Le printemps venait de toucher à sa fin. La belle saison arrivait et plus précisément dans la ville d'Hakunin située au nord-est du Pays des Neiges. Les habitants s’affairaient à la préparation du festival de l'éclipse. Il restait encore un peu plus d'un mois avant que ne débute cette dernière.

Le comte Hélios, gouverneur de cette contrée montagneuse, avait pour rôle de s’assurer que les festivité aillent de bon train. Il observait avec un sourire bienveillant la ville en contre bas depuis la fenêtre de son bureau. Contrairement à son peuple, un tout autre genre de préparatif l'attendait. Après s'être perdu un long instant, le regard rêveur, il tira le rideau avant de retourner prendre place devant son bureau. Face à un parchemin, il plongea sa plume dans l'encrier et commença à écrire.

Citation :

A l'attention de Kawaguchi Tsukiko, Ketsueki Yami, Yamada Kioshi, Toshiro Ogami.

Je vous salue. Je me nomme Hairo Hélios, comte de la ville d'Hakunin au Pays des Neiges. Vous vous demandez sans doute quelle peut-être la raison de cette missive. Laissez-moi vous l'expliquer. Avant toute chose, sachez que j'ai eu vent des derniers événements ayant eux lieux à l'encontre de votre village. Ces séries d'attentats cruels et sans but ont du grandement affecter votre population. Je compatis sincèrement à vos efforts pour vous relever de cette tragédie. Aussi pour réparer cette injustice et renforcer les liens unissant Kaze a l'alliance des Pays Neutres, je souhaiterai investir une somme de dix millions de ryos afin d'aider à la reconstruction de votre village. J'ose espérer que cette contribution puis être à même d'apporter ce dont vous avez besoin.

Néanmoins, et comme vous vous en doutez sûrement, je ne fais pas cela par pur altruiste. J'ai en effet à cœur d'aider votre nation face à un ennemi commun et, de ce fait, puisse t-il en être dans les deux sens. Je souhaiterai engager les services de Suna pour une mission spécial. Cette lettre vous est spécifiquement adressée directement car, je tiens à ce que tout ceci demeure dans le plus grand confidentialité. Voyez-vous il s'agirait de régler un problème personnel qui d'une certaine façon vous concerne également.

J'ai récemment apprit la mort de Saibogu Oniri, une jeune Kunoichi que vous sembliez tous connaître. Vous l'ignorez probablement, mais cette dernière est originaire du Pays des Neiges et faisait partie de ma famille. Je n'ai pas eux la chance de la connaître personnellement, cependant il est de mon ressort de vous informer qu'il est probable qu'elle ne soit pas réellement décédée. Elle est détentrice d'un pouvoir que l'on nomme le Henka Akuma. Je ne puis vous en dire plus à ce sujet dans l'immédiat par crainte que cette lettre soit interceptée. Cependant, sachez qu'un danger la guette, elle comme toute notre famille. Un homme cherche à s'emparer d'elle pour servir de sombres desseins. J'ignore ce dont il s'agit, mais il s'en est déjà prit à plusieurs reprises à nous et continuera de s'acharner tant qu'il n'aura pas atteint son but.

Je m'adresse spécifiquement à vous car je sais que vous êtes des compagnons proches d'Oniri et que vous aurez sans doute davantage à cœur d'accomplir cette mission. Je recherche des Shinobis de confiance que je ne pourrais trouver parmi ceux du Pays des Neiges. Le fait que vous soyez étrangers à ces contrées serait un atout indéniable pour nous permettre de prendre cet ennemi par surprise.

Veuillez m'excuser si tout ceci puis sembler mystérieux, mais comprenez que dans l'état actuel de la situation je ne puis en dire davantage. Si vous l'acceptez je serais plus que honoré de rencontrer chacun de vous. Acceptez d'être mes hôtes simplement le temps d'une semaine que nous puissions régler toute cette affaire. Je pourrais enfin dormir en toute quiétude en sachant que ma famille pourra continuer de perdurer en paix. Peut-être alors pourrons nous également espérer que vous puissiez retourner à Suna avec votre ami Oniri.

Dans l'attente de votre réponse,
Respectueusement,
Comte Hairo Hélios.

Le comte releva sa plume avec un certain méthodisme. On vint frapper à la porte de son bureau. Une fois le consentement obtenu, le serviteur entra avec un plateau sur lequel reposait un service à thé. Solennel, il servit son maître. Hélios attrapa la tasse puis hésita un instant avant de la porter à ses lèvres.

-Vous semblez pensif Hélios-sama.

Le comte adressa un sourire énigmatique à son serviteur.

-Je déteste mentir...

Le majordome garda le silence un instant, se demandant s'il était autorisé ou non à s'exprimer davantage. Avisant le regard insistant de son maître, il comprit qu'il le devait.

-Alors pourquoi le faite-vous ?

Hairo leva la paume de sa main vers l'avant. Un fragment de cristal se matérialisa entre ses doigts. D’infimes gravures, semblable à des sceaux étaient visible à l'intérieur. Il en émanait une étrange aura rougeoyante. Les deux hommes perdirent leurs regards dans l'éclat iridescent de l'objet.

-Parce que des sacrifices sont parfois nécessaires...

Il n'avait pas choisi ces Sunajins uniquement parce qu'ils étaient des proches d'Oniri.

Ketsueki
Kawaguchi
Yamada

Trois des plus illustres clans issus du désert. En eux coulaient le sang des premiers hommes qui avaient batti les fondations de l'ancien monde.

-A combien de temps sommes nous de l'éclipse ?
-Il ne reste plus que quarante-deux jours, Hélios-sama...

Résumé:

J'avais reçu une lettre fascinante et bien mystérieuse en cette période sombre. Il était question d'un Comte de Yuki no Kuni qui appartenait à la famille d'Oniri et qui évoquait la possibilité que des personnes mal intentionnées en avaient après ma meilleure amie qui s'avérait être une henka akuma... Tout ceci était bien difficile à concevoir mais ce qui l'était d'autant plus c'était qu'elle avait disparu sous les yeux ébahis de Kioshi et de mon petit frère. Ce dernier avait eu beau m'expliquer ce qu'il s'était passé, j'avais encore beaucoup de mal à réaliser... Est-ce que tout cela signifiait qu'elle était encore en vie ? Que l'espoir était encore permis ? Ou bien était-ce l’œuvre d'une personne dans l'ombre la manipulant ? J'aurais souhaité que la première proposition soit la bonne mais on m'avait rapporté l'insigne étrange qu'elle portait sur le front et qui était vraisemblablement du fuinjutsu...

Finalement, ce courrier en lui même sentait les embrouilles et les coups tordus mais je voulais y aller : il s'agissait d'Oniri. Dans cette période de ma vie où plus grand chose n'avait de sens et om je me contentais de survivre et d'errer telle une âme en peine, c'était l'élan de motivation qu'il me fallait pour me reprendre en main et ne pas continuer de m’apitoyer sur mon sort. S'il y avait un quelconque moyen de venir en aide à Oniri et même d'espérer son retour utopique, j'étais prête à prendre tous les risques car je n'avais plus rien à perdre de toute façon.

Plus étonnant encore : pourquoi avais-je reçu un courrier en commun avec Tsukiko, Kioshi et Ogami ? Nous connaissions Oniri mais était-ce la seule raison ? Au fond peu importait puisque j'étais décidée à y aller coûte que coûte.

Sortant du manoir, pour lequel j'avais été assignée en repos pour quelques jours depuis l'attentat de Rei, je me dirigeais vers chez Kioshi. Je savais qu'il avait déménagé pour aller vivre dans une rue Yamada ponctuée de tentes diverses et variées mais je n'y avais encore jamais mis les pieds : finalement, le toit ouvert sur le ciel et la pièce remplie de sable n'était plus nécessaire, il avait trouvé son propre moyen pour retourner à ses origines nomades.

A peine m'étais-je engouffrée à l'extérieur que le soleil m'éblouissait de sa luminescence bien trop vive et dont je n'avais plus l'habitude. Je plissais les yeux et usais de ma main pour me les couvrir le temps de m'adapter et me dirigeais d'un pas lent vers ma destination. J'étais toujours dans le brouillard, les yeux dénués de larmes tant je les avais laissé coulées, marchant comme si j'étais seule dans ce monde chaotique. La soif me tiraillait, ma maladie me gangrenait et l'absence de transfusion de ces derniers jours n'aidait pas mais j'avais que faire de tout cela.

Comateuse, les yeux hagards, je déambulais jusqu'à la tente de Kioshi que l'on m'indiquait : elle était sommaire mais je me moquais des détails. Il avait des bandages tout autour du tronc des suites de ses blessures mais semblait se porter assez bien. Je m'approchais de lui sans un mot, m'arrêtant à sa hauteur avant de commencer dans le vif du sujet :

« Tu as reçu la lettre je suppose... Tu vas y aller ? Moi oui. »

J'étais catégorique.
Que pensait le Yamada de tout cela ? N'y voyait-il pas le moindre intérêt ? Allait-il accepter d'y aller uniquement parce qu'il ne voulait pas me laisser y aller seule comme il l'avait fait pour aller récupérer Hotep ? Je ne le savais pas mais une chose était en revanche certaine : il cherchera sans doute à me dissuader d'y aller sauf que je n'avais que faire de son autorisation...

Je jouais quelques morceaux au piano pour essayer de faire passer les longues heures de l'après-midi. Ma blessure m'empêchait de pratiquer beaucoup d'activités, du coup le reste du temps je le passais sur mon clavier. Malgré mon amour pour cela, les missions et interventions commençaient à me manquer. La blessure ne me faisait pas aussi mal qu'avant en soit, j'avais des douleurs juste en mouvement, le reste du temps c'était supportable. Vêtu seulement d'un pantalon, je laissais mon bandage en plein air. Un tissu qui faisait tout le contour de mon torse en passant par l'épaule droite, ce n'était pas très esthétique non plus.

Je fus interrompu par l'hôtesse d'accueil. Au quartier général des Midorhato, il y avait un accueil et chaque chambre avait un compartiment pour les missives/colis etc. La damoiselle me l'amena en main propre après avoir tapé à la porte. Elle entra après mon autorisation pour me la déposer et partir promptement. Le fait d'être blessé devait aussi avoir certains avantages comme ceux-ci, cependant je n'aimais pas la contrepartie qu'est la blessure. Allongé sur mon lit et adossé au mir, je commençai la lecture.

La lettre finie, je ne pensais pas aux retombées financières, j'étais dans ma torpeur. La haine envers l'homme de l'ombre qui m'avait poignardé lâchement dans le dos. J'avais comme une envie de meurtre, une envie de le faire souffrir pour finalement lui ôter sa vie comme je pourrai le faire avec un insecte. Un homme demandait notre aide, à plusieurs Shinobis dont Yami-.. Ma sœur était encore plus concernée en vu de son lien avec la Saibogu. Non seulement je pouvais aider la Ketsueki mais aussi peut-être avoir la possibilité de retrouver l'homme et assouvir ma vengeance. Mon corps chaud, je transpirais, je bouillonnais à l'idée de prendre ma revanche. Cette sensation d'être aux portes de la mort, je ne voulais plus la revivre, jamais. Il devait payer.

Sans même penser à ma blessure, je me relevai rapidement pour m'appuyer sur le bureau et commencer à rédiger.

Comte Hairo Hélios,

Je me nomme Toshiro Ogami et vous devez sans doute connaître mon appartenance à l'organisation Midorhato alors je passe les formalités pour en venir aux choses importantes.

Il est vrai que récemment notre village a malheureusement subi des attaques, n’espérez pas un remerciement car au final ce n'est nullement un don d'après vos mots. J'ai affronté aux côtés d'un autre homme, la Saibogu. Aussi froide que la glace, comment peut-il encore y avoir un espoir? J'ai des doutes sur vos dires. Son corps par contre, je veux bien admettre qu'il peut déceler des pouvoirs mais ne vous obstinez pas à nous convaincre avec une possible résurrection.

Cependant, nous avons sûrement un ennemi en commun. Un homme était présent, dans l'ombre, il a aidé Oniri à s’échapper du village. Si cet homme est notre ennemi commun alors c'est avec plaisir qu'après mon rétablissement je prendrai la route pour éliminer cette personne. En plus d'avoir été un danger pour les villageois, il m'a grièvement blessé donc je souhaite lui rendre la monnaie de sa pièce.

Vous pouvez donc compter sur moi Hairo Hélios.

Toshiro Ogami

Son ton était abrupt et sa réponse sans appel. J'arquais un sourcil d'incompréhension face à son comportement avant d'analyser la situation : est-ce que cette voix sèche m'avait été donné du fait de mon entrée peu délicate ou bien était-il de mauvaise humeur ? J'aurais préféré m'en moquer, n'avoir que faire de ce qu'il pensait mais fort était de constater que ce n'était pas le cas.

Je soupirais en fermant les yeux un instant puis les reportaient sur le Yamada, quelque part agacée par son timbre de voix condescendant comme si j'étais inférieure à lui... Osait-il user de son grade de chef du Kakumeigun pour me parler alors que nous étions avant tout amis et avions été amants ?

« Je vois... »

Là dessus, je raclais ma gorge avant de reprendre, comme si je venais d'arriver, rabrouant ma colère naissante pour faire preuve de plus de maturité.

« Bonjour Kioshi. Tu vas bien ? Comment te sens-tu désormais ? Tu sais, j'ai pris de tes nouvelles même si tu ne m'as pas forcément vu. J'ai été très occupée à l'hôpital et... certains événements m'ont fait prendre du recul. »

Je parlais bien sûr de la mort d'Oniri.
Kioshi allait-il voir l'effort que je faisais là pour me rattraper de ma conduite négligée ? Allait-il pour autant poursuivre dans sa lancée ou se calmer lui aussi ? J'attendis qu'il me réponde avant de poursuivre.

« Je savais que tu ne voudrais pas que j'y aille. Toutefois, cela n'est pas négociable. Comprends moi. Il s'agit de ma meilleure amie dont il est question. Depuis son décès et cet étrange altercation à laquelle vous avez fait face toi et Ogami, je n'ai de cesse de penser qu'il reste encore un espoir et un moyen quelque part pour la sauver : s'il existe je le trouverais. »

Ma détermination était sans faille : qu'importe les risques encourus, j'étais prête à donner ma vie pour qu'Oniri retrouve la sienne.

« Je suis... confuse et en perdition ces derniers temps. Cette « quête » me fixerait un nouvel objectif, une nouvelle raison d'avancer et de poursuivre ma vie devenue morne... Alors... j'irais. »

Mon regard brûlait d'intensité, reflétant ma volonté.

« Je sais également qu'Ogami y va, or il est blessé et il n'est pas question que je le laisse y aller dans cet état tout seul : j'ai perdu trop de proches, je ne veux pas en perdre d'autres... »

Mes yeux soutenaient les siens sur ces dernières paroles. Kioshi était important pour moi, s'il devait lui arriver quelque chose à lui aussi, surtout pour une expédition concernant ma meilleure amie dont j'aurais été écarté, je ne le supporterais pas. Comme pour appuyer mes propos, je m'approchais de lui et l'enlaçais, veillant à ne pas le serrer trop fortement pour éviter de réveiller ses blessures. Sa présence et sa chaleur familière était si rassurante... Pourtant, je voulais aussi lui montrer que j'étais là pour lui car je tenais à lui...

« Tu n'es pas seul Kioshi... Ne décide pas à ma place... »

Disais-je d'une voix doucereuse, presque dans un murmure. Je devais venir : pour Oniri, pour Ogami, pour lui... Je devais être là pour protéger ceux qui étaient chers à mon cœur pour ne plus avoir de regrets comme cela avait été le cas pour la mort de Shinji ou celle d'Oniri où je n'avais pas été là pour eux malgré toutes mes promesses...

Nos tons avaient changé mais les discours restaient les mêmes. Kioshi n'avait pas l'intention de me laisser y aller. Il mit fin à l'étreinte que j'avais débuté, apposant simplement ses mains sur mes épaules pour me forcer à soutenir son regard alors qu'il me demandait si je lui faisais confiance. Ma réponse fut instinctive :

« Bien sûr que oui. »

Il était sans doute la personne en qui j'avais le plus confiance dans Suna avec Ogami et Oniri... Suite à quoi, il se targuait de trouver la solution de ramener ma meilleure amie lui même, me demandant de diriger le Kakumeigun en son absence. Il usait de mes responsabilités contre moi pour argumenter sa décision : c'était fourbe. Mon regard s'abaissa un instant sur le sol, l'écoutant poursuivre alors qu'il me promettait de revenir. Dans le même temps, il s'éloigna de moi et me tourna le dos, s'enfonçant un peu plus dans la tente pour laisser de la distance entre nous alors que j'étais plongée dans la perplexité et le désarroi.

« Comment peux-tu être certains de revenir ? Nous ne savons pas ce que cette « invitation » signifie ! Shinji et même Oniri m'avaient aussi dit qu'ils reviendraient ! Je ne veux plus prendre le risque de croire à ce mensonge et de perdre quelqu'un de plus sans n'avoir été là pour tenter de changer les choses... »

Plus que la mort de mes amis, c'était la culpabilité de ne pas avoir été présente pour eux et tenter de les sauver qui me rongeait...
Il m'expliqua ensuite qu'Ogami non plus n'irait pas s'il était blessé et qu'il en allait de même pour Tsukiko avec sa maîtrise... Il parlait de s'entourer de quelques Jonins pour l'expédition et me demandait de ne pas m'inquiéter... Comment le pourrais-je ?

Sa voix avait changé, elle trahissait son émotion alors que je ne pouvais toujours pas voir son visage. Il m'avouait qu'il n'avait aucune envie de m'exposer au danger, me demandant en tant qu'ami mais aussi en tant que chef de l'écouter parce qu'il ne supporterait pas de me perdre non plus... Ces derniers mots me firent déglutir tandis que j'écarquillais des yeux presque larmoyants, rivés sur son dos. Mon timbre était également submergée par l'émotion désormais :

« Justement ! Pourquoi devrais-je accepter de te laisser y aller alors que tu le refuses pour moi ? Je n'ai pas non plus envie de te perdre ! »

Je serrais mon poing à la simple idée de le voir à son tour dépourvu de vie, sans que je ne puisse rien y changer.

« Je te le demande en tant qu'amie mais aussi en tant qu'intendante : je suis ton ombre, ne l'oubli jamais. Je suis là où tu es et je vais partout où tu iras : tu ne seras jamais seul. Cesse de porter le fardeau du monde sur tes épaules en voulant nous protéger de tout alors que nous ne demandons qu'à ce que tu te reposes aussi sur nous... »

Il n'avait pas le droit de m'écarter de cette histoire alors même qu'il refusait de le faire lorsque c'était moi qui le lui demandait.

« Allons y tous les deux. Tu veilleras sur moi et je veillerais sur toi : ensemble. Je n'ai pas peur de la mort et je ne la laisserais pas t'approcher : elle ne m'a pris déjà que trop de personnes chères à mon cœur sans que je n'y puisse rien... »

Je n'avais aucune envie qu'il soit le prochain... Mon ton était solennel et mon visage, bien qu'il demeurait dos à moi et ne pouvait pas le voir, était inflexible et affichait mon assurance tandis que mon regard incandescent, luisait ardemment sous le poids de mes convictions.

« Je suis là pour toi... Nous sommes là pour toi. Ne nous mets pas à l'écart alors que toi même refuse notre présence par crainte de nous exposer au danger puisque nous ressentons la même chose à ton égard. Fais nous confiance. Veillons ensemble les uns sur les autres. Ne laissons personne porter ce fardeau à lui seul. Ni risquer sa vie loin des siens qui n'aspirent pourtant qu'à l'aider... »

Comprenait-il ? Lui plus que quiconque, en tant que Yamada, devait comprendre les liens puissants qu'unissait une famille ou des amis... Je n'avais pas eu la chance de vivre dans cet environnement mais j'avais appris à le comprendre et à le ressentir. Aujourd'hui, plus que jamais, je voulais les protéger.

Il m'assurait qu'il reviendrait mais une fois encore il ne pouvait pas le savoir... Il avait beau me dire qu'il ne pouvait en être autrement parce qu'il ne voulait me laisser seule, recluse dans le manoir, il ne pouvait pas savoir de quoi serait faite cette expédition ni même s'il reviendrait : pas même lui.

Il annonçait ensuite à demi sérieux que j'étais virée dans ce cas car je ne pourrais agir en tant qu'intendante ou en tant que celle le suivant partout telle son ombre.

« Crois-tu vraiment que me virer va me faire renoncer à mes engagements ? »

Membre du Kakumeigun ou pas, supérieur ou pas, je me trouverais toujours non loin de lui. Il s'éloigna une nouvelle fois de moi, tombant à genoux alors qu'il venait d'abaisser drastiquement la température environnante, signe incontestable qu'il n'allait pas bien. Je me précipitais à sa hauteur pour le soutenir mais un épais brouillard m'empêcha d'agir : je me figeais. Seulement une poignée de secondes s'écoulèrent mais déjà je me retrouvais entravée : les poignets attachés dans le dos alors que je sentais mon énergie se dissiper et se brider. Je savais très bien ce qu'il venait de faire mais je ne parvenais pas vraiment à le réaliser, me contentant de fixer un point invisible devant moi tandis que mes yeux grand ouverts, larmoyaient d'incompréhension.

Ses mains tremblotaient contre mes poignets alors qu'il se trouvait dans mon dos, cherchant à me faire part de son désarroi. Il m'expliquait que nous étions sa faiblesse et qu'il n'hésiterait pas à accourir ou à s'interposer s'il m'arrivait le moindre problème. Il disait ne pas vouloir me perdre mais ne comprenait-il pas lui non plus qu'il en allait de même pour moi et que j'agirais de la même manière à son égard ?!

Lorsqu'il prononça ses derniers mots, m'avouant que j'étais sa faiblesse, mon cœur manqua un battement tandis que le temps semblait comme suspendu. Je ne voulais être un poids pour personne mais ses propos me touchaient. Les faiblesses étaient faites pour être combattues si nous souhaitions devenir plus forts. J'avais moi même fait beaucoup de progrès sur ma soif à la vue du sang en m'exposant volontairement à sa vue et à son contact chaque jour à travers mes interventions à l'hôpital du village.

Alors que ses mains enserraient toujours mes poignets, j'attrapais les siens et caressais sa peau de mes pouces, laissant ainsi le silence gagner les lieux avant de m'exprimer à mon tour.

« Et tu es la mienne... »

Oniri aussi... Ainsi que tous ceux que j'aimais mais cela demeurait différent avec lui : nous avions bien plus de points communs que ce que les apparences laissaient croire...
Le comprenait-il ? Il me demandait de le laisser y aller seul alors même que je m'inquiétais autant pour lui qu'il s'inquiétait pour moi.

« Il est temps que les rôles s'inversent et que tu ne sois plus forcément celui qui protège mais celui qui est protégé. »

Je raffermissais ma prise, toujours dos à lui.

« Je ne suis pas aussi faible que ce tu crois. Je veux être là pour te protéger. Je ne peux pas me contenter d'attendre ton retour, sans savoir ce que tu traverses ni t'apporter mon soutien. Tu pourras me protéger si tu le veux mais au moins pourrais-je faire de même. »

Je me taisais quelques secondes, avant de reprendre :

« Je tiens à toi... »

Alors ne me laisse pas ici alors que je pourrais être à tes côtés pour veiller sur toi comme tu le ferais pour moi...

Il semblait décontenancé par mes propos si bien qu'il se passa quelques instants sans qu'il ne dise mot avant de finalement arguer qu'il n'avait jamais dit que j'étais faible. Non c'était vrai mais moi je parlais de ma faiblesse qui le faisait se rebuter de me laisser y aller : ma maladie. Il craignait de devoir intervenir et de me voir mal en point, ne supportant guère l'idée de me voir flancher sous son affliction cependant, il devait bien savoir que j'étais plus forte que cela et que je ne laisserais pas un mal, aussi intense soit-il, dévoré mon âme et me consumé jusqu'à ce que je perdes pieds... Si tel devait être mon fardeau : autant mourir dès maintenant.

Il s'éloigna finalement, me faisant lâcher prise sur ses poignets tandis que les miens demeuraient entravés. Je me retournais pour le suivre du regard et le voyais s'ouvrir la chair pour remplir une coupelle de son sang. Quel était le but de sa manœuvre ? L'élixir ne possédait plus ce genre d'emprise sur moi : mon père m'avait aidé à dompter ce que j'étais censée maîtriser et qui ne devait pas me contrôler. Pourtant, bien que tout ceci ne rimait à rien, ses mots eux, me touchèrent d'une certaine façon. « Rester auprès de moi quelque part » … Malgré la distance, le lien de sang savait et parlait. Il me donnait le moyen de ressentir que quelque chose lui était arrivé. Etait-ce un cadeau ou une punition que de me donner l'opportunité de connaître son état alors même qu'il me forçait à rester ici quoi qu'il arrive ? Pourquoi avais-je l'impression que ce don inopinée sonnait comme un adieu : un dernier présent de sa part pour moi ? …

« Alors reste auprès de moi : tout simplement... »

Le suppliais-je presque.
Mon regard trahissait mon incompréhension et mon désarroi face à son geste à la fois attentionné et désespéré alors qu'il se rapprochait une nouvelle fois de moi pour poser son front contre le mien. Son regard me transcendait et captivait mon attention tandis que j'étais perdue alors qu'il me demandait d'inverser les rôles que lorsque je serais guéries... Cette simple raison suffisait à me donner envie d'aller trouver mon père pour lui demander d'exécuter le rituel de passation à l'immortalité, transmis aux Ketsueki méritants. Peu importait la douleur ou tout ce que je perdrais suite à cela tant que je pouvais à mon tour lui venir en aide et ôter le poids conséquent qu'il portait chaque jour depuis déjà trop longtemps.

Il s'en allait finalement, d'un pas lent et hésitant avant de se retourner pour me demander ou m'ordonner d'attendre ici que les membres de l'unité spéciale – dont je faisais aussi partie- viennent me chercher après avoir été mis au courant de la situation. Qu'espères-tu Kioshi ? Crois-tu vraiment que je vais attendre docilement que l'on vienne me chercher alors que tu me laisses la possibilités de faire selon mes désirs ?
Alors qu'il était parti, je ne fus pas longue à quitter à mon tour la tente, les mains toujours menottées pour me diriger au manoir. Si je ne pouvais pas me rendre au Kakumeigun pour retirer mes menottes autant me rendre chez moi pour dénicher un jeu de clé pour m'en défaire.

As-tu fait exprès, en ton âme et conscience de me laisser m'enfuir ? Tu me connais Kioshi, tu sais très bien que je n'aurais tout simplement pas attendu que l'on vienne me priver de ma liberté, si chère à mon cœur. As-tu prévu autre chose ? Cela fait-il parti de ton plan pour m'empêcher de me rendre à Yuki no kuni, sauver ma meilleure amie ? Peu importe ce que tu compte dresser sur ma route : j'irais.