Ironie du sort, celle qui désirait plus que tout entrer au sein du temple avait abandonné ce dernier derrière elle pour aller porter secours à un moine Kiezan des plus originaux. Cependant « porter » secours était peut-être un mot bien trop grand lorsqu’on commençait à connaître la force et la résistance des plus « exceptionnelles » de ces hommes et femmes. Une caractéristique qui pourrait vraiment pousser un non-croyant à être un croyant.

« Mais tout cela n’existe pas » se disait-elle, considérant que si un Dieu ou une force existait, elle était sacrément « cruelle » et « sanglante ». Elle préférait ne pas « perdre » son temps à prier quelques êtres mystérieux, sadiques et à l’existence à peine prouvée. Certains miracles existaient mais elle préférait mettre cela sur le compte de la chance ou, dans le cas des Shinobis, du chakra et de ses caractéristiques des plus aléatoires et malléables.

Elle marchait encore et encore, suivant attentivement la ligne droite qu’Howaito avait « suivi » ou plutôt « subi ». Elle ne saurait dire si elle était inquiète ou non. Il avait pu survivre à un coup des plus meurtriers d’un criminel, alors il pourrait aisément survivre à un véritable vol plané, n’est-ce pas ? « Ou alors, l’autre folle connaît une faiblesse que les autres connaissent pas ». Les « autres », c’étaient ces non-Kiezan. Ou tout simplement tous les non-amis de cet homme. Il pouvait dire beaucoup mais, à bien réfléchir, elle ne connaissait strictement rien de lui.

Elle finit par soupirer, rassurée, en voyant que le moine tenait bien sur ses deux jambes et, qu’en plus, il semblait avoir eu une discussion avec un groupuscule. Elle ne pouvait pas distinguer les visages dû aux arbres et encore moins entendre qui que ce soit dû à la distance. La curiosité la taraudait-elle ? Non, car elle se disait que se devait être d’autres Shinobis envoyés par les grandes Nations Shinobis ou d’autres moines, et Oui car cette « assurance » était un tantinet brisé en voyant l’équipement – de ce qu’elle pouvait distinguer – hétéroclite et peu conforme à une quelconque nation ou religion.

- Tu vas bien ? Tu es blessé ? , ne put-elle s’empêcher de demander naturellement, ayant oublié un court instant de la constitution des moines Kiezan. Il semblerait ….

S’il y avait à comparer, elle était certaine qu’il allait aussi bien qu’elle. Un court instant, elle tenta d’imaginer ce qui se serait passé si ça avait été elle qui subissait un tel coup. Elle ne se visualisa la scène qu’une petite seconde car, hormis la mort ou une belle hospitalisation, il n’y avait rien d’autres à dire.

- La fo… Ton amie est rentré avec les autres, finit-elle par dire hésitant grandement sur les termes à employer. Si jamais tu es blessé ou que tu souhaites te reposer, on peut attendre un peu ici avant de les rejoindre, dit-elle en se plaçant à ses côtés, à son niveau.

Et peut-être pourra-t-elle discuter avec lui. En effet, entre Suna où elle n’osait « parler » ou poser trop de questions ou encore le voyage où il y avait toujours une troisième figure, elle n’avait guère pu parler en privé avec Howaito afin de lui poser les questions qu’elle ne cessait de se reposer.

Elle pouvait attendre encore assez longtemps. Elle avait l’impression qu’ils n’allaient guère avancer bien loin …

- Que se passe-t-il ?

« Continuez sans moi, je vous rejoindrai. »

Un message adressé à ses nouveaux compagnons de route. Seraient-ils avec lui pour longtemps ou seulement pour aujourd’hui ? C’était pour éviter de devoir les combattre et pour en apprendre plus qu’il avait décidé de les suivre jusqu’à un endroit où ils pourraient manger. Mais le futur proche restait incertain, tandis que le futur lointain lui se précisait de plus en plus.

Howaito n’avait jamais développé des talents prodigieux pour la sensorialité, le camouflage ou toute sorte de repérage. Il avait des connaissances, comme sur de nombreux autres domaines, mais la pratique lui faisait cruellement défaut. Devenir un ninja doué en perception, un projet bien loin de ceux que le moine avait. Mais pourtant, il avait senti sa présence. Un instinct.

Kawaguchi Tsukiko. Elle avait donc décidé de le chercher plutôt que de s’intéresser à tout ce qui allait se passer là-bas. L’explosion l’avait plus tôt confirmé : Bakushô Yoh était bel et bien venu et le scandale était révélé. Etrangement, il était à la fois heureux et déçu que la kunoïchi soit venue jusqu’ici. Heureux car il était satisfait qu’elle soit loin des affrontements, déçu car il allait devoir la revoir… pour la quitter.

« L’inévitable, Tsukiko. »

Ses yeux semblaient très éloquents pour la jeune femme, qui avait senti que quelque-chose n’allait pas. S’il savait plus ou moins rester maître de lui-même, Howaito était quelqu’un pouvait également se montrer très expressif.

Et son regard n’était plus le même. Plus du tout.

« C’est mon réseau de renseignements qui est à l’origine de tout ce brouhaha. Avec un envoyé de Kumo, certains de mes collègues ont pu jumeler des informations qui impliquent à la fois le Patriarche qui dirige les Kiezan et des haut-placés des villages shinobis. Encore une fois, que ce soit Suna ou ses voisins, le système shinobi va encore avoir la preuve qu’il est imparfait. »

Il soupira avant de lever les yeux au ciel, tiraillé des feuilles et des branches de certains hauts arbres.

« J’ai affronté la Grande Guerre qui m’a arraché mes parents. Je me suis découvert un frère inespéré que Suna m’a enlevé. J’ai vu tant d’horreurs et d’injustices desquelles je détournais les yeux car mon intelligence me permettait de jouer et d’en profiter. Alors j’ai réagi. »

Petit à petit, ses iris chutèrent jusqu’à se confronter à ceux de la jeune femme qui lui faisait face. Il commença à marcher vers elle.

« J’ai tenté de devenir quelqu’un de… bon. J’ai mis mes renseignements à disposition, j’ai tenté de monter une organisation qui permettrait d’apporter une sorte de paix bâtie sur le fait que tous les secrets du système shinobi pourraient être révélés. J’ai cru que ça suffirait. J’ai aidé à déjouer un attentat contre le village qui m’avait arraché mon frère, j’ai failli mourir pour ses habitants. »

Il n’était plus qu’à quelques mètres de la blonde. Son regard était toujours aussi sombre, fermé.

« Mais les entends-tu ? Les bruits des kunaïs qui s’entrechoquent. Moines, shinobis, alors qu’ils devraient s’unir, se battent encore et encore. Au final, organisations, barbares, idéologues, scandales, Furyous, diplomatie… Rien ne peut changer ce système hormis… »

Il murmura à l’oreille de son amie, tout en posant une main sur son épaule.

« … une alternative plus forte que lui. »

Un réseau d’enseignement ? C’était donc ainsi qu’il avait accès à tant et à tant d’informations et qu’il était – presque – toujours là où il y avait une confrontation ou un futur événement majeur. Si certaines personnes pouvaient le blâmer, Tsukiko faisait partie de cette minorité ne pouvant que comprendre – voire même applaudir – de telles perspectives. Contrairement à elle, il risquait rarement d’être surpris par de futures tragédies. Si elle avait un tel pouvoir – l’information - , elle aurait pu retrouver l’auteur des attentats des explosions à l’encontre des précédents conseillers, et empêcher l’attaque de Rei sans avoir eu à attendre qu’un moine toque à la porte une nuit.

- Une alternative plus forte que.

Et les yeux de Tsukiko s’assombrirent aussitôt. Cet homme qui se disait intelligent ou encore différent n’était pas plus différent d’autrui. Il glissait, irrémédiablement, dans d’obscures manigances qui n’allaient rien apporter, et qui allait être détruit quelques années plus tard tel un château de sable. La blonde ne disait rien pour autant, et ne réagissait pas plus, préférant garder autant qu’elle pouvait son calme afin d’écouter la suite.

- Les dernières personnes à avoir dites qu’il fallait des alternatives fortes ont été de sanglants terroristes … Est-ce ton alternative ?

Ce n’était nullement une question sincère. Sans même qu’il réponde, elle savait qu’il allait prétendre qu’il n’y aura pas une seule goutte de sang d’innocent ou la moindre violence gratuite. Une pensée un brin naïve à son sens. En somme, une simple question d’usage, teintée d’une touche d’ironie. Elle espérait – sincèrement – que son intelligence et son orgueil allaient offrir bien mieux qu’une bande de terroriste.

Elle finit par poser sa propre main sur celle d’Howaito, sursautant soudainement suite à une explosion. Que se passait-il ? Elle ne put s’empêcher de penser à sa collègue Sunajin qui y combattait. Elle espérait entendre une arme Saibogu dévastatrice plutôt qu’une bombe mortelle à son égard. Une perspective qui lui asséchait littéralement la gorge. Elle aurait pu courir en plein milieu d’une bataille désespérée mais non, il fallait se tourner vers l’avenir. Ou le futur danger.

Quelque chose se tramait, et elle désirait en comprendre les tenants et aboutissants.

- Allons-nous les laisser faire ?

Ou une toute autre façon de dire « avons-nous bien meilleurs à faire ? ». Un regard au groupuscule qu’Howaito avait quitté, et elle vit une bizarrerie. Les personnes ne bougeaient guère, ou ne semblaient presser à rejoindre le lieu de la bataille. Ce n’était donc ni des Kiezan fou amoureux de leur monastère et encore moins quelques Shinobis envoyés par d’autres villages. Cela ne pouvait pas non plus être des civils, au vu du danger de la situation et du calme que leur corps incarnait de loin. Etait-ce des déserteurs, venant de quitter leur village, des terroristes de longue date ou alors une bande d’errants ninjas ? Voire les trois ?

- Plus de secrets, ni de mensonges, s’il te plaît. Tu m’as dit d’être comme un second regard ou une seconde voix. Donnes moi toutes les cartes, que je sache réellement … aviser de la situation.

Elle l’avait suivi déjà jusqu’ici en gardant le silence. Elle se refusait de continuer encore. Une autre explosion, un autre sursaut, un autre battement de cœur de manqué … Inconsciemment, sa petite main s’était crispée sur celle d’Howaito. Un geste tendre ? Que nenni, ce n’était que la pression qui retenait et resserrait la seule. Une loi simple physique selon elle.