L'entretien s'était révélé fructueux, en un sens, mais surtout parce Yusuke avait parlé. Il avait apporté des éléments à Natsuki qui n'attendait rien en particulier, seulement des explications pour comprendre. Pas comprendre l'ancien Sabreur de Kiri en particulier, mais plutôt comprendre d'où la folie pouvait ainsi naître. Qu'est-ce qui poussait donc des ninjas à se retourner contre le monde, et à vouloir éradiquer celui des shinobis ? C'était trop simple que de croire qu'ils avaient simplement cela dans le sang, ou que cela venait d'une déception des attentes que l'on avait de la vie. Yusuke pourtant affirmait que dans son cas, c'était dans sa nature, rien d'autre, parce qu'il était un démon haineux qui n'aspirait qu'à détruire. Si le destin était encré dans les gènes de chacun, le Nara tatoué deviendra-t-il comme le Tranchoir Fantôme ? Certainement pas, il le savait. D'une part parce que la vie était faite de choix et non de fatalités, et de l'autre car s'il sombrait dans sa propre folie, il sera bien pire. Il ne sera pas question d'éthique derrière laquelle se justifier comme l'épéiste blond, ni de se donner de grands airs, juste de devenir un concentré de haine sans conscience ne se livrant qu'à la tentative vaine de satisfaire un besoin inextinguible de sang, de violence et de destruction aveugle. Entre Meteora, lui, et maintenant Yusuke, Konoha commençait à devenir une véritable foire aux monstres...

Il aurait pu dire tout cela au prisonnier, lui révéler qu'il n'avait encore rien vu de l'enfer dans lequel il croyait se complaire. Mais il avait préféré garder le silence, car il n'avait rien à gagner dans tout cela, sinon d'admettre sa propre faiblesse. Contraire à Yusuke, il refusait cette part de lui-même. Cela avait beau être son corps, ce n'était pas ainsi que son esprit avait été éduqué, pas plus qu'il n'aspirait à cette fin vers laquelle son sang semblait irrémédiablement l'attirer. C'est aussi pourquoi Natsuki avait refusé au Nukenin le combat proposé, aussi spirituel qu'il soit : il n'avait rien à lui prouver. Une fois encore, cette question revenait : qu'aurait-il eu à gagner dans tout cela ? Révéler son potentiel militaire, ses stratégies, voire la bête qui attendait tapis en lui le moment de prendre le contrôle de ses muscles ? C'était stupide. Qui plus est, le Nara tatoué ne se battait pas pour cela. Il ne combattait que pour deux raisons. La première était simple : c'était pour son Village. Sa vie était en jeu, et il devait prendre celle des autres pour mener à bien ses assignations confiées. Un acte dans lequel il ne prenait aucun plaisir, mais qu'il exécuté sans la moindre hésitation car il le savait nécessaire – ou jugé comme. La seconde raison lui était bien plus plaisante, car elle consistait à se mesure à l'autre dans le seul désir de progresser. Ce n'était pas affrontement à mort, mais belle et bien une jouxte amicale et consentie où chacun se donnait à fond pour lui-même, mais aussi pour son adversaire. Éprouver les limites de son corps, de son entrainement, sa marge de progression, et les confronter à la réalité, les opposer à quelqu'un dans le même état d'esprit. Les coups s'échangent, les blessures se font, mais cela reste un combat fondé sur le respect de l'autre où l'on ne recherche qu'une seule chose : pousser son adversaire à investir le meilleur de lui-même, pour qu'à l'issu de l'affrontement chacun en ressorte grandi.

En résumé, Natsuki ne se battait que par plaisir, ou par obligation. Yusuke ne lui avait ni proposé le premier, ni n'était en mesure de lui contraindre le second. C'était donc sur son refus qu'il avait quitté les geôles de Konoha pour se rendre chez lui. Après la chaleur étouffante de la prison, l'air frais était agréable sur sa peau. Pendant un bon moment, il était resté à contempler le ciel depuis sa fenêtre, l'air pensif, à réfléchir encore aux paroles du Nukenin et à les mélanger au reste de ce qu'il savait déjà. Il accordait au moins un point au blond : en retirant tout ce que ce dernier cherchait dans ce combat, il aurait pu être intéressant de se mesurer à lui sur le plan personnel. D'une certaine façon, Natsuki en était capable. En se basant sur ce qu'il avait vu pendant la guerre, et sur ce que ses étudiants lui avait rapporté sur la traque qu'ils avaient mené, il était tout à fait à même d'estimer vaguement la puissance actuelle de Yusuke, et de l'intégrer dans la simulation mentale d'un combat.

« Pourquoi pas ? » songea-t-il alors.

Il avait le temps aujourd'hui, autant le prendre, en attendant que son bras ai pleinement récupéré. Il s'installa alors en tailleur dans sa chambre, et ferma les yeux. Il commença par respirer lentement, et vida entièrement sa tête pour y dresser le nouveau théâtre qui allait bientôt s'y tenir : une méditation intense était sur le point de débuter. Son esprit se projeta loin, coupant toute sensation de son corps et de l'extérieur comme s'il le quittait pour rejoindre une autre strate d'existence. Un paysage brumeux se dessina, et la terre se forma, parcouru de longs sillons creusés. Le ciel n'existait pas ici, il n'y avait qu'un brouillard sombre que même la lumière du soleil ne semblait pas pouvoir traverser. Pour autant, il faisait jour, et la visibilité était clair. Il n'y avait rien pour se cacher ici, pas de relief ni de point d'eau. Ni le vent ni le froid n'osaient se manifester dans ce décors désolé où seuls deux hommes se tenaient. D'un côté, Natsuki existait, dans sa tenue et avec son équipement de combat classiques. De l'autre, une homme à la chevelure blonde que ses souvenirs et estimations avaient manifesté attendait.

Ici, dans ce lieu uniquement fabulé par le mental du Nara tatoué, Natsuki avait tous les pouvoirs, tous les droits et aucune limite. Mais la part rationnelle très poussée de son esprit bloquait toute divergence à la réalité, toute incohérence possible. Dans sa simulation actuelle, seul le '' vrai '' avait sa place.

Pour un affrontement imminent aussi réel que nature...

Arrogant et désirs de contrôle. Natsuki laissa les mots de son adversaire couler sur lui et ricocher avec autant d'impact qu'un caillou sur la montagne que le Sabreur redoutait tant. Il se fichait bien ce qu'il pouvait lui dire, tout comme il n'accordait quasiment aucun intérêt à ce que racontaient ses adversaires en général lors d'un combat. Quelque part dans son esprit, il entendait, mais les mots étaient inconsciemment traités, et s'il n'en relevait rien d'utile, s'en débarrassait pour ne pas encombrer son cerveau. Lui ne se perdait jamais en paroles lorsque ce n'était pas nécessaire. Une seule chose comptait dans un affrontement de ce type, c'était la réussite de l'objectif final de la mission. Le reste n'était que superflue, et la sorte de transe dans laquelle il se plongeait pour se battre le prouvait bien. Comme si son esprit se fermait, il tuait en lui toute forme d'émotions et de sentiments, toute pensée parasite susceptible d'altérer sa froide réflexion et de faire dévier son poing. Il ne doutait plus de rien, pas plus qu'il n'hésitait à employer tous les moyens qu'il jugeait nécessaire pour arriver à la fin attendue. Deux seules choses passaient encore le filtre appliqué sur son cerveau : son expérience du combat, et l'analyse de tout ce qui se déroulait dans son environnement. Son instinct lui n'avait aucun soucis de frontière : il animait le corps en réponse au déroulement de la rixe bien souvent avant même que l'esprit ne comprenne pourquoi. Et pour tout signe extérieur, il n'y avait que le visage de Natsuki qui témoignait : des yeux dépourvus de vie dans une expression figée. Un reflet du néant où il n'y avait plus rien à lire. Ni haine ni compassion, ni peur ni douleur. A l'opposé diamétrale de la frénésie aveugle, il devenait un véritable pantin de combat dont les ficelles n'étaient tirées que par une seule volonté : celle du Céruléen.

Le temps avait cependant changé beaucoup de choses chez le Nara tatoué, et depuis l'éveil de son sang, le vide qu'il créait en lui pour se battre sans recule avait tendance à se voir rapidement comblé par sa malédiction qui flairait le moindre instant d'inattention pour reprendre le dessus et l'emporter sur ce bras de fer mental du quotidien. Le grand vide avant un véritable torrent de haine et de mort : la volonté de l'Autre. Une volonté à laquelle Natsuki refusera de céder jusqu'à ce qu'elle l'emporte à jamais.

Et ce genre d'endroits était justement là où il pouvait pleinement affronter la Bête et pousser son esprit à rejeter encore plus loin ses propre limites. Là où il cédait toujours plus de lui au chaos afin de lui montrer qu'il était capable de le dompter. C'était se mentir à lui-même, car il savait qu'il ne faisait que repousser l'inévitable. Ce qui ne saurais être repoussé par contre était le début de cette simulation : il était grand temps de bouger les premières pièces sur l'échiquier. D'une série de mudras rapides, Natsuki mima une technique alors qu'en réalité, celle-ci n'en nécessitait aucun : tout se passa dans ses yeux, alors que d'un regard sur Yusuke il projeta son genjutsu. Une nappe d'un épais brouillard sanglant s'éleva du sol, et s'épaissit rapidement jusqu'à ce qu'il soit à peine possible de distinguer sa main en la tendant. Du moins, pour un seul des deux, car cette brume n'avait rien de réelle : elle n'existait que dans l'esprit de sa cible dont le cerveau était victime d'un léger court-circuit.

Si l'illusion ne présentait aucun aspect offensif direct, elle permettait en revanche d'en mener bon nombre à terme, ce que le Céruléen ne se priva pas d'essayer d'en faire la démonstration. En position de combat, il ramena immédiatement ses mains à sa hanche droite, et concentra une '' balle '' de vents cinglants de la taille d'une tête entre ses doigts. Véritable concentré de rafales mises sous cloche n'attendant que d'être projetées pour libérer toute leur puissance, il ne se fit pas prier pour la lancer droit sur sa cible, que lui voyait très clairement. Puis un spasme de douleur le gagna, alors que la peau sous ses aisselles remua. Ses vêtements comme sa chair se déchirèrent brutalement, et firent place à deux excroissances qui prirent rapidement la forme de bras. Ils n'en avaient cependant d'humanoïdes que l'aspect général. Recouverts sur toute leur longueur d'une étrange matière sombre et irrégulière ressemblant vaguement à des écailles, les muscles semblaient rouler en dessous à chaque mouvement. Les mains terminées par de petites serres se levèrent, et empoignèrent de leurs doigts avides de sang les deux tonfas rangés dans les attaches dorsales de Natsuki.

Après cette mise en bouche, le combat pouvait battre de son plein. La folie aussi.

Spoiler:

L'attaque de Natsuki porta en pleine cible. Yusuke, prit dans le brouillard, avait son attention occupée à le dissiper et se retrouva frappé en dans le torse, où les rafales de vents cinglants firent leurs ravages. Sous le coup de la douleur, il en fallait pourtant davantage pour arrêter celui qui se prétendait l'incarnation de la haine. Pas beaucoup plus, mais il en faudra, et le Céruléen était prêt à lui en donner autant que nécessaire, et même davantage encore. Il se prépara à charger à travers les sabres brandit de son adversaire, puis son instinct l'arrêta, il se tramait quelque chose. C'était déjà trop tard : il se retrouva tailladé de multiples coups, l'épéiste étant déjà sur lui alors qu'une fraction de seconde plus tôt, il se tenait encore à distance.

Que c'était-t-il passé ? Le Nara tatoué eu sa réponse après quelques tranches : son corps refusait de bouger. Avec le recul, il avait vu, ou plutôt sentit que Yusuke s'était rué sur lui, probablement plus rapidement qu'aucun autre jusqu'à ce jour, mais ses réflexes conditionnés avaient perçu quelque chose. Jusqu'à présent, son corps s'était toujours permit lorsque nécessaire de faire circuler les informations vitales de ses sens aux muscles sans passer par la case cerveau au préalable, une perte de temps inutile qui lui aurait trop souvent coûté la vie autrement. Ce n'était souvent qu'après coup que Natsuki comprenait ce qu'il venait d'éviter. Mais là, rien. Alors même qu'il tentait d'accompagner les estocs et tranchants des sabres qui le harcelaient, il ne pouvait que se rendre compte qu'il était figé sur place, comme une statue de cire. Mais pas question qu'il reste ainsi : ce serait signer son arrêt de mort.

Il céda alors du terrain bien plus vite qu'à l'accoutumé aux pulsions de destruction qui brûlaient dans ses veines, son esprit se débattant pour ne pas sombrer dans l'ouragan destructeur de folie qui battait de son plein en lui. Sa peau s'assombrit rapidement, recouverte entièrement d'une épaisse couche écailleuse qui se propagea et encaissa une partie de l'assaut. A de nombreux endroits, la grêle de coups de sabres qu'il subissait fit sauter des plaques entières de sa défense à peine formée, pour au final le laisser aussi démuni qu'au début, le corps plein de failles. Mais malgré les coups qu'il avait écopé, et les blessures en résultant, il s'en sortie mieux que s'il n'avait rien eu. Déjà une nouvelle couche se formait là où la matière manquait, mais elle était encore trop souple pour résister efficacement à des coups.

Le masque impénétrable de Natsuki se brisa très vite, pour laisser place à une toute autre expression. Là où trois instants plus tôt le néant semblait s'être fixé, c'était désormais un visage écailleux où se plantaient deux rangées de crocs d'ivoire et deux orbites sans pupille. Jusqu'à présent, les yeux du Cérulée n'avaient été que vides, comme dépossédés. Désormais, ce n'étaient plus que deux sphères injectées de sang où se lisait un désire ardant d'annihiler la vie elle-même. Un concentré de haine sous sa forme la plus pure ne désirant qu'une seule chose : laisser libre court à sa frénésie meurtrière. Plus qu'un besoin de tuer, c'était devenu une nécessité, une pulsion irrésistible pour laquelle il existait uniquement. La raison même de sa création. Le Nara tatoué n'existait plus derrière cette volonté de destruction, il n'était plus qu'un spectateur de l'Autre, un passager embarqué dans un corps dont il peinait à garder un semblant de contrôle.

Le monstre qu'il devenait ignorait combien de coups il avait encaissé, mais il s'en fichait, il ne voulait qu'une seule chose : détruire la misérable âme de mortel qui se dressait sur sa route, la plonger dans un tourment d'agonie qui fixera à jamais la terreur absolue sur le visage de son cadavre. Comme s'il en était capable... L'Autre n'y connaissait rien en terme de souffrance, et ne prenait aucun plaisir dans celle d'autrui : il ne savait qu'attaquer avec une sauvagerie primaire, déployer toute sa force pour tuer sans retenue et continuer à semer un carnage aveuglément autour de lui.

Dès que son corps le lui permit, ses quatre bras lâchèrent tout ce qu'ils tenaient et s'agrippèrent avec une force nouvelle au sabreur avant qu'il ne s'en aille. L'espace d'un instant, le temps se figea, durant lequel des volutes de fumée ardentes s'échappèrent de la gueule du monstre, et qu'une promesse de mort se refléta dans ses yeux aveuglés par la haine. Puis la réalité reprit ses droits. Les deux mains principales avaient saisit les bras, les deux suivantes frappèrent avec force dans l'abdomen pour faire ployer Yusuke et le projeter au sol. Mais c'était loin d'être fini : l'Autre n'avait pas encore lâché prise, et n'y comptait pas.

Une véritable forteresse d'écailles se hérissa sur son corps, innombrable aspérités tranchantes qui labourèrent la chaire de sa victime alors que Natsuki remuait dans tous les sens dans cette lutte sanglante. Il disposait d'assez de membres pour maintenir le sabreur au sol, et le ruer de coups chaque fois qu'il en avait la possibilité, enchainant les frappes de la tête sur son visage balafré et les crochets dans ses côtes meurtries. Il pouvait continuer jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une carcasse réduite en lambeaux du déserteur si ce dernier ne faisait rien.

ROUND 2:

Le Céruléen s'agitait avec force, emporté par sa frénésie qui lui permettait à peine de distinguer ce qui était vivant de ce qui ne l'était plus. Plus rien n'existait pour lui, si ce n'était le besoin de détruire et tuer. L'ombre qui se reflétait dans les ténèbres de son âmes était celle d'une bête aux yeux aveuglés par la haine, et elle avait besoin de sang. Elle en était couverte lorsqu'elle se releva, ne laissant du défunt Yusuke qu'un corps vaguement humain et déchiqueté. Elle poussa un long cri de frustration à l'attention du ciel qui déchira le silence, puis le monde s'étiola autour de lui, comme un dessin de sable soufflé par les vents : la simulation était terminée, ou presque.

Ce n'était pas vraiment terminé, tous les champs de possibilités n'avait pas été explorés. Il n'y avait que dans la réalité qu'une seule victoire suffisait, et son résultat était irrévocable. Ici, tout était rejouable à l'infini, tant qu'il le désirait. Mais ce n'était pas un jeu pour lui, c'était un moyen, une nécessité pour entrainer son esprit à dompter les pulsions de l'Autre qui le harcelaient en permanence, et à supporter les métamorphoses physiques lorsqu'il laissait la souillure l'envahir. Une erreur de son corps de chair et de sang, et c'était sa conscience qui sombrait à jamais dans des abîmes insondables.

Il ne fallait pas se laisser leurrer par sa carrure de sabreur, le nukenin savait se battre à distance aussi, Natsuki l'avait apprit de ses élèves. La seconde simulation d'affrontement qu'il opéra dans son esprit incorpora cet aspect : en supposant qu'un Yusuke 2.0 existe, il ne tentera plus le corps-à-corps de front. L'esprit logique du Nara tatoué s'arrêta là, sa conscience se scinda à nouveau en deux, il jouait à plateau couvert contre l'incarnation de souvenirs qu'était son adversaire spirituel.

Yusuke prit la tête de l'assaut cette fois-ci, comprenant qu'il ne valait mieux pas lui laisser l'opportunité de combler la distance qui les séparait. D'un bond, il s'éleva dans les airs, en réponse à quoi Natsuki plia dans les jambes, prêt à bondir. Mais l'assaut ne vint pas, le sabreur se contentant simplement de disparaître à son nez et à sa barbe. Instinctivement, le Céruléen se jeta en avant dans un roulé boulé, de crainte qu'un projectile ou quoi que ce soit d'autre ne le percute. Ne jamais rester sur place était la base dans un combat, à plus forte raison maintenant qu'il avait perdu de vue son ennemi. Il se campa sur ses pieds à la réception, et balaya en tout sens du regard les environs, à la recherche de Yusuke. Il ne pouvait pas être dans le sol, car il avait bondit, et il concevait mal qu'il puisse prendre assez rapidement appuie sur l'air pour se propulser où que ce soit. Au plus logique, le sabreur était donc bel et bien devenu invisible. C'était d'une part mauvais pour Natsuki qui n'avait pas de prédisposition naturelle pour la sensorialité, et c'était pire de l'autre, car le nukenin était trop dangereux pour qu'il puisse se permettre de le perdre de vue sans conséquence. Il fallait qu'il le débusque, et il avait justement les moyens de le faire. Cela allait lui coûter cher en énergie, mais les morts n'avaient en général plus le loisir de la dépenser...

Un nuage de cendres le rua soudainement, jaillissant sans avertissement hors du néant. Cela ne changea rien à son affaire, la compliquant seulement. Le Céruléen grilla son atout, et déploya autour de lui une formidable concentration de chakra presque instantanément. Technique mêlant défense solide et redoutable offensive, il se préserva de la nuée ardente en déclenchant un maelström. Point central d'un cercle au diamètre impressionnant, son corps libéra le vent dans sa forme la plus sauvage pour que s'élève une véritable tornade de rafales cinglantes arrachant et tailladant tout ce qui avait le malheur de tomber sous leur courroux. Si Yusuke était quelque part autour de lui, alors il était bon pour revivre le manège à sensations qu'il avait découvert durant la guerre. Sauf que cette fois-ci s'ajoutaient les cendres ballotées en tout sens par les vents. Elles étaient bien diluées dans l'ensemble du volume d'air, mais toujours présentes, et Natsuki n'ignorait pas leur potentiel létal : il ne pouvait rester sur place une fois sa technique terminée. Prenant une dernière inspiration tant qu'il le pouvait encore, il composa ses mudras aussitôt que les vents se calmèrent. Le sol parut alors fondre sous ses pieds, tandis que lui s'y enfonça rapidement tel un bateau sombrant après naufrage. La terre se referma sur lui à l'image de d'une bouche affamée, et ne laissa aucune trace de son passage.

Quelque part sous terre, à quelques mètres sous le lieu de vie des habitants du monde du dessus, Natsuki se déplaça à grand renfort de brasses coulées. Il ignorait ce qu'il se passait à la surface, mais il savait qu'il devait se trouver bien plus loin que là où il s'était enfoncé lorsqu'il émergera s'il tenait à se préserver des cendres.

spoiler:

Quatre bras jaillirent hors du sol et tractèrent le reste du corps à la surface. Prudent, Natsuki prit soin d'inspecter d'un coup d'œil l'air qui l'entourait avant de se permettre d'inspirer une bouffée d'oxygène. Le champ était toujours aussi désert, il n'y avait que lui planté au milieu, si l'on pouvait vraiment parler de centre : la brume bloquait la vue à distance, mais ce monde s'étendait probablement à perte d'horizon. Il fallait qu'il perce Yusuke à jour, sans quoi il ne s'en sortira jamais. A moins qu'il était mort durant la tempête ? Difficile à dire, normalement son corps aurait dû redevenir dans ce cas là, suite à l'arrêt de la circulation du chakra. L'invisibilité était une vraie plaie, mais Le Nara tatoué avait peut-être une solution pour se fixer.

Il commença par faire durcir à nouveau son épiderme, en laissant le fluide noir le recouvrir comme des tâches d'encres jusqu'à aboutir à une armure aux contours irréguliers et clairsemée de reliefs hasardeux. Il n'appréciait pas beaucoup se servir des dons de son sang maudit, car il considérait cela comme un abandon de sa personne, de baisser les bras dans cette lutte contre l'Entité qui l'habitait, mais il ne pouvait nier le pouvoir qu'Elle lui apportait. Yusuke avait raison sur ce point : la haine rendait plus fort. Même si ce n'était pas la sienne, elle renforçait ses aptitudes. Le revers de la médaille existait pourtant : elle le consumait. Au final, cela ne faisait que retarder l'échéance, troquant une mort immédiate pour une perte de son humanité, une lente descente vers une métamorphose bestiale définitive. Le pouvoir était grisant, mais l'on avait tôt fait d'y succomber et de s'en brûler les ailes.

Natsuki s'entrainait quotidiennement pour devenir meilleur, mais surtout pour ne jamais être tenté de se reposer uniquement sur sa malédiction. Moins il y succombait, et mieux il se portait. Malgré cela, il en avait besoin actuellement. Il savait sa carapace à l'épreuve des assauts, et espérait qu'elle résiste assez pour lui permettre de localiser son adversaire. Il avait vu le nuage de cendre, ce qui signifiait que même si le corps de sa cible était invisible, il pouvait au moins voir les assauts autre que physiques arriver : avec sa défense érigée, il pouvait compenser un minimum son handicap, ou tout du moins, ne pas subir pleinement son désavantage. Mais sa stratégie ne reposait pas là dessus : tout commençait seulement maintenant. Alors qu'il se recouvrait comme lors de son premier affrontement de sa sombre carapace qui semblait davantage taillée pour un démon que pour un homme, il composa une succession de mudras rapide. Une légère brise s'éleva alors, et se dispersa dans le ciel. Sans effet immédiat, il était nécessaire de regarde en l'air pour comprendre : de nombreux nuages se rassemblèrent au-delà de la couche brumeuse qui tapissait le royaume des cieux, et commencèrent après quelques secondes à déverser une pluie torrentielle.

Le rinçage glacé n'épargna personne, et malgré la désagréable sensation qui résultait d'être trempé jusqu'aux os, Natsuki espérait tromper la dissimulation du sabreur.