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Bon, ça s’est pas trop mal fini en fait. Je pensais y être aller un peu fort avec mon coup de la conquistador sans son drapeau, mais le message a été perçu et accepter. Faut avouer que l’état du blondinet avait aider aussi pas mal. Ça ne plaisait de toute évidence ni à la brunette, ni à la miss aux cheveux roses, mais bon, l’essentiel c’est qu’ils partent. Goren tenait cependant à vérifier qu’ils partent bien, pas uniquement s’éclipser et revenir quand on aura le dos tourné. Moi je me contentai de les observer, préférant avoir confiance en leur bonne fois plutôt que passer pour une parano.

Cela dit ça me tracassait ce qu’elle avait répondu la demoiselle. Elle m’avait appeler sœur. Pourquoi ? Ce serait une Kaguya aussi ? Et puis c’est quoi cette tension qu’il y a entre ces deux là ? Mon regard se porta sur Goren. De toute évidence lui ne me dira rien là-dessus, ou si c’est le cas, ce ne sera que sa version des faits. Il me faudrait celle de l’opposition aussi, parce que reconstruire un pays, c’est bien. Mais si on peut éviter de se faire tirer dans les pattes en plus, c’est mieux. Déjà, on avait réussi à les faire quitter les lieux sans que ça parte en baston. Si ça avait été le cas, je ne suis même pas certaine qu’on y aurait survécu. La miss en rose semblait bien puissante, et la brunette très nettement plus, si j’en crois mon ressentit vis-à-vis de son chakra.

Vous savez ce qu’on dit. Si tu ne peux pas tuer ton ennemi, autant t’en faire un ami. C’est dans cet optique que je suivis le groupe du Shukai peu après leur départ. En gardant une marge de distance conséquente pour éviter d’être de suite repérer. Ça allait arriver de toute manière, je ne suis pas franchement douée pour l’infiltration, contrairement à Kohei par exemple.
Ils se dirigeaient vers l’île la plus éloignée à l’est de l’archipel de Mizu no Kuni. Histoire de pouvoir continuer de les suivre, je me créai un os creux d’un bon mètre de long qui me servit de tubas une fois à l’eau. Il ne faudrait pas prendre le risque de se faire griller maintenant. J’en profitai ainsi pour observer les fond-marins, voir les différences par rapport à ma dernière visite, il y a bien un an de ça, voir un chouïa plus. Mais tout compte fait, rien n’avait bougé. Ça faisait plaisir. Les mêmes coraux, avec leurs poissons respectifs. Parfait ça. Ah non, ils vont trop vite pour moi, à courir sur l'eau alors que je suis à la nage, flute !

Et quand une fois arrivée, je me permis un moment de pause, avachis sur un rocher, le temps de reprendre mon souffle. Hélas, pas tellement le temps de trainer, sinon j’allais les perdre. Reprenant alors la marche, nettement moins silencieuse à cause des vêtements pleins d’eau, je me décidai à y aller finalement au culot.

« Attendez ! » Je repoussai une branche qui venait de mettre entre nous. « Attendez s’il vous plait ! J’aurais quelques questions ! »

Je m’approchai en levant les mains en l’air, espérant qu’ils comprennent que je n’ai pas l’intension de me battre. C’était très risquer, sans aucun doute. Surtout que je n’avais aucun soutien à portée en cas de problème. Comme on dit, ça passe ou ça casse.

« Je viens pas pour vous embêter ! Pas de coup dans le dos, juste pour parler. S’il vous plait. »

La première réaction fut tout à fait prévisible. Je me fis engueuler. Dans un sens, ça me faisait sourire, ça montrait que j’avais mes chances pour rester en vie.

« … les Kaguya n'ont aucun droit pour revendiquer les terres qui furent autrefois un lieu d'échange et de partages entre différents clans ! » Termina-t-elle.

Je fis plusieurs mouvements affirmatifs de la tête, souhaitant en premier lieu que le ton redescende. Qu’on puisse discuter calmement, car dans le cas où ça dérape, je doute sérieusement pouvoir sortir vivante de là.
La brunette dont j’ignorai toujours le nom m’observa de la tête au pied. Immobile j’attendis un indice qui permettrait de prendre la parole. Il vaut mieux ne pas forcer, déjà que je l’ai quasiment foutue dehors, c’est normal qu’elle soit en rogne.
Son regard s’adoucit peu à peu, elle fini par me demander ce que je voulais.
Machinalement je me grattai le front en m’approchant d’un pas, ne voulant surtout pas paraitre brusque ni hostile.

« Et bien … comment dire … » Commençai-je en cherchant mes mots. « Vous allez certainement me trouver encombrante ; et je comprendrais, mais c’est à propos de vous et Goren. »

Je vins m’appuyer l’épaule contre un tronc, le regard allant de la jeune fille, au sol, puis aux alentours avant de revenir sur elle.

« Je suis d’accord avec vous à propos du fait que nous ne pouvons pas légitimer Mizu no kuni, mais Kiri était autrefois notre maison. Comme pour vous certainement, ou la fille aux cheveux roses qui vous accompagne. Mais nous avons besoin de cette terre pour nous reconstruire. C’est aussi l’idée de Goren. A vrai dire c’était uniquement son idée, et puis son projet nous a progressivement tous intéressés et nous y voilà. »

Je marquai une pause, souhaitant à la fois connaître la réaction de la demoiselle, mais aussi trouver comment continuer sans trop divulguer d’information. C’est que ce n’est pas facile, expliquer un problème flagrant sans dévoiler le pourquoi du comment.

« J’entends par là que le Shukai n’est pas le bienvenue ici, dans le sens où vous auriez des mauvaises intentions. Nous souhaitons reconstruire ce lieu, reconstruire Kiri, a quelques détails près. Mais pour ça, il vaut mieux ne pas se faire d’ennemi tout de suite. »

Sur ma dernière réplique, j’insistai bien du regard sur elle afin qu’elle se sente visée. Elle et son organisation, par extension.

« Je vois bien qu’il y a un problème entre vous et Goren. Et ça n’arrange ni vos affaires, ni les miennes. Alors j’aimerais vous aider, si vous voulez bien. Que connaissez-vous de lui ? Moi-même je ne le connais quasiment pas, mais comme je vous l’ai dis, son projet me plait. Alors j’aimerais voir avec vous d’où viens cette rancœur, et voir aussi si je peux aider à la résoudre. »

Je me tue enfin pour la laisser répondre. Sa première partie fut une moquerie, comme quoi on se ferait mener en bateau par quelqu’un qu’on ne connaissait même pas, comme des vulgaires pions.
C’est vrai que, dit comme ça, on peut avoir l’air franchement stupide. Mais elle n’avait pas vu l’état de notre clan, les familles au regard sans plus la moindre lueur. Ils ont besoin d’espoir, ils ont besoin d’une terre d’accueil. Nous en avons tous besoin.
La suite de son discours concerna les intentions du Shukai, comme quoi ils n’étaient ni là pour tout détruire, ni pour conquérir. Là-dessus, excusez-moi mais j’en doute un tout petit peu, et ça devait se voir sur mon visage. Si cette organisation qui se prétend alliance de pays neutres était réellement si bien que ça, elle n’aurait pas tant d’ennemi. C’est vrai quoi, partout où je passe, on entend dire que ce régime n’est remplit que de manipulateur. Si ça se trouve, elle aussi, elle est en train de me mener en bateau.

Machinalement, je plissai les yeux tout en l’écoutant. Si c’est elle est comme on dit des autres membres de sa troupe, elle est sacrément forte parce que ses dires donnent envie de la croire. Laissons-lui donc une chance.
Puis vint la partie concernant Mister Rouflaquette :

« Goren vous mène en bateau. Une fois que vous aurez tous reconstruit, il s'autoproclamera lui-même roi de cette nation et vous aurez tout perdu ! Là où les Samui ont gagnés un pays en Yuki no Kuni où s'établir et prospérer avec l'aide de Shozaîchi, vous tomberez pleinement et simplement dans une dictature ou vous ne serez que des esclaves à la solde d'un homme et de son serviteur …

- Justement ! » Intervins-je en la pointant du doigt. « Justement c’est là que je veux en venir ! Regarder vous admettez, demoiselle dont j’ignore toujours le nom, que votre clan à vous s’est trouver une terre d’accueil ! » Je portai ensuite mes mains sur moi-même. « Nous, pauvres Kaguya, nous dépérissons chaque jours un peu plus. Je l’ai constatée de mes propres yeux, ces familles déchirées, ces enfants au regard vide. »

Je baissai d’un ton en me souvenant de ce que j’avais vu dans cette grotte. Si on ne faisait rien, nombre d’entre eux risquaient de partir à la guerre tout seuls, lassés de devoir rester inactif et d’être une espèce en voie de disparition. Même si ça ne ferait qu’empirer les choses.

« Mizu no Kuni, autant que ce qui reste de Kiri, est notre terre d’accueil à nous. Et je ne parles pas le moins du monde de Goren. Non lui c’est un cas à part. Je parle au nom de tous les Kaguya, et uniquement. »

Marquant une pause, j’observai les réactions de la jeune fille, me remémorant ses dires et rebondir dessus.

« Si vous n’êtes pas là pour conquérir l’archipel, alors aidez-nous à le reconstruire. Pas le Shukai mais vous. » J’insistai bien sur la personne désignée, souhaitant agir sur ses sentiments pour la convaincre. « En tant qu’ancienne kirijin, comme la fille aux cheveux roses hein, aidez-nous à empêcher que cette terre tombe entre de mauvaises mains. Vous y gagnerez autant que nous. Mizu no Kuni restera un pays de libre-échange, puisqu’il n’y a aucune raison que ça change. »

Je pointai l’île principale de la main, là où se trouvait les restes du précédent village.

« Vous savez comme moi qu’un tel territoire, ça attire forcement toutes les grandes puissances. Même une organisation de pays neutres ne peut rester inintéressée face à ça, même en prônant la neutralité. » Une nouvelle pause, le temps de souffler. « A propos de Goren maintenant, pensez juste qu’une dictature, ça se renverse. Nous sommes des guerriers, pas des pions. Goren est bon pour rassembler, mais s’il nous la joue à l’envers, on ne se laissera pas faire non plus. »

Je n’allais pas jusqu’à dire que j’utilisais cet homme pour ses talents d’orateur, mais ses idées correspondent à nos besoins et sa puissance ne peut qu’être bénéfique, du moins le temps qu’on se redresse. L’avenir nous dira comment tourne le vent.

Elle répondit du tac au tac à ma dernière réplique, et elle avait raison. Il faut de la trempe, du courage pour une rébellion. Et c’est ce qui manque en ce moment déjà. Mais non ! Je refuses de baisser les bras ! Je regardai la brune dans les yeux tandis qu’elle se présentait enfin. Et au fur et à mesure de ses mots, j’étais de plus en plus surprise. Elle connaissait Tenzo et Aoji ! Bien que je ne comprenne pas pourquoi on la considère comme la sœur de deux illustres et éminents membres du clan Kaguya, ça faisait d’elle quelqu’un de bien plus important que ce que j’aurais pu m’imaginer.

Elle voulait m’inviter à visiter le Shukai. Ce sont ses mots, ou du moins c’est ce qu’ils veulent dire. Elle voulait que j’apprenne par moi-même les intensions de son groupe, plutôt que simplement suivre ce que racontait Goren. Éventuellement, même si j’ai étrangement l’impression de me jeter moi-même dans la gueule du loup. D’ailleurs plus elle parlait, et me reprochait l’intervention de tout à l’heure, plus elle se rapprochait de moi et haussait le ton. Sur le coup je fis un pas en arrière, je n’avais franchement pas envie de me taper dessus maintenant alors qu’elle était sans doute la dernière personne à pouvoir me parler de mon propre clan. Clan d’ailleurs dont je ne sais presque rien, vu que j’ai passée quasiment toute ma vie à me planquer dans les entrailles de Mizu no Kuni. C’est aussi pour ça, rappelez-vous, que je m’étais rendue à cette - à présent fausse - réunion Kaguya. Simplement dans le but de rencontrer ma famille d’origine, que j’avais crue pendant si longtemps éteinte.

« … Et toi en ton nom, comment oses-tu parler pour l'ensemble de ton clan ! » Continuai-t-elle. « Que sais-tu de leurs histoires ? Étaient-tu là lorsque la réunion qui a décidé de l'avenir des clans de Mizu a été faite ? As-tu risqué ta vie pour sauver les archives si précieuses sur ce clan ? » Elle se retourna et donna un coup de pied dans un caillou qui disparu rapidement au loin.

« C’est vrai que je n’y étais pas. Et c’est vrai aussi que je ne sais que très peu de chose sur ma propre famille … Mais il faut bien que quelqu’un se bouge pour que les choses changent, non ? » Lui demandai-je en m’adressant à son dos, puisque c’était la seule chose que j’avais en face de moi.

Selon elle, ils étaient venus ici pour aider la population justement, et nous contacter, jouant sur le fait qu’elle était toubib et qu’elle connaissait bien les Kaguya. Là elle parla ensuite d’un de leurs capitaines. Un membre du clan justement. Shio, de son prénom. Et bé, j’allais de surprise en surprise. Est-ce que Goren m’aurait vraiment racontée que des mensonges ? Il fallait que je sache … Que j’écoute l’avis de chaque parti et comme elle l’avait dit, me faire mon propre opinion.

« Les archives de votre clan sont en sécurité à Shozaïchi ! » Termina-t-elle. « Le chef de votre clan n'a qu'à venir les chercher si vous le souhaitez ! Je m'assurerais qu'il vous soit remit dans de bonnes conditions ! Retenez juste qu'il vaut mieux voir et juger, que écouter et passer à coté d'une bonne opportunité ! »

Je fis une petite moue devant le nouveau problème. Et l’hésitation vint se rajouter à l’équation. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Est-ce que c’était un piège ? Elle aussi, elle a ce don pour convaincre les gens. Ou alors c’est juste moi qui suis totalement naïve … Ce ne serait pas une surprise.
Voyons, qu’est-ce que je risques ? L’emprisonnement ? La torture ? La mort peut-être même. Boh, des trucs classiques … Flute, qu’est-ce que ferait ma mère dans ce cas-là ?
Mon regard roulait sur le sol, sans regarder non plus. Mon index et mon pouce s’amusaient à triturer ma lèvre inférieure. Puis au bout de quelques secondes, je reportai les yeux sur elle.

« J’aime pas du tout quand les autres ont toujours raison, mais faut avouer que tu as fais un sans-faute, Yuki. Si vous me permettez qu’on se tutoie et que je vous appelle par votre prénom … » Je marquai une pause, souhaitant avoir son accord avant de continuer. « Nous n’avons aucun chef de clan. Enfin, disons plutôt que nous n’en avons plus. J’ignore même qui étais le dernier mais au final je m’en fiche bien. Cette invitation au Shukai, je l’accepte. Même si j’ai peur de sauter à pieds-joints dans un traquenard indiqué par des centaines de panneaux. »

Un moment de silence, cette foutue hésitation qui cherche à tout prix à me faire renoncer. Vous savez, cette petite voix dans votre tête qui vous demande en boucle « T’es sure ? Hein dis t’es sure ? T’es vraiment sure ? Sure ? Pour de vrai ? Vraiment sure ? » à la manière d’un disque de musique usagé.
Il fallut que je me secoue le crâne pour interrompre cette machination.

« Excuses-moi. Oui je suis partante pour, mais je ne pourrais pas y aller seule. Tu comprends, on est pas franchement dans le même camp, et je ne tiens pas à me faire découper la tête à cause d’un malentendu. Est-ce tu m’accompagnerais ? Parce que je suppose que vu l’état du p’tit blond, vous allez rentrer vous aussi, alors bon. Je pourrais vous accompagner, non ? »