Le kakumeigun était une organisation fondée par les bâtisseurs de Suna. Cette organisation remplissait parfaitement son rôle mais durant ma direction de cette unité je pus m’apercevoir que ses membres ne pouvaient pas tout faire. Ils pouvaient s’occuper de repérer les menaces extérieures au village, d’arrêter les dissidents agressifs, ils pouvaient protéger Suna. Mais lorsque le village se voyait ronger par des problèmes internes, des problèmes de corruption, de jugement ; personne ne pouvait agir, ni le Kakumeigun, ni moi-même. Agir contre le village pour sa sauvegarde s’avérait de plus en plus vital, de plus en plus nécessaire. Je me doutais que si jamais une telle situation venait à arriver, qu’un tel ordre soit donné au Kakumeigun qui œuvre pour le village d’une part, pour le Kazekage et le conseil d’autre part ; cet ordre ne serait pas comprit et engendrerait plus de problèmes qu’il ne serai sensé en résoudre, sans parler de l’opinion et de l’image que renverrait le village et son dirigeant au reste du monde. Je dû alors trouver une solution, trouver des hommes assez dévoué et ouvert d’esprit pour comprendre cette dimension.

J’avais passé plusieurs jours, journées et soirées, à étudier des dossiers et des fiches profils. Plusieurs noms étaient ressortis de ce filtrage poussé. Je devais faire attention aux personnes à qui j’allais parler de ce projet. J’avais des prédispositions pour présenter ce genre d’affaire, les gênes de ma famille sans doute. J’étais capable de mener plusieurs fronts, je porter plusieurs masques. Comme j’en avais fait part à Kioshi, lequel n’avait certainement pas tout compris à mon avis, j’étais un mélange, plusieurs visages. Je pouvais revêtir l’habit du Kazekage, celui d’une guerrière sans pitié, d’une amante, d’une diplomate ou de l’Ecarlate. Oui plusieurs personnes en une, et ce n’était pas pour autant un symptôme d’une quelconque maladie mentale telle que la schizophrénie, non, plutôt quelque chose oscillant entre l’obsession et l’autodidactisme ou le caméléonisme. Peu importait, j’avais fait venir trois Sunajin dans mon bureau, ceux qui correspondaient le mieux aux personnalités que je cherchais.

« Ketsueki Onika, Akuzu Inabi et Kawaguchi Kajirô. Vous vous demandez certainement la raison de votre présence ici ? Je ne vais pas palabrer sur la sécurité de Suna, sur ce que représente le village etc. Je vous ai fait venir car vous de tout le Kakumeigun vous êtes les trois ninjas les plus dévoués et vous serez les plus à même de comprendre la situation. Il y a trois types de menaces qui pèsent sur Suna, externes avec les autres villages et tout ce qui ne se trouve pas sur le territoire de Kaze no Kuni, interne avec les désertion, les dissidents agressifs et les autres problèmes internes au pays ; ces deux menaces sont gérées par le Kakumeigun et les ninjas de Suna, la police. La troisième est moins visible, elle repose sur la politique, les jugements, les lois. Le chef du Kakumeigun, le Kazekage, le Seigneur et les conseiller gèrent cette partie. Néanmoins les participations, les implications et les choix de chacun forment parfois une menace pour le village en plus des espions et autres diligents. »

Je marquai quelques secondes de pause. Je les observais chacun leur tour, aucun n’avait sourcillé, certainement comprenaient ils déjà parfaitement de quoi je leur parlais. Aucun ne m’interrompit, alors je repris, la suite contenait la vraie raison de leur venue ici.

« Pour limiter cette troisième menace, j’ai décidé de créer une unité de surveillance et de protection interne de Suna. Cette unité aura pour vocation de tenir le Kazekage au courant des agissements des principaux intéressés, le conseil, les gros propriétaires, les chefs d’équipe, les instructeurs et toutes personnes pouvant avoir une influence sur une quelconque partie de la population de Suna. Lorsque l’une de ses personnes représentera une menace, l’unité devra faire part de ses observations au Kazekage, et seulement à celui-ci. Cette unité ne sera connue que de ses membres, elle n’aura pas de nom et sera pourvue de moyens empêchant l’identification de ses membres. Cette unité… N’existera simplement pas.»

J’arrêtai alors de parler pour jauger leur réaction, ils semblaient tout trois impassibles et cela ne m’étonnait pas vraiment, après tout ils étaient parmi les plus talentueux et efficaces de tout le Kakumeigun. Ils n’avaient pas forcément des faits d’armes exceptionnels, ni même un tableau de chasse inconcevable, non, ils étaient discrets, efficaces et précis, et paraissaient véritablement vouloir que le village perdure entre les âges, ils souhaitaient certainement le protéger de toutes menaces, de plus, j’avais été leur chef un temps, et c’est bien à eux que je faisais aujourd’hui le plus confiance, ils faisaient parties des rares à ne pas m’avoir jeté la pierre lorsque j’avais quitté Suna sous l’influence néfaste d’un homme qui était sensé ne plus exister.

« Ce que je voudrais savoir maintenant : Est-ce que vous êtes assez dévoués à votre village pour assumer tout ce qu’implique ce que je viens de dire ? N’hésitez pas à objecter, à me démontrer ‘’ma folie’’, mais je crois sincèrement que le village ne peut survivre sans une telle force tapie dans l’ombre et inconnue de tous. »

Comment allaient-ils réagir ?..

La plupart des shinobis qui seraient ici auraient perdu raison. Certains auraient été investis d’une fierté sans égale. D’autres se seraient cru devenir l’égal d’un dieu pendant un court instant. Tous auraient trouvé qu’il n’y avait peut-être pas meilleure récompense. Tous… mais pas Kajirô. Lui ne se demandait qu’une seule et unique chose : que faisait-il ici ? Ou plutôt en ces termes : que foutait-il ici ?

Il était entouré de deux des plus talentueux Sunajins, c’était la vérité. Mais le discours que Zanshi venait de tenir était tout sauf… intelligent. Ce n’était pas le texte en lui qui était ridicule, mais son contexte. Avait-elle seulement idée de qui elle avait en face d’elle ? Bien sûr, mais pas complètement. Des shinobis intelligents et surtout puissants il y en avait plusieurs à Suna, et beaucoup étaient déjà au Kakumeigun. Mais elle avait besoin de personnes fidèles, de véritables alliés. Et ça par contre… c’était la mauvaise pioche.

─ J’ai compris ton speech Zanshi, mais je crois que t’as fait erreur dans l’casting…

Il n’eut pas à attendre longtemps pour voir le regard de ses deux voisins se porter immédiatement sur lui. Pouvait-il espérer meilleure preuve que ça pour ce qu’il allait dire ? Probablement pas. Dans tous les cas, il n’allait énoncer que la stricte vérité. Kajirô n’avait pas la langue de bois.

─ L’un a fait partie de l’équipe d’Araakoa Aare, qui avait tenté d’éliminer Raiu no Kenji. L’autre a initié et participé à une traque contre vous lorsque vous aviez fui le village. J’prétends pas que mes deux camarades ont commis des erreurs, mais en tout cas si tu cherches des gens qui te soient fidèles, tu fais fausse route.

Il esquissa un sourire en voyant le mal à l’aise des deux shinobis qu’il avait à côté de lui. Ils auraient pu se venger en balançant des horreurs sur le Kawaguchi mais le problème était que l’unique question posée ici était celle de la sincérité. Et Kajirô était l’archétype de l’homme franc et direct. Il n’était pas le plus fin, le plus intelligent, le plus calme des Sunajins, mais il était le plus sincère.

─ D’ailleurs, en ce qui me concerne, sache que si j’avais été actif le jour où tu as fait ton boucan au village, je t’aurai traquée. Maintenant que tu es Kazekage les choses ont changées, mais mon devoir envers toi ne planera jamais au-dessus de celui que j’ai envers Suna. Et me sors surtout pas que Suna c’est toi : tous tes prédécesseurs avaient un secret et ont été finalement néfastes au village. Compte sur moi pour savoir si tu suis la règle.

Dévoué au Kazekage, oui. Dévoué au village, oui. Dévoué à Habashi Zanshi ? Non.

Après l'intervention du Kawaguchi, je scrutais un à un les trois ninjas présents devant moi. Je savais ce que chacun avaient fait par le passé et ce fut aussi pour cette raison que je les avais conviés ici. Ce qu'avait dit Kajiro n'était que la pure et simple vérité, que ce soit quant aux agissements des anciens Kazekage ou du Ketsuki et de la Akuzu. En fait, celui pour lequel j'avais le moins d'informations était celui qui soulevait le plus de questions. Était-il si droit que ça ? Je n'en savais rien, et à cet instant ce n'était pas mon premier problème, au contraire. Alors que j'allais prendre la parole pour expliquer mon point de vue, l'Akuzu intervint, elle semblait vouloir apporter quelques éléments, ou tout au moins se défendre face aux pseudos révélations du Kawaguchi. Je soupirai légèrement.

« Je n'ai fait que suivre les ordres du conseil! Je devais... »
« Peu importe, le passé appartient au passé. Je le savais, tu n'as rien à craindre. Tu as raison Kajirô, les secrets gardés par les Kazekage ont souvent conduit à des drames, mais seulement parce que leurs secrets étaient à la base ''néfastes''; un Furyou, un ennemi public, un fou et un autre manipulé. Quant à moi, tout ce que j'ai pu faire à l'encontre du village l'a été avant que je devienne Kazekage. Et ce secret ne vise pas à cacher quelque chose me concernant particulièrement, mais à protéger Suna de lui même. Je ne veux pas savoir si m'obéiras, mais si tu es capable d'accomplir des missions au sein du village pour lui permettre de de ne pas sombrer ? »

Quelque part je reproduisais le même shéma que les précédents Kazekage, mais comme je l'avais dit, ce que je prévoyais ne visait pas à détruire Suna, mais plutôt à l'assainir. Ce dont j'avais besoin, ce n'était pas nécessairement des ninjas les plus fidèles mais de ceux capables d'accomplir des actes d'apparence immoraux visant quelques éléments pour le bien de la communauté. Des ninjas que leur conscience ne limiterait, qui ne se poseraient pas des questions sur chacune de ses actions, et sur les ordres qu'on lui donnait. En revanche, Kajirô était certainement un peu moins maniable, et plus clairvoyant mais comme tout autre il ne demeurait pas irremplaçable. Je me demandais comme il réagirait au final, percevait-il la même chose que moi ? Avait-il vraiment compris ?

« Onika, Inabi, qu'en dites-vous ? »
« Je suis prête à tenir ce rôle. »
« Moi aussi. »
« Kajirô ? »