« Non non ! Mais qu’est-ce que tu branles punaise ? T’es un Kaguya non ? Alors frappe ! … Fait pas le faible ou je te balance par la fenêtre ! »

Ouais, instruire à quelqu’un n’est pas franchement dans mes aptitudes. Bizarre, avec Ether c’était plus facile. Je lui montrais une fois et puis elle s’occupait du reste. Avec lui c’est bien plus long. C’est un des gamins de la nouvelle génération, le petit-fils de la doyenne mais punaise, qu’est-il est chiant ! A peine une décennie dans les pattes et il fait déjà la forte tête, car voyez-vous, monsieur ne veut pas se battre. Il trouve que la violence est l’apanage des lâches, tss tu parles d’un Kaguya …

« Écoutes-moi morveux, j’ai acceptée de te montrer quelques tours mais c’est uniquement parce que ta mamie me l’a réclamée ! » Lui lançai-je en le soulevant de terre par le col. « Mais si t’y met pas du tiens, autant arrêter tout de suite. J’ai autre chose à faire que jouer les baby-sitters ! »

L’effronté osa me tirer la langue, suivit d’un sourire narquois. Tant pis pour lui, il passa par la fenêtre. Marre de ces mioches qui se croient tout permis. Ça va, on est qu’au troisième étage, ce n’est pas non plus une chute vertigineuse … Et puis y a des marchants dans la rue, avec de la chance il tombera sur un truc mou. Un soupire et je descendis à mon tour, par la fenêtre ouaip pour atterrir à côté du gamin sans la moindre difficulté. Bien, il est encore vivant et entier, en fin de compte cette journée n’aura pas été totalement inutile. Il aura au moins apprit à encaisser.

Le soleil finissait lentement de disparaitre derrière l’horizon, les derniers rayons perdaient en intensité de seconde en seconde. Je raccompagnai l’enfant jusqu’à son tuteur, à l’entrée de Hatsu, cette petite ville civile au sud de Kiri semblait totalement hermétique aux problèmes extérieurs. C’est une ville portuaire, comme Shu au sud ouest de l’archipel, mais en un peu plus petite. La population n’était pas non plus immense mais bien suffisant pour être tranquille sans que ça devienne un endroit abandonné. Des étalages un peu partout, le long des longues rues traversantes et des places illuminées. Mmh, c’est l’heure de se manger un truc, qu’est-ce qu’ils vendent par là ? Oh des crêpes ! Ça fait super longtemps !

Quelques minutes plus tard, le temps que la file d’attente arrive jusqu’à moi, que le cuistot fasse son œuvre et que je m’offre généreusement un verre de cidre en plus. Ah punaise c’est tellement bon ! Une au jambon-fromage, l’autre au chocolat. Miam ! Tout compte fait, ce n’est pas si mal la vie de civile. Tu dois certainement avoir tout plein d’autres problèmes que ceux que connaissent les ninjas, mais d’un point de vue extérieur ça semble nettement plus tranquille. Les lampions disposés tous les mètres quasiment éclairaient de part et d’autres des rues tout le paysage et l’architecture des bâtiments. Enfin ils éclairaient surtout les étalages des commerçants, mais bon. Tiens attendez, il se passa quoi là-bas ?
Dans une ruelle sombre à l’écart de la population, des bruits de coup et des hurlements étouffés retentissaient faiblement. Je ne suis quand même pas la seule à entendre ça, si ? Mmh, à voir le regard de certains, eux aussi se doute de ce qui ce passe là-dedans mais tous font comme si de rien n’était. Qu’à cela ne tienne, moi j’y vais !

Spoiler:

Fougueuse et aventurière, ou alors stupide et effrontée ça marche aussi, je m’approchai progressivement de la source. Vous savez, on dit souvent qu’il ne faut pas se mêler des affaires des autres mais là en l’occurrence c’est justement ce qu’il fallait faire. Et pour cause, je tombai sur un couple en pleine partie de reproduction. Quoi que, non en fait il ne fallut qu’une seconde pour prendre en compte plus de détail. Une très jeune fille, dans les dix ans ou un chouïa plus, entièrement nue et un homme bien mature dans son dos qui l’empêche de crier en l’étranglant. Bordel j’assistais à un viol ! Le choc et la surprise me figèrent une courte seconde sur place. Ce délai qui fut suffisant pour voir finalement la gosse mordre les doigts du type au point de les lui arracher, et de se transformer à moitié en animal. Mi-léopard des neiges mi-humaine, voici une Gekei ! Étonnant, j’étais certaine qu’ils avaient tous fuit la queue entre les jambes après la destruction de Kiri ! Il semble que non.
Son opposant, non ravi de perdre une partie de sa main, attrapa un sabre rouge qui trainait par terre et attaqua la demoiselle en brayant à pleins poumons. Elle aussi ne fut pas en reste, toutes griffes dehors et crocs prêt à servir, elle chargeait celui qui venait de l’humilier jusqu’au plus profond d’elle-même.

Action, réaction. Bim, un pic d’os partit comme une flèche pour se planter dans le mur d’en-face, emportant la main du type, et le reste bien entendu, sur son passage. L’homme ainsi crucifié hurla de toutes ses forces en se tenant la main plantée dans le béton. Dans le même temps, j’attrapai la Gekei dans mes bras, en prenant au passage soin de me protéger de ses éventuelles attaques avec une armure. Et je la retins fermement, peu importe qu’elle gigote ou non, je la retenais là, en place.

« Calmes-toi, calmes-toi ! » Lui dis-je malgré son pelage qui me chatouillait le nez. « Arrête, calmes-toi. Il ne va pas s’en aller, il ne pourra pas de toute manière. Du calme. »

Et comme pour illustrer mes mots, je balançai deux autres pics aux pointes acérées, cette fois en direction des genoux du violeur. Ces derniers se firent transpercés de part en part et cela provoqua une nouvelle vague de hurlement.

« Là, du calme. Je vais t’aider mais calmes-toi, d’accord ? »

L’inconvénient des cris, c’est que ça attire les foules et pour le coup, tous ceux qui avaient fait mine de ne rien entendre tout à l’heure accoururent comme des vautours. A votre avis, ils s’imaginent quoi en arrivant ? En voyant un homme au pantalon baissé, aux genoux troués et avec une main plantée dans un mur par un os ; une gamine à moitié léopard et une pré-adulte recouverte d’une armure d’os qui la retient ? Rien de très positif, n’est-ce pas ?

« Arrêtez ce violeur ! » Leur hurlai-je en pointant d’un mouvement de tête le type fixé au mur. « Il a violemment profité de mon amie ! Attrapez-le ! »

Malheureusement, c’était plutôt nous, et moi surtout, qui passions pour les agresseurs. Certains voulurent s’interposer, d’autres s’approchèrent avec l’idée de nous attraper nous. Et ils y arrivèrent, je manquai encore de puissance, de vitesse. Les sangliers et les ours de l’archipel ne font pas d’excellents professeurs en matière de taïjutsu. Et puis ces gens, aussi hypocrites qu’ils sont, il n’est pas conseillé de les affronter non plus.
Nous fûmes séparées et écartées l’une de l’autre, et l’homme eut même droit à des soins.

« Nan mais vous êtes sérieux ?! Bande de con, il a violé une gosse ! » Leur hurlai-je en me débattant.

« Elle ment ! Cette salope nous a attaqués alors que je tenais à offrir ce sabre à ma fille ! » Répliqua le type pendant qu’on le décrochait du mur et l’installait sur un brancard.

« Sale ordure ! C’est à cause de mec comme toi, qui savent pas tenir leur bite que ce monde part à volo ! Rah mais lâchez-moi vous ! »

Tant pis pour les dégâts, je fis comme si tous ces adultes étaient une meute de loup qui attaquait de toute part. Faisant appel au taïjutsu, je pivotai soudainement et violement sur moi-même. Cela eut pour effet de faire chuter à terre tous ceux qui me tenait. Je profitai ainsi du délai pour filer à toute vitesse sur la Gekei, l’attraper par le bras et la tirer de là avant de s’enfuir avec elle dans les ruelles. Je ne lui laissais d’ailleurs pas vraiment le choix, mais si elle ne voulait pas venir, elle n’avait qu’à me faire lâcher prise et repartir dans l’autre sens.
Ça aurait pu être bien de récupérer, il avait l’air de valoir vachement cher mais le timing était trop court.
Au détour d’une rue, je jetai littéralement la gosse dans un bac de paille au quart remplit et suivit juste après en maintenant ma main sur sa bouche. Nous étions cachées, à l’abri des regards mais pas des oreilles. Peu après les adultes passèrent en vitesse devant, sans se douter de notre planque. Il fallut tout de même attendre presqu’une minute, par sécurité :

« Ça va aller ? Où sont tes parents ? » Demandai-je à la fillette, à moitié couchée sur elle. « Ça devrait s’être calmé dehors, on va sortir en silence d’accord ? »

Au lieu de répondre, la jeune fille venait s’agripper à moi et profiter de notre différence de taille pour se blottir entre mes seins. Légèrement gênant comme moment, mais bon elle est en larme et elle a vécue un truc assez traumatisant, donc je n’en fis rien. Surtout que si je réagissais comme à mon habitude, on allait se faire repérer.

« Je suis nue … » Gémit-elle alors.

Je clignai des yeux plusieurs fois avant de la détailler à nouveau du regard. Sans doute que sous sa forme semi-féline et avec toute l’agitation, ça ne m’a pas semblé suffisant pour être notifié. Mais effectivement depuis que le calme était revenu, et que nous étions collée l’une à l’autre, elle était nue comme un vers. Mmh, emmerdant ça et je n’ai pas assez de vêtement sur moi pour lui en passer un bout. Comment faire ? Si elle se trimbale à poil dans la rue, ça va forcement attirer les regards. Et ce, même si elle est encore jeune et qu’elle n’a pas encore beaucoup de forme ! Parfaitement !

« Bouge pas de là, je vais essayer de te trouver quelque chose. »

Sans autre forme de procès, je me glissai hors de la motte de paille après une rapide vérification, et cherchai mentalement les endroits où je pourrais trouver ce dont on avait besoin. Tout en retirant les derniers petits bouts encore coincés dans mes cheveux, je courus jusqu’à un commerçant itinérant et lui demandai s’il savait où je pouvais trouver des vêtements pas cher. Une perte de temps, il se mit dans l’idée de me convaincre de lui acheter ses babioles à la place, crétin. Voyons voir, à cette heure quasiment tout est fermé, c’est le souci. Les minutes passèrent et effectivement, chaque coin, chaque magasin, chaque dépôt était fermé, verrouillé, cadenassé. Tss, oh ? Bah voilà ça ce sera parfait. Quelqu’un faisait sécher son linge sur son balcon. Une rapide séance d’escalade, et tout en discrétion je récupérai un poncho quasiment sec, puis disparue.
Vite vite, faudrait pas qu’elle se fasse avoir pendant mon absence. Pourquoi aider une inconnue alors qu’elle était maintenant cachée, vous allez sans doute me dire ? Parce que simplement dégueulasse de se comporter ainsi ! C’est dégueulasse que des adultes normalement responsables cherchent encore à abuser de fillette sans défense ! Pas besoin de raison supplémentaire.
Oh mince, y a les recherches qui se rapprochent. Faut croire qu’ils ne sont pas tous stupide, l’un d’eux émit l’hypothèse que nous soyons cachées sous les tas de paille. Je me glissai derrière les deux hommes les plus proches de notre planque et les assommai violemment avant de les camoufler eux aussi sous les mottes, et m’accroupir devant la Gekei dissimulée.

« Hey miss, c’est moi. Tu peux ressortir, y a personne mais ça se rapproche. On doit bouger de là. Je t’ai trouvée un truc à mettre, en attendant d’avoir mieux. Grouille. »

Je jetais en même temps plusieurs regards aux alentours, les oreilles aux aguets, essayant d’évaluer combien de temps il nous restait.

Spoiler:

Étrangement pourtant ce ne fut pas une humaine, ou un mix entre un léopard blanc et un être humain qui sortit de là, mais le félin au complet. Oh, c’est mine de rien surprenant comme pouvoir héréditaire. Je la vis ensuite reprendre sa forme "normale" et enfiler le vêtement en me remerciant. J’haussai les épaules pour lui faire comprendre que ce n’était rien, il y avait plus pressé, on devait disparaitre avant que quelqu’un n’arrive.
Un doigt sur les lèvres, je lui intimai l’ordre de se taire puis de me suivre. Voyons voir un peu ses capacités, tant qu’à faire. Elle est certes encore jeune mais même à son âge j’étais capable de faire plein de trucs alors ce n’est pas une raison valable pour la ménager.

Hop, quelques sauts et de l’escalade, pour arriver au sommet de la plus proche maison. Un pied sur le chapeau de la cheminée, j’observais en contrebas les adultes continuer les recherches et un par un abandonner. Parfait. Que ce soit par flemme, par résignation ou par maturité, c’était ce qu’il y avait de mieux pour nous.
Je tournai les yeux vers la Gekei, la dévisageant un moment avant de prendre la parole :

« Comment tu t’appelles ? Moi c’est Milly. J’aimerais savoir ce que tu fais dehors a ton âge, a cette heure et surtout qu’est-ce qui s’est passé dans cette ruelle avant que je n’arrive. »

C’était peut-être un peu trop autoritaire, mais il était évident que cette fillette avait besoin de quelqu’un en ce moment. Le souci c’est que je n’ai ni la patience ni l’envie de servir de nounou.

« Ils sont où tes parents ? Parce que j’ai encore pas mal de chose à faire, donc je peux t’accompagner jusqu’à eux et je reprends ma route …

- Descendez de là les mioches ! » Hurla soudainement une voix en contrebas.

« Tss, bon suis-moi déjà. »

S’en suivit une rapide course sur les toits de la ville, je jetai par moment des coups d’œil en arrière pour vérifier que la fillette suivait, puis je m’engouffrai dans une fenêtre encore ouverte. A l’intérieur c’était une pièce sombre, un peu comme un grenier, et surtout vide de tout individu. Problème, le mec avait dû nous voir entrer là, il faudra donc s’en occuper d’ici peu. En attendant, je croisai les bras, assise en tailleur sur le plancher. Le mieux serait de neutraliser le type et de l’emmener aux autorités. C’est un civil, il doit être jugé par des civils, pas par des ninjas.