Je pris une profonde inspiration. Lentement, je poussai la porte majestueusement ornée de toutes ces gravures, de ces quelques entailles et de cette poussière infiniment plus éternelle que je ne le serais jamais. Derrière, je savais que ce que je m’apprêtais à voir serait magnifique, grandiose. Et j’avais bien raison. A peine avais-je poussé la porte que déjà je fus empli d’un sentiment de plénitude totale. Ce fut comme si toutes les sensations, les peurs et les gloires des combattants qui étaient passés par là s’étaient infiltrées en moi, faisant de ma personne le réceptacle d’une telle expérience. Etant particulièrement sensible à ce genre de souvenir volant, je fus grandement réceptif à ces mémoires disloquées et pris un profond plaisir à les entretenir dans mon esprit. Mais il ne s’agissait pas de bribes, d’images ou de scènes entières. Non… plus que cela, il s’agissait de sentiments. Rien que des sentiments.

Je fis quelques pas en avant, m’arrêtais puis continuais encore. L’enceinte du lieu où je me trouvais était encore plus impressionnante que ce que l’on pouvait bien imaginer en lisant les livres d’archéologies ou d’histoire. Ces murs, ces gradins, cette acoustique magistrale. C’était bien plus grandiose que tout ce que j’aurais bien pu imaginer. Un instant, je fus pris de l’envie de demeurer là, au milieu de l’arène. Je le fis. Sans hésitation je me mis à tourner la tête de droite à gauche. Il me semblait pouvoir les entendre. Ils hurlaient, scandaient des noms que je ne connaissais pas. Des noms compliqués et des noms aux consonances barbares. Mais je me sentais alors revigoré d’une énergie spirituelle énorme et devant moi, alors que mes yeux étaient toujours ouverts, débuta une scène de combat. Les deux adversaires étaient l’un en face de l’autre, se serraient la main. Le combat qui s’en suivit fut des plus magistrales. Une réussite de spectacle et je me remerciais de me rendre si réceptifs à ces souvenirs volants.

Mais quelque chose vint perturber mon sommeil éveillé. Quelque chose de bien moins amusant qu’une petite scène de combat. Un chakra, familier cependant. Deux en réalité. Deux qui se rapprochaient et qui pourtant émettaient des vibrations contradictoires. Je les sentais approcher, je ne savais que faire. L’ambiance de cet endroit m’avait enivré et sans me poser plus de question, je joignais mes deux mains en face de mon visage. De mon corps s’expulsa alors une quantité phénoménale d’énergie astrale. Celle-ci découlait de mon dos pour monter vers le haut, comme un filet d’eau dépourvu de graviter pour le ramener à terre. L’énergie bleue qui m’entourait se voulait repérable de loin, que ce soit par la vue ou par les sensations sensorielles. Mais au moins, j’annonçais la couleur. Aussi, avant même que celui qui pénétrait dans l’enceinte du colisée ne montra le bout de son nez, j’étais déjà en position de combat.

A ma plus grande surprise, il s’agissait de Kuma et de son ours. Tous deux, fidèles à leur stature de grandes bêtes se rapprochèrent rapidement en demeurant le visage fixe, le corps redressé. Ils se rapprochèrent tellement que je me sentis malpoli de déployer près d’eux une telle énergie et je la résorbais à l’intérieur de mon corps. Je me rendis alors compte que je ne faisais peut-être pas bien. Ce n’était pas très prudent, après tout que savais-je de ces hommes de Konoha. Néanmoins je persistais dans ma démarche et retirais toute trace d’hostilité. Je levais une main vers les gradins et montrais d’un mouvement ample l’ensemble de la structure architecturale qui me fascinait.

« Cet endroit est vraiment magnifique, je dois avouer qu’il m’a un peu prit par les tripes. Je n’ai pas fait exprès de m’emporter, j’en suis désolé. »

Mon regard se reporta sur Kuma et son ours, il se fit moins froid, moins combattif, mais ce n’était qu’une ruse. Dans mon dos, ma main allait déjà chercher dans ma poche mon bâton rétractable. Il me serait peut-être utile, pensais-je sans vraiment me rendre compte de ce que je faisais et du fait que l’ours avait les yeux rivés sur moi. Je me redressais cependant et pris encore une fois la parole.

« Mais vous, que faites vous ici ? »

L’attitude de mon interlocuteur n’était pas hostile. Il semblait me témoigner une certaine sorte de respect. Après toutes les rencontres hasardeuses que j’avais pu faire, dont des personnes qui tenaient les religieux en horreur, cela me faisait plaisir de tomber sur quelqu’un passant outre ce genre de détail superficiel. Il m’annonça qu’il était curieux de nature, qu’il avait ce trait de caractère si cher aux érudits. Cela ne m’encouragea que plus à le considérer à mon tour avec respect. Cependant, son ours s’interposa. Il montra un peu les dents et paraissait légèrement tendu, comme énervé des choix de son maitre. A l’écoute de ses réprimandes destinées à son maitre, je ne pus réprimer un sourire. Un sourire innocent et assez naturel, je devais l’avouer. Moi qui pouvais regarder les gens souffrir, les gens mourir sans une once de remord ou de sentiment de culpabilité, je parvenais également à sourire quand quelque chose de drôle se produisait devant moi. J’en étais le premier surpris.

« C’est bon, ça ne me dérange pas. A vrai dire, je suis plutôt content que vous soyez venu, je commençais à me sentir isolé dans un si grand endroit. »

Je détendis l’atmosphère comme je le pus mais ce fut réellement la question que Kuma me posa ensuite qui relâcha réellement la pression. Il avait autant envie que moi de voir notre relation commencer sur des bases solides. Bon certes, il n’y avait pas vraiment relation ici, mais tout du moins ce lien professionnel qui commençait à s’installer. C’était quand même la seconde fois que nous nous retrouvions et cela signifiait qu’il ne manquait plus que quelques autres rendez-vous pour que nous passions du statut de connaissance au statut de relation. Néanmoins, je gardais à l’esprit que chacune des personnes qui se rapprocherait de moi représenterait à elle seule un potentiel danger. Aussi il me fallait demeurer prudent avec mes dires et mes actes.

« Je ne sais pas vraiment pourquoi je suis venu jusqu’ici, mais cet endroit dégage une certaine histoire. Peut-être n’y es-tu pas suffisamment ouvert pour t’en rendre compte… Il est dommage que tu n’aimes pas les lieux. »

Encore une fois, je ponctuais ma phrase par un sourire amical. Je fis ensuite quelques pas en avant et me rapprochais du couple. L’ours, je le sentais, demeurait sur ses gardes. Kuma de son côté, devait très certainement avoir déjà prévu un plan au cas où je me trouvais être un ennemi de sa nation et donc de lui même. Mais si j’avais bien prévu de ne pas être un allié de Konoha, je n’avais pas l’intention d’agir sur le moment. Il fallait du temps, m’accoutumer à ce nouvel environnement. Et puis… cet homme m’était sympathique. Ainsi, sans trop me rapprocher, je l’invitais à me suivre pour que nous marchions ensembles. J’avais besoin de me dégourdir les jambes et j’avais grandement envie de découvrir les autres secrets que cet endroit refermait. Alors, à mesure que je progressais dans mes narrations, nous commencions à nous rapprocher des couloirs intérieurs.

« Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de combattre sérieusement un adversaire. Pour être honnête, ma connaissance des arts du combat repose uniquement sur ce que j’ai bien pu apprendre au monastère. Cela ne fait pas longtemps qu’il s’est fait attaqué et je n’étais jamais sorti auparavant. »

Je pris une petite pose. Quelque part, il me semblait que je pouvais partager certaines informations avec cet individu. Cela me procurerait peut-être des informations complémentaires et utiles. Aussi, alors que nous entrions dans une salle qui apparaissait en tout point comme une salle de vestiaire masculine, je repris avant de sortir.

« Quelque part, je suis assez content de m’être libéré de cet endroit. Les prières, les méditations, elles m’ont beaucoup apporté mais ne m’ont jamais permis de me préparer au vrai monde. Maintenant, je me retrouve tout seul, livré à moi-même, dans un univers que je ne connais pas. Je ne dis pas que je suis content que mes collègues soient morts, mais je ne suis pas vraiment heureux d’avoir vécu avec eux tout ce temps. »

Je tournais la tête vers mon interlocuteur. Il avait ce regard agar des gens qui écoutent. Tout en prenant en considération l’ours dans ma question, comme s’il était lui-même un être humain avec qui je conversais, je posais mon interrogation.

«Ne vous est-il jamais arrivé de ressentir ce genre de sentiment ? D’être un être marginal, qui n’a pas sa place dans le monde ? »

Kuma me faisait comprendre qu’il était bien plus vieux que moi et si mon passé me mettais en marge de la société, pour lui s’était son physique, l’essence même de son être qui faisait de lui un homme à part. Il enchaina ensuite sur des paroles profondes témoignant de son dégoût quant aux combats qui avaient pu avoir lieu ici. D’un côté, je comprenais son opinion arrêtée sur cet endroit et le concept de mort inutile. Mais d’un autre point de vue, je ne pouvais m’ôter de la tête l’idée que de se retrouver au milieu de l’arène, des milliers de regards rivés sur soi et posséder le pouvoir de détruire son adversaire sous les yeux éberlués de tant de gens, ça devait être grisant, incroyablement spectaculaire et appréciable. Mais je ne répondis rien à sa remarque sur le colisée, il n’avait pas besoin que je le persuade de quoi que ce soit. C’était apparemment un vieil homme qui devait avoir tout ce qu’il fallait d’expérience pour se forger sa propre opinion et s’y tenir.

Il posa sa main sur le sol. D’une magie que je ne connaissais pas s’élevèrent alors quelques fleures rouges issues des mauvaises pousses se trouvant à même la terre. Il était évident que cet homme était un fervent défenseur de la cause de la vie. Un humaniste, un naturiste dans le sens moins conventionnel du terme. De son apparence, de son compagnon et de la simple manière dont il s’exprimait, je pouvais déjà deviner qu’elles étaient ses convictions sur la plupart des idées politiques d’aujourd’hui. Comme tous il devait être pour la paix, une paix durable et respectée. Il n’était certainement pas du genre à imposer sa vision du monde. Il n’était certainement pas du genre à s’élever au dessus de la meute. Mais un homme tel que lui dans un village où la nature est dominante… il se pourrait bien qu’un jour, le bougre que je dévisageais devienne Hokage.

La question suivante tomba comme une bombe. Il s’était relevé et s’était rapproché. Un peu trop prêt à mon goût d’ailleurs. Il me demanda lentement, avec une douce mélancolie dans la voix, si mon chemin serait celui de la destruction ou de la création. Un instant, je ne dis plus rien. Je réfléchissais. Laissant mon regard vagabonder devant moi, je me remis à marcher. Il me suivit. Le silence dura encore quelques secondes, je me rendais compte qu’il commençait à perdre patience. Fort heureusement, j’avais trouvé la réponse que je cherchais.

« Ni l’un ni l’autre, je vis. Si je dois mourir un jour, je veux avoir eu le plaisir de faire exactement tout ce que j’avais envie de faire. C’est peut-être détruire, c’est peut-être créer, seule l’avenir me le dira. »

Encore une fois, j’avais ponctué ma phrase d’un sourire prononcé. La présence de Kuma me faisait du bien. J’aimais bien converser avec lui. De ce fait, je décidais de faire un pas vers lui, malgré l’ours silencieux derrière nous. Nous étions arrivé de nouveau devant l’entrée du colisée et je fis marche vers la sortie.

« J’ai repéré un restaurant végétarien prêt d’ici. Si tu manges comme les hommes, allons le faire ensemble, tu en profiteras pour me raconter quelques trucs sur ce que j’aimerais bien apprendre. Bien sûr, si cela ne te dérange pas. »

D’un geste ample de la main, je lui indiquais le restaurant. C’était en fait une sorte de cafette en plein air, nous nous assîmes sur un banc et une serveuse bien jolie vint prendre nos commandes. Dans un premier temps, nous ne parlâmes pas vraiment. Bien sûr nous entretenions relativement bien la conversation en parlant du temps qu’il faisait, des quelques atouts que Konoha possédait quant à la position géographique du village. Mais je décidais de casser cet échange insipide en passant dans le vif du sujet.

« J’ai appris, en lisant le journal, qu’un certain intendant était toujours en vadrouille. Je me suis renseigné et j’ai découvert que dans tous les villages, il y avait certains de ces types, qui quittaient le village pour se lancer dans la criminalité. Tu peux m’en dire plus ? »

Je glanais plus d’informations que j’aurais bien pu l’espérer. Kuma ne s’en était surement pas rendu compte, mais il venait de me livrer un élément important. Je ne le lui fis pas comprendre, mais dans ses paroles, l’utilisation du pronom « ils » était révélatrice. Il ne s’agissait pas seulement de l’intendant mais de tout un groupe de ninja appartenant au village de la feuille. Je pensais auparavant qu’il s’agissait d’un cas isolé, d’une tête ayant un problème avec l’autorité. Mais les dires de mon interlocuteur me poussaient à aller chercher plus loin. Si tout un groupe s’était rebellé, c’était forcément qu’il y avait bien une raison. Pourquoi un groupement de personne se soulèverait-il contre sa propre patrie si ce n’est pour une raison valable ? Ainsi je commençais à réfléchir à la question. Et tandis que Kuma se rafraichissait, je préparais déjà ma prochaine question.

« Tu as une vision bien réaliste du monde. Il y a des hommes qui se couvrent les yeux d’un voile d’illusion, mais tu sembles différent. Pourtant tu me parles de criminel qui recherche le pouvoir, et uniquement le pouvoir. Que fais-tu du village qui possède ce pouvoir, vaut-il plus que le criminel ? Tous souhaitent exercer une certaine pression sur le reste de la population. La seule différence réside dans le fait que le village, lui, est déjà en train de concrétiser ses souhaits. »

Je savais que ma question était pertinente. Quelque part, elle remettait en question tout le système de valeur que les shinobis plaçaient dans leur village. Etait-ce cependant possible d’imaginer un monde sans la moindre autorité. L’homme demeurant son propre chef et ayant fait le choix de renier toutes les institutions ? C’était peu crédible, voire utopique. Néanmoins, en matérialisant cette idée dans mon esprit, je me rendais compte que c’était exactement le genre de monde dans lequel j’avais envie de vivre. Un monde de liberté totale. Un monde sans mensonge…

« Il y a quelque chose que je détestais plus que l’enfermement : les mensonges. A la mission, les moines n’avaient de cesse de mentir, de se voiler la face sur les réalités du monde. Ils mentaient d’ailleurs tellement et si bien qu’ils en venaient à croire eux-mêmes à leurs commérages. Alors j’y ai cru aussi. Longtemps j’ai pensé qu’il n’y avait rien à l’extérieur sinon de la poussière et des hommes qui se font la guerre pour des bouts de terre sans importance. Mais maintenant, je sais à quoi m’en tenir et l’idée d’avoir pu demeurer ainsi dans l’ignorance me révulse. »

Sans m’en rendre compte, je m’étais mis à serrer le poing sous la table. Mon regard était certes celui d’un homme qui confesse une partie de son passé mais il n’y avait que ma main qui reflétait réellement le sentiment que j’éprouvais. Une envie de revanche. Une vengeance personnelle contre ceux qui m’avaient empêcher de vivre parce qu’ils étaient trop lâches pour affronter le monde. Je les haïssais, mais ils étaient morts. Alors je me disais qu’il n’y avait aucun intérêt à haïr les morts. Je me calmais donc. Laissais une partie de mon esprit s’envoler dans une prière pour leur âme.

« J’ai également entendu dire que certains hommes, membres du village ou pas, pouvaient se permettre de partir dans de longs périples à la recherche de ces renégats. Alors ils ramenaient le déserteur ou simplement sa carcasse… Penses-tu qu’il serait possible pour quelqu’un comme moi de faire ce genre de chose ? »

J’avais balancé la question comme ça. Je n’avais fais au préalable qu’envisager vaguement la chose et je n’avais pas réellement l’intention de me lancer dans la carrière de chasseur de déserteur. Mais la réalité était écrasante, j’avais besoin d’argent et je n’avais pas l’intention de m’incorporer à un village ninja. Alors il me fallait exécuter un travail de mercenaire. Mes récentes rencontres me laissèrent toutes le sentiment d’être plus fort que la moyenne des ninjas, aussi je sentais qu’une traque, contre n’importe lequel de ces déserteur, pourrait me rendre encore plus fort. Mais tout ce résonnement, Kuma l’ignorait bien. Il ne voyait que mon regard se perdre dans la rue où se trémoussaient les passants et les passantes, imbibés de la fatigue de ces jours d’été.

Je commençais à comprendre un peu mieux la manière de penser de mon interlocuteur. Il avait ce petit côté naturel que je ne retrouvais pas chez les autres. Mais en fait, c’était tout son corps qui respirait ce même sentiment. Il avait l’air d’un énorme animal et son ours ne servait qu’à justifier cette connotation. Au moins, il respectait son thème, le chemin qu’il avait choisi. Moi, on ne pouvait pas en dire autant. Je n’étais pas vraiment ce qu’on pouvait appeler « un exemple de polarité. » J’étais un moine déchu pour avoir savouré la vision du meurtre de ses frères, je pratiquais cependant la méditation et la prière régulièrement. Je m’étais laissé pousser les cheveux et la barbe. Je faisais bien plus que mon âge. Non, vraiment, je n’avais rien à voir avec mon interlocuteur et sa volonté extrême de pousser chaque parcelle de son corps et de son esprit à rejoindre le même point.

La conversation se poursuivait. Il essaya, comme je l’avais supposé, de trouver des excuses aux moines. Lorsque l’on est trop bon, on peut voir les raisons de tout le monde. Et tout le monde a une raison, que ce soit pour le meurtre ou pour la défense d’un pays. Seuls les fous agissent sans logique continuelle. Aussi je l’écoutais avec attention. Il avait l’art de trouver chez les hommes ces quelques vertus que peu de gens peuvent voir, je le sentais à ses mots. Il devait en prononcer souvent ; des excuses. La phrase qui suivit celle-ci me laissa on ne peut plus perplexe cependant. Il me demanda pourquoi je voulais tant devenir mercenaire, chasseur de déserteur. Il me laissait le choix entre deux raisons. Fidèle à sa conception manichéenne des choses, il les avait divisé sobrement selon la vertu de celles-ci. Aussi son interprétation de mon bon vouloir à devenir chasseur de prime me fit sourire. Une fois de plus je croisais son regard et décidais de me montrer honnête.

« J’aimerais faire ce boulot parce que j’aurais l’occasion de tuer en toute légalité. J’ai vu le sang couler. Et bien que je ne sois pas un assassin, je ne peux pas dire que ce soir là, un instinct animal ne s’est pas réveillé en moi. Tu dois me comprendre, toi qui connais l’homme, tu dois comprendre ce que c’est que cette puissance qui nait au plus profond du corps. Cette envie de dominer, de tuer avant d’être tuer. C’est grisant, et je veux retrouver cette sensation. Je te le dis sans arrière pensé, ne me juge pas sur cela cependant, ce n’est qu’une partie de mon âme, et elle est malheureusement bien noire. »

Une partie ou mon âme entière. Il n’avait pas besoin de savoir pourquoi j’étais si attiré par la violence et le conflit. J’aimais le chaos. Le monastère, c’était trop bien classé, bien ordonné, j’y étouffais. Mais lui n’en savait rien. Il devait me prendre pour l’un de ces traumatisés de massacre. Il ne devait pas se douter que ce sentiment, cette chose qui me rongeait à présent, se trouvait en moi depuis bien plus longtemps que je ne pouvais m’en souvenir. Mais je n’avais pas le cœur à lui retirer ses illusions. Il devait encore apprendre à me connaître avant que je ne dévoile ce genre de choses. Or je n’avais pas l’intention de le connaître plus que cela. La raison principale de notre conversation était la collecte d’information et je comptais bien m’en tenir à ce point.

Le ton que Kuma prit ensuite éveilla à nouveau mon intérêt. Il se montra plus discret, plus conspirateur. J’avais pu sentir la différence entre sa phrase précédente et celle qu’il était en train d’énoncer. Il me mettait en garde contre cette vie que je souhaitais mener. Mais sans plus que cela insister sur le fait que cela ne servait à rien d’espérer gagner des millions. Bien au contraire, sous ces traits de mise en garde, il y avait une invitation. Sa dernière phrase conclu tout l’esprit de son discours et je compris qu’il souhaitait effectivement que je me prête un peu plus au jeu. Il souhaitait m’aider, eh bien soit, je le laisserai m’aider.

« Enonces donc tes conditions et tes conseils. De toute façon, il ne sert à rien de faire des mystères. Je ne m’implanterais pas ici et ma route sera parsemée de combats, je le sens déjà. Je suis peut-être moine, mais j’ai le sang chaud, aussi j’en ferais certainement couler durant mes voyages. Mieux vaudrait que ce soit bénéfique à quelqu’un. »

Encore une fois, j’avais parlé d’une voix soutenue par un regard de braise. J’étais au summum du sérieux et de l’intérêt. Notre conversation qui avait débutée comme amicale tournait à la conférence professionnelle.

Je n’ai jamais vraiment su comment cerner les gens. Ou je ne l’ai appris que trop tard. Néanmoins, il me semblait pouvoir accéder à certaines parties de leur esprit. Notamment leur spiritualité. Je pouvais en quelques sortes, lire leur âme. Je sentais alors le vice ou la vertu. Certains étaient plus proches du démon que d’autres ne l’étaient des dieux. Toujours est-il que je pouvais parfois prévoir les actions de mes congénères selon leur empreinte spirituelle. Aussi, c’est ce que je tentais de faire avec Kuma. Pendant qu’il parlait, et tout en me concentrant sur ses mots, je lisais. Je lisais des centaines de sensations différentes, des vices et des vertus éparpillées sur les pages de son âme. Il était effectivement difficile à qualifier. Mais au final, je pus le classer parmi les mitigés, les cyniques et les réalistes : ceux qui font le bien, tout en pensant que le monde est une usine à vices, prête à exploser. De toute évidence, mon interlocuteur était un homme, tout ce qu’il y a de plus respectable. Un homme compréhensif du monde et de ses défauts et qui ne cherchait pas à se voiler la face devant la vérité nue. Mais il essayait de changer les choses. Et rien que pour ça, il méritait un tant soi peu de respect.

Je l’avais écouté jusqu’à la fin, il avait été clair et concis. Il n’aimait pas faire dans la demi mesure et le compromis. Il m’expliquait clairement ce qu’il ressentait et comment il concevait notre relation. Mon petit jeu ne l’avait pas dupé, il savait que je me servais de lui pour obtenir des informations, et dans cette optique, il me proposait un travail. Je le regardais a avec dureté, il n’y avait plus dans mes yeux que la lueur macabre du professionnalisme de la mort. Professionnel, je ne l’étais pas encore, mais j’allais bientôt le devenir.

« Je te ramènerais la tête de ces dissidents au pouvoir de Konoha. En échange, je voudrais que tu sois celui qui me permette de passer en toute circonstance les portes de Konoha. Il ne me plairais guère d’être toujours arrêté à l’entrée. Ensuite, je voudrais obtenir le dossier de ces fameuses cibles, si je dois me lancer dans une traque, je veux avoir toutes les cartes de mon côté. »

Encore une fois, j’appuyais avec force mon regard sur sa personne. Son ours, pour ainsi dire, n’existait plus. Il avait quitté la bulle dans laquelle nous nous étions tous deux réfugiés et avions commencé notre conversation. Il ne représentait plus une menace, il ne représentait plus rien. Il n’y avait que moi et Kuma, mon âme pervertie dès la naissance, et la sienne, forgée par les années passées dans ce monde aux mœurs cruelles.

« Si nous avons bel et bien un accord ici, je propose que nous mettions fin à cette conversation. Ainsi, je pourrais déjà me mettre au travail, tu me feras parvenir les informations de la manière que tu le souhaites, je ne suis pas exigeant à ce point. »

Un dernier regard, une dernière inspiration, il n’y avait pas à se plaindre de la situation. Je profitais de l’air frais une dernière fois, j’allais bientôt avoir un nouvel objectif apparemment…

« Alors, en a-t-on terminé ? »