Encore ces foutues cloches qui retentissent. Chaque matin, il a le droit à la même chose. Un rêve étrange, sa transpiration qui devient abondante et son souffle qui s’accélère. Il tourne dans son lit toutes les minutes et gémit de douleur. Et finalement les cloches retentissent. Un bruit sourd qui l’empêche de discerner et de développer ses sens. De plus en plus, elles s’accentuent et font trembler le cœur d’Aishuu. Il a peur. De quoi ? De ne jamais se réveiller. De devoir entendre ce son strident et insupportable de cloche. « CLOCHE, CLOCHE, CLOCHE, CLOCHE, CLOCHE !!!!!!!!! » se met-il à hurler. Et soudainement, elles s’estompent. Elles laissent place au silence cadavérique de la résidence des Kurusawa. Il se lève et risque de perdre l’équilibre. Il s’est levé trop rapidement et sa tête tourne, mais il persiste et se dirige vers son petit bureau où résident une feuille déjà bien gribouillée et un stylo dont il ne reste qu’une toute petite dizaine de centimètres. Il le saisit et s’acharne en appuyant fortement pour que les mots restent ancrés à jamais.
« CLOCHE ». Il tatoue ce mot sur la feuille pendant deux bonnes minutes et quand il reprend ses esprits, il constate enfin les dégâts.
Table renversée, pot de chambre vidé et excréments étalés dans toute la chambre. Les rideaux également qui ne sont plus qu’un vulgaire tas de débris de tissu gisant sur le sol. Il fait quelques pas sur la droite après s’être levé de sa chaise et il ouvre la fenêtre. Ses crises s’aggravent de jour en jour et il devient un danger pour lui-même. L'origine de ces dernières ? On ne le sait pas, à vrai dire, il croit le savoir, mais il ne veut pas se l'avouer. La folie ? Il n'est pas fou vous savez. Manger le chat de votre frère à 8ans parce qu'il n'a pas voulu vous aider fait de vous un psychopathe ? Lui, il trouve que cela a bon goût. Quoi qu'il en soit, le matin, il ne vaut mieux pas le déranger. Laissez-le fumer sa clope, après il pourra peut-être daigner vous répondre.

[...]

A nouveau des cloches. Elles retentissent tellement fort qu'elles font trembler le sol. De grands coups de vent balayent le sol et des cris chiffonnent les tympans. On n'entend des cris donc, mais aussi des crépitements et par-dessus tout, on sent une odeur particulière. Ce spectacle l'amuse, il s'en délecte. C'est encore mieux qu'avec les animaux quand c'est sur des êtres humains. On peut voir leurs émotions et leurs yeux s'affoler. Il passe sa langue sur ses lèvres et arbore un demi-sourire machinal. Il aime vraiment cela, c'est splendide, miraculeux même. Il s'accordera à dire que c'est miraculeux. En réalité, il est absorbé par le spectacle, ses yeux brillent et il est comme un petit enfant. Brusquement, la porte éclate en lambeaux et trois ombres jaillissent du brasier.

[…]

Il écrase son mégot sur le sol de sa chambre et donne un coup de pied dans la bougie de la nuit précédente. Un coup de folie le prend parce qu’elle l’a blessé alors il se baisse, la ramasse et la jette violemment contre l’armoire qui se trouvait à l’opposé de sa fenêtre. Il en casse un morceau, mais elle tient debout. Il attrape son pantalon, sa chemise et passe un dernier coup de main dans les cheveux. Pour bien signaler qu’il part, il claque bruyamment la porte, au cas où l’on aurait omis d’entendre ce qui s’était passé ce matin.
Il n’en voulait pas à sa famille de ce qui se passait, il en voulait à lui-même. A eux comme il le disait des fois. Ils n’en font qu’à leur tête. Ou comme si c’était la leur d’ailleurs.
Aujourd’hui, il a décidé de se balader près des portes de Suna, pour se souvenir des sacrifices que ses parents ont faits pour l’amener ici, pour qu’il soit d’une éducation irréprochable et qu’il ait des camarades. Pour qu’il puisse vivre la vie paisible qu’il a aujourd’hui, un paradis terrien, une parenthèse idyllique … Vous rigolez ? Aishuu Kurusawa est un natif de Suna. Ses parents, ses grands-parents et leurs parents ont toujours vécu ici. Il est un sang pur comme il aime à le rappeler des fois. Ne venez pas le saouler avec ces sujets, sinon il va vous coller son poing dans la figure et repartir comme il est venu.



Il tarda toute la fin de la matinée à répéter ce son. En boucle pendant de longues heures en souriant lorsqu’il arrivait à s’assourdir lui-même. Et puis soudainement, dans un croisement de rue, il explosa de rire. Il ria à chaudes larmes et des enfants qui trainaîent là commencèrent à rire avec lui. Il se tordait de douleur et fini à genoux. Un enfant avait une crampe tellement il riait et il s’appuya sur l’épaule d’Aishuu. Ce dernier releva la tête et contempla un jeune S.D.F. Il se redressa rapidement et se trouvait droit comme un piquet. Ses yeux étaient gorgés de sang et si l’enfant ne s’était pas fait rappeler par ses amis qui avaient détaillé, il s’en serait pris une.



Et il repartit dans un fou-rire qui le fit s’allonger au sol au milieu de la rue.

Clap Clap. Il est marrant ce bruit. Il est si drôle qu'Aishuu en pouffe de rire. Il a ce sourire niais et la bouche à moitié ouverte qui ne le rend, au contraire, pas attendrissant, mais plutôt effrayant. On prend pitié de lui lorsqu'on se rend compte que l'on ne vit pas dans le même monde que lui. Paradoxalement lui, il se sent bien sur Terre. Mais ce qu'il préfère, c'est le sol ! Oh il en a passé des journées allongé au sol. C'était son passe-temps favoris après les vols et les bagarres. Gêner les convois, les marchés, la circulation et contribuer à un élan collectif de haine sur un seul et même objet. Il s'en réjouissait et cela faisait sa journée. Il rentrait et il se couchait après un petit dîner copieux.
Clap Clap. Ce bruit ne comptait pas le laisser s'adonner à sa routine monotone. Pas de dîner, pas de repos, mais juste un rythme.
Clap Clap, mais qui peut bien produire ce son étrange ? Il est mystérieux, si bien qu'Aishuu essaie de le reproduire en clapotant sa langue contre son palais. Mais il n'est pas satisfait, le bruit n'est pas conforme à ce qu'il attendait. Brusqué dans ses pensées une silhouette familière se dessine à l'embouchure du croisement. Tandis que l'on entend encore les enfants partir les larmes aux yeux chez eux (même s'ils n'en ont pas), des pas lourds et sévères résonnent. Ils viennent perturber le flux incessant d'idées chez Aishuu. C'est pour lui comme un tambour, une alerte.

Boum Boum. Il s'approche et se moque. Il s'exaspère même d'Aishuu. Le jeune apollon se sent coupable comme un chat qui vient de faire dans sa litière. Il baisse les yeux et suit son frère comme un enfant pourrait suivre sa maman. Il saisissait le fait qu'il devait le suivre, que c'était important. A vrai dire, son frère Genshi, avait des mimiques trop marquées pour qu'il puisse mentir alors lorsqu'il finit d'applaudir pour parler, Aishuu compris que c'était pour couper court à tout cela et qu'il fallait se presser pour quelque chose de plus important. Après... la raison du pourquoi, cela ne lui important que trop peu. Ils avancèrent pendant de longues secondes où Aishuu tentait à nouveau de reproduire ce sssson qu'il avait émis au départ, mais il n'y arrivait plus. C'était perdu ou peine perdu comme on dit. Il essaya alors de claquer sa langue contre son palais, mais toujours rien. Il tapa alors de rage les pieds au sol et la révélation se fit.
Boum Boum. Ce bruit lui plaisait énormément. Pas plus que ce sifflotement silencieux et incessant qu'il ne s'arrêtait jamais d'émettre auparavant. Il s'était lié d'affection avec ce son. A nouveau, le fil de ses pensées lui fut dérobé lorsqu'il se présenta, avec son frère, devant une magnifique secrétaire ornée d'une paire de lunette et d'un insigne caractéristique des hautes sphères de Suna. Il inclina la tête comme signe de respect et attendit la suite. La jeune femme les dirigea vers le bureau d'un certain Kotetssssu.

Enfin, il avait renoué les liens avec sa consonne. Elle lui tenait à coeur celle-ci. Alors, fier de lui, il souriait et paraissait absent face à tout ce qui se disait entre l'homme et son frère. Il s'assit, car Genshi en fit de même, puis il fixa le front de l'homme en face. Il eut envie de rire, car lorsque le vieux responsable parlait, son front créait une sorte de grosse onde qui provoquait un semblant de vague de rides. Il ne put rire lorsqu'il croisa le regard sévère de son frère. Stoppé net dans sa lancée, il se leva et parti. L'ordre de mission avait été donné, ils devaient arrêter un voleur. Ce qui était sûr, c'est qu'Aishuu le connaissait. Il savait alors immédiatement à qui s'adresser, ou du moins c'est ce qu'il croit savoir alors que Kotetsu l'avait spécifié et noté sur l'ordre de mission.

Ils marchèrent alors dans la ville et se dirigèrent proche du quartier nord de Suna.



Aishuu pénétra dans le petit commerce du marchand. Assis derrière son comptoir, il voulut d'abord réaliser milles et une révérence, mais Aishuu le stoppa en portant sa main dans la sacoche où il détenait diverses armes. « Pas de lèche ma pèche ! » Et il éclata de rire. Il ne pouvait s'en empêcher, ses jeux de mot le faisaient pleurer de rire. Le marchand était décontenancé devant cette situation impromptue. Il attendit. Et ce ne fut que lorsqu'Aishuu eût fini de rire et de répéter sa consonne que l'interrogatoire commença.










Aishuu qui n'écoutait pas ce que le vieil homme disait avait saisi une tasse posée là sur le comptoir. Il la parcourait de long en large, mais à la dernière réponse de l'homme il resserra son étreinte sur l'objet et finit par le briser. Il dut souffler un bon coup pour éviter la catastrophe et Genshi semblait lui-aussi l'avoir compris. Aishuu sortis et lâcha un « Tsss » comme pour prouver son mépris et son orgueil en un seul mot. Mais voilà qu'il fut reprit de son toc.



La journée serait longue pour les Kurusawa. Ils reprirent le chemin en direction du centre, lieu où ils pourraient sûrement croiser pas mal de témoins potentiels.

D’ailleurs, je ne comprends même pas pourquoi on s’attarde sur ça. Pourquoi on se donne toujours le temps de perdre notre temps ? Classe comme question, il faudrait que je la pose à Genshi un jour. NON, IL NE M’ÉCOUTERA PAS. Pourtant il m’a laissé faire avec ce marchand ! Tu rigoles ?! Il a pris en main la fin de l’interrogatoire, sinon j’allais le tuer ! Pas faux…


Splendide soirée si je me souviens. Sûrement que Genshi était là, c’était lui c’est sûr. Cependant, je ne saurais dire s’il a apprécié cet instant si concis. C’est fou ce qu’il est si inexpressif. Ça n’a pas toujours été le cas. Il était d’ailleurs sacrément salaud quand on se battait étant gosse. Aucun respect des règles que j’instaurais. ON N’EN AVAIT PAS. Si ! On avait cette règle qui stoppait l’assaut si l’un de nous était au sol. Sauf que lui, il en profitait pour achever avec une tonne de coups de pieds dans le ventre. C’est maintenant que je prends conscience. Je ne sortais jamais victorieux de ces escarmouches.

Des gamins. Pas tant moins âgés que nous en fait. Mais ils ne savent pas se battre, c’est donc des gamins. Je suis fort en logique, c’est indéniable.
Mon frère pris alors le soin de questionner les individus en leur tendant un piège comme il le faisait si bien. Cet homme était un fin stratège qu’on ne saurait vaincre aux échecs. Nous ne sommes pas si différents, mais moi on m’appelle son brouillon. Pourtant … Il est sorti avant, ça n’a aucun sens. Quoi qu’il en soit, il obtient les réponses qu’il veut. Cette force de persuasion qu’il détient en lui m’avait pratiquement fait avouer une description de la personne qui avait fait tout cela, alors que je ne la connaissais même pas. On lui avouerait n’importe quoi et n’importe quand. Fidèle compagnon de mon frère, je me languissais à ses côtés au fur et à mesure du temps que nous marchions. J’étais à court d’inspiration. Où pouvions-nous trouver de nouveaux renseignements dans une cité aussi grande que Suna. D’après mes calculs, nous n’aurions pas fini la mission que le village serait déjà détruit. En temps de guerre, il est normal de voir ses intérêts menacés mais de là à nous dire d’investiguer sur un dossier si …. Vide !

Il ne s’en est pas rendu compte ou il le fait exprès ? C’est pourtant clair, c’est moi ! Y’a pas quarante mille personnes qui ont mon air d’idiot niais. NON, J’AIME SOURIRE. Soit, mais il reste toujours le principal problème : il va falloir avouer. Je vais le faire. NON, C’EST A MOI DE LE FAIRE. Qu’importe après tout ?! Que ce soit moi ou moi, ce sera dit. Bien alors je m’en occupe. PEU IMPORTE, MAIS NON, C’EST MOI.

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Brutalement, alors que les deux frères marchaient, Aishuu s’arrêta. Plus un bruit n’émanait de lui et c’est comme s’il semblait réfléchir longuement. Finalement, il prit la parole de manière aussi audible qu’il pouvait, comme à son habitude, il fit exprès de ne pas parler fort pour qu’on le fasse répéter.



Il dut alors répéter.



Si toute cette histoire était vraie, il allait falloir trouver un coupable autre que le jeune Kurusawa et le faire passer pour le véritable délinquant. En bref, la mission était presque conclue. Si c’était le cas, Aishuu ne tarderait pas à aller jeter un coup d’œil autre part. On lui dit souvent d’aller voir ailleurs et ce jeune crédule le fait, pensant qu’il y a plus important que ce qu’il observe jusque-là.