Tu as beaucoup de choses à faire dernièrement et la première d'entre elles consiste à apprendre à manier les armes shinobis. Cela ne te plaît guerre, car manier des engins pouvant causer la mort est un peu contraire à ta personnalité. Pour tout dire, tu as même peur d'utiliser ces engins. Cela te glace le sang et te paralyse plus que de raison. Ton père t'a pourtant convaincu de le faire et pour faciliter la chose, il t'a remis un arc de sa conception. Une pièce magnifique sertit de divers engins qui pourraient atteindre n'importe quelle cible à condition que l'on sache s'en servir. Maintenant, il ne te reste qu'à te rendre au lieu le plus adéquat pour t'exercer à cela et ce n'est autre que le centre de recherche et d'entraînement des Saibogu qui est tout destiné à cela.

Tu te sens un peu perdue, mais tu l'as écouté malgré tout et c'est ainsi que tu t'es rendu, comme à ton habitude le plus discrètement possible au Kenkyuujo. De nuit pour éviter que tu ne rencontres qui que se soit, mais surtout pour avoir la salle pour toi toute seule. Tu ne te sens pas encore de te ridiculiser devant l'ensemble des membres de ton clan et surtout, tu as besoin de concentration, chose qu'il te sera impossible d'obtenir si tu te sens observé.

Tu traverses une nouvelle fois les rues désertes et tu pousses alors la porte vitrée du bâtiment avant de regarder le plan pour te rendre à l'étage ou se trouve la fameuse salle de tir.

Pousser la porte est une véritable épreuve pour toi, mais tu constates rapidement avec satisfaction qu'elle est vide ce qui te permet de laisser échapper un sourire et un bref cri d'excitation alors que tu poses rapidement l'ensemble de tes affaires au sol pour observer les lieux immaculés et spacieux.

Tes yeux regardent dans tous les sens jusqu'à se poser sur les cibles tout au fond de cette dernière à une distance assez impressionnante.
Il est temps pour toi de te lancer et tu t'équipes d'une paire de gants avant de prendre en main l'arc et de te placer à une cinquantaine de mètres de distance de la cible. Cela te paraît raisonnable lorsque tu encoches l'une des flèches et que tu tends la corde en visant maladroitement avant de relâcher cette dernière.

Oui en effet ... Tu rates la cible d'une bonne dizaine de mètres. Tu décides donc de te rapprocher, histoire de rendre tes essais un peu plus fructueux. En finalité, tu arrives à une distance de cinq mètres et tu n'arrives toujours pas à encocher une seule flèche dans le cercle en face de toi. À croire que tu n'es vraiment pas fait pour être une shinobi.

Nous approchions passablement de l'heure de minuit. Le long dédale de couloir sinueux que composait le laboratoire Saibogu était pratiquement désert. Les quelques âmes qui vivent se présentaient comme étant les rares gardes chargés de la sécurité et autres scientifiques s'occupant de la maintenance nocturne. Je n'en faisais évidemment pas partie, ayant consacrée ces quatre dernières heures de la nuit à assurer mon travail à la Sécurité du village. Depuis plusieurs mois je vivais avec la lune, loin de l'astre diurne, ce qui compliquait grandement mon travail. On ne me voyait que très peu en publique et pour cause je ne sortais jamais de chez-moi en pleine journée sans que cela ne soit indispensable. La lumière du jour m'était toujours aussi intolérable et les solutions pour remédier à ce mal demeuraient absentes.

Le poids de la fatigue était de plus en plus présent sur mes épaules et se voyait clairement sur mon visage. Le teint blême, les yeux enfoncés dans leur orbite et cernés. Tous ces éléments qui me donnaient une mine encore plus mortuaire qu'un Edo Tensei un lendemain de réveillon. Ce n'était absolument pas sexy, mais je pensais déjà avoir mis au placard une grande partie de ma féminité le jour où des cornes m'étaient poussées au niveau du crâne. Je me grattai machinalement la tête au travers de mon cuir chevelu sans y sentir la moindre aspérité. Au moins avais-je la chance de ne pas les voir apparaître instantanément contrairement au Nara qui, lui, craignait en permanence de les dévoiler à autrui.

Je déambulai dans le couloir depuis maintenant quelques minutes. Ma nuit de travail touchait bientôt à sa fin, mais je ne me sentais ni l'humeur ni le courage de rentrer chez-moi pour m'y enfermer durant les quinze prochaines heures. Ce faisant, je profitai du fait de me trouver au Kenkyuujo pour me rendre au stand de tir. Des mois s'étaient écoulés depuis ma dernière visite et l'envie de me défouler commençait sérieusement à me démanger ce qui se traduisait surtout par le désire de me vider l'esprit en même temps que le chargeur de mon arme à mesure que les cibles finiraient criblées de balles. Avec un peu de chance, peut-être, que cela me rappelait l’époque de mon insouciance passée où je me contentai naïvement de vaquer à mes occupations personnelles sans réelle but dans la vie. Ainsi empruntais-je l’ascenseur menant au deuxième sous-sol. Je m’arrêtai un instant dans une salle de pause pour me servir un café avant de reprendre ma route, gobelet en main. Sans être entrée dans la salle je pus déjà sentir la présence d’une personne à l’intérieur. Je me demandai quel autre noctambule pouvait bien s’entraîner à une heure aussi tardive. A la vue de sa réserve de chakra j’estimai qu’il s’agissait certainement d’un novice ou d’une personne de faible niveau.

Aussi ne fus-je guère étonnée d’apercevoir une jeune femme une fois à l’intérieur. Elle s’entraînait avec un arc ? Je haussai un sourcil circonspect. Ce n’était pas le genre d’arme que l’on avait l’habitude de trouver parmi les Shinobi du désert. Moi-même en tant que Saibogu je n’en voyais pas vraiment l’intérêt. Néanmoins ma curiosité naturelle m’incita à profiter du fait qu’elle ne m’avait pas encore remarquée pour voir ce qu’elle faisait. Sirotant avec nonchalance mon café, j’observai en même temps la scène, m’attendant à la voir décocher sa flèche dans le mille, mais cela n’arriva jamais. Je la vis ensuite, non sans une pointe d’amusement, diminuer progressivement la distance entre elle et son objectif jusqu’à ce que cette dernière soit quasiment nulle et parvenir tout de même à la mettre à côté. Entre deux tentatives je m'étais discrètement approchée d'elle. La flèche fila juste sous mes yeux à l'instant où je prenais une nouvelle gorgée de café.

-Vous semblez nouvelle. Est-ce pour cette raison que vous vous présentez si tardivement pour vous entraîner ?

Mon regard glissa de bas en haut sur ses courbes. Des cheveux blancs avec une légère teinte sablée, une peau pâle totalement incompatible avec le désert. Un air passablement maussade pendu au visage. Elle me rappelait en quelque sorte moi plusieurs année en arrière, lors de mes débuts en tant que Kunoichi. Je me serais certainement davantage étonnée de cette comparaison si une partie de mes facultés cognitive n'étaient pas, en ce moment même, sauvagement fouettée par la fatigue. En désespoir de cause je finissais ma boisson dans le but de la chasser.

-Dites-moi. Êtes-vous certaine de vouloir utiliser ce truc ? Dis-je calmement tout en pointant l'arme archaïque du doigt. Vous êtes une Saibogu n'est-ce pas ? Pourquoi ne pas plutôt utiliser ceci ?

Tout en parlant j'avais pris le temps de dégainer mon pistolet afin de le faire tournoyer dans ma main. C'était quand même plus pratique. Plus de portée, plus de vitesse, plus de précision, plus de tout en somme. Nous possédions toute la technologie du monde alors pourquoi s'embêter avec ce genre d'outil datant d'un autre âge ? Ce faisant je continuai de faire danser mon arme entre mes doigts tout en voulant reprendre une énième gorgée de café avant de me rappeler que mon gobelet était vide. Je fis tout de même semblant de boire son contenu invisible pour ne pas avoir l'air sotte.

-Ho ! Excusez-moi. Que fais-je de mes bonnes manières ? Je suis Aozora S. Oniri, enchantée de faire votre connaissance.

Je rangeai docilement mon pistolet dans son holster afin de lui tendre la main. La salle autour de nous était des plus vastes. Il y régnait une ambiance aseptisée avec ses murs immaculés, l'absence de fenêtre et les néons éclairants la salle d'une lumière blanchâtre. Les murs étaient figés dans un silence sourd qui ne faisait qu'alourdir l’atmosphère. On se serait presque cru dans une morgue. Les lieux étaient divisés en deux parties, une dédier aux tireurs avec tout le matériel dédié. A savoir quelque plan de travail, des casiers, et surtout le long comptoirs faisant la séparation avec la zone de tir segmenté par des panneaux faisant office de séparations entre chaque allées. Ces dernières se terminaient par des cibles en tout genre. Certaine faite de paille, d'autre de papier, voir de caoutchouc. Tout dépendait de l'arme utilisée.

-Vous savez que vous ne devriez pas être ici. Normalement la distance minimal se trouve de l'autre côté du comptoir. Et puis ce n'est certainement pas en vous rapprochant de la sorte que vous y arriveriez. Là n'est pas le sujet. Ce n'est pas de votre précision, mais de votre façon de faire que vient le problème. Je l'invitai alors à me suivre jusqu'à ce que nous retrouvions derrière le comptoir. Pour tout vous avouer je n'en sais pas davantage que vous sur le maniement de l'arc. Êtes-vous sur de vouloir persévérer dans cette voix ?

Le ton de ma voix n'était pas particulièrement insistant. Je ne voulais la forcer en rien, cependant je lui laissai clairement comprendre mon point de vu. A savoir que ce type d'arme était totalement dépassé et qu'elle aurait meilleur d'entreprendre une carrière de pistolero.

Tu commençais presque à perdre patience. Aucune des flèches que tu avais encoché n'avaient ne serait-ce qu'effleurer la cible en face de toi. À cet instant-là, tu remerciais les cieux d'être toute seule ici pour éviter de te ridiculiser une nouvelle fois devant l'assistance. Cela faisait beaucoup en plusieurs jours. Tu devais essayer de te montrer forte alors tu saisis une nouvelle flèche dans ton carquois et une nouvelle fois, tu bandes l'arc, mais rien à faire. La flèche ripe contre le mur du fond et alors tu entends subtilement le bruit d'un morceau de plastique. Tu te retournes rapidement dans un sursaut de frayeur alors qu'une jeune femme te regarde.
Elle a les mêmes cheveux bond clair que toi, mais les siens semblent ternes en comparaison aux tiens qui sont soyeux. Son teint lui aussi est très pâle, comme si elle était malade. Ce n'est peut-être pas grand chose, mais tu remarques immédiatement ce genre de détails en oubliant presque l'espace d'un instant que cette dernière vient de te surprendre dans une situation des plus gênantes. Ta timidité reprend le dessus et tu te couvres d'une douce lueur rosée alors qu'elle te demande seulement, la raison de ta présence ici.
Que fais tu ici déjà ? Ah oui, tu t'entraînes pour essayer de progresser et de ne pas paraître ridicule une fois de plus. Difficile d'avouer ça à une parfaite inconnue et tu te contentes d'une simple petite élocution timide en réponse à sa question :

"Non ... non ce n'est pas ça ..."

Il n'est pas vraiment difficile de voir combien tu en as besoin, pourtant, alors que tu te retournes dans l'espoir qu'elle te laissera tranquille et que tu pourras continuer à tirer sur la cible en face de toi sans pour autant sentir une présence dans ton dos. Tu fermes les yeux et tu attends en respirant le plus calmement possible.

Mais l'inconnue ne semble pas vraiment vouloir te lâcher. Elle t'interpelle une nouvelle fois et tu saisis d'une main de moins en moins assuré ton arc alors qu'elle te montre ce qui ressemble ni plus ni moins à une arme à feu. Tu restes longuement silencieuse lorsqu'elle te montre cela. Tu n'aimes pas spécialement les armes à feu et tu plisses un peu la bouche en voyant le canon du revolver tourner dans tous les sens autour de son doigt. Tu regardes alors une nouvelle fois ton arc, et tu le serres un peu plus contre ta hanche avant de redresser les yeux vers cette mystérieuse femme :

"C'est un cadeau de mon père ..."

Tu y tiens vraiment beaucoup et puis tu as surtout démonté tous les mécanismes dont il est normalement serti, car tu le trouves trop lourd et tu as du mal à le manipuler. Tu es tellement faible.

"Il est beaucoup plus équipé en temps normal, mais ... J'ai du mal à l'utiliser ..."

Pourquoi tu lui racontes ça Yae ? Ce n'est pas dans tes habitudes de te confier comme cela. Tu l'observes une nouvelle fois sans rien ajouter de plus. Elle te semble un peu perdue, comme une âme errante, mais tu gardes tes pensées pour toi alors qu'elle porte un gobelet vide de toute substance à ses lèvres. Peut-être est-ce une alcoolique notoire ? Tu n'en sais fichtrement rien vu que tu ne l'as ne connaît pas. Pourtant, elle ne tarde pas à se présenter tout en se confondant en excuses. Un bien étrange ballet qui n'est pas dans tes habitudes. Tu hésites un peu, mais finalement, tu lui donnes ton nom :

"Saibogu Yae ..."

Tu rougis comme à chaque fois que tu oses dire ton nom à voix haute, mais tu essayes malgré tout de te calmer. Vous n'êtes que d'eux ici, il n'y a pas de raison de paniquer. Dans le pire des cas, elle sera seule pour juger de ton incompétence. Elle te donne des conseils et soulève d'une voix qui ne te semble pas moqueuse que tu n'es pas au bon endroit et que tu t'y prends probablement mal dans ta façon de procéder. Elle a sans doute raison, car tu ne tardes pas à la rejoindre derrière un comptoir qui te semble pourtant si loin de la cible en face de toi. Puis, elle te conseille vivement de changer d'arme, mais tu ne te sens vraiment pas à l'aise avec une arme à feu. De loin, tu préfères vraiment l'arc et sa subtilité. Le sourire tracassé et toujours avec timidité, tu avoues :

"Je ... J'ai un peu peur des armes à feu ..."

Tu tends une nouvelle fois la corde de ton arc et vise la cible du mieux que tu peux. Mais rien à faire, elle passe encore une fois largement à coté ce qui te laisse échapper un soupir de désespoir.

Elle m'expliqua que cet arc n'était autre qu'un cadeau de son père et que le fait d'utiliser des armes à feu ne lui plaisait guère. Quand la deuxième excuse m'aurait passablement agacée, la première eu l'effet de tirer sur la corde sensible.

-Ho... Me contentais-je de dire, quelque peu absente, repensant à mon père adoptif.

Mon regard se posa de nouveau sur l'arme. Cette fois-ci se fut à mon tour de me sentir gênée.

-Et bien vous avez de la chance. Ça reste une arme original. Si vous voulez vraiment apprendre à vous en servir je ne peux pas vous en empêcher. Dans le fond vous avez raison de vouloir utiliser l'équipement qui vous convient le mieux.

Oui je venais brutalement de retourner ma veste. J'en étais consciente, mais c'était plus fort que moi. Et puis, peut-être qu'en personnalisant cet arc à la façon Saibogu il pourrait révéler son utilité en combat. Il était vrai qu'un tel comportement était indigne de ma personne, mais cette fille avait le don de me renvoyer à moi-même quelques années dans le passé. Face à cela il m'était impossible de rester indifférente. On appelait cela de l'empathie. Je secouai la tête de gauche à droite, comme pour virer ses souvenirs lointains de mon esprit, estimant que tout ceci était désormais derrière moi. Suite à cela je reposai mon gobelet sur le comptoir avant d'adopter une mine pensive. Je voulais bien aider cette petite cependant mes connaissances dans le domaine de l'archerie étaient assez limitées.

-Je peux déjà tenter de vous fournir les bases. Pour commencer votre posture n'est pas adaptée. Tenez vous droite, écartez d’avantages les jambes et tendez le bras. Prenez l'habitude d'utiliser toujours le même œil pour viser. Ce sera votre œil directeur. Dis-je d'une voix douce le tout accompagné d'un sourire bienveillant.

Sa timidité me semblait poussée à l'extrême. Je l'avais deviné dans chacune de ses réponses ainsi qu'à la vue de son teint rougir de malaise lorsque je m'adressai à elle. C'était assez déroutant. Nous avions certainement le même âge, mais tout un monde semblait nous séparer l'une de l'autre. Une apparente impression de fragilité se dégageait d'elle tandis que ces dernières années m'avaient permit d'affirmer mon identité. La cicatrice traversant mon œil aveugle témoignait en quelque sorte de cette expérience passée. Contrairement à elle je n'avais plus de choix pour mon œil directeur. Pourtant cela ne m'empêchait pas d'être compatissante à son égard, même si cela était un peu forcé de ma part. Elle aurait toutes les occasions de s'endurcir lors de ces futurs entraînements et premières missions.

-Allez-y essayez. Vous n'êtes pas ici pour être jugée, mais pour apprendre. Dites-vous que moi-même je suis passée par cette étape avant d'arriver-là où j'en suis aujourd'hui.

Je m’abstenais de lui faire une démonstration même si l'envie me démangeait sincèrement, ne tenant pas à l'humilier ni à lui mettre davantage de pression suite à une réussite critique d'un de mes tires. Après quoi, elle s'exécuta en adoptant une position plus adaptée. Je la corrigeai sur certains détails avant de lui laisser tenter une nouvelle série de tires. Si les résultats ne furent pas flagrant, ils furent tout de même assez concluent. En effet, sans parvenir à mettre une flèche dans le mille, deux d’entre elles atteignirent la cible sur les extrémités.

-Pas mal. Avec quelques années de pratiques, vous pourriez arriver à faire des prodiges. Est-ce que vous me permettriez d'essayer à mon tour ? Simple curiosité. Même si ce n'est pas mon genre, je me demande quel effet cela fait d'utiliser ce genre d'arme.

J'attendis qu'elle me donne l'autorisation pour emprunter son arc ainsi qu'une flèche de son carquois pour me placer à mon tour devant la cible. J'adoptai presque instinctivement la posture de tire, bandant l'arme avec bien plus d'adresse que la jeune femme alors qu'il s'agissait d'une première moi. Là encore c'était l'expérience du combat qui parlait et me donnait un avance naturelle. La corde se tendit, le projectile siffla dans l'air avant d'atteindre la bordure de la cible côté extérieur.

-Manqué... Fis-je en grimaçant. Décidément ce n'est pas fait pour moi ce genre d'engin. Je vous laisse l'exclusivité de l'arme. Vous devez être la seule dans tout Suna à l'utiliser. En tout cas merci de m'avoir permit d'essayer.

L'arc changea de mains pour se retrouver entre celles de sa détentrice originelle. De mon côté j'allais m'installer derrière, m'essayant confortablement, les jambes croisées, sur un plan de travail qui n'était absolument pas prévu à cet effet.

-Permettez-moi une autre forme de curiosité Yae-san, mais j'ai l'impression de ne vous avoir jamais vu au Kenkyuujo. Êtes-vous nouvelle à Suna ? Depuis quand avez-vous adopté le nom de Saibogu ?

Car nous n'étions pas un clan, ni une famille. Nous étions une communauté de passionnés, de camarades et de scientifiques fous, d'origines et d’ethnies différentes.

L'air de rien, la jeune femme te donnait des précieux conseils et toi, tu finissais par la suivre timidement en t'éloignant de la position où tu te trouvais quelques secondes plus tôt pour t'approcher du comptoir et écouter les conseils qu'elle venait de te donner. Bien que t'exécutant avec toujours autant de maladresse, tu écartas les jambes comme elle te montra. Tu redressas le buste et ferma ton œil droit pour te concentrer uniquement sur la cible comme elle me l'indiquait. Alors, tu tendais le bras et la corde de l'arc avec un grognement de douleur. Tes muscles commençaient à te faire terriblement mal. Tu ne pu te retenir et tu laissas échapper un gémissement de douleur accompagner d'un murmure cherchant l'approbation de cette qui te conseillait :

"Comme ça ?"

Tu avais légèrement tourné la tête dans sa direction en disant cela pour voir sa réaction. Manque de chance, ce simple mouvement permit à l'arc de s'échapper de tes mains et tu reçus le retour du tendeur en pleine figure en poussant un petit cri de surprise, accompagné une nouvelle fois d'un grognement de douleur alors que tu te frottais vigoureusement le visage à l'endroit où la corde venait de laisser une marque écarlate sur ton visage, juste en dessous de ton œil droit.
Une nouvelle fois tu venais de faire preuve d'une maladresse sans nom et d'un manque de maîtrise total qui te fit rougir de plus belle dès lorsque tu eus retrouvée un peu de prestance. Tu t'empresses de te confondre en excuse :

"Désolée …"

Puis, maladroitement, tu ressaisissais le morceau de bois sculpté et tu reprenais la position que la jeune Aozora t'avait indiqué quelques secondes plus tôt en écoutant ses encouragements.
Elle avait raison, tu n'étais pas là pour être jugé, mais pour apprendre. Tu tendais une nouvelle fois la corde de l'arc malgré l'élancement du muscle dans ton bras et tu relâchais finalement cette dernière pour voir une fois encore la flèche passer à côté de la cible. Tu relâches un soupir de désespoir, mais tu essayes de garder un minimum de confiance en toi. Tu recommences l'exercice une deuxième fois, une troisième fois, une dixième fois. En finalité, deux de tes flèches ont atteint la cible. En bordure de cette dernière, mais c'est déjà un progrès.
Tu souris malgré toi timidement et tu regardes la jeune femme à tes côtés qui semble elle aussi vouloir se prêter à l'exercice. Tu lui tends sagement l'arme et tu t'écartes un peu pour observer son essai. Elle touche directement la cible même si elle ne met pas dans le mille. Cela te froisse un peu même si tu ne laisses rien transparaître. Cela fait des heures que tu t'entraînes ici et tu as à peine réussi à mettre deux flèches dans la cible. Tu soupires avant de finalement redresser la tête lorsque la jeune femme te pose une question en apparence toute simple. L'air de rien, tu réfléchis tout de même quelques secondes avant de t'aventurer sur une pente qui pourrait être glissante.

"Mon … Mon père a pris ce nom il y a un moment déjà ! Il est scientifique et il passe son temps à inventer des choses !"

Finalement, ce n'était pas si compliqué que ça.

"J'ai pris ce nom également quand il m'a expliqué ce que cela voulait dire et compte tenu de mon attrait pour le bricolage. Mais je suis née en la capitale. Je … J'ai pensé que c'était une bonne idée …"

Tu laisses ta phrase en suspend, tu n'as pas forcément envie de t'attarder là-dessus et tu préfères reprendre ton arc en main.
Tu veux retenter le coup, parce que cette discussion a au moins eut le dont de te motiver. Pourtant, cette fois-ci lorsque tu bandes ton arc, tu commences à peine à viser que ton bras se relâche brusquement envoyant l'arc voler vers le plafond.
Là, pour le coup tu t'es vraiment fait mal et ton bras te lance au point de te faire venir les larmes aux yeux alors que tu te mords les lèvres pour ne pas crier. Tu tombes au sol en le tenant et tu n'as même plus la force de bouger ce dernier.

Cette fois-ci la corde lui claqua au visage. Toujours assise sur mon plan de travail je ne bougeai pas d’un centimètre, la laissant par elle-même se remettre de ses émotions. Sans ajouter mot elle se releva pour recommencer l’entraînement. Encore et encore. C’est l’attitude à adopter. Entre temps elle m’expliqua une petite partie de son histoire. Pour autant elle ne donnait que des brides d’informations. L’essentiel était ailleurs. Je la regardai s’exercer jusqu’à ce que son bras finisse par lâcher en même temps que son arc entre ses mains.

L’arme à corde décolla jusqu’au plafond tandis que sa maitresse venait lamentablement s’échouer sur le sol. Tant de détermination était louable, seulement elle était à des années lumières d’imaginer ce qu’était réellement la douleur dans ce monde. Sans plus attendre je le relevais de mon perchoir, avançait jusqu’à elle et levait le bras pour rattraper l’arc en plein vol. Avant de se reposer, avant de recommencer, avant de devenir Kunoichi elle devait comprendre une chose. Alors mon unique œil valide la toisa non pas avec froideur, mais avec une certaine autorité bienveillante.

-Ceci s’appelle la douleur. Souvenez-vous-en. Faites-là votre…De ma main de libre je relevais un pan de ma tunique pour révéler mon abdomen sertie de cette longue et immonde cicatrice en partie cachée par mon pantalon et qui semblait descendre jusqu’à bon bas ventre. Si vous continuez sur cette voie, celle de Kunoichi, vous n’y réchapperez pas. Vous finirez indéniablement par souffrir. Mais sachez que vous le ferez pour votre nation, mais aussi et surtout pour ceux que vous aimez. Combattre pour une cause implique la notion de sacrifice. Vous perdrez énormément, mais gagnerez tout autant en retour.

Il n’était pas commun que je me confis de la sorte à une étrangère. Car oui, indirectement cela sonnait bel et bien comme telle. Parce qu’elle me rappelait-moi quelques années plus tôt, je ne voulais pas qu’elle emprunte le même chemin, je ne voulais pas qu’elle commette les mêmes erreurs.

-Détournez-vous de cette voie. Agissez par caprice. Et ce seront des souffrances inutiles qui s’ajouteront, pour vous, ainsi que pour les autres.

Cette fois-ci je retroussai la manche de mon bras gauche pour dévoiler une nouvelle cicatrice, fine et longue d’une dizaine de centimètre qui courrait le long de ma chair. Bien que je ne laissai rien paraître, je n’éprouvai aucune fierté à présenter ces stigmates. Il n’était nullement question de fierté, mais du souhait de lui faire part de mon expérience.

-Soyez consciente de tout ceci. Annonçais-je avec gravité.

Ce faisant je lui tendais la main pour l’aider à se relever, sans pour autant prendre de cas de ses maux. A Suna il y aurait toujours quelqu’un pour la soutenir, mais du reste, il lui faudrait se débrouiller par elle-même et ce à de nombreuses reprises.

-Après avoir entendu ceci laissez-moi vous poser cette ultime question.

Mes doigts étaient toujours resserrés sur son arc. Je ne comptais pas le lui rendre tout de suite. Tout du moins pas avant qu’elle ne m’ait donnée sa réponse. En entrant dans ce village elle avait signé pour un nouveau tournant dans sa vie. A l’époque j’avais été trop ignorante pour comprendre que cela représentait, c’était certainement le cas pour beaucoup d’entre nous. Aujourd’hui, cette jeune archère avait la possibilité de décider de son avenir et ce en connaissance de cause.

-Acceptez-vous malgré-tout de continuer ? D’être présente, prête à se sacrifier pour ce qui est réellement important ?

Sa famille, son village, sa nation. Quelque part je faisais la rétrospective de ma propre existence. Il était important de se rappeler pour quelle cause nous nous battions et ce pour le restant de nos vies.

La douleur est puissante et te lance dans tout ton corps au point de te faire trembler de toute part. Tes jambes sont prises de violentes convulsions alors que cette fois-ci, tu ne peux empêcher les larmes de couler le long de tes joues et la douleur t'envahir dans un pitoyable petit gémissement.

La jeune femme te parle, mais tu es presque incapable de comprendre ses paroles tant tu as mal. Elle te montre de nombreuses cicatrices, mais certaines devrait être à même de comprendre que la douleur rend aveugle et n'ouvre pas plus l'esprit qu'il ne le laisse croire.

Nous sommes tous différents et toi Yae, tu es une personne bien à part parmi les autres.

Tu as mal, tu fermes les yeux et tu replies ton bras contre ton buste dans une position ou tu parviens à gérer la douleur, puis tu patientes suffisamment de temps pour arriver à contrôler cette dernière encore mieux. Tu entends parfois des petits éléments du discours que la jeune femme te tient, mais a l'instant présent, tu t'en moques éperdument bien que certains mots comme "notions de sacrifices", "caprice", "prête à se sacrifier". Tous ses mots passent dans ton esprit et s'évaporent aussi vite qu'ils y ont pénétrés. Elle est peut-être une puissante shinobi, elle a peut-être un contrôle incroyable de la douleur, mais ce n'est pas ton cas. Actuellement, tu souffres et tu aimerais que tout ceci s'arrête. Tu parviens à te redresser dans la douleur sur tes jambes et sans accorder le moindre regard à la jeune femme, tu te diriges vers la porte de sortie de la salle d'entraînement. Non, visiblement, tu n'es pas encore prête à faire tous ses sacrifices pour une nation. La seule chose qui t'importe vraiment pour le moment, c'est de quitter cet endroit et de potentiellement, ne jamais y revenir !

Tu te diriges donc avec une certaine nonchalance vers l'hôpital de Suna ou tu sais que tu pourras recevoir des soins adéquats à la blessure que tu viens de te faire.

Quant à ta vie de shinobi ? tu dois y réfléchir encore un peu si c'est pour autant souffrir.

hrp: