Tsubaki s’apprêtait à partir, à présent. Elle était en route pour négocier un traité qui permettrait un meilleur contrôle du pays par l’organisation. Il était d’une nécessité économique la réussite de son opération. Elle avait rendez-vous dans la partie centrale du pays, dans un établissement qu’elle avait eu l’occasion de tester, où elle avait eu le plaisir de séjourner avant son entrée dans l’organisation. Il était temps d’y retourner, cette fois non en tant que touriste, mais en tant que businesswoman. Elle avait à faire parler les intérêts de son foyer, de sa famille. A présent, il n’était plus simplement question de développement d’un commerce basé sur une invention culinaire. C’était l’expansion d’une étreinte, une étreinte économique.

La kunoichi était à préparer le convoi, vérifiant que tout était bien en place, que tout était parfait. Il n’y avait pas le droit à l’erreur, non. Elle devait être présentable, sûre d’elle et de ses arguments, elle devait incarner un maximum la perfection, la rigueur, le sérieux. Bref, tout ce qu’on ne demanderait pas à une jeune femme de son âge dans le monde réel parce qu’on ne l’en jugerait pas capable. C’était un travail qui se révélait éreintant, au fil du temps courant toujours plus vite, mais elle savait qu’elle pouvait le faire, elle pouvait faire avancer tous ces projets, tout ce qu’elle prévoyait pour l’organisation, pour sa seconde famille.

L’Hiver était à présent là, plus personne ne pouvait le contester. Le froid soufflait paresseusement sur les terres qui commençaient à se couvrir d’un voile blanc, immaculé, qui reflétait à sa surface les faibles rayons du soleil. Les flocons, à cette heure de la journée, tombaient encore dans une danse tournoyante, chantante, à travers l’immensité céleste, qui se répétait inlassablement. Tsubaki aurait voulu, à sa sortie, s’arrêter et profiter un peu de tout cela, mais elle n’en aurait pas l’occasion avant un long moment. Il restait encore beaucoup de choses à faire.

Le convoi n’attendait à présent plus que son ordre, à l’entrée de la base, alors que les portes leur étaient ouvertes. Il ne manquait alors plus qu’une chose afin que leur départ ne soit lancé. Cette chose était actuellement en train de dévorer allègrement un pauvre bout de steak qui n’avait sûrement jamais rien demandé, encore moins, d’ailleurs, à être mangé sans aucune forme de procès par Kumo.

A la voix de sa maîtresse, le jeune félin ne put que se dépêcher et obéir, rejoignant d’un bond l’épaule de la jeune fleur, qui se mit en place dans le convoi. Cette fois, elle ne monterait pas à cheval, voulant éviter à son chaton quelque désagrément. Aussi avait-elle décidé que le plus simple en serait de voyager dans une des charrettes. Je tiens à préciser que je dis charrette parce que c’est le seul mot qui me vient à l’esprit et que diligence, ça fait quand même bien bourge. Donc pensez à un moyen de transport sympatoche, fermé, quand même, vu le froid, et parce qu’on est pas des pauvres !

Une fois tout ce beau monde paré à partir, l’ordre de départ fut lancé, et le convoi quitta la grotte dans le bruit des roues et des sabots qui roulaient et s’abattaient sur le sol. Le temps allait sembler long, à cette vitesse de déplacement, même s'il s'agissait d'effectifs réduits. La Buta avait pris avec elle deux anciens Jônin de Konoha pour assurer ses arrières, ainsi qu'une équipe afin de monter le point de rendez-vous. En effet, l'endroit indiqué aux membres concernés n'était autre qu'une plaine à la lisière des montagnes, sans aucune installation humaine. Aussi allait-il être nécessaire de monter un campement.

Kumo posé sur son épaule, Tsubaki regarda par la fenêtre, regardant les paysages défiler lentement, alors que la mer semblait stagner dans un désespoir presque certain alors que la Dame Blanche venait conquérir le monde à nouveau, pour la période qui lui était réservée. La marque froide allait continuer de s'abattre pendant encore un temps, alors que le soleil choisirait de s'endormir dans le royaume souterrain. La vue des partisans de la Glace rappelait à la fleur son enfance et sa famille, quelque part dans les montagnes de Kaminari No Kuni. Elle se demandait si elle pourrait se permettre d'aller les voir, malgré les événements qui prenaient place. Les Furyou, les conflits avec les villages… Elle-même avait coupé le projet Larme pour se consacrer à cette entreprise économique. Celle-ci était nécessaire, vitale pour l'organisation, et pouvait même rentrer dans la réalisation du projet Larme. Elle interrompit ses pensées alors que son compagnon réclamait quelque chaleur par un câlin bien mérité en ces temps sombre où la gentillesse était un besoin vital. Et puis, une personne n'était pas avec elle pour l'étreindre pendant son trajet. Les pensées de Tsubaki se tournèrent alors vers Milly, qui devait accomplir quelque tâche donnée par l'organisation. Si elle avait confiance en sa petite amie, la fleur ne put que prier pour qu'il ne lui arrive rien. Nul ne voudrait voir son amour être blessée, et ces temps propices aux combats n'aidaient pas à alléger la conscience des hommes.

Le temps lui parut long à penser à son âme, cherchant la réponse à nombre de questions que se posait la jeune dame. L'Hiver avançait dans sa quête du monde alors que progressait le Cochon dans la sienne. Le temps allait et venait, écoulant la journée comme le flux d'eau d'une rivière dans les flans d'une montagne. L'astre divin plongeait dans le bassin de la nuit alors que son frère commençait à peine son ascension. Il n'y eut nul travers sur la route, comme aux espérances de Tsubaki, alors que le convoi s'arrêtait à l'endroit prévu, une demi-journée en avance.

Il n'y eut pas à attendre longtemps que la troupe se mit en place, recourant à la magie Dôton pour générer un édifice de pierre qui ne serait que temporaire, mais leur permettrait d'abriter l'équipe autant que la réunion du lendemain. Car oui, si Sabakyô Seitô avait affaire en réunion, la Buta avait elle aussi responsabilité dans un meeting avec, à défaut de Kage, chefs de villages, des chefs économiques et financiers du pays. Elle s'était assurée, par contacts, de leurs venues à chacun, eux qui régnaient, en quelque sorte, sur les terres de Yu No Kuni. Aussi se mirent-ils en place, tours de garde organisés, et prêts à attendre que la nuit ne passe, dans l'optique d'un lendemain pour le moins argumenté.

Elle se tenait là, sur la table, alors que chacun discutait avec le voisinage qui lui était « imposé », et que les retardataires se faisaient quelque passage dans le but d’arriver à leur place. Le temps ne se faisait plus que passant alors que le soleil n’avait de cesser de tarder à son ascension dans la voûte gelée de l’Hiver naissant encore. Les mots, encore libres de leurs sens et de leurs formes, volaient légèrement dans la salle, errant dans les sujets divers par leur niveau et leur nature, mais n’excédant jamais la limite de l’affaire. Affaire avec laquelle elle aurait à traiter, dans quelques instants, alors que tous finissaient leur pèlerinage au point dans lequel ils étaient tous rassemblés. Et alors que les derniers pas se faisaient suspendre dans le cours inlassable du ballet aérien, les lèvres commençaient à leur tour à trouver place en la bonne mesure du silence accompli.

Les têtes semblaient faire converger leur regard en sa place, le fauteuil qu’elle occuperait une fois assise à cette table qui serait le lieu de baptême de son premier grand saut dans l’univers impitoyable des affaires à grande échelle. Contrairement à son roi, qui avait de l’expérience, de par l’intendance de son ancien village, la jeune femme n’avait que son caractère novice pour gérer ce travail. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle allait s’en décourager. Elle avait une mission, celle de subvenir aux besoins de sa famille, avant d’aller voir la sienne pour la protéger du danger qui pourrait éventuellement la menacer. Mais elle n’avait pas le temps de penser à tout cela, le fait en était ici autre que celui de ses problèmes personnels. Les choses sérieuses allaient commencer.

La jeune femme, de son allure quoique modérée, pour une dame, précédant son assise, souhaita la bienvenue à ses invités en des termes quoiqu’élogieux pour être employés à l’attention de ces businessmen. Mais nul ne pouvait, en sa position, faire autrement que d’user de ses mots, car il fallait dès le début, commencer à amadouer ces gens par de belles paroles, soyeuses et filée, pour les mettre ainsi à table. La suite venait alors que leur orgueil les embrumait.

Elle prenait garde à chaque tournure, chaque mot pour interpeler les commerciaux, qui, pour la plupart, n’étaient intéressés que par une seule et unique chose : l’argent. Mais elle n’était pas idiote, et savait que tout devrait être employé pour les détourner légèrement de son but.

Des mouvements de tête ajoutèrent leur acquiescement alors que les regards ne se portaient plus, comme alors, au niveau des fenêtres, admirant nuages et neige dans la claire journée d’Hiver.

Tsubaki ne pouvait pas se permettre de retrouver en ces lieux quelque problème qui aurait gêné l’organisation par la suite, aussi avait-elle jugé, auparavant, plus sûr de continuer un faux nom, comme elle l’avait déjà fait par le passé. Elle avait encore à faire alors que les pleurs célestes tombaient lentement, dans leur valse sans fin, sur la scène gelée d’un auditoire universel. Alors que, dehors, le spectacle était prêt, ici, il ne faisait que commencer. Et la fleur allait mener la danse, comme elle avait à le faire.

Les murmures résonnaient dans la salle, de même que le concert d’un doux bruit de papier, dont le corps, palpé, froissé ne tendait qu’à rejoindre les monts et les vallées que formait sa structure dont l’immaculée avait été souillé. Il n’y avait plus de place pour autre chose que le langage, le signe d’une communication humaine, un tant soit peu civilisée, qui ne s’attardait que dans les tréfonds du vice propre à cette espèce : l’argent.

Tsubaki tentait de mener habilement la danse alors que chacun avançait nombre d’arguments dans le but de faire ployer tel ou tel rival ou concurrent. Son but, s’il était premièrement d’assurer des contrats pour amener encore quelque revenu supplémentaire à l’organisation, plongeait également dans l’unification économique du pays. Celui-ci étant relativement laissé à la considération des provinces sur le plan financier, elle tenait à relier les différents points stratégiques dans une seule et même structure.

Néanmoins, les chefs ne semblaient pas unanimes sur le sujet, certains accueillant l’idée chaleureusement, d’autres préférant le confort de leur portefeuille à l’assurance d’un équilibre économique. La fleur semblait ne plus avoir l’autorité qu’elle souhaitait tant, ayant refusé par deux fois l’aide de la Serei, dont l’aisance orale lui aurait sans doute été bénéfique. Mais c’était son combat, et elle ne devait pas le perdre. Il y avait des situations qu’elle seule devrait gérer. Si elle cédait le point stratégique et militaire à son invitée, elle jugeait que sa nature la rendait plus apte à se charger des relations humaines.

Mais à présent, elle pouvait quelque peu douter de ce talent dans une sphère qui ne semblait que l’accueillir difficilement, pour l’heure. Elle avait à s’imposer, mais parfois, les joutes argumentaires énonçaient des subtilités qu’il lui était impossible de saisir. Aussi, à ces moments, battait-elle en retraite, laissant les concernés discuter de leur affaire. Elle ne saisissait plus que les termes vagues de quelques mouvements financiers vils et sans scrupules que sa patience ne tardait plus à céder, prête à laisser la jeune fille reprendre l’ascendant sur tout ce monde.

Laissant sa courtoisie de côté, et désireuse de voir avancer le sujet, elle n’y tint plus, levant un point à quelques cinquante centimètres de la table avant de le laisser se fracasser à sa surface. Elle eut une réaction de silence immédiate.

Les yeux ébahis des hommes et femmes d’affaires fixaient tous le visage de la Buta, passablement énervée par toute cette distraction. Elle continua dans ses propos.

Nul grognement, nulle objection ne se fit entendre alors qu’elle clamait son agacement, les accusant de se comporter en enfants cupides et irresponsables. Personne ne pouvait reprocher à Tsubaki de s’emporter, novice encore dans la patience, devant ce chahut digne d’une école maternelle. Elle ne put s’arrêter de parler pour dire cette dernière phrase avant de les laisser pleinement réagir.

Sur ces mots, elle reprit son souffle, défiant du regard quiconque voulais lui tenir tête ou même faire parvenir quelque remarque odieuse, satyrique, comique, ou l’on ne saurait quoi. Elle en avait assez, et cela se voyait pleinement. Il n’y eut que quelques murmures, à la minute suivante, après quoi nul n’osa se lever, et l’élaboration du traité se fit sous l’œil et la parole attentive de la shinobi.

Il y eut pour accord de partager quelques ressources avec la kunoichi, en échange de quoi, son association, dont elle gardait tout de même le nom et la position secrets, leur accorderait une protection lorsqu’ils en auraient besoin. Mais cela n’était qu’un des points abordés. Elle réussit à les accorder sur un soutien financier mutuel : lorsqu’un organisme serait en difficulté, les autres l’aideraient à se maintenir hors du rouge. Bien entendu, il y avait des limites, mais nul ne tenait à s’attirer les foudres de la jeune femme. Il y eut par ailleurs une décision des membres au sujet de l’établissement d’une logistique et d’un siège commun à l’alliance.

Ce point posa un léger souci à l’émissaire du Shôraizen. Il aurait été préférable de la faire siéger à la base, mais la situation exigeait qu’ils restent encore assez discrets. Elle proposa donc Chiheisen en tant que lieu temporaire, attendant les accords pour une meilleure situation. Se poursuivirent alors par des longues suites de chiffres, qui bien inintéressants pour vous, furent comme un bonheur pour le camélia. Elle allait avoir un apport économique confortable pour la cité souterraine, ce qui était un des grands buts de la session.

Il fallut que le soir vienne à tomber avant que les décisions ne se voient enfin scellées. Et, bien entendu, pour fêter cela, le champagne coula à flot dans les verres, sans que la jeune femme y touche. Elle devait rester sobre pour le voyage de retour, après lequel elle comptait bien aller rendre une petite visite à sa chérie, dont l’absence la rendait un tant soit peu nerveuse.

Elle regarda alors la lune, se rappelant des étreintes de son amies, dont la douceur des bras rappelait la pureté des étoiles, et dont la chaleur rivalisait même avec l’astre dont le cœur se reflétait dans l’astre nocturne. Elle soupira longuement, s’imaginant déjà contre son heur, alors que leurs lèvres enfermeraient le tendre ballet de leurs langues perdues. Son songe fut interrompu par un de ses hommes, qui lui indiquait que le convoi était prêt au retour.

Elle donna à chacun des parchemins d’invocation, leur précisant que leur parviendraient des missives lorsqu’une réunion serait à prévoir. Elle les salua et sortit du bâtiment, alors que tous se prêtaient eux aussi à partir, rejoignant leurs familles et amis, avec qui ils pourraient se réjouir de l’accord qui, le verraient-ils plus tard, allait être très florissant pour chacun. Tsubaki, pour sa part, ne put résister à l’appel du sommeil lors du voyage, rejoignant dans ses rêves l’élue de son cœur, avant de pouvoir la revoir à son retour.