La Mégalopole, vaste cité où la corruption n'avait pas de limite. Un lieu de perdition où les plus grandes crapules s'étaient réunies pour façonner des plans doués de mesquinerie. Il en allait de même pour le Kyomu mais nos actions étaient, à contrario, nécessaire pour le bien du reste du monde et surtout de Kaze.

Oniri était partie faire du repérage me laissant vagabonder seule dans les rues de la capitale de Kawa no kuni. J'apprenais à me fondre dans la masse pour ne plus être qu'une ombre parmi les autres même si mon ego n'avait de cesse de réclamer l'aura de prestance qui se dégageait habituellement de mon être.
Toutefois, désormais, et avec ma chevelure attachée en queue de cheval et mes tatouages ornant mon cou et ma nuque, je n'étais plus Ketsueki Yami. C'était là mon plus grand regret dans cette bataille : perdre mon identité. Je voulais au contraire clamer mon nom tout en gravissant les échelons pour que chacun ait conscience de qui j'étais mais j'en étais réduite au silence, perpétuant des actions qui n'auraient que pour seule signature celle du Kyomu sans aucun mérite à ma personne. La dure réalité des choses étaient là et j'avais bien dû mal à l'accepter mais je devais faire et composer avec la discrétion pour ne pas braquer les regards dans ma direction.

Ainsi mes pas hasardeux dans cette ville que je ne connaissais que très peu encore me conduisirent non loin du quartier marchands où la foule me donnait quelque difficulté à m'aventurer avec aisance vers ailleurs. Des effluves inconnues provenant des plats en vente me parvenaient aux narines et me semblaient bien moins épicés que ce que nous avions l'habitude de goûter par Kaze. M'ouvrant l'appétit, et changeant des biscuits immondes que nous passions notre temps à avaler avec Oniri dans notre appartement, je m'installais à la table de l'un des restaurants.

Le climat était bien plus modéré ici que sur ma terre natale me faisant traverser un élan de nostalgie avant d'entendre une voix un peut trop bruyante et fanfaronne appartenant à une blonde fortement équipée. J'arquais un sourcil dans sa direction en m'apprêtant à répliquer qu'elle ferait mieux de vociférer ailleurs avant de me raviser : discrétion... C'était ce qui était de mise mais elle était tout de même franchement irritante...

« Cela vous dérangerait d'aller beugler ailleurs ? »

Lui adressais-je avec un air qui en disait long sur mon agacement. Tant pis pour le fait de se faire petite. La tranquillité c'était sacrée. Ce n'était pas vrai ça ! On ne pouvait donc pas se sustenter tranquillement dans cette ville ? La racaille traînait partout tout comme les cas désespérés...

Spoiler:

« Mais putain de bordel de merde ! C’est quoi cette arnaque !?

- Cela vous dérangerait d'aller beugler ailleurs ?

- Ta gueule la naine ! »

Voilà voilà. Comment déclarer une guerre en moins de 3 secondes ! Pas mal hein ? La colère nous fait souvent faire des choses qu’on regrette ensuite et cet instant était l’un de ceux-là. Mais pour expliquer convenablement la scène, nous devons revenir quelques heures en arrière. Aujourd’hui est de base un mauvais jour, un mauvais moment dans la vie d’une femme, la période maudite. Pas besoin de plus d’indice, vous devriez comprendre. Et bah notre grande blonde, c’est en tordant de douleur qu’elle se réveilla. En général ça ne fait pas aussi mal que ça, certaines fois ça ne se sent même pas, mais cette-ci punaise c’était violent. Sans doute que c’était lié au fait que Milly, que elle, que moi, je n’étais pas encore à cent pour cent remise des dégâts de Satoshi ? Ce serait quand même très bizarre puisque ça commence à faire un bon bout de temps cette connerie … Ou alors il n’y a simplement aucune raison, c’est possible aussi. C’est rare mais ça arrive que cette fois-ci, on prend cher. Merci Mère Nature !

C’est donc en grognant et en me tenant le ventre que je me suis levée. Heureusement ça s’est rapidement atténué mais ponctuellement la douleur revenait, et ça à durer tooooouuuuuute la matinée ! Le petit déjeuné a été tout sauf agréable, la douche c’est encore pire, essayer de me changer les idées en faisant des sculptures non plus, au final sortir prendre l’air fut le meilleur choix malgré l’obligation par moment m’immobiliser et de serrer les dents, le temps que le pic de douleur passe.
Et on en vient à la scène catastrophique décrite en amont. Vous devez certainement connaitre mes passe-temps depuis, et la bouffe y possède une grande place, en grande carnivore que je suis. Comme surement beaucoup de personnes présentes ici, j’ai suivis les délicieuses odeurs qui s’échappaient des fourneaux pour arriver dans ce restaurant tout beau tout neuf. Franchement il promettait beaucoup, avec un décor simple et élégant, reposant même. Une petite musique agréable en fond, des serveurs et serveuses aussi sympathique à entendre qu’à regarder. Mais là où ça a coincé, c’est peu après que j’ai passé ma commande, en ressortant d’un aller-retour aux toilettes.
À cet instant je vis et entendis qu’aucun client n’aurait dû voir ni entendre. Et peu importe que la porte des cuisines fut aussitôt refermée, le mal était fait. Forcement j’enfonçai la porte d’un coup sec et là, avec la douleur au bas-ventre qui relançait, je ne pus empêcher le coup de gueule de sortir. Des casseroles volèrent, des couteaux aussi, des cruches pleines de soupes, le tout agrémentés d’insultes évidemment.

Lorsque je fus enfin repoussée hors des cuisines, c’est là qu’une femme aux yeux rouges et aux cheveux sombres attachés en queue de cheval est venue réclamer le silence. Ahah, je l’ai bien remballée cette pouffe. Seulement je sentais que je ne pouvais en rester là, sinon ça aurait réellement foutue la merde. Animée par les nerfs en ébullition, je levai bien haut ce que je venais de voler dans la cuisine.

« Ne toucher plus à rien ! Ces gens vous empoisonnent ! » Dans ma main trônait un gros rat tout juste privé de son pelage. « Recracher vite, on vous empoisonne ! Tout est dégueulasse ! Une foutue arnaque de merde ! »

On pouvait dire que sa réaction semblait à la hauteur de sa débilité ! Un cas social comme il n'était pas rare d'en croiser surtout entre les rues de la Mégalopole. Je me contentais d'arquer un sourcil à sa vulgarité de rustre pitoyable alors qu'elle s'évertuait à s'égosiller toujours plus fort. Sans doute avait elle cherché a piller les cuisines où les poubelles et s'étaient fait sortir par le personnel : il y en avait qui se croyait tout permis. Et la voilà qui haussait désormais le ton alors qu'elle aurait mieux fait de s'écraser, elle si bourrue qu'il m'aurait été facile de la prendre pour un homme sans ces formes disproportionnées.

Mais voilà qu'elle dévoilait sa trouvaille : un rat. Ces rongeurs que nous ne trouvions pas dans mon cher désert mais qui semblaient proliférer dans les contrées comme Kawa no kuni. C'était répugnant d'observer cette dépouille écorchée alors que je me questionnais sur ses véritables intentions. Avait-elle vraiment volé ça pour le manger ? Ou bien était-elle sincère dans ses paroles ? Visiblement il se servait de la viande de rat ou que sais-je pour leur préparation... Et alors ? Nous mangions bien du serpent ou des scorpions dans le désert... Alors un rat... pourquoi pas ? Je n'irais pas forcément en goûter mais je supposais que ça se mangeait.

J'attrapais donc la carte du restaurant bar pour constater qu'en effet cela n'était mentionné nulle part... Je me levais donc tout en montrant le menu au probable directeur de l'établissement qui semblait à la fois énervé et horrifié par la scène et à la révélation de son secret.

« Ce n'est effectivement pas marqué sur votre carte. Si vous voulez faire du ragoût de rat ou ce que vous voulez : précisez le ! Faite en même votre ingrédient far ! Mais ne le dissimulez pas à vos clients où la confiance aura un goût d'amertume... »

Mon regard défiait le sien. Je n'avais certes encore rien commandé mais j'aurais eu horreur de croire manger du poisson pour que finalement ont me refourgue du rat. Cette ville avait vraiment des goûts culinaires particuliers... Il n'avait donc pas de service d'hygiène pour vérifier les normes ?

Je me tournais vers la bourrue et lui disait :

« Allez observer les cuisines en profondeur pour être sûrs qu'aucun autre secret ne se cache entre ses murs. »

Puis vers les clients attablés :

« Allez y a plusieurs mêmes ! »

Je me dirigeais un peu plus près du directeur qui commençait à s'échauffer alors que bons nombre des clients se précipitèrent dans ses locaux pour lui intimer :

« Quant à vous, je vous suggère de rester tranquille. Vous ne savez pas à quel point je détiens le pouvoir de non seulement faire fermer cet établissement miteux mais également de faire de votre vie un véritable enfer... »

Après quoi je lui adressais un sourire tranchant avant de me rasseoir à ma place tout en gardant un œil sur lui.

La naine aux yeux rouges – tiens une Ketsueki – se leva la première après une inspection rapide du menu, et alla se plaindre au restaurateur que le rat n’était pas au menu. Are you serious ? Franchement miss ? Elle sort d’où cette nana c’est pas possible d’être aussi peu intègre à la réalité. À vrai dire je ne m’attendais tellement pas à ça que je restai bouche bée pendant bien quelques secondes. Un instant, elle a les yeux rouges, on l’a tous vu. Les probabilités pour qu’elle fasse partie du clan des vampirettes sont extrêmement élevées. Mais contrairement à Isnajh, celle-ci a la peau très claire. Est-ce que cela voudrait dire qu’elle vient de Suna ? En imaginant que oui, pourquoi une telle réaction ? Même au village du sable on ne mange pas de rat ! Tout le monde sait que le rat dans un restaurant c’est signe d’insalubrité !

Et voilà qu’elle revient me voir pour m’ordonner d’aller fouiller les cuisines.

« Bah voyons, je ne sais pas d’où tu sors mais retourne chez toi, ce n’est pas un endroit pour les gens de la haute. »

Je balançai le cadavre du rat dans la première poubelle à portée, pendant qu’une foule de gens se pressait pour entrer en cuisine et mener une inspection à leur manière. C’est-à-dire, très certainement en pillant les réserves aussi. J’y serais bien aller aussi, rien que pour la deuxième raison, et puis pour obtenir remboursement. Mais d’un côté ce serait obéir à cette inconnue qui se prend des airs de maitresse des lieux, de l’autre ça inclurait que je doive me faire également écraser par tout ce monde. Non, définitivement je vaux mieux que ça.
La Ketsueki supposée menaça le directeur de faire fermer l’établissement et de lui faire vivre un véritable enfer s’il ne se tenait pas tranquille. Nan mais faut qu’elle arrête, c’est pas possible. C’est qui d’ailleurs ? Oh et puis, qu’est-ce qu’on s’en cogne … Au lieu de tergiverser, j’attrapai un serveur par le col de sa chemise et le traina à moitié jusqu’à la caisse.

« Ça va être très simple mon bon ami. Tu me rembourses ma commande et on en parle plus. Ou je laisse à la nana là-bas le soin de s’occuper de toi.

- Mais … mais vous n’avez vraiment pas aimé mademoiselle … ? » Gémit-il à moitié.

« Te fout pas de ma gueule, tu crois que je vais bouffer un truc aussi crade que du rat ? On ne sait même pas où ça a trainé c’te cochonnerie ni quelle maladie ça trimbale. Aboule, que je me casse d’ici. » Ordonnai-je en faisant un signe de la main.

Le jeune hésita encore, jetant des regards à son chef. Je le ramenai à la raison par une petite claque qui ne me sembla pas terriblement violente, et pourtant sa joue imprima très efficacement la forme de mes doigts. Il s’empressa alors de vider sa caisse de tous les billets et me les tendis. N’étant pas une voleuse, je ne récupérai que la somme de ma commande puis lui collai une tape dans l’épaule, comme pour le féliciter. Puis direction la sortie, une salutation de la main au responsable et à la kunoichi, puis je filai à un rythme de marche relativement calme dans la rue, à la recherche un autre restaurant, plus fiable et réglo que celui-ci.

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