mais bon, ce n’est pas lui qui se proclame chef de village. »

Toujours un léger sourire en coin, Michiki attendait la réponse de l’impétueuse Kaguya au caractère sulfureux. Mais il semblerait qu’elle avait préféré ravaler sa fierté pour le coup. Se donnant l’image d’une femme devenue mature et réfléchie, le Shinda n’y voyait là qu’un subterfuge cachant un sentiment bien plus fort : la peur. La crainte de voir toute une famille touchée par un ego mal placé. Ce qu’elle avait déjà fait par le passé en soit. Mais c’était sans compter sur la patience limité du Fossoyeur. Elle était aussi changeante que la météo brumeuse de cet archipel.

Il écouta donc attentivement les réactions à la chaîne de la jeune fille. Il la laissait conter ses remarques toutes aussi amusantes qu’intéressantes. Elles ne cessaient de le faire rire intérieurement lorsque l’extérieur n’affichait que le même sourire. Lui le pauvre Mizukage s’inventant des amis et une famille pour se sentir moins seul. Un bien piètre portrait de l’homme qui avait flirté avec la Mort à de nombreuses reprises pour en comprendre les arcanes les plus obscures. Ce n’était pas l’avis d’une demoiselle tempétueuse qui risquait de provoquer une remise en question chez lui. Surtout pour de telles futilités. Elle qui se vantait d’être entourée d’amis et d’alliés fidèles. Comme si le Rokudaime en manquait. Elle qui l’estimait bien ignorant de ses compétences, il pourrait lui retourner la chose mais ce serait du temps perdu pour rien. Un constat se dégageait de toutes ses entrevues avec elle : son manque de maturité.

La partie concernant l’attaque sur le port de Yuki fut bigrement intéressante pour le coup. A tel point qu’il ne put réprimer une réaction verbale sur le coup :

- Ces mêmes civils que tu défends habituellement et qui pour le coup n’étaient que des cadavres suite aux attaques ? J’imagine en effet qu’ils ont dû être au moins aussi bavards que moi.

Mieux encore par la suite car elle ne répondait pas à une question en reprochant tout simplement au Shinda de lui-même ne pas répondre à sa question. A ce niveau-là, ça relevait du génie. Hojo aurait ricané si Michiki n’exerçait pas un strict contrôle sur ses actes et ses émotions. Il ne souhaitait pas interrompre l’extraordinaire exposé qui s’offrait à lui. Un Saibogu aurait pu enregistrer cet entretien par le biais d’une invention pour permettre au Shinda de profiter encore et encore de ce magnifique moment. Il ne perdait pas une miette de ce discours si finement insensé. Il ne put s’empêcher d’avoir une petite pensée de doléance pour les Kaguya dont le sort avait été placé entre les mains de cette femme. Ça n’avait pas dû être facile de se reconstruire et de survivre. Mais ils étaient toujours présents alors peut-être n’étaient-ils pas si mal tombés. Non ?

Il se retrouvait donc soumis à trois choix. Oui soumis car le Mizukage devait bien entendu répondre de ses actes tel un enfant face à la chef d’un clan qui était censé servir le village qu’il dirigeait. L’on voudrait en faire une histoire drôle qu’on n’arriverait pas à faire mieux. Déposant alors un doigt fin sur son menton, il fit mine de lever brièvement le regard pour réfléchir. Ses yeux en revinrent vite à harponner ceux de la Kaguya se trouvant non loin de lui :

- Tout d’abord navré de te décevoir. Non ça me fend le cœur sincèrement. Je tâcherais de ne pas réitérer l’erreur. Et comme ma situation semble extrêmement délicate, je vais tâcher de bien répondre à ta question puisque je suis dépendant de ta bonne volonté semble-t-il.

Le ton était certes ironique mais il n’en oubliait pas l’essentiel. Il s’était redressé de son assise, soulevant son derrière de la rambarde qui encadrait les abords du toit du palais.

- Tu as beau être chef d’un clan prestigieux de Kiri, tu n’en as pas la carrure pour autant. Ta famille s’est divisée, incapable de choisir quelle tête suivre. Aussi tes sermons sur ma faculté à diriger me font doucement rire. Si tu avais pris la peine dès le début d’être attentive à chaque détail me concernant, tu connaîtrais ma position quant à la situation actuelle entre Kiri et l’Empire. La tienne est on ne peut plus clair et elle représente un danger à toute forme de volonté d’indépendance. Puisque la moindre nouvelle bourde de ta part plongerait toute cette entreprise dans le néant, laissé par la suite à la charge d’un véritable toutou de l’Empire. Tu iras te promener au Shozaichi si tu en as l’occasion, et le courage, et tu verras pas toi-même les véritables chiens du Kamui.

Même s’il n’y avait pas réellement besoin d’aller si loin. Les rues étaient pleines de ses fidèles, attendant de leur dirigeant un Mizukage à l’écoute de l’Empereur lui-même qui lui avait conféré l’autorité nécessaire pour en arriver là où il était. Ce qui démontrait l’inconscience et l’ignorance de la Kaguya estimant qu’il s’agissait de claquer des doigts pour se débarrasser d’une population et d’un Empire d’un claquement de doigt. La subtilité n’était définitivement pas son genre.

- Ce ne sont pas tes petits amis Nukenins qui ont réussis à ébranler l’Empire puisque ce dernier a eu l’occasion de faire reconstruire la capitale d’une glorieuse nation. Par conséquent ce ne sont pas les premiers vers qui je me tournerais pour redore le blason de ma patrie. Mon lien avec l’Empereur m’a énormément apporté. J’ai eu ce que je souhaitais. A quelques détails près…

Un bref instant de silence entre les deux protagonistes ponctua le dialogue du Fossoyeur. Entourés par les bruits environnants de la vie de la cité.

- C’est ta place qui reste donc à définir. Vas-tu continuer de te faire remarquer en tentant vainement de retourner tout le monde contre l’Empire ? Ou bien vas-tu m’aider à redonner à Kiri sa gloire d’antan ?

A vrai dire, Michiki avait déjà moult réponses à moult de ses questions. Ces dernières obtenues par le dialogue de la Kaguya ou par ses réactions. Mais il y en avait qui méritaient d’être éclaircies comme les dernières qu’il lui avaient posées et qui seraient déterminantes à la fois pour l’avenir de la jeune femme comme pour le futur de Kiri.

Vous savez ce que je déteste le plus chez ce type ? Son air satisfait et supérieur. Son petit sourire plein d’arrogance et le timbre de sa voix qui te rabaisse au statut de vers de terre sans nécessairement avoir besoin de mot. Certes il est puissant, ça on ne peut pas le lui retirer et en combat singulier je doute avoir la moindre chance de victoire. Mais son attitude n’a rien à voir avec ses facultés combatives, non là c’est un souci d’égo. Ce type s’aime. Oh que oui il s’aime, ça crève les yeux. À moins qu’il ne s’en soit même pas rendu compte lui-même ? C’est possible ça, le refus de la réalité.
Il entama un début de réponse toute aussi dérangeante que son précédent discours, avec une touche parfaitement contrôlée de provocation, feintant la soumission à mes questions, comme s’il voulait se faire plaindre. Saleté. Le voilà maintenant debout, bien droit, nos regards s’engageant dans une guerre froide le temps que le reste du corps parlementent.

Première pic, je n’ai pas la carrure pour être chef des Kaguya, houhou ça c’est un scoop ! Un sourire en coin et un haussement de sourcil furent les seules réponses qu’il obtint de cette première attaque. Il s’appuyait sur le fait qu’une petite partie du clan était partit le rejoindre lui, et que c’était de ma faute, que je n’avais pas su les encadrer, ou quelque chose comme ça. Bah voyons, s’ils voulaient partir ils étaient libre de le faire, et ils le sont toujours d’ailleurs, je n’ai jamais obligée quiconque à rester.
Mais il est vrai que ce souci fragilisait quelque peu mon statut, hélas. Et ça offrait à Michiki une opportunité supplémentaire d’assoir sa supériorité. Chose qu’il a déjà en bien trop grande quantité, si vous voulez mon avis. Il allait même jusqu’à sous-entendre qu’à moi seule je pouvais tout foutre en l’air ! Bah ça c’est la meilleure. Je vous avais dit qu’il était vraiment bon pour retourner les propos de ses adversaires contre eux, c’est une qualité non négligeable dans le monde de la politique.

« On veut la même chose je te rappelle. Je ne m’amuserais pas à causer du tort à mon pays. Là où ça coince c’est le projet que tu prévois ensuite et tes méthodes pour les obtenir. Tu veux tout faire tout seul, quitte à avoir recours à des méthodes aussi inhumaines qu’immorales ! »

Je pointai du doigt le mort-vivant à ses côtés. Il était un parfait exemple de ce dont je parlais. Seulement le nouveau Mizukage ne voyait pas non plus en les Nukenin un soutien fiable, malgré qu’on ait réussi à faire courber l’échine à un gigantesque empire, malgré le peu de ressource dont nous disposions. Ce n’est pas rien.

« Les nukenins n’ont jamais été fiable, et ne le seront jamais puisque justement ils sont libre. Ce sont des mercenaires, ils sont rapides, efficaces, silencieux et étant donné que pour la large majorité ce sont des déserteurs, personne ne les pleurera s’ils meurent en mission. C’est en cela qu’ils sont un atout. Chez les Kaguya on a un dicton comme ça. Tout soldat qui n’est pas mort au combat mérite de resservir. »

Je marquai une courte pause, laquelle il utilisa pour enchainer sur mon statut au sein de Kiri. Un sujet très épineux, risqué et lourd de conséquence.

« C’est ta place qui reste donc à définir. » Fit-il. « Vas-tu continuer de te faire remarquer en tentant vainement de retourner tout le monde contre l’Empire ? Ou bien vas-tu m’aider à redonner à Kiri sa gloire d’antan ?

- Je continuerais sans le moindre doute à agir contre le Shukaï, tant qu’ils auront ne serait-ce qu’un orteil sur l’archipel. Mizu no Kuni ne leur appartient pas, c’est toi qui le leur as offert sur un plateau d’argent, quitte à trahir ta propre nation. Mais ! » Rajoutai-je soudainement en levant l’index pour l’empêcher de répliquer. « Mais contrairement à notre première rencontre, je comprends le but de cette manœuvre. Kiri n’aurait jamais pu être reconstruite à la seule force des habitants locaux, et utiliser le Shukai comme investisseur pour ensuite la lui voler sous le nez, c’est osé. Ouaip c’est couillu. Ça m’étonne d’ailleurs que l’Empereur n’ait rien fait pour empêcher ça. Tu as dû réussir à lui servir une magnifique utopie en maniant les bons mots au bon moment. Ça c’est vraiment un truc que je ne sais pas faire … »

Le regard allant à nouveau de Michiki au mort toujours debout à ses côtés, pour revenir au principal protagoniste. Je m’en sortais plutôt bien, non ? J’arrivais nettement mieux à maitriser ma colère et mes sauts d’humeur que l’an dernier, et mieux encore que l’année d’avant. Ça doit être ça la maturité, il était temps que ça arrive … mieux vaut tard que jamais.

« En somme, les Nukenin responsables de l’attaque contre le Shukaï l’an passé peuvent t’être un excellent atout, surtout que rien ne t’oblige à rendre officiel une entente entre eux et toi, à condition de ne pas te les mettre à dos. Ça reste des Nukenins hein … L’Empire reste mon ennemi et je ne m’arrêterais pas de lui mettre des bâtons dans les roues tant que leur drapeau flottera ici. Kiri est reconstruite maintenant, à toi de choisir si tu me rejoins en te détachant d’eux, ou si tu restes à leur botte. »

J’haussai à nouveau les épaules, les mains sur les hanches, attendant sa réponse patiemment. Ça va, je n’étais pas trop agressive là, si ? C’était simple, clair et concis. C’était le premier point a résoudre dans cette discussion. En fonction du résultat on verra si on aborde le second, à savoir le devenir de Kiri. Car un retour à la brume sanglante, non merci. Les méthodes de l’ancienne version du village ont fait bien assez de mal comme ça, pas besoin de recommencer les mêmes conneries.

Le regard azuréen n’avait pas lâché la jeune femme des yeux, le reste des sens du Shinda s’occupant de surveiller ce qui se passait aux alentours. De plus que son garde du corps personnel se chargeait également de sa sécurité. Mais malgré ça, Michiki gardait le réflexe de lui-même se préparer au pire au cas où. Son rôle actuel le rendait encore plus vulnérable aux éventuelles attaques sur sa personne. La vie de vagabondage et d’anonymat avait eu son lot d’avantages mais il avait fallu y renoncer pour d’autres en prenant la tête du pays et de Kiri.

Ecoutant les dires de la jeune demoiselle, il ne put s’empêcher de sourire largement lorsqu’elle évoqua un dicton « Kaguya ». Tout soldat qui n’est pas mort au combat mérite de resservir. L’énonciation de ce proverbe avait arraché un rire et cette simple réaction :

- C’est drôle parce que j’ai quasiment le même !

S’ensuivit une énième attaque sur l’Empire et la servilité du Fossoyeur qui s’était vendu à eux selon les dires de Milly. Cet éternel discours le lassait puisqu’elle n’entendait jamais raison. Ses arguments contrastaient avec la fausse maturité qu’elle tentait de se donner. Ils étaient grossiers, ça encore on ne pouvait le reprocher à quelqu’un cherchant à devenir diplomate, mais ils étaient surtout contradictoires. Les Nukenins n’étaient pas dignes de confiance puisque trop libres. Puis la seconde d’après ils étaient un excellent atout du fait de cette indépendance. Michiki claqua de sa langue sur son palais. C’était un pari risqué. A peu près autant que de se déclarer allié de cette femme qui remettait en cause éternellement la place de l’Empire sur cette terre qui avait pourtant abritée bon nombre de ses sujets. Elle s’estimait plus chez elle qu’aucun autre et c’était une première erreur qui lui faisait prendre la grosse tête quant à sa place sur cet archipel.

Il la laissa terminer son exposé avant de répondre. Encore une fois, elle n’avançait en rien. Il n’y avait pas de nouveaux éléments, pas la moindre proposition qui valait la peine d’être étudier. Le traditionnel « L’Empire aux portes et vive Kiri ». Pour une femme que le Shinda n’avait jamais eu l’occasion de connaître ou même de croiser du temps de sa patrie, c’était ironique. D’où ses sourires en coin lorsqu’elle s’estimait plus à sa place ici qu’il ne l’était. C’était d’ailleurs pour ça qu’elle portait la coiffe de Mizukage et non lui. A moins que…

- Voilà pourquoi tu n’as pas ta place ici. Ta volonté de mettre à mal l’Empire empêche Kiri de se développer comme je l’espère. N’imagine pas qu’il s’agit d’un simple petit ramassis d’incapables. Il ne suffit pas de se retrouver en cachette dans une auberge pour échapper à leur surveillance. Une alliance est tout de suite connu par les services impériaux et directement signalé au Kamui. Raison pour laquelle ta présence ici est plus que délicate.

Il se montrait plus explicite mais il hésitait à pousser son raisonnement. Avec le caractère qu’elle avait, un seul de ces faux pas pouvait causer sa perte et celle du Shinda dans le même temps. Il y avait des personnes sur cette terre pour qui le Fossoyeur laisserait sa tête rouler au sol mais Milly n’en faisait justement pas partie. Elle ne lui en donnait pas l’envie ou l’occasion. Si elle entendait seulement raison…

- Plus Kiri semblera s’échapper du jupon du Shûkai, plus ce dernier viendra se débarrasser de ceux à l’origine de cet écart. Tout comme la population a un rôle important à jouer là-dedans. L’Empire leur a rendu leur village, leur terre natale. Il ne suffira pas de quelques missions humanitaires pour leur faire céder en la faveur d’un Kiri plus…libre. Si un tel idéal devrait être poursuivi, il le serait dans l’ombre la plus totale. Une discrétion égalant celle des plus retors de notre monde.

Mains dans les poches, il observait Milly de derrière ses verres violets. Une lueur au loin dans ce regard illumina l’étendue bleutée de ses iris. Une brève étincelle difficile à percevoir, même pour Hojo à seulement un mètre de son camarade.

- Je ne pense pas me tromper en disant que tu ne remplis pas tout à fait ces critères. Tes actes de tentative de rébellion sont déjà parvenus aux oreilles de l’Empereur. Sans ton lien avec Kiri, et sans mon intervention, ton sort et celui des tiens serait déjà scellé depuis bien longtemps.

Il se fichait qu’elle relève cette information. Qu’elle se moque ou qu’elle le prenne en considération, le résultat resterait le même encore une fois. En plus de venir se présenter comme celle donnant les ordres et les choix, elle n’assumait pas les conséquences d’une telle position en essayant au moins de progresser dans son dialogue.

- Du coup maintenant, remettons nos pendules à l’heure si tu le veux bien. Il y a donc toi et moi dans cette équation. Tu es à la tête d’une partie d’un clan originaire de Mizu et de mon côté je suis à la tête du village ayant toujours abrité ton clan. Permets moi donc une seule et unique fois de te faire remarquer que tu n’es pas en position de force ici. Tu cherches à combler un manque d’attention en te faisant ainsi remarquer mais ce genre de manège ne prend pas avec moi encore une fois. Ceci étant dit il me reste donc à te soumettre un choix en tant que dirigeant de cette nation. Tu dénonces un problème mais as-tu une solution à m’apporter autre que des sabotages enfantins clairement signés de ta main qui nous mettraient toi et moi dans un pétrin inimaginable ?

Michiki avait bataillé pour en arriver où il était. Il ne comptait pas tomber pour cette fille. Elle avait débarqué sur ses grands chevaux, n’ayant pas conscience des problèmes qu’elle dénonce. Elle était encore une enfant qui avait miraculeusement trouvé une chaise à la table des grands. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle faisait l’illusion. Son discours trahissait encore l’enfance de sa pensée. Si la jeune enfant cachait derrière elle une présence adulte et protectrice la soutenant, il y aurait de suite un intérêt de taille à écouter ses dires.

- Les Nukenins ont la confiance versatile selon le payeur. Un contre l’Empire peut vite en devenir un allié. Raison pour laquelle je choisis toujours les miens avec le plus grand soin. Alors à moins que tu n’aies des noms intéressants et susceptibles de m’intéresser, tes beaux projets restent des rêves idylliques qui ne m’apportent que peu de choses.

Hélas ce fut encore un échec. Punaise c’est parfois tellement plus difficile de jouer diplomatie que simplement coller un pain. Hélas encore une fois je n’avais pas le niveau pour l’affronter, et encore moins s’il se fait escorter par sa créature. Nop, l’attaquer signerait ma mort et j’ai encore trop de chose à accomplir pour mourir. Écoutons plutôt ce qu’il a à répondre, c’est une discussion entre personnes civilisées après tout.
Malheureusement son point de vu ne rejoignait pas le mien, sa première phrase fit presque plus mal que tout le reste. Selon lui je n’avais pas ma place ici. Je n’avais pas ma place chez moi, ah quelle ironie venant d’un traitre ! Cependant, il n’avait pas faux sur le reste. Les villages cachés ont le défaut d’avoir des yeux et des oreilles presque partout. Faire des combines avec deux-trois nukenins, passe encore mais avec tout un groupe c’était bien moins discret. Mais je ne parlais pourtant pas d’une alliance à une telle échelle. Quand nous le voulions nous avons toujours pu ne pas nous faire voir, ni faire parler de nous. Alors une entente aux airs de mission de mercenariat, ça ne devrait pas poser de problème.

« Je me doute bien que plus l’Empire perdra de point stratégique à Mizu, plus il montrera les crocs. C’est normal, tout le monde réagirait pareil si on cherchait à dérober quelque chose auquel on tient. Mais je ne suis pas comme toi, je n’ai ni le talent de baratineur, ni assez de contrôle sur mes nerfs pour me faire enfiler et sourire ensuite. Sincèrement, sur ce point je te tire mon chapeau, et ce n’est même pas pour me moquer. Il parait que dans ce monde il faut parfois mettre les mains dans la merde pour arriver à ses fins, toi tu as assez de peu d’amour propre pour ça, pas moi … En même temps, pour oser faire revivre des morts … »

Ralala, on ne le changera pas hein, et ça ne servira à rien répéter encore et encore les mêmes plaintes. Il est au courant de ma rétissance aiguë envers ce genre de pratique, pas besoin d’en rajouter une couche. Par contre j’ignorai totalement sa petite tirade à propos du fait qu’il m’ait couverte contre le Shukaï, suite aux diverses attaques sur des troupes de l’Empire aux quatre coins de l’archipel. S’il espère le moindre remerciement, il peut se foutre le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Les Kaguya et moi-même avons survécus à bien pire, on ne s’est pas enfuit la queue entre les jambes. Si à un moment ça dérape, nous ferons face comme toujours.

« Du coup maintenant, remettons nos pendules à l’heure si tu le veux bien. » Poursuit-il. « Il y a donc toi et moi dans cette équation. Tu es à la tête d’une partie d’un clan originaire de Mizu et de mon côté je suis à la tête du village ayant toujours abrité ton clan. Permets moi donc une seule et unique fois de te faire remarquer que tu n’es pas en position de force ici. Tu cherches à combler un manque d’attention en te faisant ainsi remarquer mais ce genre de manège ne prend pas avec moi encore une fois. Ceci étant dit il me reste donc à te soumettre un choix en tant que dirigeant de cette nation. Tu dénonces un problème mais as-tu une solution à m’apporter autre que des sabotages enfantins clairement signés de ta main qui nous mettraient toi et moi dans un pétrin inimaginable ? »

Je plissai les yeux un moment, autant devant la triste vérité de la situation que sur l’idée qui venait de germer dans mon esprit. Quoi que je fasse il ne me prendra jamais au sérieux, c’est évidant. Depuis le début on s’est crêper le chignon, le respect est définitivement mort entre nous. Pour autant, si mes souvenirs sont exacts, nos rapports sont quand même nettement meilleurs qu’à notre première rencontre. Peut-être que tout n’est pas foutu finalement … Mais peu importe l’avenir, il est trop tôt pour en profiter, et actuellement je ne suis qu’une gamine prétentieuse à ses yeux. Il demandait une solution de rechange, un plan de substitue, mais ce plan il le refuse depuis tout à l’heure. Bon essayons en utilisant ma dernière carte.

« Tu vas encore rire, et si ce n’est pas le cas ce sera très étonnant, mais la solution à ce problème tu la connais. C’est la raison de pourquoi je me montre si agressive envers eux. Tout bêtement, il faut détruire le Shukaï. » Marquant une pause, j’observai ses réactions, à lui comme à son sbire. « Tu vas répliquer en disant que ce ne serait ni la première fois, ni la dernière fois que Kakeshou reçoit des tentatives de coup d’état, et tu auras raison. C’est une entreprise terriblement risquée et les chances de réussite sont extrêmement minces. Surtout qu’à force de se faire attaquer, le Shukaï a appris à se défendre. »

Nouvelle pause de quelques courtes secondes. Il fallait choisir les bons mots pour espérer un résultat correct et le plus bénéfique. Est-ce que ce sera une bonne idée que … mmh, difficile à dire. J’ignore même si c’était dans ces plans, alors l’embraquer dans cette histoire sans lui en avoir touché le moindre mot … Mais d’un autre côté je n’ai pas le choix, elle seule arrivera à tirer quelque chose de Michiki.

« Du coup j’en reviens à mon histoire de Nukenin. Tu es fort, ça ne fait aucun doute. Et en plus de ça tu peux faire ça. » Je désignai du menton le cadavre à côté de lui. « C’est un atout non négligeable, donc je te propose de rencontrer celle qui a organisé et mener l’attaque contre le Shukaï l’an dernier. Hormis l’épisode du Shoraizen, ce fut la seule à réussir à réunir autant de déserteurs et d’errants dans un objectif commun. Elle, elle saura trouver les mots pour arriver à une solution à ce problème aux nombreuses ramifications. Qu’est-ce que tu en dis ? »

La Kaguya commencerait-elle à comprendre ?! Ses premiers mots semblaient indiquer que oui. Un léger haussement de sourcil accompagna la tirade. Assez infime pour passer inaperçu alors qu’elle lui exprimait sincèrement son admiration pour le manque d’amour propre qu’il avait. Venant d’elle, c’était à prendre comme un compliment malgré le côté blessant d’une telle phrase. Il ne relevait pas, préférant s’attarder sur le fait qu’elle commençait peut-être à voir quelle démarche avait-il dû adopter au cours des dernières années pour en arriver là.

Elle entama donc son fameux plan. Malgré son attente, il ne cilla pas. Il se contenta d’écouter et d’attendre. Même son compagnon d’arme l’observait de derrière ses lunettes. Il connaissait assez le nécromancien pour savoir qu’il avait encore l’esprit joueur par moment. Et la simple tirade proposant de détruire l’Empire aurait dû le faire éclater de rire. Mais il n’en fit rien. Il resta les bras croisés à observer son interlocutrice. Hojo n’y comprenait rien. Au point qu’il se mit à la regarder lui aussi.

Elle soulignait elle-même les arguments pouvant s’opposer à son plan d’une simplicité infantile. En tout cas dit et présenté tel quel. En réalité, il n’en était rien. L’Empire avait déjà essuyé nombre d’attaques et il s’en était toujours relevé. C’était bien la preuve que Michiki s’était rangé du côté de ceux ayant le plus de potentiel pour l’aider dans son projet de reconstruction. Même si c’était passé par bien des sacrifices. Il se souvenait encore de ce fameux jour où Kumo, Shûkai, Nukenins et Daimyô de Mizu s’étaient réunis pour décider du sort de l’archipel. Ce jour-là, un coup de poker de la part du Fossoyeur aurait pu lui apporter tout ce qu’il désirait depuis déjà bien longtemps. A la place de quoi il avait courbé l’échine en faveur du Kamui, prétextant là une tactique. Le Shinda avait croisé le regard de la Mort ce jour-là en fixant Kakeshuou droit dans les yeux. Il s’en était fallu de peu pour lui.

Un vécu tempétueux qui lui avait tout de même souri aujourd’hui. Il n’allait pas tout risquer sur un coup de tête ou sur une idée d’une impétueuse. Ce n’était pas et ce ne serait pas la première à venir le rencontrer pour lui proposer pareille folie. Mais il avait toujours eu l’oreille attentive lorsqu’il y avait raison d’écouter. Même si jusque-là Milly s’était montrée capricieuse, elle pourrait le surprendre par une révélation choc. Ou pas.

Rencontrer l’investigatrice de l’attaque du Shûkai. La femme à la tête des Nukenins contre qui Michiki avait bataillé à Yuki no kuni pour prouver sa fidélité et surtout récupérer son bras. Cette même personne qui avait orchestré tout ceci dans le but d’affaiblir l’Empire si redouté. Une audacieuse pourtant bien rôdée pour pouvoir mettre en place une telle organisation. Pour le coup, Hojo regarda son invocateur qui continuait d’afficher un air impassible, semblant peser le pour et le contre d’une telle décision. Il s’agissait quand même d’organiser une rencontre avec une Nukenin pour qui l’Empire serait éternellement redevable à qui ramènerait sa tête. Mais elle pouvait en offrir une. Michiki décroisa les bras, préférant loger ses mains dans ses poches. Son regard n’avait pas bougé d’un pouce. Il tentait de voir où la Kaguya voulait en venir. Il ne tarda pas à briser le silence pesant depuis cette déclaration :

- Si tu es bien en contact avec elle, je serais intéressé de la rencontrer en effet. Préviens-la et demande-lui de se rendre sur les terres de Mizu d’ici quelques jours. L’administration attendra de mon côté.

Puis il avança, suivi de près par son cadavre ambulant qui gardait un vif intérêt pour cette scène pour le moins étonnante. Les yeux rivés sur la nuque du Shinda, il s’étonna de le voir aussi mature maintenant alors qu’au jour de sa mort, il était presque aussi maladroit dans ses mots et ses actes que la demoiselle manipulatrice d’os. Il sourit tristement dans son coin, attendant la suite des évènements pour suivre son ancien camarade. Ce dernier était arrivé au niveau de Milly. Il pivota sa tête vers elle et la toisa sans expression.

- Tu critiques régulièrement ma capacité à « faire de la lèche ». J’appelle ça survivre et je suis très doué dans le domaine. Donc à la moindre faute de ta part, peu importe ce que tu diras, tiens le pour dit : je ne plongerais pas avec toi. Si tu sombres, ce sera en entraînant toute ta famille et je ne tiens pas particulièrement à être l’investigateur d’un génocide. Sinon on dirait de moi que je serais le futur Empereur et ce n’est pas un titre qui m’intéresse à vrai dire !

Il franchit les derniers pas le séparant d’elle et de l’escalier descendant vers le bâtiment où il siégeait une bonne partie de son temps :

- Y-a-t-il autre chose que je puisse faire pour toi ?

Il acceptait ! Oh putain il acceptait ! Enfin on arrivait à trouver un terrain d’entente ! Piouf ce n’est pas trop tôt. Bon le souci c’est que je mêle Red à mes problèmes personnels, mais bon je n’avais pas non plus assuré que ce serait possible. Ça restait une idée et il était d’accord pour la mettre en œuvre, parfait. Reste plus qu’à aller en parler à la Saibogu, la convaincre si besoin et l’accompagner au rendez-vous. L’accompagner oui, tout à fait. Parce que je ne fais absolument pas confiance à Michiki pour ne pas tenter un coup tordu. Vu tout ce qu’il a accompli jusqu’à maintenant pour se faire bien voir de l’Empereur, on ne sait jamais.
J’approuvai sa réponse d’un mouvement de tête, il ne donnait pas de point de rendez-vous particulier, j’en déduisis que cela se passerait au palais aussi, ou sur le toit. Le nouveau Mizukage s’avança ensuite pour arriver à ma hauteur, machinalement je me tins prête à une quelconque attaque, mais il n’en fut rien. Il se contenta de tourner la tête dans ma direction, et d’une voix tout aussi neutre que celle employée depuis tout le début de notre blabla, il voulut me prévenir d’un point crucial. En cas de pépin il ne tombera pas avec moi, il ne voulait pas du même titre ni de la même notoriété destructrice que Kakeshou. En clair il s’en lavait les mains.

« Le contraire m’aurait étonnée. On ne se connait pas mais je sais déjà que tu n’es pas du genre à te préoccuper du problème des autres. Tu as toujours joué en solo, et seule ta petite carrière égoïste compte … Je ne t’en veux pas, ça prouve bien que malgré tous ces froufrous et cette attitude que tu veux te donner, tu restes quoi qu’il arrive un nukenin. Tout n’est pas perdu, ahah !

- Y-a-t-il autre chose que je puisse faire pour toi ? » Demanda-t-il, face aux escaliers qui menaient aux entrailles du bâtiment.

« Nop ça ira, on se reverra dans quatre jours. D’ici là je ne t’embête plus. Tchouss. »

Une salutation de deux doigts quittant mon front, et je sautai par-dessus la barrière encerclant le toit. Une courte chute libre et quelques souffles fûton pour l’atterrissage, avant de quitter tranquillement ce beau et tout neuf village, ne manquant pas d’en explorer chaque parcelle en chemin.

Spoiler:

Le Fossoyeur était resté à sa place, attendant d’éventuelles remarques supplémentaires de la part de la Kaguya qui prit congé de lui finalement. Elle le fit assez originalement en choisissant de sauter par-dessus la rambarde entourant l’aire du toit. Il perçut sa chute amortie par quelques vagues de chakra qu’il ressentit alors qu’elle atterrissait en douceur plus bas. Il était maintenant revenu à son point de départ pour s’accouder sur la barre en métal par-dessus laquelle elle venait de sauter.

Hojo l’avait suivi de près. Toujours curieux, il connaissait assez son camarade depuis le temps. Il ne s’était retrouvé qu’il y a peu de temps lorsque le nécromancien avait usé de la Nécromancie pour le ressusciter de manière définitive et plus parlante que ses simples zombies de combat. Au moins le Yakushi avait pu récupérer son esprit même s’il pouvait être brider selon le bon plaisir du Fossoyeur. Il observait ce dernier qui lui tournait le dos, tâchant de comprendre à quoi il pensait. Il ressentit un relâchement sur son esprit lui permettant alors de s’exprimer :

- J’avoue avoir du mal à te comprendre Mogura. Tu as certes changé mais pas à ce point. Tu dois bien avoir quelque chose qui se trame sous ce petit crâne angélique ?

La réplique fut accompagnée d’un sourcil interrogateur légèrement haussé. L’ancien duo du Misuto avait assez travaillé ensemble pour partager un mode de pensée commun. Hojo pressentait donc quelques prédispositions de son ancien subalterne à commettre de tels actes. Il avait évolué et progressé. De par ses dons, il avait depuis toujours la fibre d’un homme capable de tout pour parvenir à ses fins. Se retrousser les manches et se salir les mains, là était le propre du Fossoyeur. Il s’adaptait à chaque situation. Opportuniste comme personne sur cette terre. Ce qui faisait que le médecin Kaguya éprouvait une certaine compassion pour ce jeune homme qu’il avait connu adolescent.

Mais lorsque ce dernier se retourna, il ne le reconnaissait pas. La jeune recrue avide de faire ses preuves était un lointain souvenir. Le jeune turbulent ayant tué la shinobi de la Foudre pour venger l’honneur de son senseï insulté. La gaminerie de ses répliques jetées à la face de l’homme qui avait assassiné Hojo sous ses yeux. Tout ce qui remontait à l’ancienne vie du Kaguya n’avait plus rien à voir avec le Michiki qui se tenait maintenant devant lui. Son visage arborait une expression qu’il ne lui avait jamais vue auparavant. S’il n’avait pas été un enfant de Kiri la Sanglante lui aussi, il aurait frissonné sur place. Son état actuel le rendait encore plus insensible à ce genre de détails. Mais il savait être assez objectif pour admettre que n’importe quel vivant aurait fui face à un tel faciès déformé par son émotion. Pourtant, il se mit à sourire en voyant ce jeune homme transformé par le temps et son expérience. Au loin, un aigle décrivait des cercles concentriques au-dessus de la ville.

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