Les dossiers se succédaient. Je rédigeais des rapports destinés à Kioshi pour lui résumer les situations et lui faciliter son travail déjà conséquent et j'en rédigeais d'autres à l'attention de Zanshi afin d'attester de l'affaire Hasü dont j'avais eu vent du nouvel emprisonnement un peu plus tôt. J'avais soupiré devant ces faits rapportés par les membres en charge de sa surveillance : Que t'avais-je dis Eichi ? Une espionne reste une espionne...

Justement lorsque l'on parle du loup... Il venait tout juste d'entrer dans le bureau après s'être annoncé. Je laissais en plan mes dossiers pour l'observer : il était bien loin de son assurance habituelle, comme un puzzle auquel il manquerait des pièces, incomplet, morne et vide... Je l'écoutais parler, ne cherchant pas à lui couper la parole pour les contredire alors qu'il déballait sa colère indirectement à mon encontre.

Il s'asseyait face à moi, dépité mais éprouvant le besoin de parler. Je n'étais pas très douée en relation sociale et réconforter faisait difficilement partie de mon registre mais je pouvais néanmoins essayer pour remonter le moral d'un ami détruit malgré les mises en garde. Il ne me regardait plus, baissait la tête, en signe totale de soumise : chose que je ne lui connaissais pas. Est-ce que c'était ainsi que l'on se sentait lorsqu'une personne que l'on aimait balayait tous nos espoirs d'un revers de main ? J'avais connu bon nombre d'affliction mais encore jamais celle-ci... Voir un homme fort d'ego et de caractère réduit à presque sangloter me fendait le cœur mais nulle trace de pitié ne se faisait ressentir dans mon regard : je n'avais pas à le plaindre, il avait fait ses choix en son âme et conscience et je savais pertinemment que, comme moi, il détestait sûrement apercevoir la pitié des autres envers lui, ça avait le don de nous mettre encore plus en rogne.

« En effet je suis heureuse. Heureuse et fière de toi, pour ce que ça vaut pour toi. Tu as choisi ta patrie et les tiens : c'est tout ce qui compte. Je pense qu'elle t'a fait suffisamment de mal, inutile donc t’apitoyer sur ton sort : elle n'en vaut pas la peine... »

Je marquais une pause avant de refermer le dossier évoquant leur rencontre sulfureuse aux sources thermales : inutile de lui imposer ça :

« Nous discuterons de ce qui se trouve dans ce dossier plus tard : je pense que ce n'est pas le moment. Kioshi a aussi été mis au courant de l'affaire mais n'ai crainte : elle ne s'ébruitera pas au delà du Kakumeigun. Ton honneur est sauf... »

A défaut de ta dignité ? Mon franc parler pouvait faire mal et fort heureusement je m'étais retenue juste attend pour ne pas le blesser davantage.

« Je me passerais des : je te l'avais bien dit. Je savais que cela finirait ainsi mais tu avais fait ton choix. A toi aussi donc d'en assumer les conséquences... Bien que je suis là pour t'épauler. »

Mes yeux rougeoyants se plantaient dans les siens de la même nuance, sincères.

« Les amis sont aussi fait pour cela bien que tu avais l'air de penser que je me réjouirais de la situation. Je suis peut-être un monstre ou ce que tu veux envers ceux dont je n'ai aucune confiance mais jamais je ne nuirais à ceux qui me sont chers. »

Et tu en fais partie, Eichi.

J'observais et écoutais attentivement le Wada alors qu'il se repentait pour ses fautes tout en arguant sur le point le plus capital à mon sens : il avait choisi Suna au détriment de tout et je n'avais jamais remis en cause sa loyauté envers son village.

«  Ce dossier sera archivé prochainement et son ébruitement n'aura pas lieu : j'y veillerais. Je pense en effet que tes choix et tes actes ont permis de sauvegarder le village. C'est bête à dire mais c'est la confiance qu'elle te portait qui nous a permis de recueillir les informations sur ce qu'elle prévoyait véritablement... »

Je détournais la tête, regardant à travers la fenêtre qui donnait sur notre cher village et sur son ciel ensoleillé, comme à son habitude.

« C'est étrange... Je me demande pourquoi elle a fini par dire tout cela alors même qu'elle savait pertinemment qu'elle était sous surveillance constante... Crois-tu qu'elle tenait réellement à t'en parler en toute sincérité dans l'espoir que tu comprennes ses intentions et l'épaule ou bien en avait-elle marre de cette lutte ? Peut-être craint-elle ses commanditaires finalement... Kioshi surveillait le courrier qu'elle voulait transmettre pour être certains que rien ne filtre. Maintenant que nous avons connaissance de ce qu'elle projetait il va nous falloir remonter jusqu'au destinataire de ces lettres. »

Finalement, mon regard se portait de nouveau dans le sien qui se montrait plus insistant comme s'il parvenait à s'y rattacher d'une quelconque manière. Il devait y trouver quelque chose de positif puisqu'il parvenait même à esquisser un sourire que je lui rendais : s'il parvenait à le retrouver alors cela me convenait.
La suite de ces mots me prenaient au dépourvu. J'étais heureuse de l'entendre mais je ne m'attendais pas à ce qu'il parvienne à exprimer son attachement à mon égard de la sorte : cela me touchait quelque part. J'étais parvenue à me faire des amis et certains d'entre eux, que je ne connaissais pas encore parfaitement bien, arrivait même à me voir comme une meilleure amie... J'en avais fait du chemin moi aussi ces dernières années... Au moins, aujourd'hui je n'étais plus seule et je savais que je ne le serais plus jamais puisque je mettrais tout en œuvre pour les protéger.

« Je te l'ai dit : je serais toujours là pour ceux qui compte pour moi. Je suis satisfaite de voir que ma présence et mes paroles parviennent à apaiser ton cœur meurtri : c'est quelque part la plus grande récompense que je peux retirer de cette affaire étrange... Il est vrai que nous ne nous connaissons pas beaucoup pourtant je partage ton point de vue : j'ai aussi l'impression de te connaître depuis toujours. C'est difficile à expliquer mais disons que je parviens à te cerner puisque au fond, nous avons beaucoup plus de points communs que ce que l'on pourrait croire de prime abord. »

Il respectait ses principes, quitte à se retrouver en dehors et contre le système d'un village qu'il chérissait pourtant tant. Il avait tendance à agir promptement, sous le coup de ses émotions et souvent en se laissant emporter par elles : tout comme moi. Eichi était un Jonin du village mais lorsque je l'avais côtoyé pour la première fois lors d'une mission de développement alors qu'il revenait d'un long voyage, je l'avais trouvé morne, presque sans but et très solitaire tout en se sentant affreusement seul : c'était aussi comme cela que j'étais il n'y avait de cela pas si longtemps finalement. Je parvenais à le comprendre et jamais ne jugerait ses choix parce qu'il me renvoyait à moi même.

Il me reparlait ensuite d'Hasu alors même que je tâchais de ne pas aborder le sujet pour ne pas le froisser. Pourtant, je n'en montrais rien et me contentais de lui répondre franchement : i lavait le droit de savoir.

« Une recherche de ses commanditaires pour les interroger à leurs tours et les confondre pour les empêcher de nuire à nouveau au village si l'envie leur en prenait d'envoyer une autre personne. Concernant l'Espionne... Kioshi prendra la décision finale avec notre Kazekage. Si une sentence doit être exécutée, je te promets de m'en charger et de respecter la promesse que je t'ai faite à ce propos. Si la sentence est annoncée, veux-tu que je te l'apprennes ? Libre à toi d'y assister ou non : tu y auras ta place mais je ne souhaites aucunement imposer ta présence ni même la connaissance du jour crucial. »

Je sondais son regard pour y déceler la moindre trace d'émotions qui pourrait m'aiguiller sur sa réponse. Le sujet était lourd et tout cela était encore bien trop récent pour qu'il en soit détaché : loin de moi l'idée de le blesser mais ce genre d'interrogations étaient légitimes pour qu'il puisse en avoir connaissance et ne pas regretter ensuite.

Je soupirais à la suite de ses réponses et lui adressais un sourire tout en posant une main qui se voulait chaleureuse sur son épaule :

« Et si nous sortions un peu prendre l'air ? Allons n'importe où tant que l'on cesse de parler de tout cela. »

En parler ne me dérangeait pas : c'était mon quotidien au sein du Kakumeigun de gérer ce genre d'affaires et j'en étais même détachée la plupart du temps mais celle-ci impliquait un grand ami et je ne parvenais pas à l'appréhender de la même manière que toutes les autres. Un bol d'air frais me ferait sûrement le plus grand bien à moi aussi.