« T’es malade ?!! »

Voilà ce que lui avait répondu ses parents après qu’Ether leur ai dit qu’elle souhaitait retourner au Pays du Feu, ce même pays dans lequel ils avaient vu périr bon nombre des leurs de la main de ces humains. Malgré ses raisons – plus ou moins suicidaires je l’avoue – la jeune femme n’en démordait pas. Après son retour de Mizu no Kuni, la nomade avait fait part à son clan de tout ce qu’elle avait appris et toutes les possibilités qui s’offraient à eux sur cette île lointaine. Eux qui voyageaient depuis des millénaires, allaient peut-être finalement s’arrêter de marcher pour Kiri. La perspective de cesser de parcourir le monde était difficile à imaginer, mais si pour protéger leur progéniture et le peu d’élémentaires qui restaient au sein de leur tribu, il fallait pour ça se couper les ailes, ils étaient prêts à l’envisager. Pourtant, ils avaient une seule condition pour cette allégeance à un village ; ils souhaitaient conserver leur liberté de mouvement. On ne peut pas oublier des siècles de voyage, c’était dans leurs gènes, leur sang. Même Ether qui, elle, rêvait depuis toujours de pouvoir aller chercher du pain sans risquer sa peau, avait une certaine appréhension. La liberté, voilà tout ce qu’ils possédaient. Se réunir sous un bandeau était… surréaliste. Mais pour l’instant, son clan ne comptait qu’aider à la reconstruction. Rejoindre ensuite le village ressuscité nécessiterait une plus grande et importante réunion, durant laquelle la décision finale serait prise.

C’est ainsi que, malgré les nouvelles colères de son père – papa poule va – la Gogyou partit sur le dos de Klütz, créature bipède franchement moche offerte pour sa première et seule mission, direction Ki no Kuni en toute bonne humeur ! La jeune femme y avait déjà remis les pieds durant son voyage pour le Pays de la Brume avec la Kaguya, mais était resté proche de la côte. Pas question de s’enfoncer dans les terres ! … Mais cette fois-ci, il lui fallait s’aventurer plus loin. Il était nécessaire de vérifier si le territoire était aussi agressif qu’auparavant. Si non, sa tribu pourrait le traverser, élémentaires compris, pour se rendre jusqu’au village portuaire et ainsi prendre le navire d’ici, permettant une économie non-négligeable. Hé, c’était des nomades par Crésus non plus ! Le trajet fut long, mais la demoiselle était habituée à ce genre de voyage, et s’occupa à chantonner ou à jouer contre elle-même au Uno. Grignotant parfois des insectes ou de la viande séchée, Ether se nourrissait du strict minimum, sa condition d’élémentaire lui permettant de ne pas avoir concrètement besoin de manger pour vivre. Toutefois, la jeune femme mangeait quand même, histoire d’imiter les humains et ne pas éveiller leurs soupçons.
Au bout de plus d’une semaine de voyage, elle parvint enfin à la frontière du Pays du Feu en passant par Kawa et cette satanée usine qui la faisait se sentir mal. La pollution de l’air affectait directement son état et il était impératif qu’elle s’éloigne le plus possible de cette chose humaine. Malheureusement, la Gogyou n’osait pas mettre le pied sur le territoire d’en face. Les images de Thresha, Kreth et Panthos lui revinrent en mémoire et elle resta là, à observer cette ligne invisible qui la séparait de son objectif. Allez, vas-y, tu peux le faire ! Ce n’est qu’un pays, rien de plus qu’un simple pays ! … Voilàààà, c’est bien ! Puis, peut-être qu’ils sont gentils maintenant. Tu pourrais te faire des amis ! … Amie avec un Konohajin ? Etrange idée. Mais peut-être qu’ils ont des gnocchis qu’elle n’a jamais goûté ! Voilà ce qui suffit à la faire avancer.

Joviale comme pas deux, elle perdit son appréhension, ravie à la simple idée de trouver les pâtes qu’elle cherchait. Une fois que la demoiselle en aurait trouvé, elle les consignerait dans le petit carnet que Thresha lui avait donné à l’époque, pour y ajouter ce nouveau plat goûté. Ce sera le GRAAAAAAND livre des gnocchis ! OUAIS ! Pour autant, la nomade devait rester prudente et ne rien perdre de son éternelle méfiance. Sur le dos de sa créature moche, elle avança doucement, scrutant le moindre buisson et chaque arbre susceptible d’abriter un ennemi. Pourtant, rien ne se passa. Le pays avait-il vraiment changé par rapport à celui qu’elle avait brièvement connu il y a 12 ans ? Ether ne se détendit pas pour autant. Même si elle souriait naturellement, intérieurement elle était en ébullition, prête à déguerpir à la moindre alerte.
Quand soudain, une pensée la détourna de son but initial. Des souvenirs remontaient à la surface et les coups qu’elle donnait avec les rênes incitaient la créature à changer de cap. Ether ignora la réserve Shinzen et évita soigneusement d’entrer dans les forêts. La traversée prit quelques jours supplémentaires mais son intérêt était immense. 12 ans plus tard, la Gogyou se dirigeait pour la première fois vers les lieux qui hantaient ses rêves. Lorsqu’elle aperçut le mont Mori, l’élémentaire comprit qu’elle approchait. Elle bifurqua sur la droite et longea la rivière Anshin, puis stoppa la bête et descendit. La blonde marcha quelques minutes et se plaça de sorte à avoir la rivière et les bois San’rin Maboroshi dans le dos, et fit face à la forêt de feu, San’rin Hi.

Ether resta de très longues minutes ainsi, des images défilant à toute vitesse devant ses yeux.
De lointains souvenirs, les bons comme les mauvais, envahissaient la jeune femme. Une étrange douleur à la poitrine s’empara d’elle, la même qu’elle avait ressenti lorsque la vie s’était échappée de Thresha. Sa gorge se serra et elle porta une main à son cœur. Revenir ici après tant d’années… Pourquoi ? Le visage de son aînée aquatique était imprimé sur sa rétine. Le dernier regard attendri mais ferme qu’elle lui avait lancé, ce regard qui signifiait qu’elles ne se reverraient jamais, ou tout du moins, pas sous cette forme. L’enfant qu’elle était à cette époque n’avait fait que fixer la silhouette dansante de sa « grande sœur » de cœur, jusqu’à la voir s’évanouir parmi les arbres. L’élémentaire d’eau était peut-être la seule qu’elle n’avait pas vue réellement disparaître, mais la souffrance n’en avait été que plus grande... Jamais elle n’oublierait ce couteau qui l’avait comme transpercé quand le vent lui rapporta la nouvelle. Jamais. Mais le plus dur était à venir. La nomade hésita de longues minutes, puis prit son courage à deux mains et se retourna. D’un pas tremblant mais déterminé,
Ether expérimentait pour la première fois des sentiments qu’elle n’avait jamais connus. Son visage éternellement souriant avait cessé de l’être, n’arborant plus que des traits crispés par une douleur inexplicable. Doucement, elle traversa la rivière et s’arrêta net. C’était là. La jeune fille s’accroupit et mis la main en sol, touchant la terre verte qu’elle foulait du pied. Tout avait repoussé depuis, mais elle se souvenait encore de Panthos qui avait explosé dans une tornade de flammes, vaporisant tout ce qu’il y avait à proximité, incendiant les environs. La détresse qu’il avait ressenti en voyant la femme qu’il aimait mourir pour eux, puis la disparition de son petit frère l’avaient rendu ivre de rage, mais surtout de tristesse. Les derniers mots qu’il lui avait murmurés avant de se jeter sur leurs poursuivants tournaient encore dans sa tête. Elle n’en avait pas oublié une miette, mais gardait surtout en mémoire une phrase ; « l’oiseau en cage rêvera des nuages ». Après avoir frotté la terre entre ses mains, elle sentit son odeur. Le parfum de la cendre et de la fumée avait disparu, ce n’était rien de plus que de la terre humide…. Ether se releva doucement et fit quelques pas de plus jusqu’à s’arrêter à la lisière de Maboroshi.

Non, elle ne pouvait pas entrer.
S’y engouffrer serait accepter qu… Non.
Pourquoi tremblait-elle ? N’avait-elle pas depuis bien longtemps oublié la peur ? Alors pourquoi son corps refusait-il de bouger ? L’élémentaire se fit violence et parvint enfin à avancer. Quelques secondes de marche à peine suffirent à atteindre son dernier cauchemar. Entre quelques arbres se trouvait l’emplacement où Kreth était revenu à Gaïa et à la mer qui l’avait créée. Debout face à ce qui n’était que de l’herbe, la Gogyou perdit toute couleur et ses lèvres se mirent à murmurer des paroles inaudibles. Son regard se fit absent et brumeux, et ses yeux devinrent humides. Finalement, la jeune fille tomba à genoux et commença à gémir, puis à sangloter avant de s’effondrer en larmes. Pour la première fois depuis 12 ans, Ether pleura à en avoir mal, évacuant tout le désespoir que son corps avait accumulé et contenu durant tout ce temps. Elle qui n’avait jamais cessé de sourire, qui avait imité une part de la personnalité de chacun de ses aînés pour continuer à les faire vivre, comprenait enfin qu’ils ne reviendraient jamais. Jusqu’ici, elle n’avait fait que vivre dans le déni, s’imaginant qu’ils vivaient encore à travers le flot des rivières, dans le souffle du vent et les flammes d’un feu de camp… Mais non, tout n’était que mensonges. Ils étaient morts. Seulement morts. Ses sanglots se transformèrent finalement en un long hurlement de désespoir, et la nomade se laissa tomber sur le flanc pour se recroqueviller sur elle-même.
La nuit commençait à tomber. Klütz, sa monture bipède moche, vint donc la rejoindre et se coucha autour d’elle avant de s’endormir. La Gogyou, épuisée par ses pleurs, vint se lover contre la bête et se laissa aller à un sommeil réparateur. La sensation des yeux humides et gonflés, ainsi que les joues brûlantes lui étaient inconnus. Toutes ces émotions qui l’envahissaient étaient si étranges, si douloureuses… Elle ne voulait plus revivre ça. Demain serait un nouveau jour et elle oubliera tout ce qu’elle avait vu aujourd’hui. Elle n’était pas prête à accepter la vérité et pas assez forte pour l’assimiler. Pourquoi les humains étaient-ils dotés d’un cœur ? En quoi était-ce utile d’imiter cet organe qu’ils possédaient si c’était pour souffrir de la sorte ? Elle s’endormit sur ces dernières pensées.

Le sommeil de la Gogyou se révélait très agité.
Des images défilaient devant ses yeux, son cerveau se servant de celle-ci pour ranimer de vieux souvenirs. De l’eau, du feu, du sang et des larmes… Le tout ponctué par des gerbes d’éclairs et des tremblements de terre. Elle se retourna, souvent, donnant parfois des coups sur la pauvre bête qui lui servait de coussin. Des hurlements la firent se recroqueviller sur elle-même, avant de finalement s’accrocher à sa monture. Le reste de sa sieste se passa plus ou moins sans encombre. A mesure que les minutes passaient, Ether oubliait lentement ce qu’elle avait ressenti en venant ici, enclenchant ainsi sa fameuse protection préférée que soit le déni, jusqu’à ce que finalement, des sons parviennent à ses oreilles. Mh …? Quoi, y’avait quelqu’un ? Oh punaise, y’avait quelqu’un ! Comment avait-elle pu s’endormir en territoire dangereux aussi facilement ! Décidément, sa méfiance s’érodait avec le temps, c’était mauvais, très mauvais. Que faire ? Ne pas paniquer déjà. Douuucement… Voilà. Ouvrir les yeux comme si tout allait bien, tu n’es qu’une voyageuse égarée. Perdue ? Oui totalement tiens, ça c’est bien. La blonde ouvrit lentement les yeux pour découvrir cet interlocut…rice ?

La nomade détailla rapidement l’inconnue ; tranche d’âge similaire, cheveux et regard bleus, pas particulièrement athlétique, probablement attirante selon les goûts humains. A bien l’observer, elle ne dégageait aucun potentiel danger et ne semblait pas agressive, bien au contraire. La prudence était pourtant de mise. Ether cligna plusieurs fois des yeux en la regardant, puis regarda autour d’elle. Pourquoi était-elle ici déjà ? La jeune femme se souvenait vaguement de la veille, sa « protection » mentale faisant effet. Tout ce dont la blonde parvenait à récupérer était le fait qu’elle était dans le coin pour une reconnaissance. Ouais ! Voir si le trajet serait moins cher en partant du sud du pays du feu pour Mizu, et surtout, sécurisé pour sa tribu. C’est ça ! D’un bond, l’élémentaire se mit sur ses pieds et salua l’étrangère ; elle lui prit la main et la secoua avec force, un grand sourire sur les lèvres. Jusqu’ici, personne ne s’était plaint, alors elle continuait. Après l’avoir bien remuée, la blonde finit par répondre avec un débit de paroles toujours aussi rapide.

« Bonjouuuuur ! T’es qui, tu viens d’où, t’habites ici ? », elle tenait encore la main mais sans la secouer, « Oui et non. J’sais pas. J’devais aller vers l’sud et j’crois qu’j’me suis trompée. »

Après l’avoir regardé sans rien dire pendant quelques secondes, Ether lâcha la main de la jeune fille et se dirigea vers sa monture. Elle la fit se lever et réajusta la selle. Une fois assurée que tout était en place, la nomade ouvrit un des sacs sur les flancs de Klütz (la bête moche), fouilla quelques secondes puis récupéra un paquet en toile, avant de finalement revenir vers l’inconnue pour se planter devant elle en souriant toujours de cet air naïf.

« T’es… d’Konoha ? », l’idée d’être tombée sur une konohajin ne la rassurait pas franchement, mais elle n’en montra aucun signe, « T’sais s’ils font d’bons gnocchis ? Tu connais un p’tit village qui fait des gnocchis ? », encore un sourire, puis elle lui tendit son sachet, « T’en veux ? C’ma mère qu’a fait ça ! Fruits séchés avec d’la poudre d’insecte. C’trop bon ! Tiens ! »

Avec un peu de chance, c’était juste une villageoise très très sympa qui voudra bien jouer au Uno avec elle. Ouais ! … Sinon, faudra courir.

Akizakura Misao...
Le nom de clan lui disait vaguement quelque chose.
Ah, si Panthos l'entendait, la jeune fille se retrouverait punie pour ne pas avoir révisé ses leçons. La konohajin était la fille du cheffe, rien que ça ! Alors qu'Ether observait son interlocutrice avec curiosité, la mention du mot « plante » lui éclaira la lanterne. Mais oui, ils excellaient dans cette maîtrise, connaissant leur moindre effet, leur utilité et tout ce qui s'approchait de près ou de loin à de la verdure. Pas étonnant qu'ils vivent ici ! Lorsque la-dite Misao lui proposa de lui faire goûter à des spécialités de chez elle, la nomade eut un élan de joie avant d'être prise d'un doute. Elle ne vivait pas à Konoha tout de même, hein ? Parce qu'il était hors de question de mettre les pieds dans cette cité ! Fort heureusement, la bleue disait vivre dans un petit village du nom de Kukanai, non loin de leur position. Une fois rassurée, la Gogyou laissa éclater sa joie.

« Owiiiii ! J'veux bien goûter des trucs d'chez toi !
Mais par contre, ça... », elle désigna les fruits séchés, « … C'pas des gnocchis. Les gnocchis, c'est à base d'une pâte et ça s'cuisine à toutes les sauces ! »

La konohajin demanda si c'était bon, ce à quoi Ether répondit en acquiesçant vivement de la tête. Bien sûr qu'c'était bon, c'était sa maman qui les avait faits ! Cependant, la jeune femme hésitait à avaler la gourmandise que lui avait offerte l'élémentaire, et proposa de conclure un marché ; elle goûtait son présent et en retour, la blonde devrait faire de même. Sans hésiter, la Gogyou accepta. Manger de nouvelles choses ? Ouiiiii !

« Boum ! C'est fait, et pour l'dessert, on s'la serre ! », une manière de dire d'accord.

Les yeux grands ouverts, Ether observait Misao grignoter le fruit séché aux insectes.
Une fois l'objet avalé, la nomade sourit, ravie de voir qu'elle s'était exécutée. Puis soudainement, l'Akizakura lui rappela qu'elle ne s'était même pas présentée. Ah bon ? Oh zut ! Il fallait réparer cette erreur au plus vite.

« Ether, moi c'est Ether ! »

D'un geste, elle fut invitée à suivre la citoyenne du pays du feu.
L'élémentaire hésita quelques secondes, puis s'exécuta joyeusement. La konohajin était grande, bien plus grande qu'elle, c'était marrant !

« C'est gentil d'm'accueillir ! Je n'vous embêterai pas longtemps, vous inquiétez pas. »

Durant le peu de temps que dura le trajet, Ether continua à poser des questions, toujours avec un grand enthousiasme.

« T'as toujours vécu dans c'village ? Et... », elle marqua une pause, puis oublia de finir sa phrase.

La jeune femme se remémora le passé. Si 12 ans auparavant, ils s'étaient cachés dans ce village, ses aînés décédés auraient-ils survécu ? La situation avait-elle réellement changée au sein de Ki no Kuni ? Ou tout du moins, suffisamment pour que son clan puisse le traverser sans danger.

« Hé, tu saurais si au Sud, tout s'passe bien ? Pas d'brigands, de problèmes, tout ça... ? Parce que c'est par là qu'j'dois aller, et j'préfèrerais que tout s'passe bien ! », elle se mit à rire.

Rester ne semblait pas déranger plus que ça la konohajin.
Ensuite, la jeune fille répondit qu'elle était née et avait grandi au sein de Kukanai, avant de se rendre à Konoha pour suivre des cours à l'académie. Ah oui, l'académie, un endroit où elle ne mettrait sans doute jamais les pieds. Ether se demandait comment c'était ; enfermés dans des boîtes, les apprentis ninjas apprenaient les bases. Ou peut-être que ça ne se déroulait pas ainsi ? Au fond, elle aimerait bien y faire un tour, histoire de découvrir de nouvelles choses. L'élémentaire n'avait suivi que les leçons de l'Ancien et de Panthos. Quant à son père, celui-ci lui avait appris les rudiments du combat. Le reste, elle l'avait appris au fur et à mesure. Misao rajouta que normalement, il n'y avait jamais de bandits. La blonde se mit à réfléchir. Il y a douze ans, ceux qui les avaient pourchassés et avaient tués ses aînés, était-il possible que ce soit des ninjas de Konoha ? Bien sûr qu'elle émettait des doutes, mais dans ses souvenirs, la nomade était persuadée d'avoir aperçu des bandeaux sur leurs poursuivants. Dans l'ensemble, sa camarade tenait à la rassurer. Bon, de toute manière, ce n'était pas comme si c'était certain qu'ils se rendaient à Kiri. Le sujet était encore en discussion.
A mesure qu'elles marchaient, des constructions apparaissaient à l'horizon. Génial, elles arrivaient ! Enfin devant les portes du village, Ether se mit à jeter des regards frénétiques tout autour d'elle. Oh, c'était joli ! Et il y avait des gens partout ! La demoiselle se mit à trépigner sur place, observant avec curiosité tout ce qui entrait dans son champ de vision. C'était fleuri de partout, ça changeait radicalement de son désert ! L'élémentaire fut coupée dans son émerveillement par la Akizakura, lui demandant la raison de sa venue au pays du feu, ainsi que son lieu d'origine. S'arrachant à contrecoeur de son admiration, Ether lui répondit de la manière la plus détachée possible.

« Ma bête, Klütz... », elle désigna la créature bipède moche qui marchait dans son dos, « … s'est emballée, donc j'ai attendu qu'elle se calme. » , bien sûr, tout était faux, « J'dois aller au Port le plus au Sud pour voir si c'est plus rentable d'prendre un navire d'en bas. Une tribu entière, ça coûte cher à embarquer ! », ça non en revanche, « J'viens d'Kaze ! Ça doit s'voir à mes vêtements qu'on m'dit toujours. », ele sourit joyeusement et reprit sa traque visuelle.

La Gogyou suivit Misao sans cesser de regarder tout autour d'elle.
La konohajin l'emmena dans une grande maison en bois. A côté de celle-ci se trouvait une sphère de verre. Qu'était-ce ? Fascinée, la jeune femme ne la quitta plus des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse de son champ de vision. Woaaah ! C'était grand ici ! Oh, des plantes, pleins de plantes ! Ah bah, ils aimaient les feuilles ici. Dans le désert, rare était la flore verdoyante, ce qui expliquait qu'elle découvrait tout un tas d'espèces inconnues. La blonde fut menée jusqu'à une femme ressemblant à la Akizakura. Celle-ci s'avéra être la mère de cette dernière. Dès qu'elle la salua, Ether fit de même. Elle claqua son poing contre la paume de sa main, et s'inclina respectueusement.

« Enchantée madame ! »

L'élémentaire tenta de connaître la nature de l'objet sur quoi la maman était assise mais ne comprit pas. En revanche, ce que la demoiselle remarqua, c'était la relation très distante entre Misao et sa génitrice. Enfin, distante, peut-être pas, mais aucune effusion quelconque, rien. Etrange. Peut-être des coutumes de chez eux... Elle fut à nouveau coupée dans son examen du fauteuil et emmenée dans l'espace transparent qu'elle avait vu de l'extérieur. Dans une pièce, pleins de bocaux se trouvaient, tous remplis par des feuilles et fleurs différentes. Intéressant dis donc ! La Gogyou n'eut guère le temps de parfaire son analyse, étant déjà emmenée ailleurs. Misao lui demanda si elle souhaitait voir leur « fierté », et en même qu'elle acquiesçait frénétiquement de la tête, la fille aux cheveux bleus la conduisit au sein de la serre. Lorsqu'elles arrivèrent à l'intérieur de celle-ci, la nomade s'extasia. Woh. C'était impressionnant ! Les yeux écarquillés, Ether tourna sur elle-même, la tête en l'air. Toutes ces plantes réunies au même endroit... Jamais elle n'avait vu autant de verdure en un seul espace, à part dans une forêt bien sûr.

« Woaaaah ! Mais vous faites quoi avec autant d'plantes ? Vous les mangez, faites des cataplasmes ? Pleins d'trucs ! Et cette lumière... »

La Akizakura se mit à marcher sur du bois, et la nomade l'imita. Puis son hôte lui fit remarquer qu'elle pouvait visiter, mais en prenant bien soin de ne pas quitter les chemins de bois. Ether ne se fit pas prier. Une joie immense vint éclairer son visage.

« Oh génial, merci ! »

Et elle se mit à courir de partout, ne dépassant jamais les limites imposés par les différents chemins. La demoiselle sautait ici et là, le tout avec une grande légèreté. Sa curiosité grandissait à mesure qu'elle découvrait des espèces jamais aperçues jusqu'alors. Au cours de ses voyages, sa tribu avait récolté de quoi servir à des concoctions, de quoi soulager les peines et tout ce qui était susceptible d'être une quelconque aide. Mais Ether n'avait jamais réussi à retenir un seul nom de plante, elle parvenait seulement à se souvenir de la tête de celle-ci et vaguement de son utilité. Rien de plus. C'est pourquoi la blonde questionnait sans s'arrêter.

« C'est quoi ? Et ça ? Puis ça ? OH, et ça aussi ! Ça s'mange ? Mh, c'pas joli ça, ça doit gratter. Tout ça pousse ici ? T'arrives à t'souvenir de toutes ? Mmmh, ça sent bon celle-là ? … Beuh, pas celle-là. C'est joli en tout cas, t'as d'la chance ! Tu pourrais m'apprendre quelques trucs ? »

Ether lui sourit joyeusement. Pour changer vous me direz !

La verdure...
Non pas qu'elle n'était pas habituée à voir autant de vert, mais cela faisait plus d'une dizaine d'années qu'elle vivait à présent à Kaze. Et je peux vous dire que dans un désert, ça pousse pas franchement des masses ! Cette serre était splendide, cela valait sans dire ! Misao devait être si fière de ce qui l'entourait au quotidien. Et puis, connaître toutes ces plantes, quel talent ! Cette dernière répondit plus ou moins à ses incessantes questions ; c'était une collection qui leur avait pris des décennies à construire. Ether était impressionnée. C'était un peu ce que faisait un des membres de sa tribu qui récoltait un peu de terre ou de sable de chaque contrée traversée ! La Akizakura rajouta que son clan connaissait chacune d'entre elle, que ce soit le nom ou son utilité. Woaaah ! La nomade ne connaissait par cœur que les légendes de sa communauté, pas les plantes. Sa camarade lui apprit que son nom de famille signifiait « cosmos », une variété de fleur qui s'avérait être sa préférée. Cosmos ? C'était quoi le cosmos, quelle couleur, quelle odeur ? Rappelle la nuit et les astres ? La Gogyou écouta attentivement l'opinion que la konohajin avait de cette fleur et se mit à sourire d'autant plus.

« J'vois pas à quoi elle ressemb', mais elle doit être très jolie vu comment t'en parles ! »

L'élémentaire fut ravie d'entendre que Misao était prête à lui apprendre quelques trucs.
Oh oui, apprendre, découvrir ! Doucement, elle l'amena dans un coin rempli de fleurs de différentes couleurs, mais où le violet restait néanmoins maître. Hé c'était pas moche comme plante ça ! Une jaune orangée ou bleutée aurait été plus jolie, mais elle était pas trop mal. La binoclarde coupa une fleur, ce qui eut pour conséquence d'arracher un petit cri à la nomade, attristée de savoir que celle-ci finirait par se flétrir. Oh, quel dommage... Mais c'est ainsi que la blonde découvrit ce qu'était un Cosmos. Légèrement ennuyée par la brutale fin de vie de la chose, cela n'empêcha pas Ether d'observer avec curiosité l'objet qu'on lui présentait. Fascinée, elle toucha du bout des doigts un pétale qui vibra doucement. Hi hi !

« Une Bibinut... Bapinatus... Bip... Cosmos, c'est bien aussi ! », finit-elle par articuler avec difficulté, avant de rire.

Ses yeux s'écarquillèrent de surprise lorsque Misao lui tendit la fleur coupée en guise d'offrande. Pour moi ? … La nomade hésita à accepter le cadeau, peu habituée à en recevoir, mais finit par la prendre. Bien qu'elle aurait nettement préféré que son « précieux » vive encore de longs jours d'été, la demoiselle regarda avec compassion et reconnaissance la plante colorée. Après quelques secondes d'intérêt, Ether finit par accrocher celle-ci dans ses cheveux au-dessus d'une oreille. Lorsqu'elle sécherait, elle la bloquerait dans son carnet rouge de gnocchis pour ne pas la perdre ! Avec gratitude, la Gogyou s'inclina en claquant son point dans sa paume opposée.

« Je n'oublierais pas ce présent. J'accompagnerais son esprit jusqu'à c'qu'il rejoigne Gaïa ! »

Après tout, ce Cosmos était vivant au même titre que les êtres possédant un cœur.
Quitte à ce qu'il soit fauchée dans sa courte vie, autant qu'il ne soit pas seul sur le chemin, car il n'y a rien de plus triste que de mourir loin de ses amis. Misao continua ensuite à faire la visite à l'élémentaire jusqu'à la conduire à une magnifique fleur turquoise. Celle-ci arracha un immense sourire de la part de la nomade, émerveillée de voir une si jolie chose ! Puis la konohajin lui apprit qu'elle était comestible, ce qui ne l'étonna guère. Sa tribu se nourrissait bien aussi d'insectes hein ! Un pétale dans sa main, Ether l'observa avec curiosité. Elle le renifla d'abord, le retourna plusieurs fois et lui donna un coup de langue par précaution. Le goût sucré la fit grimacer légèrement et attisa sa méfiance. La blonde ne mangeait que très peu de choses sucrés, hormis les fruits, et le goût ne lui revenait pas. Voyant que la Akizakura l'avait avalé sans hésitation, la nomade en conclut que ce n'était en rien du poison, et finit par le grignoter tout en observant Misao. Ne sachant pas ce que cette dernière voulait désigner en utilisant le mot « sucre », elle se contenta de terminer de le mâcher puis d'avaler. Ce n'était en soi pas mauvais, mais peu habituel.

« C'bizarre, mais c'pas mauvais ! »

Elle lui sourit joyeusement comme toujours. Le temps passa relativement vite par la suite, et la jeune femme, bien que toujours euphorique au quotidien, eut la sensation de l'être davantage sans aucune raison valable. Hi hi... C'est quoi ça ? Oh, et ça ? Marrant, ce truc ne ressemblait à rien de connu ; un corps ovale, des oreilles en cactus et une queue de serpent à sonnettes. Et ça chantait comme un rossignol ! Allez, je l'adopte ! Mais lorsqu'elle regarda Misao, un petit rire s'échappa d'entre ses lèvres.

« Hé hé, c'est... C'marrant, on dirait qu't'as des fleurs à la place des z'yeux et... », elle regarda ses mains bandées et s'exclama en riant, « HE, r'garde ! », ses bandelettes aux mains glissèrent doucement, comme si elles prenaient vie et elle eut l'impression de voir des formes animales changeantes, « Mh... Un scorpion ! J'en mangerais bien un tiens... AH non ! Un lézard, non, un, un... Hi hi hi ! »

Et elle se mit à rire de manière incontrôlée.
En vérité, ses bandelettes s'étaient bien détachées car sous le coup de l'émotion, ses mains enveloppées dans les bandes s'étaient évaporées. Généralement, l'air contenu dans son corps conservait au moins la forme de ses membres, mais là, ne contrôlant pas grand chose, pouf ! Ce que la Gogyou ne remarquait pas encore, trop occupée à jouer aux bandelettes chinoises.

Ether hallucinait totalement.
N’ayant jamais goûté à ce genre de substances hallucinogènes, ni même à aucune autre forme de drogue douce ou non d’ailleurs, la jeune femme expérimentait pour la toute première fois ce type de sensation. Son corps, même venteux, n’était pas habitué à ce genre de choses, ce faisant, il avait du mal à digérer l’objet étranger. Tout comme l’alcool, il était évident que la Gogyou ne le supportait pas et n’y avait développé aucune résistance, alors peut-être que les effets s’avéraient plus violents dans son cas. La mixture devait se mélanger à son vent interne et rester en perpétuel mouvement, ravitaillant son cerveau en images étranges. Peut-être ! Misao se mit soudainement à hurler au dinosaure et prit les jambes à son cou. Woooah, jamais vu quelqu’un courir aussi vite et laisser des pétales de fleurs sur son chemin. Moi aussi je veux faire des pétales ! PLEIIIIIN de pétales ! Tout partout ! En réponse au cri de la fille, la blonde cria aussi mais de joie, juste pour imiter sa collègue. Puis elle sauta sur ses deux pieds et courut en cercle sur place, tout en balançant ses bras au-dessus de sa tête.

« DINOSÔÔÔÔÔRE ! »

Rêvait-elle, dormait-elle ou est-ce que toutes ces visions étaient des prédictions ?
La Akizakura était-elle porteuse de message de l’au-delà ? Prêtresse des Anciens Dieux ? Ou peut-être qu’elle communiquait avec le monde spirituel ! D’un air le plus sérieux au monde, la Gogyou planta son regard dans celui de son hôte.

« T’es une Oracle de l’Ancien Temps ? … Quel avenir pour l’monde ? »

Avant d’éclater de rire.
Sorcière… Naaaan, elle ne pouvait pas être une sorcière ! Mais n’empêche, toutes ces décoctions de plantes, cette facilité à les reconnaître et à connaître leurs effets, c’était peut-être de la magie ! Jusqu’à ce que Misao lui demande comment elle trouvait ce qu’elle vivait. C’est-à-dire ? Elle l’observa d’un air interrogateur, malgré ses tics du sourire.

« C’pas d’la magie ? C’des visions alors ! Le monde des esprits ? C’est ça ! Avec c’te plante, on peut communiquer avec les esprits ! … P’têtre que c’lui là aux dents pointues connaît des histoires oubliées. HE TOI, RACONT’MOI UNE HISTOÂÂÂÂR !!! »

Alors qu’elle s’apprêtait à courir après une créature imaginaire, elle fut stoppée net par une demande de sa camarade aux cheveux colorés. Pas de mains, comment ça ? Ether baissa les yeux et, malgré le flou de ses yeux, parvint à discerner ses bandelettes en mouvement. Oh tiens, y’a plus rien ? Au lieu de paniquer intérieurement comme à l’accoutumée, la nomade se mit de nouveau à rire de manière incontrôlée. Elle se laissa tomber sur son derrière et se mit à jouer avec ses bandelettes, ramenant celles-ci ensemble pour qu’elles puissent reformer des mains en bandes.

« Hi hi, ouaiiiiis, j’ai pas d’mains ! J’fais d’la magie moi aussi ! R’garde… »

La langue dehors, elle se concentra pour faire des formes animales avec ses bouts de tissu et donna ainsi naissance à une sorte de chameau. Fière de sa bêtise, elle montra son œuvre.

« TADAAAAA ! Un sssamôôôô ! Il est bô heiiiiin ?! »

Puis elle ramena le tout ensemble pour tout reformer.

« J’suis magicieeeeeeenne ! T’y’a cru hein ? … Beuh, me sens pas bien. Mh, ça sent bon qu’que part tiens ! … MANGER ! »

Ether se leva à nouveau et disparut dans la serre. Enfin, c’est ce qui aurait dû se passer, mais elle n’alla pas bien loin… Quelques secondes à peine après s’être levée, elle s’écrasa de tout son long dans la terre. Le visage bien enfoui, on entendait un rire étouffé par le sol. Bah elle avait l’air maligne tiens !