Seito attendait, simplement, calmement. Autour de lui, il n'y avait que la plaine, interminable et immuable, nue de toute population. Il était le seul être humain à peupler ces terres livrées à la nature. Assis en tailleur dans l'herbe haute, paupière closes, il s'enrichissait des sons qui l'entouraient. Pas très loin de lui, il entendait les coassements d'un crapaud. Plus haut, dans les strates les plus altières du ciel, quelques oiseaux migrateurs poussaient leur cri d'adieu, partant se réfugier dans des terres plus propices au passage de l'été. Enfin, tout autour de lui, il y avait les bourdonnements, les crissements des cigales, le frémissement d'une herbe ballottée par un insecte. Pour celui qui sait attendre et rester immobile, la nature a bien des trésors à livrer. Seito pratiquait la méditation en partie pour ça. Plongé dans son état de semi-transe, il aimait se laisser aller à écouter l'orchestre du monde. Cette simple symphonie, pourtant souvent ignorée, suffisait à son ravissement, dans les moments de trouble. C'était une manière simple et efficace de se rapprocher des choses primordiales et matérielles.
Dans cet océan de verdure, il pouvait se perdre corps et âme à toutes sortes de réflexions. Là, il ne pouvait tourner ses pensées que vers Takoyaki, qui n'allait pas tarder à le rejoindre et à le sortir de ses contemplations intellectuelles. La jeune femme avait élu résidence, pour un temps, à Itabei. Seito en avait naturellement profité pour lui donner quelques leçons, et en recevoir de sa part. Ils partageaient un même goût pour le Taïjutsu, et ne manquaient pas de s'exercer dans ce domaine dès qu'ils en avaient le temps. Mais la discipline qui occupait la majeure partie de leurs emplois du temps respectifs était le Ninjutsu.
Takoyaki avait exprimé le désir de s'éveiller à cet art, bien différent de tout ce qu'elle avait pu expérimenter jusque-là. Il s'agissait d'un domaine où il fallait utiliser le chakra et le matérialiser, c'est à dire l'expulser du corps sous une forme tangible. C'était complètement à contre-courant du Taïjutsu, où l'utilisateur devait au contraire concentrer le chakra dans ses membres pour mieux frapper. Aussi, les débuts avaient-ils été quelque peu difficiles. Seito avait extirpé de sa mémoire quelques vieux exercices qu'il avait l'habitude de pratiquer étant enfant. Les Yôgan savaient y faire pour initier leur jeunesse aux différents arts Shinobis.
Le Yôton demandait avant tout une familiarité avec le chakra et ses mouvements, au risque de mal le maîtriser. C'était la première étape du travail d'un jeune Yôgan: apprendre à malaxer son chakra. Et c'est par des exercices visant à introduire ce premier mouvement que Seito avait démarré sa session d'entraînement. Ensuite, il s'agissait de déterminer quelle affinité convenait le mieux à l'élève. Pour ça, Takoyaki avait été soumise au même test que n'importe quel Shinobi débutant, à savoir celui dit "de la feuille magique", dans le jargon professionnel. Il s'était avéré que Takoyaki avait une certaine proximité avec le Suiton. Seito ne maîtrisant absolument pas l'élément, il n'avait à partir de là pu lui donner que des conseils pour qu'elle appréhende au mieux le Ninjutsu. Ils en étaient là de l'entraînement. Takoyaki commençait peu à peu à se familiariser avec cette discipline finalement complexe. Bientôt, elle serait en mesure de l'utiliser comme arme sur le champ de bataille. Très bientôt ...
Le Shuhan fut tiré de ses rêveries par le bruit net de pas s'approchant. Il sourit en reconnaissant la démarche chaloupée de sa coéquipière. Cependant, il fit semblant de ne pas l'avoir remarquée, et attendit qu'elle l'interpelle pour lever les yeux vers elle.
"Eh ! Si tu perturbes le travail de mes gars, on va rien avoir à manger. Et ça m'étonne qu'il y en ait encore que t'arrives à surprendre ..."
Le ton de la plaisanterie était là. Seito savait que Takoyaki avait noué des liens avec les paysans, et qu'elle les aidait dans leurs travaux quotidiens. Certes, ils lui servaient aussi de mannequins d'entraînement, mais quel mal y avait-il à être un peu plus mouillé que d'habitude pour un cultivateur de riz ? En tout cas, Seito n'avait reçu aucune plainte, et même avait eu de bons écho de la présence de Takoyaki aux champs. Cette situation ne pouvait que le satisfaire.
"Bon, on est pas là pour traînasser. J'ai une ville à gérer, moi, et on a encore du pain sur la planche si tu veux apprendre à maîtriser le Ninjutsu correctement. Alors, autant s'y mettre dès maintenant. Allez ! Attaque-moi avec tout ce que t'as ! On va voir ce que t'as appris en arrosant les gens."
Sans plus attendre, il se mit sur ses gardes. Il connaissait les capacités de Takoyaki. Ils avaient répété cet exercice maintes et maintes fois, au cours de leurs entraînements. Elle attaquait avec du Ninjutsu, lui ripostait comme il le souhaitait. Pour Seito, c'était assez tranquille. Takoyaki, elle, devait tout donner pour réussir.