Le Shinda soupirait entre deux lignes. Voilà une seule et unique chose qui ne lui avait pas manqué depuis son départ de Kiri. Son rang lui avait imposé d’importantes responsabilités, notamment lorsqu’il s’était retrouvé à la tête du Misuto, ou même en tant que simple membre lorsque Pô était encore là. Il se retrouvait ici chargé de compiler les rapports de plusieurs soldats venant faire le récapitulatif de leurs échanges avec les Kumojins. D’autres Shukajins gradés l’aidaient dans sa tâche. Mais lui-même s’était retrouvé ici par un manque d’effectif passager. Il lui tardait de retourner à sa tente pour discuter plus stratégie qu’administration.

Il ne faisait même plus attention à ce qui se passait autour de lui. Il se contentait de répéter les mêmes formules : « Je vous écoute », « Merci, l’Empire vous remercie », « Pensez à passer voir l’unité médicale ». Un simple blabla monotone alors que son esprit divaguait. Venait le tour d’un nouveau soldat qui lui expliqua que la défense du dépôt d’armes s’était bien déroulé et qu’il y avait eu des prisonniers. Michiki nota les éléments importants par un gribouillage presque illisible. A l’heure actuelle, il n’était plus qu’une simple âme vide dactylographiant ce qu’il entendait.

C’est pourquoi lorsqu’il réentendit la voix qui venait de déposer son rapport, il s’étonna et fut tiré de sa rêverie. Il releva les yeux de sa feuille. Son regard dépassait légèrement au-dessus de ses lunettes. Il ne témoigna pas le moindre étonnement face à la jeune pousse qui se tenait là. Maintenant qu’il y prêtait attention, c’est vrai que la voix était enfantine et qu’elle devait lui correspondre. Il se questionna sur la judicieuse idée de mettre un gamin à la bataille. Il avait intérêt à être doué. Ceci dit d’après ce qu’il disait, il avait pleinement réussi sa mission. Mais il n’avait peut-être fait qu’épauler ses compagnons comme tout Genin. Pourtant en se remémorant ses notes d’il y a quelques secondes, il s’était identifié comme un Taichou. Ce qui était l’équivalent Shukajin d’un Chûnin. Une autre chose intéressante furent ses paroles.

Notamment la référence à l’Empereur qu’il jugea « auto-proclamé ». Rien de faux dans ses propos, mais leur utilisation pouvait témoigner d’un certain parti pris sur la manœuvre politique engagée par le Samui. Un enfant ne devait pas réaliser les enjeux de ce qui se passait ici. Mais pourtant il avait été promu, n’étant plus un simple shinobi de bas niveau. Il restait plus modeste que le Shinda mais il n’avait pas la puissance d’un petit Genin pour autant. Pourtant il en avait l’apparence.

Ce cas l’intéressa subitement. Comment pouvait-il se retrouver ici ? Il baissa la tête pour consulter une information avant de prendre la parole :

- Je suis ici car l’Empereur me l’a demandé petit. Mais dis-moi jeune Hiko, tu ne t’es pas perdu dans un des bateaux qui ont débarqués ? Ta maman doit être morte d’inquiétude. Nous allons essayer de la contacter le plus rapidement possible pour la prévenir qu’il est inutile qu’elle se fasse un sang d’encre. Ce n’est pas un endroit pour jouer.

Et puis si sa mère était malencontreusement morte et bien...PREUM'S SUR LE CADAVRE !

Un gamin bien impétueux et surtout mal élevé par-dessus le marché. Michiki pourrait le balayer d’un simple mouvement de main. Pourtant c’était bien le genre de comportement qui était mal vu. Pourquoi les enfants étaient-ils à ce point intouchables ? Enfin tout dépend des endroits ceci dit. Il y a certains lieux où c’est de rigueur même. Mais là n’était pas la question !

Le ton employé signifiait clairement qu’il jouait le jeu et qu’il en abusait. Un bon moyen de faire passer le message. Du genre que le Shinda faisait tout le temps à l’époque où il était au plus bas de l’échelle shinobi. Aujourd’hui, les supérieurs qu’il avait ne pouvaient pas recevoir ce genre de comportements sous peine qu’il s’attire de lourdes conséquences. Avec le temps, les responsabilités avait fait de lui quelqu’un de plus sérieux et de plus mature. Ce qui en devenait lassant à force. Heureusement qu’il se permettait quelques écarts avec des subordonnés. Le cycle éternel de la frustration. Le défouloir sur ceux qui nous sont inférieurs tandis que nos supérieurs nous font la morale.

Le regard améthyste du nécromancien ne quittait pas le petit jeu du gamin qui s’ébouriffa les cheveux après avoir sorti ses âneries. Puis son ton redevint plus posé et surtout plus sérieux. Ce qui faisait bizarre pour quelqu’un de son âge. Mais c’était justement cette étrangeté qui poussait le Shinda à ne pas faire dégager ce mouflard. Pour ainsi lui tenir tête et l’interroger comme ça, il devait avoir une part de folie ça c’est certain. Mais une sacrée dose de culot. Ce que beaucoup n’oseraient pas avec lui. Ce qui l’amusait presque. Mais l’heure ne semblait pas à la discussion. Il regarda à sa droite pour sonder ses acolytes d’infortune. La tente s’était plutôt bien vidée et peu de soldats restaient encore à être entendus.

Michiki leur signala donc qu’il prenait congé d’eux et qu’il retournait à ses occupations. Non sans un soupir de soulagement, il adressa un bref mouvement de tête invitant le gamin à le suivre hors de l’atmosphère étouffante de la pièce en toile. Une fois à l’extérieur, il avait déjà une clope au bec, prête à être allumée. Il allait ranger le paquet lorsqu’il vit le jeune garçon à sa hauteur. Il releva alors la main tenant l’étui à cigarettes pour lui présenter avec un sourire. Il ne mit pas longtemps à ranger immédiatement l’objet. Il se doutait de la réponse. Pas difficile à deviner.

Une brève inspiration emplit alors ses poumons et un nouveau soupir expulsa d’un coup toute la fumée nocive. Le vent emporta l’odeur nauséabonde qui se dégageait de cette vapeur. Retirant une taffe, il reprit néanmoins la parole dès que sa bouche fut libre de s’exprimer clairement :

- Je suis qu’un modeste vagabond qui loue mes services à qui veux bien. Et paye bien. Rien de bien extraordinaire garçon. Et toi dis-moi. Comment as-tu réussi à finir en première ligne dans une telle bataille ? Ton âge et ton poste sont assez surprenants. T’es pas le fils du Samui par hasard ?! s’étonna-t-il sur la fin.

La remarque semblait avoir touché le jeune gamin en plein dans le mille. Michiki espérait ne pas avoir vu juste. Que dirait l’Empereur si cet avorton était sa progéniture et qu’il apprenait qu’il lui avait proposé des cigarettes ? Bon bien sûr c’était pour rire mais les chiards ont le don de rapporter des propos qui n’ont rien à voir avec la réalité. Mais fort heureusement, il apporta vite une réponse négative à la supposition soulevée par le Shinda. Le soupir de soulagement expulsa une nouvelle bouffée de tabac prise un peu plus tôt.

Il avait d’ailleurs vivement contesté. Un peu trop. Mentirait-il ? Serait-il réellement de la même lignée que l’Empereur ? Difficile à dire. Il laissa donc le gamin continuer son récit. Il précisa qu’il n’était qu’un modeste soldat essayant de se distinguer dans sa hiérarchie. Rien de très extraordinaire dans le monde shinobi en soit. Mais il était rare que d’aussi jeunes personnes se distinguent dans un village. La discussion continuait bon train jusqu’à ce que le petit homme ne révèle un de ses talents par inadvertance. Mais il semblait s’être arrêté de parler à ce moment-là alors qu’il le conseillait dans sa manière de gérer sa vie de mercenaire. Michiki aurait pu lui en dire plus mais il préférait s’entretenir sur la capacité sensorielle du jeune garçon :

- Un senseur à ce que je vois ! C’est un atout excellent en combat. Surtout vu ta corpulence et tout le reste petit. Tu dois passer totalement inaperçu… Je comprends mieux pourquoi tu en es là.

Il n’avait pas d’intérêt à s’épancher plus sur le sujet. Un shinobi senseur c’était habituel. Un senseur aussi gamin par contre était étonnant mais en soit, il n’y avait pas non plus de quoi s’extasier. Surtout au niveau du Shinda. Il préféra donc en revenir au sujet de sa présence ici et des « conseils » du petit Hiko :

- Voilà un cher bambin bien informé sur la vie de shinobi. Et surtout sur la manière de mener une vie de vagabond. Gratifie donc moi d’un autre de tes conseils je te prie et je tâcherais d’en faire de même avec toi. Une sorte de petit jeu si tu préfères.

Le Shinda avait terminé sa clope sur le chemin et leurs déambulations les avaient mené à des espaces réservés aux rares inconscients désireux de s’entraîner encore avant la suite des éventuels combats. L’heure devrait être normalement aux négociations mais il fallait se trouver prêt en toute circonstance. Michiki fit donc un signe de tête pour intimer l’ordre silencieux au Sairyo de le suivre vers l’aire de combat. Là, il lui fit face, grand sourire avant de déclarer :

- Petit conseil numéro 1 : se laisser à ce point emporter par ses émotions n’est peut-être pas le mieux pour un expert en sensorialité comme toi. Voilà un conseil pour ton premier de tout à l’heure.

En même temps qu’il s’était exprimé, il avait relevé la main pour montrer son index droit dressé vers le ciel. Puis toute la dextre se mouva dans un mouvement incitant le Sairyo à continuer :

- A ton tour !

Le conseil dispensé par le jeune garçon pouvait porter à confusion. Il avait beau être empreint de sagesse, il pouvait être porteur d’un message à peine dissimulé. Le Shinda gardait un œil rivé sur le gamin. Etait-il en train de rejeter les conseils du Nukenin ? Cela y ressemblait fortement. D’autant plus qu’il ajouta par la suite qu’il fallait se montrer méfiant envers les autres et ne pas accorder sa confiance à n’importe qui. Un conseil qui aurait peut-être eu sa valeur quelques mois auparavant.

Il se remémora cette cabane perdue au milieu des bois. Tout comme il se souvint de la jeune fille qui y habitait sur qui il était tombé par l’intermédiaire de la cousine de cette dernière. La famille Koken avait été source de désagrément léger pour lui. Il n’avait en tout cas pas fait grand-chose pour endiguer le problème. En l’absence de nouvelles de la part d’Hasü et de la présence de Sunajins sur les terres de Mizu, il en avait conclu ce que n’importe qui conclurait dans ce genre de situation. La trahison de la jeune demoiselle ne l’avait pas émoustillé plus que ça. Il avait eu la présence d’esprit de se montrer assez prudent pour ne pas trop en dire sur ses intentions. Mais cette expérience lui avait au moins permis de se montrer plus prudent dans son recrutement par la suite.

Il était donc ironique qu’un simple môme du Shûkai lui conseille ceci. De toute façon, un enfant de son âge ne devait pas pouvoir lui en apprendre beaucoup sur ce monde. Ce petit jeu avait plus été là pour passer le temps. Mais il ne pourrait donner grand-chose. Ce n’était pas comme si il pouvait avoir un échange assez intéressant pour le nécromancien. Mais une autre solution se précisait pour le Fossoyeur. Une idée qui le fit sourire et qui correspondait peu après la dernière remarque d’Hiko. Ce fut donc au Shinda de prendre la parole :

- Tu as raison. La confiance devient un trésor par les temps qui courent. Surtout lorsque les conspirations politiques vont bon train. Ou que les guerres explosent…

Le jeune senseur devait commencer à voir arriver la suite puisque le chakra de Michiki commençait à bouillonner alors qu’il le malaxait en conséquence des techniques en préparation. Le regard toujours planté dans celui du gamin, il souriait un peu plus :

- Le simple fait de me considérer comme un allié de l’Empire par exemple alors que ses ennemis sont nombreux. S’infiltrer dans un campement est d’une telle facilité. Et je n’espérais pas réussir à m’intégrer aux comptes rendus de bataille mais la sécurité est tellement obsolète ici ! Mes employeurs seront ravis de l’apprendre.

Le Shinda fut rapidement rejoint par ses cadavres qui surgirent du sol une fois ses propos terminés. Ils avaient tous son apparence. Le nécromancien souriait donc à pleines dents en plusieurs exemplaires. Il s’apprêtait à lancer l’assaut. Pourquoi ? La récolte d’informations était une priorité. Le Shûkai avait beau être son allié, il n’allait pour autant pas se priver de connaître les capacités de leurs recrues ! Et l’escouade de Michikis se précipita sur le gamin, l’original se mêlant au reste pour assister à la riposte et voir ce que ce gamin avait dans le ventre.

Le jeune garçon était décidemment plein de ressources. Au-delà de sa maîtrise de la sensorialité, il semblait très à l’aise dans le maniement de l’affinité Suiton. Des informations que le nécromancien garderait bien en tête pour l’avenir. Néanmoins il ne semblait pas axé sur un type de combat très violent. Il gardait un certain contrôle de la situation sans vraiment pouvoir aller de l’avant.

Ses cadavres furent en partis stopper par un dôme d’eau. Heureusement, Michiki ne s’était pas positionné en première ligne par stratégie et cela l’avait épargné d’une petite baignade contrairement à l’une de ses répliques. Puis le jeune garçon créa une brèche dans le groupe en attaquant directement un des cadavres grâce à un lapin d’eau. Oui face à un simple gamin ce n’était pas si étonnant après tout. Et le jeune garçon s’était infiltré à la suite de son projectile aqueux pour fuir la zone et s’éloigner. Une stratégie un peu grossière qui devait témoigner de sa situation périlleuse.

Alors que l’escouade Michiki se dirigeait vers lui, il disparut dans une brume qui obstruait la vue. Le Shinda ne se laissa pas surprendre par cette manœuvre. Il repéra vite sa cible et il décrivit un cercle autour d’elle. Il se plaça derrière tandis que ses pantins se dispersaient pour former un cercle autour de l’enfant et se resserrer au fur et à mesure. Michiki restait à l’affût grâce à ses sens aiguisés. Il avait effectué tout ça en dissimulant également son chakra grâce à une capsule de poison. Pour notre petit senseur, il serait un adversaire à la hauteur. Le jeune Hiko allait devoir en faire un peu plus pour le surprendre en combat.

Profitant de sa position de force, le nécromancien reprit de nouveau la parole suite aux dires du jeune garçon qui s’interrogeait véritablement sur sa personne. Il réfléchissait bien malgré son jeune âge. Même si certaines choses lui échappaient naturellement. Michiki apporta donc éclaircissements à tout ce cinéma :

- Les curieux comme toi sont très embêtants. Et je préfère encore me débarrasser de fouineurs de ton genre plutôt que de les supporter, au risque qu’ils me découvrent. Je n’ai eu aucun problème jusque-là et ce ne sera pas toi qui commenceras.

Même s’il était stratégique d’attaquer maintenant, ce n’était pas non plus le but du Shinda qui préférait jauger son interlocuteur juvénile en situation de crise.

- Connais-tu le sens du mot « Némésis » ? Un juste châtiment légitimement infligé par l’intermédiaire ou au moyen d’un agent approprié. Personnifié en l’occurrence par un redoutable salaud : moi.

Tout sourire, Michiki se régalait de ce petit jeu. Il pourrait s’esclaffer de rire si le jeu d’acteur n’était pas aussi important et intéressant à jouer.

- Et toi jeune Hiko ? Qui es-tu réellement ? Un simple gamin dans une armée, c’est louche. Alors qu’est-ce qui peut légitimer ta présence ici exactement ?

Spoiler:

Plusieurs mouvements, un déplacement et un choc. Le cadavre ayant revêtu l’apparence de son marionnettiste s’était vite fait retournée par la charge improvisée du gamin. Une bien piètre manière de se sortir de cette mauvaise passe. Michiki s’était attendu à un peu plus de spectacle comme précédemment. Mais l’impact avait au moins eu l’avantage de faire disparaître clone et cadavre. Le jeune Hiko quittant donc l’endroit, Michiki enjoignit d’un simple mouvement de tête à ses cadavres d’arrêter les autres répliques. Les chocs mirent fin aux agissements des pantins des deux shinobis.

Le Shinda suivit la trace du chakra du petit garçon qui avait répondu à ses questions. Un si jeune bambin prêt à se battre pour parvenir à ses objectifs et à se rapprocher de son Némésis. La conversation prenait d’un coup un tournant très intéressant. Pour le Fossoyeur qui ne s’était attendu à rien de bien fabuleux, il flairait la bonne affaire. De son sens aiguisé de parfait charognard à l’affut de la bonne place, il arbora un sourire diabolique en sortant du brouillard qu’avait créé le garçon et dont il était sorti. Un peu plus loin, Hiko tentait de s’échapper. Les enjambées de Michiki lui permirent de revenir à niveau tout en restant à distance.

Il ne tenait pas à arrêter ce petit jeu. Mais il pouvait au contraire lui être utile. Il ignorait encore sur quel détail croustillant il venait de tomber mais il avait tout son intérêt dans cet échange. Fallait-il prendre au sérieux les dires d’un môme ? L’intuition du vile nécromancien lui indiquait que oui. Sinon le Shûkai n’aurait pas pris le risque de l’envoyer au front s’ils ne lui reconnaissaient pas un minimum de compétences. Pas lorsque l’Empereur est à la tête des troupes en tout cas. Aussi méticuleux et prudent qu’il était, il n’avait pu laisser une telle absurdité se produire. Les autorités avaient donc eu l’aval direct du Kamui pour envoyer un simple chiard au front. Une très jeune recrue qui devait donc avoir quelques compétences particulières qui pourraient intéresser n’importe qui prêtant attention à ce phénomène. Et Michiki était de ce genre.

Il ne lui avait pas fallu une course effrénée pour retrouver Hiko. L’avantage d’avoir de grandes jambes. Il n’avait pas lâché sa cible. Il ne lâcherait pas le morceau tant qu’il n’aurait pas extrait tout le jus de ce fruit si particulier. La métaphore a beau être dégueulasse dans le contexte actuel offrant la confrontation entre un adulte et un enfant, elle n’en est pas moins appropriée pour qualifier la situation. Michiki était spécialiste dans l’art de l’opportunisme. Il avait su tirer son épingle du jeu en se nourrissant du fruit du travail des autres. Il avait soif de savoir qui vous tombe tout cuit dans le bec. C’est pourquoi il prenait énormément de plaisir à traquer l’info auprès de ce garçon :

- Un petit bout comme toi aurait donc un Némésis ?! Qui t’as volé tes bonbons dis-moi ? Et tu parles d’objectifs. Dis m’en plus je te prie. Tu pourrais fortement intéresser mes employeurs on dirait.

Le prédateur faisant face à une proie apeurée. Tel pourrait être décrite la scène par un éventuel observateur extérieur. Du point de vue de Michiki, ce petit jeu du chat et de la souris l’amusait énormément. Il avait beau faire face à un mioche, c’était lui qui retombait en enfance à ainsi s’amuser d’un petit jeu macabre. Il en apprenait ainsi un peu plus sur ce garçon intriguant.

Derrière cet air enfantin semblait se cacher une histoire bien plus profonde. Là était toute la tristesse de ce monde. Les combats et la guerre n’épargnait personne. Pas même les plus petits. Le lot de souffrances était universel. Quelques privilégiés passaient entre les mailles du filet du Destin. Mais l’expérience avait montré que ces fameux miraculés finissaient par être vite rattrapés. Un étrange phénomène que certains avaient renommés « karma ». Pour le Shinda, rien de tout cela n’existait. Il s’agissait de notions qui le faisaient plus rire qu’autre chose. Les valeurs en lesquelles il croyait étaient plus concrètes que cela. Il savait parfois faire preuve de certains sentiments bien particuliers mais il tâchait de ne pas s’en empêtrer outre mesure.

Ce qu’il jugeait comme des futilités pouvaient néanmoins avoir de l’importance pour d’autres. Et sûrement que le jeune Hiko en faisait partie. Pour que quelqu’un de son âge se retrouve avec de telles responsabilités, et au vu de ses réflexions, il avait là un jeune garçon qui avait dû vivre déjà quelques traumatismes personnels l’ayant mené jusqu’ici. En l’occurrence, ce genre de valeur était défendu par le Fossoyeur qui reconnaissait aisément le parcours d’un individu. Pour en avoir lui-même bavé par le passé, il ne pouvait que compatir face aux difficultés de se faire une place dans la hiérarchie shinobi de ce monde.

Rapidement, Hiko renvoya des interrogations au Shinda sur ses réelles motivations et pour se renseigner un peu plus sur les employeurs évoqués par le nécromancien. Une supercherie qu’il souhaitait faire perdurer un peu plus longtemps.

- J’en ai après ta vie à cause de ta curiosité. Mes employeurs souhaitaient de base s’approcher au plus de l’Empereur et c’est pour cela que je suis ici. Ils n’avaient juste pas prévus que je ferais face à un petit imprévu de dernière minute. C’est pour cela que je dois t’éliminer mon garçon. Si tu ne représentes aucun intérêt pour moi, alors tu n’as pas de raison d’exister à mes yeux !

Michiki se voulait méchant et cruel dans ses paroles pour justement renvoyer le garçon dans ses derniers retranchements. Il voulait voir jusqu’où il pouvait aller une fois acculé. C’était un objectif assez étrange mais qui permettrait au Shinda de se faire une meilleure idée sur ce que la recrue du Shûkai pensait de la nouvelle organisation politique. L’information était un pouvoir qu’il reconnaissait unanimement dorénavant et il agissait dans le simple but d’en savoir toujours plus. Ce renseignement pouvait lui être précieux et il espérait juste pouvoir en apprendre assez pour mettre cette information en avant dans ses projets. Peut-être gagnerait-il un allié ou un informateur dans cette histoire…

Qui aurait pu croire qu’une rencontre si anodine, et au premier abord insignifiante, pouvait déboucher ainsi ? Ce petit était en fait une véritable mine d’or ! Par une simple pulsion d’un peu de mouvement et par un petit jeu d’acteur, voilà que le nécromancien s’était lancé en plein dans une conspiration politique. Il n’y avait eu là aucune mauvaise arrière-pensée, mais il était surprenant de voir ce qu’il pouvait dénicher à des endroits improbables.

La petite tête angélique semblait bien remplie en revanche. Face à un adversaire trop fort, il avait su rebondir sur ses dires pour susciter un vif intérêt sur ce qu’il avait à lui dire. On pouvait légitimement se demander s’il n’usait pas d’un coup de bluff pour survivre. Les proies au pied du mur pouvaient développer des mécanismes de défense incroyables. Le sourire du nécromancien n’était pas prêt de retomber de sitôt lors de cette conversation.

Elle semblait si bien partie qu’il ne put s’empêcher de prolonger la comédie. Il avait réfléchi au meilleur comportement à avoir pour faire durer cette supercherie. Il remonta ses lunettes sur son nez avant de rajouter :

- Comme tu vas mourir ici et maintenant, je ne perds rien à te dévoiler mes plans.

Le Shinda s’était assuré qu’ils étaient seuls. Pas d’oreille indiscrète aux alentours. Tout ce petit cinéma était juste là pour mettre un peu à l’épreuve le garçon. Tout intervenant extérieur verrait cet échange comme une tentative de renverser l’Empire. Ce qui n’était absolument pas dans les plans de Michiki. Par précaution, il avait donc préféré s’isoler pour qu’ils puissent tous deux parlementer en toute liberté et raconter ce que bon leur semble. Ce qui laissait le champ libre au Fossoyeur pour la suite :

- Tu dois bien te douter que l’Empereur a de nombreux ennemis de par le monde. Il sait qu’il ne fait pas l’unanimité, d’où ses dispositifs de sécurité accrus. Un tel homme ne peut se permettre une seconde d’attention. Depuis que je suis arrivé, je ne fais que constater ce vaste réseau de sécurité mis en place autour de sa personne. Tant et si bien que lorsque j’ai pu le rencontrer, je me suis moi-même surpris de notre proximité. Et c’est ce que je recherchais.

Toujours aussi sérieux, avec un petit sourire en coin tout de même, il exposait sa vaste fumisterie tout en s’allumant une nouvelle cigarette :

- Mes employeurs sont des membres influents de Tsuchi qui ne voient pas d’un bon œil l’expansion du Shûkai. Ils souhaitent récupérer ses terres qui leur appartenaient autrefois. Dans le seul but d’asseoir une autorité non assurée par un tyran solitaire et seul maître de ses décisions. Ils ont tolérés le Triumvirat mais pas le Kamui. Rien de très compliqué en soit. Tout cela est politique et complot. Je ne suis qu’un mercenaire bien entraîné qui essaye de trouver son intérêt financier où il le peut.

Alors qu’il savourait déjà quelques volutes de fumée, il termina son petit discours par un regard appuyé sur le garçon qui avalait tout cela. Le croirait-il ? C’était du 50 : 50.

- Alors explique-moi en quoi ta participation à ses affaires de haute instance pourrait intéresser ceux qui ont la prétention de reprendre le contrôle de tout un pays ?

« Comment pourrais-tu me convaincre de ne pas te tuer ici et maintenant ? » songea silencieusement le Fossoyeur avide de la réponse que pourrait lui fournir le jeune Sairyo Hiko.

Au-delà de toutes les espérances du nécromancien, il en apprenait chaque seconde à chaque parole. Il se délectait de cette source d’informations. Un pur régal pour qui aurait pris le temps de ce petit jeu de rôles. Michiki dans le rôle du parfait méchant qui infiltre le Shûkai pour démanteler la hiérarchie de l’intérieur face au jeune Hiko, futur petit résistant du régime de l’Empereur. Même les rêves morbides les plus fous du Fossoyeur ne pouvaient lui apporter pareille mine d’or.

Et le jeune garçon gardait, malgré sa situation, un répondant à toute épreuve. Alors qu’il se montrait persuasif sur les raisons de devenir un atout pour le Shinda, il ne manqua pas de souligner le manque de finesse de la part du Fossoyeur en le menaçant. Il lui avait dit être plus à même de rallier des gens à sa cause que ce que Michiki faisait ici avec lui. Ce qui amusait encore plus le binoclard. La réflexion était présente mais il ne la poussait pas non plus au paroxysme pour mettre le doigt sur le ridicule de la situation. Mais il fallait reconnaître à Hiko un esprit retors qui répondait plutôt bien aux problèmes se dressant devant lui. On reconnaissait là le parfait petit premier de la classe ayant toujours tout bon aux interrogations du professeur.

Le sourire de Michiki se faisait plus large après les mots du gamin. Une idée lui vint en tête. Il ne se souvenait pas en avoir eu une aussi farfelue de toute sa vie. Et pourtant il avait un esprit de sadique capable de penser au meilleur comme au pire. Mais cette subite idée commença à s’ancrer pour se trouver des justifications et une raison d’être. Il ne s’y fia pas pour autant, gardant en tête l’essentiel pour l’instant. Après une telle épreuve, il était temps de laisser le Sairyo respirer à nouveau. Toujours le sourire aux lèvres, il brisa le silence :

- Tu réfléchis extrêmement bien jeune homme. Je ne peux m’empêcher de constater que ton grade au sein de l’armée de l’Empire n’est pas volé. Et je m’en réjouis à vrai dire.

Il venait de terminer sa cigarette qui termina au sol avant d’être piétinée du pied :

- De telles compétences m’intéressent au plus haut point à vrai dire. Et je pense que mes employeurs partageraient ma pensée. Je te propose donc un petit test.

Sans aucune pression, il s’avança pour franchir les quelques pas les séparant. Une fois devant Hiko, il déposa une main sur son épaule avant de reprendre :

- Puisque tu sembles bien sûr de toi sur une telle tâche, je te laisse essayer de convaincre certains de rejoindre la cause de mes employeurs. Prouves moi que tu serais capable de trouver plus de fidèles que je ne saurais le faire et il se peut que tu puisses privilégier d’une place importante par la suite. Mais surtout, tu te verrais réservé le droit de mettre fin à celui que tu cherches tant à éliminer. Qu’en dis-tu ?

Une nouvelle supercherie qui allait s’accompagner d’un petit élément tout aussi novateur.

- Et je préfère te préciser que cette légère charge de chakra que tu dois avoir ressenti à l’instant repose dans le sceau que je viens de t’apposer. Une petite invention de mon cru qui ne te permettra pas de parler de cet entretien. Mieux encore, il m’assurera de te suivre à la trace et de savoir ce que tu fais. Ainsi, si tu cherches à rapporter à quiconque ce qui s’est raconté ici, je saurais te rendre la pareille. D’autant plus qu’il est imprégné d’un chakra de nature Katon. En cas de problème, je peux donc tout simplement faire s’enflammer la surface sur laquelle il est apposé.

Son sourire démoniaque s’étira une nouvelle fois, mais plus largement qu’avant. Il en avait le visage déformé. Il lui tardait de voir ce que le Sairyo allait pouvoir répliquer à ça. Lui qui avait réponse à tout.

Aptitude Fûin utilisée :

Le vil manipulateur se réjouissait de son œuvre qui fonctionnait à merveille. Sans le savoir, le jeune Hiko venait de participer à un petit jeu des plus amusant et instructif. Le Shinda se réjouissait d’avance de ce que pourrait donner cette collaboration forcée et originale. Il est vrai que s’entourer d’alliés mesurant moins d’un mètre vingt n’était pas commun. Il tentait le coup. Après tout, cette jeune recrue ne semblait pas pour moins dépourvue de talent. Et cela en faisait d’ailleurs une force que de voir s’approcher un simple gamin. On se douterait pas que sous ses traits angéliques se cache un shinobi, prêt à tuer.

Michiki se prit à rêver d’une armée d’enfants comme le Sairyo. Tous choisis dès le berceau pour devenir le futur d’une nation autrefois puissante. Des bambins entraînés très tôt à l’art de la guerre, remplaçant le hochet par le kunaï et la tétine par le goût cuivré du sang. Un reconditionnement total. Plus efficace et moins long qu’avec des adultes ayant eu le temps de se construire. Formé une armée à l’image de celui qui en serait à la tête. Une idée des plus alléchantes qui fila la chair de poule au Fossoyeur. Un tel projet serait pure folie. Mais tellement redoutable qu’il ne pouvait s’empêcher d’y réfléchir. Il songeait à la possibilité de réalisation. Ce qui serait éventuellement envisageable et ce qui ne l’était pas. Mais cet état d’esprit, il n’y avait que le Shinda pour l’avoir.

Qu’il était difficile d’être un génie incompris. Il se contenterait donc de voir quel potentiel habiterait ce jeune garçon à la sensorialité développée. Rien que ce talent pouvait lui permettre d’arriver loin. Il suffisait de voir les personnes ayant réussis grâce à cette spécialité pour réaliser à quel point elle était puissante. Le Shinda ne pouvait plus s’en passer maintenant qu’il en connaissait les secrets. Il regrettait presque de ne s’y être mis plus tôt. En y repensant, beaucoup de ses capacités actuelles étaient des sortes de traces de son senseï. Il avait développé un don naturel à la transformation animale à force de jalouser le pouvoir de ce dernier. Il avait été capable d’ouvrir son esprit à la sensorialité, sûrement encore une fois de par l’influence de son maître d’apprentissage sur sa personne. Le Gekei avait réalisé énormément de choses avec lui. Une confrontation entre les deux hommes aujourd’hui créerait des étincelles.

Mais l’heure n’était pas à ses balivernes. Le jeune Hiko prenait congé de lui, allant remplir sa quête et son devoir de shinobi. Il l’observait partir et ne pouvait réprimer un sourire carnassier en repensant à son idée d’enfants soldats. Un rêve sûrement jamais réalisable alors qu’il mériterait d’être exploité. Néanmoins, lorsqu’il voyait quels projets pouvaient avoir le Kamui, il se demandait si ce dernier ne serait pas ouvert à une telle suggestion. Le projet méritait d’être plus approfondi d’un point de vue planification et le Samui n’aurait plus qu’à le valider. Mais ce ne serait pas pour tout de suite. La guerre approchait alors que ces terres avaient été le théâtre de l’affrontement entre forces Kumojin et Shukajin. Les Nuages ne s’en tireraient pas à si bon compte. Même si le Shinda avait privilégié la diplomatie lors de son entrevue avec Shinji et Goren, il était un combattant avide de violence et désireux de mettre Kumo à feu et à sang. le prochain face à face avec un Kumojin s’annonçait musclé !

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